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1.03 - Meet John Smith
Marstrix
A la Recherche de John Smith
vendredi 17 mars 2006, par
Je sais que certains ont déjà envie d’arrêter de suivre. Mais prenez votre mal en patience, car contrairement à un paquet de séries médiocres qui le restent des années, ou pire celles bien parties qui régressent à chaque épisode, VM ne cesse de s’améliorer jusqu’à devenir un pur chef-d’œuvre. Patientez encore un tout petit peu ! Et écoutez les paroles d’un grand sage : « Veronica Mars : Best.show.ever. » C’est clair, non ?
D’ailleurs tant mieux si la série décolle tout doucement, cela me laisse un petit peu de matière à critiquer avant de commencer à me taper la tête contre mon clavier, par manque d’inspiration devant des épisodes où il n’y a rien à redire. En fait c’est très pénible les épisodes parfaits. Et tellement surfait ! (n’est-ce pas monsieur Moore ?). Heureusement pour moi, Meet John Smith n’est pas de ceux-là. Il est correct et c’est déjà pas si mal.
L’affaire de la semaine : Mr Smith
Alors que les adultes vont tout naturellement voir Keith Mars, les adolescents font plutôt appel à Veronica pour régler leur petits problèmes. C’est un peu comme si le lycée était un sous-univers qui imitait le premier. Veronica est l’enquêtrice officielle de ce monde acnéique qu’elle finit bien souvent par dépasser et son « bureau » est bien représentatif de l’aspect moins officiel dû à son statut d’étudiante. Pardonnez-moi, mais là je dois m’indigner : quitte à choisir des toilettes, Veronica pourrait bloquer celles des mecs, il n’y a jamais personne chez eux ! Cette semaine, c’est le petit Justin qui l’engage, un gentil geek qui s’invente un père disparu depuis dix ans dans le seul but de passer un peu de temps avec la jolie blonde. Tout le monde ne déteste pas les Mars, ça change un peu, et le gosse est mignon tout plein à lui offrir une compil musicale de son cru. Cela aurait pu continuer un bail dans l’attendrissement dégoulinant, avec une enquête dans le vide car le père est mort, pendant que junior tente désespérément de séduire la belle. Mais le petit jeu innocent de Justin l’amène bien plus loin qu’il ne l’aurait cru. Car quand on s’appelle Mars, on a tendance à faire remonter toutes les saletés à la surface, sans exception. Même quand on a qu’un seul indice, un nom : John Smith. Aux Etats-Unis, c’est équivalent à Jean Martin chez nous en 50 fois pire vu la superficie du pays. Rien qu’avec cela, Vero découvre non seulement que le père de Justin est bien vivant mais réduit les possibilités à 3 personnes. Et elle fait cela de manière si simple que personne d’autre n’y aurait pensé, par des recoupements et quelques envois de lettres. Veronica n’est ni une surdouée ni en contact avec des gens hauts placés ni même équipée de gadgets high-tech. Elle a simplement beaucoup de jugeotte et je ne cesse d’être épatée par l’évidence même de ses actes pour obtenir des résultats.
Je commence les comptes, avec deux points négatifs : d’abord le jeu du petit, qui exprime très mal sa confusion en apprenant que son père est vivant. Ensuite durant les retrouvailles, après la coupure pub, il fait soudainement nuit alors qu’ils s’agit vraisemblablement de la même scène. Il a du se passer moins d’une minute à peine vu que personne n’a bougé de place et que les dialogues suivent directement. Soit je n’ai pas bien compris soit il y a une grosse faute de raccord. Aie, on est pas encore arrivés au sans faute. Mais passons. Cette scène n’en est pas moins bouleversante et joue sur l’émotion plus que sur les rebondissements, avec cet môme qui découvre que sa mère lui ment depuis des années, qu’il a un père en vie mais absent et pour couronner le tout qu’il est devenu une femme. Que John Smith ait préféré ressembler à Pocahontas, on ne s’y attendait pas du tout. Mais la tolérance vis-à-vis de la transsexualité n’est absolument pas le propos de cette histoire, il s’agit simplement de voir un enfant perdre tous ses repères et ses certitudes quant à ses parents. Un enfant qui se sent trompé, d’autant que son père venait le voir souvent sans jamais lui avouer la vérité, mais qui réalise qu’il a besoin de lui et fera un geste dans sa direction. Tout ne se finit pas bien pour autant, en témoignent les larmes de Justin. Les blessures d’un enfant ne s’en vont pas par magie et cette enquête touche d’autant plus Veronica qu’elle vit une situation semblable.
Cette affaire, comme toutes celles que la série aborde, ne sert évidemment qu’à mieux faire un parallèle avec la propre vie de l’enquêtrice. Plus qu’une simple histoire émouvante, les démêlés de Justin servent de déclencheur à Veronica, qui donne un coup d’accélérateur à son investigation concernant sa mère, qu’elle considère comme la méchante de l’histoire. « Le héros est celui qui reste et le vilain celui qui part. » Cette façon de voir leur situation familiale ne plait pas à Keith mais comme Vero le fait remarquer, c’est plus sain que d’espérer qu’un jour elle reviendra. Effectivement, mais son attitude est bien contradictoire puisqu’elle est toujours à sa recherche. Que ne donnerait-elle pas pour être à la place de Justin et savoir que sa mère se préoccupe d’elle, plutôt que de penser à elle comme celle qui l’a lâchement abandonnée. La joie dans son regard en apprenant que sa Lianne parle souvent de sa fille est claire : la petite-fille a besoin de savoir que sa mère l’aime toujours, bien qu’elle doute encore que ce soit le cas, et c’est en larmes qu’elle réclame le lieu où se trouve sa maman. L’image de la pré-adulte solide est brisée pour révéler l’enfant perdue en elle, en manque de présence maternelle mais aussi de réponses. Pourquoi Lianne Mars ne veut-elle pas que son mari la retrouve ? Que fuit-elle et que faisait-elle à l’hôtel Camelot avec Jake Kane, lui-même ex-suspect numéro un de Keith pour le meurtre de Lilly ? Cela se complique dites donc... et tant mieux. Toutes ces questions qui s’accumulent plus vite qu’elles ne se résolvent (heureusement, parce qu’on est qu’au troisième épisode) sont signe qu’on laisse au spectateur, qui possède les mêmes indices que Veronica, du temps pour tenter de résoudre également les énigmes. Ainsi chacun peut s’impliquer dans la série plutôt que de la visionner passivement. Lorsqu’une fiction nous demande de faire fonctionner nos méninges, il n’y a pas de doute, c’est à prendre comme un compliquant de la part des auteurs.
La pilule de la vérité
Les mises en parallèle avec la vie de Veronica ne s’appliquent pas qu’à l’affaire de la semaine. Ici nous avons une double dose, avec la vie de Duncan Kane, son ex petit-ami. Il s’agit tout d’abord de leur vie de famille puisque tous deux connaissent un manque de contact difficile avec leurs parents. Chez les Mars, c’est plutôt passager et du à un sujet sensible abordé. Chez les Kane, la crise semble durer depuis longtemps. La vie de Duncan est loin d’être sereine, entre une sœur assassinée, une mère ultra protectrice et un père ayant déjà planifié son avenir dans la politique. Avec toute cette pression, pas étonnant qu’il prenne des anti-dépresseurs. Sauf que pour une fois, il décide de s’en passer. L’adolescent discret pète alors un plomb et finit enfin par s’exprimer : qu’il s’agisse de ses sentiments toujours intacts envers Veronica, de sa haine envers ses parents, ou de son désespoir face à la mort de sa sœur. Un Duncan nostalgique de l’époque où la vie était belle, avec Lilly et Veronica à ses côtés. Car si Veronica fait des rêves érotiques sur Duncan, c’est totalement réciproque. Pour preuve ses vocalises sur « Summer Lover », une chanson sur la nostalgie concernant un amour fini. Voir les garçons sur les gradins m’a tout de suite rappelé « Grease » et c’est avec plaisir que j’ai vu Duncan y penser également et se mettre à pousser la chansonnette tel un écho à ma réflexion. Les scénaristes n’ont aucun mal à devancer nos pensées pour mieux nous avoir. Duncan aime toujours Veronica, mais pourquoi a-t-il rompu avec elle il y a un an ? Etait-ce la faute à sa mère comme les paroles de Lilly nous laissaient le supposer ?
Le médecin a prévenu que Duncan risquait des hallucinations sans sa prise de médicaments. Et c’est exactement ce qui se produit, ou du moins c’est ce que l’on nous fait croire puisqu’il ne s’agit que d’un rêve. Duncan revoit sa sœur telle qu’il l’a vue la toute dernière fois, dans sa tenue verte et du sang coulant sur son front. La tonalité de l’image colle parfaitement : du vert comme sa tenue, vert comme la couleur de l’espoir, ou lié à de la malchance dans le milieu théâtral. C’est peut-être un peu des deux. Le fantôme de Lilly révèle à Duncan un fait important : quelque chose dans sa mort cloche. La vérité sortira et il doit l’admettre, se réveiller. Ce qui lui fait peur puisqu’il reprend ses médicaments, préférant se voiler la face et continuer à tout enfouir en lui. Peut-être aussi à se cacher quelque chose à lui-même. Que voulait dire Lilly, à quoi faisait-elle référence ? Nous savons qu’aucun des trois Kane n’avait d’alibi. Est-il lié à la mort de sa sœur ? Duncan est celui qui aura le moins bien géré les changements de cette dernière année, il est le plus fragile de tous et son détachement n’est qu’apparent. En comparaison, Keith a raison, sa fille est vraiment forte et s’en est plutôt bien sortie.
« Louzy conversation, but the sex was great. »
Au milieu de tous ces désastres, l’amour arrive toujours à se faire une petite place. Duncan et Veronica sont dans une situation où ils prétendent le contraire, ce qui personnellement a le don de me frustrer. Je trouve ce genre de situation insupportable car stupide. En même temps, quitte à choisir entre le Teddy bear à pilules et cet adorable beau gosse de Troy, mieux vaut le second. Et il a de sérieux atouts pour arriver à faire oublier à Vero son premier amour. Même si elle a encore quelques hésitations et lui envoie un joli vent en pleine figure lorsqu’il tente de l’embrasser. Si à cet instant vous avez crié « Mais t’es folle ou quoi ? T’as bien les yeux en face des trous ma pauvre fille ? », c’est normal, elle-même s’est dit la même chose. Elle a des moments blonde quelque fois. Heureusement tout se finit puisqu’elle finit par se réfugier dans ses bras à la recherche d’un peu de réconfort qui ni son père ni Wallace ne peuvent lui apporter à cet instant-là. « Il était temps », déclare-t-il. Justement, c’est exactement ce qu’on pensait. Il est fort ce Troy...
Ça follâtre chez les Mars puisque la vie sentimentale de Keith n’est pas en reste. Une relation débute entre lui et l’assistante sociale du lycée, prête à faire office de mère de substitution à Veronica. Car si cette dernière se lance plus en avant dans la recherche de Lianne, Keith semble plutôt tenter de faire un trait sur son mariage, préférant aller de l’avant plutôt que de rester attaché à un souvenir comme sa fille. Et c’est là une différence fondamentale entre eux.
Total des points négatifs de l’épisode : j’ajoute toutes les scènes de voiture, très visiblement tournées en studio avec un décor ajouté digitalement et par conséquent ridicules. Cela fait trois ! Ils sont gentil de me donner un peu de matière à râler...
Finalement, il n’y a pas grand-chose à redire dans cette émouvante histoire sur l’enfance. Il y a beau y avoir une enquête différente par semaine, aucun épisode n’est un loner, la trame principal continue sans cesse de se dérouler et divers autres éléments viennent se greffer aux deux trames principales. Ainsi chaque épisode a droit à un scénario rigoureusement construit, avec un cahier des charges aussi épais que le porte-monnaie des Kane. Et bien que d’en parler s’avère assez compliqué, lorsqu’il s’agit de regarder tout devient clair et facile à suivre. Cet épisode est meilleur que le précédent mais moins bon que le suivant. Veronica Mars suit le bon chemin : celui vers le haut.
LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires