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1.05 - Safe

Notre sorcière bien-aimée

Sains et Saufs

lundi 10 octobre 2005, par Black Widow

Le problème avec River Tam, c’est que tout ce qui la concerne est fortement passionnant. Pourquoi c’est un problème ? Parce que je n’apprécie pas particulièrement Summer Glau dont le jeu m’exaspère, du moins en ce début de saison. Pourtant il est impossible de ne pas avoir une forte envie d’en savoir le maximum sur son personnage. Une telle contradiction est particulièrement rageante. Au moins avec Book c’est pas compliqué, je ne l’apprécie pas des masses et il est loin d’être le plus intéressant. Tout cela pour dire que cet épisode tourne autour des Tam et que c’est du tout bon. Et que mon intro est trop longue.

RAPPEL

La tension monte entre les Tam et le reste de l’équipage, l’état de River s’empirant de jour en jour sans que Simon ne puisse faire quoi que ce soit pour la calmer. Après une jolie scène d’éviscération de lapin (décidément notre Joss aime bien ça), Serenity se pose sur Jiangyin où ils s’apprêtent à vendre la cargaison de vaches de Harrow (vues dans l’épisode précédent : Shindig). Mal, Zoe, Jayne et Book vont faire affaire, tandis que les Tam sont priés de s’éloigner pour que tout se passe calmement. Et c’est effectivement le cas, jusqu’à ce qu’un troisième groupe vienne perturber la transaction en tirant dans tous les sens. Durant la fusillade, Book est touché en pleine poitrine.

Simon emmène donc River faire un tour en ville, en tâchant de rester discrets. River y respire enfin, dansant joyeusement lors d’une fête où elle redevient momentanément une jeune fille comme les autres. Mais elle ne tarde pas à rejoindre son frère, kidnappé par des villageois en manque de médecin. Lorsque les Tam sont introuvables, Mal prend la décision de repartir sans eux afin de trouver de l’aide pour sauver Book, dans un état critique. Zoe tente le maximum mais c’est de véritables soins médicaux dont il a besoin, et les plus proches susceptibles de les fournir ne sont pas les accueillants, puisqu’il s’agit d’un vaisseau de l’Alliance. Les soldats gouvernementaux refusent de faire quoi que ce soit, jusqu’à ce que Book montre ses papiers d’identité. Et sans que personne ne comprenne pourquoi, les soldats s’exécutent sans plus tarder, sauvant ainsi la vie du pasteur.

Bien que retenu contre sa volonté dans une infirmerie de fortune, Simon soigne quelques personnes, sa vocation ayant pris le pas sur sa colère. Pendant ce temps, River manifeste une fois de plus des dons télépathiques face à une enfant traumatisée, effrayant ainsi une jeune institutrice. Le village entier ne tarde pas à s’en prendre à elle, persuadé qu’elle est une sorcière et mérite de mourir sur le bûcher. Simon a beau tenter de les résonner, rien n’y fait. River est sur le point de brûler vive dans les bras de son frère lorsque Serenity arrive au-dessus d’eux avec son équipage armé jusqu’aux dents. Mal récupère son docteur et sa sorcière, et ils repartent ensemble sans encombre.

CRITIQUE

C’est bien connu, on se rend toujours compte de l’attachement que l’on porte aux gens lorsqu’ils sont absents. Alors pour raconter l’importance prise par les deux fugitifs au sein de Serenity, il n’y a rien de tel que de les en éloigner.

Avec les Tam
A bord du vaisseau, l’état mental de River empire, ce qui met les nerfs de tout le monde à rude épreuve. Mal en a assez qu’elle leur attire des problèmes et redoute les prochains, tandis que Simon craque à force d’assumer le rôle du protecteur. Au final, ça hurle de partout et ça s’insulte. Et comme on a tendance à s’en prendre plus facilement à ceux qu’on préfère, c’est Kaylee qui a droit au déversement de ras-le-bol du docteur (bravo Don Juan). River est vue comme l’animal sauvage impossible à contenir mais elle fait aussi peur, pour ce qu’elle amène (l’Alliance) et pour ce qu’elle est (un être supérieur). Ce n’est qu’une fois sortie de sa cage dorée qu’elle peut respirer. Le contact thérapeutique avec la nature, les animaux et le terrain inconnu lui permettent de renaître un court instant, laissant libre court à la jeune fille heureuse de vivre qu’elle devrait être. Le petit groupe étouffe, la tension ne cesse de monter, il est donc grand temps qu’ils se séparent. Et c’est justement cette rupture qui va les rapprocher de plus belle.

Sans les Tam
A travers l’absence de Simon, l’équipage se rend compte que ce n’est pas uniquement en tant que docteur qu’il manque. Car ce qu’on croit être un oubli des deux autres n’en est pas un, l’attitude de Mal étant compréhensive : il faut sauver le plus urgent. Ce sera le cas, et Book restera en vie (les semi-boulets aussi sont tenaces). Le fait d’avoir laissé Simon et River momentanément aura permis d’aller voir l’Alliance sans risque, même si ça aurait été plus simple d’avoir Simon et donc de ne pas aller trouver l’Alliance. Mais cela montre que Mal est prêt à faire des choses à contrecœur pour son équipage, telles que demander de l’aide à ses pires ennemis (vu l’orgueil de notre Capitaine, ce n’est vraiment pas une chose aisée). Et surtout, que le vieux pasteur dissimule sa véritable identité. Pour une fois qu’il est mourrant, c’est là qu’il devient intéressant. J’ai bien envie de dire qu’il faudrait que ça lui arrive plus souvent. Mais qui est-il de si important pour que les soldats de l’Alliance soient à son service en un claquement de doigts ? Pourquoi n’a-t-il pas évité plein d’ennuis aux autres auparavant, s’il a autant de pouvoir ? Qu’est-ce qu’il cache ? Et pourquoi personne n’a l’idée de piquer son portefeuille pendant qu’il est coincé à l’infirmerie, et ainsi nous apporter toutes les réponses ? Ce qui semble certain c’est que Book a choisit de laisser son passé derrière lui, contrairement aux Tam qui y ont été contraints. Dans l’épisode précédent, c’était du côté de Mal et Inara que la notion de foyer était exprimée, ici on prolonge le thème aux trois nouveaux passagers.

Retour vers le passé
Trois séquences de flashbacks, vues à travers les yeux de Simon, viennent éclairer certains points sur le frère et la sœur Tam. Il s’agit de l’un des trois épisodes, avec Out of Gas et The Message, à nous montrer des images de la vie des personnages datant d’avant les évènements du Pilote. Ces scènes sont rares et donc loin d’être anodines. Ici, les flashbacks nous présentent trois étapes successives et décisives dans la vie familiale des Tam, ayant conduit à leur situation actuelle : la préférence, l’ignorance, et enfin le rejet.

- Encore enfants, River et Simon étaient déjà très complices et aucune compétition intellectuelle n’existait entre eux. Bien que River soit la plus douée, Simon n’a jamais fait preuve d’une quelconque jalousie, jouant depuis toujours son rôle de grand frère vis-à-vis d’elle. Leur environnement à ce moment de leur vie est confortable, heureux et serein. Leur père y nourrissait certaines attentes professionnelles envers son fils qui, comme nous le savons, y obéira en devenant un grand médecin. Ces ambitions pour l’aîné semblent à priori banales, le père misant d’abord sur le plus âgé, mais River semble néanmoins déjà considérée à part.
- La mise à l’écart de la plus jeune se confirme des années plus tard lorsque Simon tente de faire comprendre à ses parents qu’elle est peut-être en danger dans son école (où elle est cette fois-ci belle et bien isolée du reste de la famille). Il y a de quoi inquiéter, ne serait-ce qu’un peu, n’importe quel parent. Hors, ceux-ci font preuve d’indifférence avec une force inquiétante. Est-ce par crainte d’attirer les foudres de l’Alliance ? Cela serait compréhensible, mais ils n’y font pas la moindre allusion. Non, ils ont simplement choisit de mettre des œillères quant à la détresse de leur fille afin de préserver la réussite sociale de leur fils.
- Lorsque Simon passe à l’action, la limite est franchie. Son père le couvre auprès de l’Alliance, mais s’il s’obstine à vouloir faire sortir sa sœur de son institut, il ne pourra plus rien faire pour aucun des deux. La peur du gouvernement se révèle enfin, car se mêler de ses affaires en reviendrait à ruiner définitivement la vie des Tam. La remarque de Simon à cela est tout à fait éloquente : « Je suis désolé papa, tu sais que je n’aurais jamais essayé de sauver la vie de River si j’avais su qu’un dîner était en péril. » Ses parents ont fait leur choix, préférant sacrifier leur fille plutôt que leur confort. Et Simon a dorénavant fait le sien. Ce qui aurait pu passer pour une rébellion de jeune homme fougueux, prêt à braver les lois sans se soucier des conséquences, se révèle bel et bien l’acte réfléchit d’un frère pour qui l’amour de sa sœur vaut tous les risques, même celui de sa vie.

Ces séquences apportent un regard neuf à cette relation très particulière et la dévotion totale qu’ils ont l’un pour l’autre. Il est dorénavant encore plus évident de comprendre comment Simon a pu abandonner une vie aisée et paisible pour aider sa sœur. Il fit preuve de beaucoup de courage en s’opposant à l’Alliance, mais surtout à sa propre famille. Purement et simplement abandonnés par leurs parents, les deux enfants n’ont réellement que l’un et l’autre sur qui compter. A travers cet épisode, c’est toute la dévotion et l’amour que Simon porte à River qui est démontré, ainsi que ses désillusions. Sa sœur vit quant à elle dans l’ignorance de ce rejet. Bien qu’elle fasse preuve d’une grande lucidité sur ce dont elle a privé Simon (sa vie) et sur son propre état mental, elle espère toujours retrouver la chaleur protectrice du foyer parental.
Cette solitude si bien illustrée des jeunes Tam amène à réaliser à quel point les choses ont changé depuis leur arrivée à bord de Serenity. Certes, ils ont perdu une famille, mais en ont gagné une autre par la même occasion, ce qu’ils ne réalisent qu’en fin d’épisode. L’épisode suit ce cheminement pour illustrer le fait que les liens du sang ne sont pas les plus forts. La vraie famille, c’est autre chose. C’est celle qu’on choisit, celle qui vous accepte tel que vous êtes, ne vous laisse pas tomber quoiqu’il arrive, celle qu’on n’apprécie pas forcément mais à qui on reste fidèle. A ce titre on pourrait presque en deviner le rôle de chacun au sein du vaisseau (Jayne ne vous rappelle pas votre frangin qui pique vos affaires et boude parce qu’il croit qu’on vous aime plus que lui ?), Mal personnifiant évidemment le père protecteur et responsable de chaque individu de sa tribue. On peut mentir ou se cacher des choses, la loyauté est toujours là. La vie serait bien plus simple pour tous les passagers de Serenity sans River et Simon, qui sont un poids permanent et considérable. Mais ils sont des leurs et le reste est sans importance. Et de nous laisser sur une image parfaite du bonheur, quelque peu cliché mais toujours efficace, autour d’un repas joyeux et chaleureux. Cette représentation de sérénité familiale sera d’ailleurs reprise plus tard dans un plan quasi identique du final de la saison 4 d’Angel. On n’arrête pas de vous le dire : toutélié !

Et la religion dans tout ça ?
La famille est le thème majeur de Safe, mais pas l’unique. En effet, il y est aussi question de croyances au travers de deux groupes. D’un côté nous avons Book, homme probablement reconvertit en pasteur au passé mystérieux et apparemment lié à l’Alliance, ce dont on peut conclure qu’il n’était sûrement pas enfant de chœur. On peut supposer qu’il s’est tourné vers la religion pour racheter ses fautes et devenir quelqu’un de plus vertueux. De l’autre côté, nous avons un village où la foi et les vieilles croyances démoniaques amènent à la haine et à la violence. Pour preuve cette chasse aux sorcières digne de l’Inquisition à l’encontre de River. Même à une époque futuriste, ce genre de comportements fanatiques et extrêmes a encore lieu. Comme quoi les Humains répèteront toujours les mêmes erreurs. On touche encore une fois à un des sujets sensibles que Whedon affectionne particulièrement. Si vous connaissez un peu son travail, vous savez que le monsieur n’a rien contre la foi, bien au contraire il respecte toutes les bonnes intentions qui vont avec (illustrées par Book). Et si vous ne connaissiez pas son travail, eh bien c’est maintenant chose faite. Cet homme croit en la modernité et la progression des mentalités. Car selon lui la foi ne doit pas être aveugle et doit s’accompagner de raison, car les deux ne sont pas incompatibles, et c’est ce qu’il démontre à travers le parallèle entre Book et les villageois. Le créateur affirme ses convictions à travers son œuvre sans pour autant les imposer à ses spectateurs. Qui plus est, la manière dont il aborde le sujet est fine et intelligente, et ne vient absolument pas alourdir l’histoire. Au contraire son propos est parfaitement intégré au reste, créant une trame dont la forme a autant d’intérêt que le fond. Que demander de plus ? C’est parfait, tout simplement.


Plus que tout, Firefly est l’histoire d’une famille improbable, avec son lot de joies, de peines et d’engueulades. Et si ses membres n’avaient jusque-là pas complètement réalisé qu’ils en sont une, c’est maintenant chose faite. Serenity est leur foyer. Et la famille, c’est sacré.