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1.10 - War Stories

Deux hommes, une femme et un vieux sadique

Histoires Anciennes

mercredi 19 octobre 2005, par Black Widow

L’heure des règlements de compte a sonné. Souffrances et révélations sont à l’ordre du jour, et certains ne s’en sortiront pas indemnes. Si vous aimez les histoires d’amour et de guerre, tendez bien l’oreille.

RAPPEL

Alors que Simon étudie les données médicales sur sa sœur prises sur Ariel, Book se rappelle de l’œuvre littéraire du célèbre tortionnaire philosophe Shan Yu. Et Inara reçoit la visite du Conseiller dans sa navette, cliente de sexe féminin désirant la voir dans la discrétion la plus totale, ce qui est plutôt difficile compte tenu de la curiosité de l’équipage. Non loin de là, Niska martyrise une de ses victimes et se réjouit en apprenant que le vaisseau de Malcolm Reynolds approche.

Pendant que Kaylee et River se courent après dans la bonne humeur, Zoe raconte une de ses innombrables histoires de guerre avec Mal, ce qui a pour résultat d’énerver Wash et d’entraîner une dispute entre les époux. Wash décide donc de partir en mission avec Mal à la place de sa femme, ne pouvant supporter de les voir encore ensemble. Mais ce qui ne devait au depart n’être qu’une simple transaction prend rapidement une dimension plus grave lorsqu’ils se font capturer par les hommes de Niska. Celui-ci a beau être vieux, il n’en a pas pour autant la mémoire qui flanche. La bande à Mal n’a pas remplit la mission qu’il leur avait donnée, et on peut dire qu’il n’a pas la rancune facile (voir The Train Job). Les deux prisonniers subissent alors une séance de torture qui fait ressurgir leurs rancoeurs.

Lorsque Mal et Wash sont en retard, Zoe comprend de suite qu’ils ont eu des ennuis et que la station orbitale de Niska n’étant pas loin, il est forcément responsable. Elle réunit le maximum d’argent et part désarmée faire une offre au vieillard. Mais Niska n’accepte de laisser partir que l’un d’eux. C’est donc avec Wash et l’oreille coupée de Mal que Zoe revient à bord de Serenity, où l’équipage prévoit d’attaquer la station orbitale pour secourir Mal. Tout l’équipage est armé jusqu’aux dents et ils parviennent à le sauver grâce à l’effet de surprise. River protège par ailleurs Kaylee en tuant trois hommes...les yeux fermés ! Malheureusement Niska s’est enfuit et Mal n’aura pas l’occasion de prendre sa revanche.

Les choses se calment sur Serenity, où Zoe et Wash se réconcilient pendant que Simon soigne Mal et lui greffe sa propre oreille. Mais Kaylee évite dorénavant River.

CRITIQUE

Ménage à trois
Le couple le plus solide de la série connaît quelques failles, qui jusque là étaient bien dissimulées. Les relations parfaites n’existent pas, tout simplement parce que les gens parfaits n’existent pas. Et celui qui fait preuve de faiblesses est aujourd’hui Wash, notre bon vieux pilote, laissant pour l’occasion de côté ses bons mots rigolos mais aussi son pacifisme. Quand il s’agit de sa femme, place au sérieux. En effet, Wash en vient à ne plus supporter d’entendre des histoires concernant une part de la vie de sa femme dont il ne fait pas partie, contrairement au Capitaine. Et ces souvenirs qui les unissent le rendent jaloux, donc grincheux, et donc prêt à se battre avec Mal s’il le faut pour reconquérir sa belle. Même si ce n’est absolument pas nécessaire parce qu’il n’y a pas, et il n’y a jamais eu, la moindre attirance sexuelle entre les deux anciens combattants. Que voulez-vous, l’amour rend aveugle...et un peu bête. Bien sûr Zoe ne peut oublier son passé ni tout ce qui la lie à Mal, étant donné qu’ils vivent sur le même vaisseau, mais ce rappel permanent a de quoi énerver le pilote. Ainsi, Wash nous révèle une part de lui-même qu’on ne lui connaissait pas : ses doutes quant à l’amour que sa femme lui porte. La question qu’il se pose est celle de tout spectateur à un moment donné : pourquoi Zoe a-t-elle choisit cet homme si différent d’elle et non Mal ? En effet ils sont très proches, ont vécu les mêmes horreurs, et sont semblables sur beaucoup de points. La réponse est là : ils sont trop identiques. Mais Zoe ne doit pas être résumée à une version féminine du Capitaine Reynolds, loin de là. Mal est celui qui lui ressemble mais pas celui dont elle a besoin. Wash est un homme doux, drôle, attentionné, dévoué, un pilote extrêmement doué et justement loin d’être un combattant. En somme, c’est une vraie sinécure pour une femme qui évolue dans un monde masculin et violent. Wash est son point de repère, celui qui lui rappelle le bonheur de vivre, qui lui permet de rester un être humain doué de sentiments et non la machine à tuer détachée de tout qu’elle était durant la guerre. Elle fait sortir le meilleur en lui, et inversement. Sans lui elle deviendrait amère, comme Mal. Il n’est donc pas étonnant de voir sa relation avec ce dernier relever plus de l’ordre de la fraternité que de la romance. Wash, lui, admire cette femme possédant une force qui lui manque et voit sa réelle personnalité derrière la façade militaire qu’elle arbore. Il subit ici une vraie transformation, puisque le pacifiste qu’il est se montre pour la première fois en combattant armé. Poussé à bout, il se met l’espace de quelques instants dans la peau de son épouse. Cette malheureuse expérience lui aura permis de mieux comprendre la femme qu’il aime mais également les liens l’unissant à Mal, et ainsi renforcer bien plus la solidité de son couple.

Du côté de Zoe, la situation a toujours été totalement limpide. Elle aime Wash et il passe en premier. N’attendant même pas la question de Niska, elle choisit sans hésitation de sauver son mari avant Mal. Ce choix d’avère par ailleurs à la fois sentimental et stratégique, étant donné que Mal est plus solide. Il n’empêche qu’elle est plus sensible à la situation que son attitude détachée ne le laisse paraître. Non pas qu’elle se dissimile (elle exprime souvent devant les autres son affection pour Wash), mais son vécu lui a appris à ne rien laisser transparaître devant un ennemi ou un compagnon mourrant (tel Book dans Safe). Femme forte pouvant écraser n’importe qui avec son petit doigt, Zoe n’est réellement démonstrative qu’avec l’homme de sa vie (jusqu’à lui faire la cuisine parce qu’il a souffert et frôlé la mort, elle qui a ça en horreur). Dans leur relation, chacun dévoile des parts de sa personnalité que les autres ne connaissent peut-être pas, trop occupés à les enfermer dans un certain cliché. Dans Our Mrs Reynolds, Wash faisait remarquer que les gens ne comprennent pas leur couple au premier abord. Effectivement, il faut un peu les connaître pour les cerner et leur relation devient alors totalement évidente. Zoe et Wash ne forment pas un couple parfait, mais presque. Et c’est en partie pour cela qu’on les aime.

Ces scènes de ménage donnent lieu à de véritables confrontations entre le Capitaine et son pilote, Zoe se retrouvant malgré elle la femme coincée entre les deux. Cette combinaison des personnages est rare et fait d’autant plus plaisir car cela donne une dynamique différente. J’ai déjà plusieurs fois fait mention que Nathan Fillion est un excellent acteur (le nouveau Harrison Ford !) alors passons, au risque de transformer ces critiques en léchage de bottes. Parlons plutôt de la performance d’Alan Tudyk. En voilà encore un qui peut tout faire, du pilote rigolo au pirate perturbé en passant par le robot plus vrai que les humains (non non, je ne vise aucune star hollywoodienne dans un certain film qui donne envie d’acheter des baskets). Tudyk est tout simplement parfait dans l’art de montrer sa souffrance, voir meilleur que son compagnon de torture. Dur de ne pas avoir mal pour lui lorsqu’il tourne de l’œil, prêt à craquer. Mal ne parle pas à Wash uniquement parce qu’ils doivent s’expliquer, c’est surtout pour le faire tenir et l’empêcher de sombrer à cause de la torture. Et Mal d’avouer qu’il avait dit à Zoe de ne pas épouser Wash, mais cela n’a rien à voir avec de la jalousie. Les relations dans un même équipage compliquent selon lui les choses, en particulier à cause de ce genre de situation, où la loyauté peut être divisée. En fin psychologue, Wash comprend qu’il ne s’agit que d’une excuse pour masquer les problèmes d’intimité du Capitaine (en particulier avec Inara).

Zoe : “If it moves, shoot it.” (“Si ça bouge, tirez.”)
Kaylee : “Unless it’s the Captain !” (“Sauf si c’est le Capitaine ! »)
On se rend compte que Zoe pourrait parfaitement remplacer Mal si celui-ci venait à disparaître. Mais si elle s’était retrouvée prisonnière de Niska avec Mal, comme les choses auraient dû se passer en temps habituel, qui aurait pu se charger de mener l’équipage ? Et surtout, de les sortir du pétrin ? Peut-être bien celui auquel on aurait le moins pensé : Book. Le pasteur tire très bien, évite les balles comme quelqu’un habitué à ce genre de combat et peut tuer un homme sans complexe. On le savait connaisseur de tout ce qui concerne le crime (armes, méthodes) et nous le voyons là à l’œuvre.
D’ailleurs quand il s’agit de sauver le Capitaine, ils sont tous prêts à se battre et à risquer leur vie, bien que certains n’aient jamais tenu un pistolet entre les mains. Même Jayne est de la partie, se tenant à carreau depuis Ariel et allant jusqu’à partager ses gains avec les autres. Mal lui a plutôt bien remis les idées en place et une certaine crainte se fait dorénavant sentir chez Jayne. Sans avoir totalement changé, son comportement ne franchit plus certaines limites, et c’est plutôt rassurant. A priori, il ne devrait plus mettre volontairement en danger ses compagnons, même s’il n’en pense toujours pas moins. Et ce n’est pas la seule peur de Mal qui le contient puisqu’il va jusqu’à aider son sauvetage au lieu de se débarrasser de lui. Aurait-on réussit à dresser l’animal ? Il semble que oui.

« I’ll be in my bunk. » - Jayne (“Je serai dans mon compartiment.”)
Inara n’a pas que des clients de sexe masculin, et cette nouvelle surprend à la fois l’équipage et le spectateur car on s’attend également à voir un homme débarquer. Question d’habitude plus que de manque d’ouverture d’esprit. Pourtant nous aurions dû remarquer que lors de la discussion entre Mal et Inara, celle-ci ne prononce jamais « il » ou « elle » mais « the Counselor » (mot à la fois masculin et féminin en anglais). Dans un monde futuriste où certaines barrières n’existent plus (allant jusqu’à la légalisation de la prostitution), l’homosexualité semble malheureusement être encore tabou puisque la politicienne préfère rester discrète sur ses préférences sexuelles. Le dialogue entre les deux femmes s’avère d’une parfaite justesse et cette très courte scène est loin d’être racoleuse. Kaylee trouve que les deux femmes sont très glamours ensemble. A mon avis, ce n’est pas trop le mot qu’auraient employé les hommes du vaisseau vu la tête qu’ils font, Book y compris (ouh, le coquin !). On avait déjà eu droit à un « Vas jouer avec ton bâton » asséné par Mal dans Our Mrs Reynolds, afin que Jayne calme ses hormones. Encore une fois on y fait implicitement mention de masturbation à travers le mercenaire, comme chacun l’aura compris. Mais évidemment, cette histoire avec Inara n’aura pas servit qu’à nous prouver une fois de plus que Jayne ne pense qu’avec son portefeuille et son pantalon. Les clients d’Inara sont toujours des gens influents prêts à rendre le moindre service à celle qui leur procure de si agréables moments. Le Conseiller n’échappe pas à la règle et fournira du matériel médical afin de soigner au mieux Mal.

Shan Yu
Simon et Book ont une discussion sur le dictateur philosophe Shan Yu, dont Niska est un grand amateur. Adepte de la torture, il écrivit sur la guerre et l’endurance du corps humain. Ce personnage fut inventé pour la série mais ce nom est très répandu dans l’Histoire chinoise et la plupart du temps associé à la guerre des Huns plusieurs siècles avant JC. Si vous avez vu le film Mulan de Disney, il s’agit du nom du vilain principal, que Whedon a très probablement apprécié et dont il s’est largement inspiré pour créer ce guerrier poète. Quoiqu’il en soit, ce genre de personnage psychotique ayant marqué l’Histoire est loin d’être totalement fictionnel, comme le rappellent les sarcasmes de Simon sur la grosse moustache noire. Suivant ce modèle, Niska (dont l’accent de l’Est très marqué n’est sûrement pas fortuit) prend un réel plaisir à tester les limites de Mal afin de voir son « moi profond », jusqu’à forcer la dose au point de le tuer puis de le ramener à la vie afin de continuer la torture. Ainsi la série risque gros à faire croire que le héros principal est mort, laissant le spectateur totalement abasourdit pendant quelques secondes (voire quelques minutes, si l’on tient compte de la coupure publicitaire). Si Firefly avait continué, on aurait sûrement retrouvé un Niska plus revanchard que jamais, et qui sait ce que cela aurait donné !

No power in the ‘verse can stop her
Bien que la jeune Tam soit en général mise à l’écart des autres, il lui arrive d’avoir ce qu’on peut appeler des bons jours, sans qu’elle ne perde l’esprit (une perte de contrôle qu’elle-même ne supporte plus). Il s’agit ici d’une de ces journées, où elle se trouve à jouer avec Kaylee, partenaire idéale puisqu’elles ont à peu près le même âge et ont en commun d’aimer la même personne : Simon. Cette relation complice entre elles se trouve définitivement rompue après l’étrange façon dont River aura sauvé la vie de son amie. La phrase dite par Kaylee durant leur jeu (« No power in the ’verse can stop me. » « Aucun pouvoir dans l’univers ne peut m’arrêter. ») est reprise par River comme si c’en était encore un , après avoir tué des hommes de main. Pour mémoire, une variante avait déjà été dite par Mal dans le Pilote, clamant qu’aucune puissance dans l’univers ne pouvait arrêter Kaylee d’être joyeuse. Sauf qu’apparemment si, River est assez forte pour faire perdre toute envie de sourire à notre mécano. Se passant cette phrase comme on se passe une balle, River la prononce également. Mais elle prend tout à coup une signification bien plus grave, compte tenu des évènements. Kaylee a peur et c’est compréhensif. En effet, aucune puissance, pas même l’Alliance, ne semble pouvoir arrêter River Tam. Simon avait donc raison, les expériences qu’elle a subies avaient sûrement un but. Ont-ils voulu la transformer en soldat parfait, en super assassin imbattable ? La réponse n’est pas encore claire mais semble définitivement pencher dans ce sens. Finalement ce n’est pas Mal qui aura finit par révéler sa vraie nature, comme Niska le souhaitait, mais la jeune sœur de Simon aux yeux de la mécanicienne. Suscitant à la fois la peur et la pitié, une force extrême et une grande faiblesse, River est une adolescente insaisissable qui n’a probablement pas encore dévoilé tous ses secrets.

A noter enfin que la remarque de Zoe « C’est quelque chose que le Capitaine doit faire lui-même » suivie d’un « Non, non pas du tout ! » désespéré de Mal surprend et fait d’autant plus rire les amateurs de Buffy, puisque la super-héroïne avait pour habitude de vouloir finir les choses par elle-même. L’équipe de Whedon s’amuse avec des codes qu’il ont instaurés ailleurs et les détourne. Ici on laisse de côté l’aspect héroïque et mature. Mal n’est pas un lâche mais un être réaliste. Il ne va pas risquer sa vie par excès de fierté si ses amis peuvent l’aider. Il a déjà ressuscité une fois (comme Buffy), il ne va pas risquer de mourir une deuxième fois aussi facilement ! L’univers dans lequel évolue Mal est différent, plus terre-à-terre, et lui-même n’est pas héros mais un homme qui n’a aucune place parmi les bons ni parmi les mauvais. Mais comme la Tueuse, il s’en est toujours sortit justement parce qu’il n’est pas seul (voir son discours à Saffron dans Our Mrs Reynolds). L’ombre de la blondinette iconique n’est décidément jamais très loin.


Le triangle amoureux est de rigueur, apportant de la lumière sur le couple le plus discret mais aussi le plus solide de la série. Ce qui aurait pu s’annoncer comme un vaudeville devient un règlement de comptes multiple où certains secrets se dévoilent. Tout cela donne lieu à un épisode exceptionnel et à la déclaration la plus culte de la série.