Accueil > Critiques > Archives > Firefly > Bang bang, my baby shot me down
1.06 - Our Mrs Reynolds
Bang bang, my baby shot me down
La Femme du Commandant
jeudi 13 octobre 2005, par
Non, vous ne rêvez pas, Malcolm Reynolds s’est bel et bien marié ! Mais faut dire qu’il était bourré. Moralité : l’alcool c’est Mal (qui a dit jeu de mots foireux ?).
RAPPEL
C’est la fête au village de Triumph après que la bande à Mal ait rendu service à ses habitants, victimes de voleurs. Après une bonne nuit à danser, chahuter, en chantant des airs bien de chez eux et faire les fous en buvant ensemble des petits coups, Serenity repart au petit matin vers d’autres horizons...avec à son bord une passagère clandestine. La jeune femme, vite découverte, s’appelle Saffron et clame être la femme de Malcolm depuis la veille. Comme quoi faut pas accepter des fleurs de n’importe qui.
Les moqueries vont bon train et Mal n’est pas ravi du tout. Saffron est très jolie, gentille, serviable (à la limite de l’esclavage) et naïve au possible. Un comportement qui a le don d’énerver Mal, en plus du fait d’être marié. Refusant l’offre de Jayne de la troquer contre son flingue préféré (mignon, n’est-ce pas ?), il décide de la larguer sur la prochaine planète correcte qui croise leur chemin, afin qu’elle continue tranquillement sa vie...loin de lui. C’est sans compter sur la détermination de la jeune femme à jouer les épouses modèles. Elle fait donc tout pour le séduire (ce qui implique l’abstraction de tout vêtement) et Mal, comme tout homme, est trop faible pour résister. Après un seul baiser, l’émotion est si forte qu’il en tombe dans les pommes. Et c’est là que Saffron révèle sa vraie nature, retirant son masque de brave petite servante pour dévoiler celui d’une biatch en puissance.

Une fois rhabillée, elle se précipite vers la cabine de pilotage où elle tente de faire le même coup de charme minable à Wash. C’était sans compter sur la fidélité du pilote envers sa femme, ce qui contraint notre traîtresse à l’assommer à coup de pied pour pouvoir enfin modifier les coordonnées de vol, avant de verrouiller l’accès aux commandes en partant. Saffron Bristow se dirige donc en courant vers l’une des navettes et trouve Inara sur son chemin. Après trente secondes de tentative de séduction infructueuse, Inara lui annonce qu’elle a compris son petit jeu et a reconnu ses méthodes puisqu’on lui a apprise les mêmes à l’Académie. S’en suit un combat de Compagnes (on leur apprend aussi le kung-fu à l’Académie ?) dont Saffron se retire rapidement afin de s’enfuir avec la navette, laissant Serenity dériver vers un champ électrique mortel. Inara trouve Mal inconscient dans sa cabine, où elle laisse exprimer ses émotions en voyant qu’il est toujours en vie : elle l’embrasse...pour se retrouver elle aussi dans les vapes. L’amour fait décidément de l’effet. A moins que ce ne soit le narcotique mélangé au rouge à lèvres de Saffron.
Les trois assommés sont vite remis sur pied, et la première chose à faire est d’échapper au piège des pilleurs de vaisseaux vers lesquels Saffron les a envoyés. Jayne tire donc droit dans la machine créant le champ magnétique, permettant ainsi à Serenity de passer à travers sans se faire griller. Ce problème résolu, ils n’ont aucun mal à retrouver leur navette volée. Après avoir confronté une dernière fois sa tendre moitié, Mal récupère la navette et l’abandonne. A bord de Serenity, il fait avouer à Inara qu’elle n’a pas trébuché...et s’en va fièrement, persuadé qu’elle a laissé Saffron l’embrasser. Eh oui, les hommes peuvent parfois être très bêtes...
CRITIQUE
Décidément, la série alterne épisodes légers et dramatiques sans complexe, réussissant brillamment sur tous les fronts. Ce qui fait qu’on ne sait jamais à quoi s’attendre quand commence l’introduction. Va-t-on rire, pleurer ou frémir ? Un peu de tout cela à la fois en fait, et c’est ce qui fait la force de Firefly. Pour l’heure, place à la légèreté grâce à l’arrivée d’un personnage haut en couleurs et particulièrement marquant.
« I married me a powerful ugly creature. » - Jayne (“Je me suis épousé une créature particulièrement moche.”)
Saffron incarne la méchante typique que l’on adore détester. A l’image de Joan Collins dans Dynasty, Marcia Cross dans Melrose Place ou Melinda Clarke dans The OC, elle a tout de la veuve noire issue du soap opéra, séductrice, manipulatrice et prête à tous les coups bas pour arriver à ses fins. Mais cette facette de sa personnalité ne sera dévoilée qu’en moitié d’épisode. Nous ne sommes pas dans un thriller avec un incroyable retournement de situation, car tout ceci s’apparente plus à la farce. On se moque de la naïveté des personnages à son encontre, alors que l’on a déjà compris depuis longtemps qu’elle est trop exagérée pour être claire. Sur le mode comique, Saffron nous rejoue Dr Jeckyll et Mr Hyde, et a pour effet de nous faire rire à l’avance. La supercherie apparaît dès le teaser où Mal est déguisé en femme. Ainsi l’épouse est montrée dès le début comme fausse. L’arnaqueur se trouvera lui-même arnaqué par la suite, en tant qu’époux mais aussi que bandit. Les signes ne trompent pas et se multiplient, tels de gros clins d’œil complices envers le spectateur. Lorsque nous voyons Saffron pour la première fois, elle est cachée derrière une grille, tel un petit animal emprisonné. Il faut bien sûr comprendre dans cette image qu’elle cache quelque chose, et non la jeune femme prisonnière en manque d’émancipation comme elle essaie vilement de nous faire croire. Ce personnage a tout pour être énervant, si charmante que c’en est légèrement flippant. Il suffit de voir la façon dont elle arrache le verre des mains de Wash. Ses armes sont celles de toute bonne vilaine de soap : l’innocence, la naïveté, les compliments, serviabilité, douceur, et les métaphores sexuelles, le mensonge, la sensualité, sans oublier l’indispensable nudité. Elle arbore absolument tout le nécessaire pour être casse-pied, de son physique de sauvageonne à son regard fuyant, en passant par son langage soutenu et ses multiples talents (cuisine, mécanique, combat, et que sait-on encore). Lorsque cette fausse innocence et perfection exagérée s’effacent, le personnage se transforme soudainement en summum du cool, apportant un regard différent sur son attitude précédente. Comme elle l’explique à Mal, le jeu compte pour elle autant que la finalité, et elle s’est particulièrement bien amusée à mener tout l’équipage en bateau. Nous aussi d’ailleurs.

- « Pfff...qu’est-ce qu’ils peuvent être naïfs » se dit la vile Saffron.
“If you take sexual advantage of her, you’re going to burn in a very special level of hell. A level they reserve for child molesters and people who talk at the theatre.” - Book (“Si tu tires avantage d’elle sexuellement, tu iras brûler dans un niveau très spécial de l’enfer. Un niveau réservé aux pédophiles et aux gens qui parlent au cinéma. »)
Au détour de quelques phrases, nous apprenons que Mal a été élevé dans un ranch par sa mère, une femme intelligente, forte et indépendante dont on sent l’admiration qu’il lui porte. Et là si ce n’est pas Whedon qui parle à travers lui, je veux bien me faire hara-kiri. Quoiqu’il en soit ce fait éclaire certains points sur la personnalité de notre Capitaine, en particulier son aversion pour le métier d’Inara, qui est pour lui une injure au modèle féminin qu’il a reçu. Comme il le démontre, il est loin d’avoir un mode de pensée misogyne. Il voit les femmes comme sa mère, des êtres forts et indépendants, qui n’ont pas à être rabaissés par les hommes. En fait, cela s’applique à tout le monde, les gens qui se laissent marcher sur les pieds lui sont insupportables. Comme dit précédemment dans Shindig, Mal respecte Inara mais pas ce qu’elle fait. Et c’est justement parce qu’il la respecte qu’il déteste la savoir au service des hommes (sexuellement, surtout). Bien qu’elle soit celle qui contrôle (les Compagnes choisissent leurs clients), elle reste à ses yeux une prostituée et donc une femme rabaissée. Sans compter qu’inconsciemment il est à coup sûr jaloux de la savoir avec d’autres hommes. Les deux perspectives sont abordées. Après tout, Inara n’est pas exploitée et bien qu’elle soit née dans ce milieu, c’est elle qui choisit d’y rester.
A noter que c’est la deuxième fois qu’on nous informe qu’en plus d’être des amantes hors paires, de fines psychologues, des érudites et des expertes dans la préparation du thé à la cannelle, les Compagnes savent se battre. A l’épée ou à mains nues, l’autodéfense fait partie intégrante de leur enseignement. Il faut dire qu’elles font un métier qui peut être dangereux. Elles ont beau bénéficier d’un haut statut social, être syndiquées et avoir droit aux soins dentaires gratuits, elles n’en restent pas moins aux yeux de certains de vulgaires objets sexuels, proies préférées des machistes violents à tendance dominatrice. Alors la possibilité de se défendre contre d’éventuels abus n’est sûrement pas un luxe dans leur cas.
Bien que les points de vue de Mal et d’Inara soient totalement opposés, ce qui transparaît au final est le même message antimysoginie. La touche féministe chère au créateur est et sera toujours présente dans ses œuvres, qu’elle soit centrale ou non. Et la leçon est ici plutôt apportée par les hommes, qui ne manquent pas d’être tout autant valorisés par le parallèle entre l’attitude des hommes de Triumph (violeurs et vendeurs de femmes comme de vulgaires choses) et ceux à bord de Serenity, antithèse de ces hommes bestiaux, modèles de respect et d’intégrité (sauf Jayne, évidemment). Mal se pose définitivement comme un héros noble, dont l’éducation surpasse l’instinct primal. La petite faiblesse dont il finit par faire preuve est totalement humaine et n’est en rien montrée du doigt, ni même attribuée aux hommes uniquement. C’est ainsi que durant la dernière confrontation entre Mal et Saffron, il faut bien y voir un bandit qui se venge d’un autre plutôt qu’un homme frappant sa femme. Au final il s’agit bien d’égalité, les êtres vils peuvent aussi être des femmes et les hommes des victimes. Les idées reçues se trouvent inversées, en témoigne l’abstinence avouée de Mal, à l’exacte opposée d’Inara. En définitive, tout est une question de personnalité plus que de sexe.
Kiss kiss bang bang
Les choses sont toujours aussi compliquées entre Mal et Inara, et ce n’est pas l’arrivée de la nouvelle épouse de celui-ci qui risque de les arranger. En effet, la Compagne ne trouve pas une seule seconde la situation comique, affichant la mine déconfite de quelqu’un venant d’avoir le cœur explosé. Cette situation est d’autant plus blessante qu’avant l’arrivée de la charmante épouse, tous deux passaient de très bons moments. Il ne l’a même pas insultée quand elle parlait de sa clientèle, allant même jusqu’à lui faire un compliment en fin d’épisode. Leur relation progresse légèrement depuis les évènements survenus dans Shindig, devenant plus complices et moins agressifs l’un envers l’autre, et Inara se montre moins sur ses gardes. C’était sans compter sur ce fichu destin qui semble vouloir leur compliquer la vie en mettant des tonneaux sur leur route. Le choc passe naturellement à la colère, d’abord sous prétexte que la prise de rendez-vous avec des clients est impossible car Mal ne tient jamais ses délais, mais surtout parce qu’elle est envahie par la jalousie. De son côté, Mal ne comprend pas les motifs exacts de sa colère et prend son comportement à la légère, en blaguant. Son aveuglement face aux sentiments d’Inara est total, au plus grand désarroi des spectateurs. De même la scène de baiser tant attendue est à la fois jouissive et décevante, le principal intéressé étant inconscient durant la scène. Jamais il ne semblera comprendre ce qui s’est réellement passé, ignorant inconsciemment ou non les sentiments d’Inara, seule à avoir le courage de les exprimer. Malcolm Reynolds aurait-il peur de tomber amoureux ? Il est amusant de noter qu’au moment de tomber dans les vapes, Mal et Inara commencent à dire le même juron (« fils de... »). Quant à Morena Baccarin, elle démontre que ses camarades ne sont pas les seuls à savoir faire preuve de capacités comiques.
Shah muh ?
Cet épisode fait écho à Safe lorsque Jayne demande comment un pasteur peut en savoir autant sur le crime. Book n’est par ailleurs pas trop lourd ici et prête à sourire. L’autre mystère vivant à bord du vaisseau est quant à elle à peine entraperçue. Après un épisode centré sur sa personne, il fallait laisser son personnage un peu en retrait. L’arrivée puis le départ de Saffron doivent être traités ce qui contraint le scénario à en exclure certains. Un mal pour un bien en sorte. River aura largement de quoi briller plus tard. A noter aussi le rappel une fois de plus que l’espace n’est qu’un vide immense. Quand Jayne tire dans l’énorme système électrique, c’est avec un scaphandre sur son arme. Forcément, il y a besoin d‘air pour qu’il y ait de la pression et que le coup parte. Le souci de réalisme n’a pas disparu, ce n’est pas parce qu’on est en pleine science-fiction qu’il faut dire n’importe quoi.
C’est vrai quoi, c’est pénible les gens qui parlent au ciné (surtout si c’est au téléphone).

- Love, exciting and new, come aboard we’re expecting you...
Shiny ! Le maître nous amène sur un plateau d’argent une vilaine comme on les affectionne, terriblement séduisante et manipulatrice. On rit plus qu’on ne frémit dans cette ambiance joyeusement survoltée, qui cependant n’oublie pas d’être idiote. En tout cas, soyez certains qu’on en entendra reparler de notre Madame Reynolds...
LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires
