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2.11 - Natasha Charles
Les yeux de la vie
jeudi 1er septembre 2005, par
Voici le titre le plus proche de la nullité absolue et crasse qu’il me sera donné de poster. C’est que pour cet épisode, la série flirte dangereusement avec le mélo larmoyant. Mais le fait-elle vraiment ?
La série va t-elle dans le mur ?
L’épisode commence avec une ravissante jeune femme qui se présente dans le bureau de McNamara/Troy. Elle enlève ses lunettes, et la vérité apparaît : elle est aveugle. Elle fait donc confiance aux deux associés pour dire ce qui ne va pas chez elle.
Christian dit qu’à part les yeux, tout va très bien chez elle ("you’re a 10" est son expression exacte). La mission du jour sera donc de trouver des nouveaux yeux à Natasha. Mais au fur et à mesure du déroulement de l’épisode, un arrière-goût bizarre se développe. Le médecin occulariste tient à rassurer Natasha, et explique le procédé du dessin des globes oculaires, leur solidité, leurs propriétés, le fait d’avoir une similitude frappante avec de vrais yeux... Alors que la série a toujours décrit les médecins-et à plus forte raison les autres chirurgiens- comme des bouchers désintéressés, froids et cyniques, il est surprenant de voir un occulariste aussi sympathique et passionné par son travail.
Ouaip, quelque chose ne va pas.
En fait, c’est sans doute le personnage de Natasha Charles, certes interprété correctement par une Rebecca Gayheart resplendissante. Ecouter ses explications sur l’absence de peur de l’inconnu, le besoin d’être considérée comme normale, son culot, tout ça est sans doute très joli, mais ça sonne très cliché aussi. Le propos est certes de raconter une histoire touchante pour dire que la chirurgie esthétique ne sert pas qu’à fabriquer des poupées gonflables ou réparer des imperfections gênantes, mais qu’elle est capable de vrais petits miracles.
Mais la deuxième partie de l’épisode bascule dans le mélodrame fleur bleue et larmoyant. Après avoir foiré un rendez-vous avec un aveugle suite à une annonce sur Internet (quoique, la série a évité la storyline du violeur sur ce coup), elle réussit à séduire ce coeur de pierre de Christian. En effet, si elle ne réussit pas à voir les gens, ses autres sens sont hyperdéveloppés (son odorat en particulier, elle est créatrice de parfums) au point de tout deviner des gens sans les voir.
Le problème c’est que cela ne nous apprend rien au niveau de Christian, je dirais même que son attitude est un peu étrange. Cela sert à montrer que Christian sait être un gentleman à l’écoute des femmes et qui a su acquérir une certaine maturité ? Oui, mais cela nous est déjà montré à la fin de la saison 1, lorsqu’il accepte la diplomatie avec Gina et assume entièrement son rôle de père, même pour un enfant qui n’est pas le sien.
Un revirement des rôles, alors ? Certes, mais l’éxécution est tellement lourdingue, de cette interminable scène sur un lit pourpre, auquel il ne manque que des pétales de rose pour basculer dans un téléfilm érotique de mauvaise facture jusqu’à la ch’tite larme de Christian qui a enfin pris conscience qu’il pouvait prendre soin de quelqu’un d’autre que lui... On a envie de crier grâce.
Heureusement tout ça est pardonné par l’autre storyline...
Une femme brisée
La première partie de la saison s’attardait principalement sur Christian et son rôle de père, et le milieu de saison sur Sean et la révélation de sa non-paternité suivi d’une quasi-séparation avec Sean. Cette fois-ci cet épisode, et le suivant vont s’attarder avec maestria sur Julia, et les conséquences de la séparation de Sean.
On a donc droit à une Julia qui se cherche, avec Annie à sa charge, tandis que Matt reste chez Sean (logique). A une vente de charité organisée par l’école, elle essaie de discuter avec un Sean plus froid que mon congélateur, avant de rencontrer Kimber. Courroux et reproches s’ensuivent dans la plus pure tradition de la nouvelle famille MacNamara. Une décision s’impose ensuite : pour récupérer Sean, autant pimenter un peu la sauce. Et comme l’estime de soi de Julia est partie avec son déménagement, elle décide de se faire refaire les seins. Une décision à première vue grotesque, qui est cependant finement expliquée par la chirurgienne esthétique en ces termes : "We live in a world where size matters. For both sexes."
Le premier témoin de sa "transformation" ne sera pas Sean... mais sa mère Erica. Alertée par Matt, elle passe faire un tour chez sa fille entre deux conférences. La discussion est plus profonde qu’elle en a l’air, avec des répliques du style "Pourquoi ton cerveau arrive toujours en dernier sur la liste des choses à améliorer ?" Mais c’est bien la première fois où Erica fait réellement preuve d’un début d’instinct maternel. La preuve, lorsqu’elle va parler à Sean et Christian, elle avoue qu’elle essaie de mettre une structure d’aide en place avant de repartir pour Los Angeles. A contrecoeur, Sean accepte de rendre visite à Julia, qui entretemps est de plus en plus négligée et doit gérer les poux d’Annie. Dans un dernier élan de désespoir, elle lui montre son nouveau corps et lui demande s’il l’aime. Cette scène est plus poétique et lourde de sens, à mon avis, que l’ensemble de l’intrigue de Natasha. Hélas, Sean ne sort pas de son rôle d’expert et juge le travail de sa consoeur parfait, avant d’ajouter : "Ce qui importe, c’est la satisfaction du client." La déception de Julia est visible, et elle décide de se couper du monde.
La dernière scène est aussi prévisible qu’inévitable : après une soirée arrosée d’alcool et de cachetons, Julia glisse et passe à travers la véranda. Nous la laissons là, le visage mutilé, comme un signe imparable qu’elle a bien touché le fond.
L’intrigue du Patient de la Semaine est remplie de bonnes intentions, mais vire trop dans le sentimentalisme primaire pour être réellement honnête ou dans la lignée de la série. En revanche, l’intrigue de Julia est parfaitement maîtrisée, avec un coup de main bienvenu de l’excellente Vanessa Redgrave, et surtout prépare le terrain à un épisode encore plus épatant autour de Julia.
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