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1.12 - The Message

La mort lui va si bien

Le Message

dimanche 6 novembre 2005, par Black Widow

Au menu du jour : un cadavre. Voir plusieurs, si je continue à lire autant d’horreurs dans la presse.

Je ne suis pas de bonne humeur. Mais alors vraiment pas. Et cela est dû aux déclarations de pseudos journalistes suite à la sortie de Serenity. Comment ne pas avoir envie de hurler lorsque ces soit-disants spécialistes du cinéma osent reprocher à cet univers son absence d’extraterrestres sous prétexte qu’il s’agit de science fiction ? Ce genre ne signifie aucunement vaisseaux spatiaux et aliens obligatoires, mais simplement une fiction semblant plausible scientifiquement, une anticipation, et c’est là sa différence avec le genre fantastique. C’est tout, point barre, ça peut donc ressembler à pleins de trucs. Pas étonnant après que le grand public, censé moins s’y connaître en audiovisuel que les gens écrivant de tels articles, soient décontenancés et n’aient aucune idée sur ce à quoi s’attendre. Et ce n’est qu’un exemple. Ah ça, on en aura lu des âneries ce mois-ci, des critiques à côté de la plaque et qui ne prennent pas la peine de se renseigner, voir d’entrer dans la salle de cinéma. Comme si la promotion pitoyable qu’a subit le film n’était pas suffisant. Mais bon, tout ça vous avez dû en être témoins tout autant que moi et avez dû être aussi déçus par tant de mauvaise foi, vous qui regardez et aimez Firefly (et si ce n’est pas encore le cas, j’espère vous avoir donné envie de le faire. Enfin, avant de m’être mise à râler). Donc vous comprenez mon besoin de faire part publiquement de mon mécontentement. Browncoats, faisons-nous entendre !

Enfin bref, revenons à The Message avant que je ne me lance dans un plaidoyer de trente pages pour la reconnaissance de cette grande œuvre télévisuelle qu’est Firefly. Hum, avec cet épisode, ça ne va malheureusement pas être trop dur de me contenir ...

RAPPEL

L’équipage de Serenity fait escale sur une jolie petite planète (qui pour une fois n’est pas nommée) où Jayne et Mal reçoivent du courier. Jayne reçoit un adorable bonnet de la part de sa maman chérie, tandis que Mal a droit à un superbe cercueil contenant le cadavre d’un ancien Browncoat ayant combattu à ses côtés. Décidément, il peut rien lui arriver de banal à celui-là !

Le cadavre en question est un dénommé Tracey, dont le vœux est d’être enterré parmi les siens à StAlban. Avec l’aide de la Poste intersidérale, il a fait en sorte que son corps soit livré à Mal et Zoe, qui n’hésiteront pas à rendre les dernières volontés de leur ami possibles. Le cercueil est donc ramené à bord de Serenity, mais est vite réclamé par le Lieutenant Womack de l’Alliance. Simon s’apprête à l’autopsier afin de trouver ce qui intéresse cet agent, lorsque Tracey se réveille en hurlant. L’explication est simple : Tracey fait du trafic d’organes, uniquement transportables dans un corps en vie, et a doublé ses employeurs. Se faire passer pour mort (en utilisant le même subterfuge que Simon et River sur Ariel) était selon lui le meilleur moyen d’échapper à Womack, tout en arrivant à destination sans se fouler grâce à Mal. Quelle délicate attention de sa part. Ca lui serait pas venu à l’idée de demander avant de s’incruster ?

Heureusement que depuis le temps, l’équipage sait gérer les ennuis. Ce qui fait que se débarrasser de Womack ne devient pas très difficile, notamment grâce à Book. Mais ça, Tracey n’a pas cherché à le savoir et a décidé de régler les choses par lui-même. Et là, c’est le drame. Pour avoir tiré trop prêt de la tête de Wash, Zoe lui colle une balle en pleine poitrine sans aucune hésitation. Il tente ensuite vainement de se servir de Kaylee comme otage. Ce sera là sa dernière boulette car Mal se voit contraint de lui tirer dessus également. Cette fois-ci, Tracey meurt pour de bon (die jerk, die !). Et comme promis, son corps est ramené chez lui afin d’y être enterré, entouré de ses amis et de sa famille.

CRITIQUE

Ne soyons pas trop négatifs, si The Message ne fait pas partie des meilleurs épisodes de Firefly (et nos amis de chez EDUSA sont aussi de cet avis ici), il n’en apporte pas moins son lot de belles scènes et de progression dans les relations des personnages. On nous gratifie d’une jolie poursuite spatiale à l’esthétique inhabituelle, nous plongeant cette fois-ci dans un décor montagneux et enneigé. L’autre planète de la semaine diffère également des paysages désertiques et pauvres auxquels nous sommes habitués, et de l’ultra modernité froide des planètes centrales. Cette fois-ci la ville présentée ressemble plutôt à Tokyo avec ses grands buildings et ses publicités géantes (celle de Blue Sun est d’ailleurs à vous dégoûter à jamais du rouge à lèvres). La séquence du travelling circulaire lors de l’écoute de l’enregistrement testamentaire sera aussi retenue, mais peut-être pour d’autres raisons. Les personnages forment un cercle autour du cadavre et sont émus par les paroles d’une personne que la majorité d’entre eux ne connaît même pas. Il est néanmoins assez difficile de ne pas rire aux éclats en revoyant ce passage s’il on a déjà vu le bêtisier de la série. Je ne vous raconterai pas car c’est à voir de ses propres yeux. Et c’est encore plus drôle que de voir Mal à califourchon sur un Tracey complètement nu.
Mais la plus marquante est celle des funérailles, qui conclut l’épisode sur le regard lourd de sens de Mal, voyant une fois de plus son monde s’écrouler autour de lui. Tracey n’est pas seulement un être cher de plus qu’il perd, il est le symbole même d’une certaine fatalité s’abattant sur quiconque s’oppose (ou s’est opposé) à l’Alliance. Le seul destin semblant de dessiner devant eux se trouve six pieds sous terre. Il y a de quoi avoir le cœur lourd face à une telle noirceur. Cette séquence émouvante a droit à une partition musicale mélancolique à souhait et une superbe photographie, où pour une fois ce n’est pas de la pluie qui tombe (comme on en voit dans toutes les séries) mais de la neige. Il n’y a rien de tel pour donner une image à la fois triste et douce, et une note de romantisme pas si inapproprié que cela. Les plus avertis auront également noté un petit caméo du grand Joss.

Inara : “So, do aliens live among us ?” (« Alors, les extraterrestres vivent parmi nous ?”)
Kaylee : “Yeah. One of them’s a doctor.” (« Ouais. L’un d’eux est docteur. »)
Comme je suis une fille très superficielle, je fais très attention aux vêtements des actrices. Et j’ai remarqué que la robe que porte Kaylee, lors de ce qui ressemble à un premier rendez-vous romantique avec Simon, est exactement la même que celle qu’elle portait lorsqu’elle a été engagée comme mécanicienne à bord de Serenity (voir Out of Gas). Pure coïncidence ou recyclage de costume diront certains. Mais comme j’aime le toutéliage, je suis persuadée que ce n’est pas anodin. Si vous vous rappelez de la scène en question, Kaylee sortait avec l’ancien mécano de Serenity à ce moment-là. J’en viens donc à la conclusion que cette jolie petite robe est sa tenue porte-bonheur pour séduire un mec lors d’un rendez-vous. Les choses ont tendance à trop ramer entre elle et Simon, et qu’elle ait envie de passer à la vitesse supérieure est normal. On a quasiment tous une tenue préférée où l’on se sent plus à son avantage que d’habitude, et voilà celle de Kaylee. Ce détail a beau ne pas être d’une grande importance, je le trouve assez adorable. Faut pas croire, le travail des costumiers est moins insignifiant qu’il n’en a l’air. N’oublions pas que sont aussi les petits détails qui nourrissent les personnages.
Donc, Simon essaie enfin de draguer Kaylee, et encore une fois trouve le moyen de tout faire foirer en manquant à la fois de tact et de sens de l’humour. Ce comportement sonne tout à fait juste, car c’est toujours lorsqu’on essaie d’impressionner et de séduire quelqu’un que l’on dit les choses les plus stupides et blessantes possibles. Heureusement, tout se finira bien entre ces deux-là lors des émouvantes funérailles où le docteur lui prend enfin la main (mode shipper activé automatiquement). Allez, encore un petit effort et on l’aura ce baiser tant attendu ! Elle a de la patience notre Kaylee, tout de même. Mais pour arriver à ce petit geste, il aura néanmoins fallu l’intrusion d’un rival en la personne de Tracey. Celui-ci est attiré immédiatement par la jeune femme et le lui montre, contrairement au docteur. Et Kaylee ne reste pas insensible non plus, reconnaissant dans ses paroles une sensibilité avec laquelle elle se sent proche, et qui plus est cette expression facile des sentiments est justement ce qui lui manque dans sa relation avec Simon. Elle éprouve aussi de la compassion pour cet homme un peu comme elle, pas fait pour la guerre mais y mêlé malgré tout et qui souhaite simplement reposer en paix parmi les siens. Et au lieu d’être bien plus motivé pour partir à la conquête du cœur de la jeune femme, que fait Simon ? Ben rien. Défaitiste comme par permis, il laisse tomber jusqu’à que son rival meurt et lui laisse de nouveau le champ libre. Quelle bravoure... Aussi mauvais dans la compréhension de la psychologie féminine qu’il est doué en médecine, Simon n’a pas réalisé que les milliers de signaux que Kaylee envoie dans sa direction depuis des lustres ne risquent pas de s’évanouir dès l’arrivée du premier cadavre ambulant qui traîne. Même River trouve que son frère est pitoyable sur ce coup-là. Et quand la folle du coin a pitié de vous, c’est que vous êtes tombé bien bas.

A côté de cela, en vrac

- On la voit peu, mais River s’amuse et se comporte comme une adolescente normale. Et bien que l’on ait envie que son histoire continue de nous intriguer, cela fait plaisir de la voir un peu plus sereine, probablement grâce au traitement de Simon qui semble bien fonctionner. La voir tout le temps faire son numéro de fille bizarre pourrait vite devenir énervant et avec ce genre de pause, le personnage ne lasse pas et ses crises en deviennent d’autant plus étonnantes. Cette peinture du personnage est donc particulièrement intelligente de la part des scénaristes, qui savent parfaitement doser l’intrigue.
- Depuis sa confrontation avec Mal, suivie de celle avec les Tam, Jayne a subit une étonnante métamorphose. Infirmière personnelle de Simon (il ne lui manque que la petite tenue), grand philosophe sur la façon de gérer le deuil avec Book...Jayne en finirait presque par nous impressionner. Il sait lire ! Difficilement, je vous l’accorde, mais quand même. S’il continue comme ça il va bientôt nous écrire des sonnets ou décider de rentrer dans les ordres (allez savoir). Et plus classe que son bonnet, tu meurs (à ranger dans le rayon « je veux le même »).
- Cela fait plaisir de voir Inara passer moment à la fois chaleureux et intime avec Mal, lorsqu’il se remémore les moments passés avec Tracey. On sent une nouvelle tentative de rapprochement vers lui et depuis l’affaire du Lassiter, ces deux-là ne se sont pas disputés une seule fois. Mal en vient à s’inquiéter de créer des ennuis à Inara, car bien qu’il déteste son métier, il préfère la savoir à l’abri de sérieux ennuis. Et elle ne bronche pas une seule seconde à la perspective de rater une nouvelle fois des rendez-vous avec des clients. Ces efforts de part et d’autre sont un grand pas en avant dans leur relation qui mérite d’être applaudit.
- Book prouve un nouvelle fois qu’il a de très bonnes connaissances du fonctionnement de l’Alliance et face aux agents il en arrive presque à en imposer le vieil homme ! Lui et Mal se comprennent de mieux en mieux, ce qui en est presque inquiétant car Book semble avoir une part très sombre. Ils arrivent donc à préparer un plan rien qu’en se regardant dans le blanc des yeux, comme s’ils avaient des prompteurs à la place des pupilles. Dommage que certains n’aient pas une telle facilité de communications, ça serait pas du luxe. Fait un peu bête de cette scène : ils auraient pu dire à Tracey qu’ils avaient un plan, avec gros clin d’œil à l’appui, ça aurait été plus simple pour la suite. Mais ça n’est pas bien grave, ça nous rend même service. Tout comme de ne pas voir Simon se précipiter pour le soigner lorsqu’il est grièvement blessé. Ce n’est pas très dur de lui en vouloir, Tracey est pénible au possible (surtout lors de son discours de type agonisant). C’est vrai quoi, fallait bien qu’au final il meurt, qu’on n’ait pas de risque de le voir revenir.

Boulet time
La faute au manque d’entrain que suscite cet épisode tient donc en majeure partie à ses seconds rôles. Jonathan Woodward, qui joue Tracey, n’est pourtant pas un mauvais acteur et a plutôt une bonne bouille. Mais son plus gros défaut est de ne pas rendre une seule seconde son personnage attachant, ce qui est un comble pour quelqu’un que l’on est censé pleurer en fin d’épisode, et il faut l’avouer c’est aussi en partie la faute au scénario. Il finit par agacer à force de le voir dans toutes les séries de Whedon (le seul autre acteur à avoir fait ce triptyque est Carlos Jacott, incarnant Dobson dans le Pilote. Mais lui au moins, il sait se faire discret). On ne va pas lui en vouloir de trouver du boulot, mais un peu quand même. Personnellement je ne peux plus l’encadrer depuis ce qu’il a fait dans Angel (je ne pardonnerai jamais à Knox. Jamais !). L’acteur et le rôle ne font désormais plus qu’un, et je perds toute objectivité dans son cas... en plus de m’éloigner complètement de mon sujet. Nous pouvons quand même retenir que sa plus mauvaise scène est celle de la prise d’otage de Kaylee, où il tient si mal Jewel Staite que la pauvre doit essayer de se coller à lui pour faire croire qu’elle est vraiment prisonnière. Le deuxième boulet du jour est Richard Burgi (dans le rôle du Lieutenant Womack), l’insupportable grand renifleur de l’insupportable série The Sentinel, qui depuis vient plomber à peu près tout ce qui passe sur le petit écran. Il incarne là un vilain tellement charismatique qu’un séjour à Smellville ne le dépayserait même pas. Avec de tels ingrédients, comment voulez-vous que la sauce prenne ?
Et comme tout à l’air de fonctionner par paires, ajoutons à cela deux scènes plombant l’épisode. La première est celle où Mal, Zoe et Inara se marrent en racontant leurs bonnes vieilles histoires de guerre (Wash n’est pas présent pour la bonne raison qu’il a déjà eu sa dose dans War Stories). Tout le monde rigole... sauf nous, parce qu’on s’ennuie ferme à cet instant là. Les anecdotes sur la vie de Tracey, c’est aussi passionnant qu’une intégrale de Derrick (en moins jaunâtre), et le rire sonne un peu forcé chez nos néanmoins talentueux comédiens. La seconde est celle du flashback durant la guerre, procédé pour une fois d’un intérêt assez moindre dans la série. Voir un peu plus de cette période n’apporte pas beaucoup plus d’informations que ce que nous avait montré le Pilote et les dires de Zoe et Mal. Le comportement de ces deux-là n’est pas inintéressant, Zoe n’ayant rien à envier à Terminator lorsqu’elle égorge un soldat avec une aisance impressionnante, tandis que Mal prend un pied fou dans la bataille. Cet enthousiasme en est d’ailleurs presque inquiétant. Mais on ne voit finalement pas grand-chose de la guerre car il s’agit d’un huit-clos dans une caverne, où ça papotte histoire de dire que Zoe, Mal et Tracey se sont connus et ont partagé ces moments traumatisants ensemble. Bref, cette séquence sert surtout à présenter le personnage de Tracey en compagnie de nos héros et les conditions ayant créé leurs liens. Et cette focalisation sur Tracey, personnage dont on se fiche royalement (on ne l’avait jamais vu et on ne le reverra je l’espère plus jamais), plutôt que sur Mal et Zoe, est justement ce qui rend la scène insipide et inutile. On en aurait plus appris sur Zoe et Mal que cela aurait été véritablement intéressant et poignant (tel que leur première rencontre ou un autre moment déterminant de leur vie, comme nous l’avait si bien montré le Pilote avec la fin de la guerre à Serenity Valley).


Ben alors, c’est quoi cette petite baisse de régime ? La série tenait une telle forme que dès qu’elle connaît un petit coup de barre, ça fait un choc. Et quand on sait qu’il est écrit par Whedon et Minear, c’en est d’autant plus décevant. En parlant de déception, Serenity a déjà presque totalement disparu du peu d’écrans sur lesquels il était projeté. C’est d’un déprimant...vivement noël avec la sortie du dvd pour le visionnage en boucle.

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