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Le Dico de la LTE - Chapitre 09

Ça fait des bulles.

mercredi 25 février 2004, par Jarod

A force de me disperser dans toutes les directions dans la LTE (critiques d’épisodes de X Files, One Shot sur Profit et bien sur ce dico) je suis sec, vide, sans la moindre inspiration pour ce chapeau. Je sais c’est dur mais il va falloir vous y faire, cette fois ci point d’envolée lyrique, d’humour ravageur, ma prose est en panne. En plus il me faut parler d’un genre que je connais si mal, le soap opéra.

La définition

Soap-Opera : n/m - Série fleuve. Ces programmes racontant des histoires sentimentales interminables se déroulant dans des lieux exotiques (hopital, villa de milliardaire, mines de charbons, non pas mines de charbons).

Gare aux romans

Chercher dans les genres “nobles” des origines au Soap n’est pas un boulot plaisant. Il faut aller voir du coté des romans de la collection Arlequin, des oeuvres de Barbara Cartland ou des romans photos, rien de bien noble dans tout cela. Avouez qu’à moins d’être totalement désespéré, dépourvu de la moindre once de bon goût, ou complètement fou, jamais vous n’y jetteriez un oeil, alors pourquoi devrais-je le faire.

Lave plus blanc

Le Soap-Opera tire son nom des programmes radiophoniques diffusé pendant la journée dans les années 50’, 60’ qui étaient sponsorisés par des marques de lessive, et destinés aux ménagères américaines. Quand la télé s’est imposé ces programmes sont venu s’installe durablement sur le petit écran. Le scénario de ces séries tourne toujours autour des mêmes thèmes : intrigues amoureuses sans fin, rivalités entre docteurs/avocats/hommes d’affaires (rayer ou non la mention inutile), affaires de familles complexes.
Ce principe déclinable à l’infini donne lieu à plusieurs type de soap.

Avec ou sans adoucisseur.

Le Day Time Soap
La liste serait longue s’il fallait cite tous les Day Time Soap existant ou ayant existé, tout aussi longue que les histoires qui y sont contés. Les Feux de l’Amour (pour en savoir plus sur ce soap je vous conseille la lecture du “Nanars et Navets” de Bubu), Amour Gloire et Beauté, Days Of Your Life (dans lequel Joey Tribiani joue le rôle du Dr Drake Ramoray, et que regarde religieusement le Dr Cox, c’est dire s’il à une place de choix dans cet univers impitoyable) qui n’a pas vu au moins un épisodes de ces interminables séries, un matin malade blotti sous la couette, un lendemain de fête avachi sur le canapé, l’esprit en roue libre. Pas besoin d’avoir vu l’ensemble des épisodes pour “apprécier” les intrigues, les décors à 2€, le jeu des acteurs très actor studio, les costumes kitsh et les coiffures improbables.
Pour ma part j’ai une tendresse particulière pour un soap apparu sur nos écrans il y a bien longtemps. Souvenez vous, TF1 venait d’être privatisé et dans sa volonté d’offrir un mieux disant culturel elle nous proposa Santa Barbara. Nous goûtions enfin aux plaisirs du soap, du vrai du pur( et surtout de ne plus être obligé de suivre les actualités régionales). C’était le bon temps.

Le Night Time Soap.
Le Soap est un programme habituellement réservé à la journée pour occuper la femme au foyer pendant ses longues heures d’inactivité. Plus grand, plus beau, plus fort est apparu le Night Time Soap. Programmé en prime time, au milieu d’autres séries prestigieuses, avec un budget plus important autorisant des tournages en extérieur, des décors grandioses, et des scénarii encore plus outranciers.
Deux exemples parfait du genre sont Dallas et Dynastie. Le premier ouvrit la voie au genre. Il était enfin possible de mettre à l’antenne un soap le soir, et faire de l’audience. Dallas reprend les mêmes recettes que les productions de la journée, sexe, pouvoir, trahison, rebondissements (ah le retour de Bobby), en y ajoutant une nouvelle dimension grâce à ses personnages “bigger than life”, et surtout en rendant le soap “regardable” par toute la famille. Succès planétaire, y compris en France où la série s’installa pendant de longue années le samedi soir sur TF1 (mêmes les hommes politiques avouèrent le regarder assidûment).
Si vous aimez Dallas, vous adorerez Dynastie. Tout était encore plus fort, plus grand ; Les personnages plus riches, plus mesquins, plus excentriques. Les décors plus grandioses, et plus kitsch, les coiffures plus “choucroutées”. Avec la sublime Joan Collins en tête de casting, Dynastie outrepassait les limites du mauvais gout sans aucune reserve, pour notre plus grand plaisir.

Les Teen Soap.
Après avoir régné sur les années 80’ les soap mettant en scène ostensiblement des gens riches, arrogants et sans morale dans des séries comme Dallas, et Dynastie, les producteurs à l’orée des années 90’ changèrent leur fusil d’épaule pour s’adresser à un public plus économiquement rentable : les ados. Beverly Hills était né.
Ils sont jeunes, beau, riche bien entendu. Leur principale préoccupation n’est pas le prochain devoir de maths ou d’histoire, mais de savoir comment se faire inviter à telle ou telle soirée forcement exceptionnelle. Loin d’être inoubliable Beverly Hills aura au moins une qualité, en plus d’avoir réussi à faire passer des acteurs trentenaires pour des ados, avoir donné naissance à Melrose Place, le plus déjanté des Soap. Outrancière, ne reculant devant aucune bassesse ou facilité scénaristique, offrant les plus beaux rebondissements, les personnages les plus amoraux, les plus belles caricatures, et surtout dépassant avec une belle constance les frontières du bon goût, Melrose Place s’est érigée comme la série la plus jouissive de son genre des années 90’. Un guilty pleasure certes, mais un bon.

Le Soap Noir.
Il est facile de se moquer du soap, d’en faire des parodies (les humoristes de tout poil ne se sont pas gênés) mais arriver à reprendre ses codes, ses tics, et en faire une des meilleures série des années 90’, il faut être très fort. Ou s’appeler David Lynch.
Twin Peaks est plus qu’une série policière (comme nous l’a présenté en son temps feu La 5), plus qu’une série fantastique, plus qu’une sérei comique, c’est à la fois tout cela, et en plus, et surtout, un Soap Noir. La totalité des figures obliges du soap, la garce magnifique, l’entrepreneur véreux et impitoyable, les couples illégitimes, la veuve joyeuse, les beaux jeunes gens, etc.... Les intrigues sont tout aussi alambiqués et interminables que dans les soap traditionnels. Ce qui transcende tout cela c’est l’atmosphère. Nous ne sommes pas sous le ciel bleu de la Californie ou du Texas, mais dans les sombres et humides foret du nord, à la frontière du Canada. Pas question de pétrole, mais de scierie, point de surf mais... pas grand chose en fait. Twin Peaks va porter un regard quasi microscopique sur ce microcosme grâce à l’arrivée de Dale Cooper, l’agent du FBI, chargé d’enqueter sur le meurtre de Laura Palmer. Ici tout le monde, même les plus purs des personnages, à un secret à cacher, tout le monde est capable du pire. Ajoutez à cela meurtre, trafic de drogue, réseaux de prostitution, enlèvement, et vous aurez un vrai soap noir. Jamais parodique (en dehors d’Invitation à L’Amour, le soap que regardent les habitants de Twin Peaks) mais sachant parfaitement user des règles et des recettes pour les sublimer, Twin Peaks est un diamant dans la production de l’époque. Un diamant noir bien entendu.