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1.13 - Heart of Gold

Cry Baby

Mission Secours

vendredi 18 novembre 2005, par Black Widow

Parce que piller, tuer et balancer de minables vannes ne lui suffisait plus, Mal le Cruel a ajouté une nouvelle infamie à son répertoire de barbare : faire pleurer Inara.

RAPPEL

Je suis Melinda Clarke. J’ai déjà ravagé tout l’Orange County et chamboulé la vie du plus monacal des Experts, tu crois vraiment que tu fais le poids petit ?

Sur la plus paumée des lunes qui soient, le riche Rance Burgess réclame son enfant que porte la prostituée Petaline, sa femme ne pouvant lui donner d’héritier. Comme il ne demande pas très gentiment, il se heurte à la patronne du bordel nommé Heart of Gold. Cette femme de caractère est Nandi, ancienne Compagne et amie d’Inara, qui l’appelle afin que l’équipage dont elle fait partie lui vienne en aide. Ce qu’ils acceptent immédiatement, sans le moindre paiement en échange.

Après un rapide état des lieux, Mal en conclu qu’ils ne font pas le poids face à l’armement des hommes de Burgess. Mais comme il est hors de question pour Nandi de quitter sa maison, tout le monde se prépare au combat à sa manière (positionnement, barricades, étalage de flingues, parties de jambes en l’air...). Nandi et Mal se trouvent vite attirés l’un par l’autre et passent la nuit ensemble, à la grande tristesse d’Inara. Pendant ce temps, Pétaline est assistée par Simon durant l’accouchement.

Burgess est prévenu de la situation par l’une des prostituées, contre de l’argent et la vie sauve. L’attaque a donc lieu le lendemain, les coups de feu volant dans tous les sens jusqu’à l’intérieur même de Serenity. Burgess parvient à atteindre son fils à peine né et en s’enfuyant tire sur Nandi, qui meurt sur le coup. Fou furieux, Mal se lance à la poursuite du malfrat et le ramène ligoté à Pétaline. Celle-ci l’abat d’une balle en pleine tête, son bébé dans les bras (ouh que c’est froid !).

Après les émouvantes funérailles de Nandi, Inara fait part à Mal de sa décision de quitter Serenity...

CRITIQUE

Cet épisode axé sur le western reprend le thème très connu du bordel et permet une nouvelle fois d’apporter une réflexion féministe. Le personnage de Burgess est l’archétype même du riche malfrat régnant sur la région, qu’il garde sous contrôle et dans la misère. Il a surtout un mode de pensée très arriéré dès qu’il s’agit des femmes. Son discours à ses hommes fait au spectateur l’effet escompté, puisqu’il est tout simplement écoeurant. Burgess suit les traces de plusieurs personnages masculins particulièrement négatifs présentés jusque-là (Atherton dans Shindig, les habitants de Triumph dans Our Mrs Reynolds, etc). Bien que cette caractérisation de l’homme dans tout ce qu’il a de plus mauvais puisse paraître répétitive, cela revêt un aspect malheureusement très véridique. Dans cet univers où les inégalités à la fois technologiques et mentales sont extrêmement marquées, les personnages tels que Burgess ne peuvent être des exceptions. Et Serenity a la fâcheuse tendance à voler plus prêt des endroits recelant ce type d’ordures plutôt que des planètes disons « civilisées ».

L’impossible monsieur bébé
La grossesse de Pétaline est l’occasion pour Zoe de remettre sur le tapis son désir d’avoir un enfant, ce qui inquiète Wash au vu du mode de vie assez dangereux qu’ils mènent et de l’incertitude permanente quant à leurs revenus. La naissance d’un petit Washburne serait effectivement une jolie chose, leur couple étant si solide qu’un enfant paraît la suite logique à leur évolution. Mais les questionnements de Wash sont fondés : cette constante fuite, ces nombreux dangers...serait-ce une bonne vie à offrir à un enfant ? Face à cela, Zoe est inflexible. Les risques font partie de la vie, et tous les parents se posent le même genre de questions, peu importe qu’ils vivent dans un vaisseau spatial aux activités illégales ou dans une banlieue chic avec système d’alarme près du portail. Après tout, rien n’est certain dans la vie, pas même la sécurité. Et surtout, sa logique est bien différente de celle de son mari puisqu’elle n’anticipe pas de manière négative sur un évènement qui n’a pas encore eu lieu. Avec ce mode de pensée, plus personne ne ferait plus rien par peur de l’échec. Elle a une sacré sagesse notre Zoe, et Wash ne trouve rien à répondre à cela. Moi non plus d’ailleurs.

Space hookers
Nandi est interprétée par Melinda Clarke, ma guest-star préférée de la série après Catherine Hendricks (aka Saffron). On en vient à pleurer la mort de Nandi alors qu’on ne faisait que commencer à la découvrir. Pourquoi cela fonctionne cette fois-ci, alors que ce n’était pas le cas avec le second rôle de l’épisode précédent ? Plusieurs facteurs en sont la raison : une excellente interprète, un personnage parfaitement caractérisé et intéressant au point d’avoir envie de la connaître un peu plus, et bien sûr des relations poignantes avec d’autre personnages. Tout en nous permettant d’en apprendre plus sur Inara et Mal, elle les fait évoluer. Ces deux personnages principaux, auxquels nous nous sommes attachés, se trouvent bouleversés par leurs rapports avec Nandi, et la présence de celle-ci aura une influence déterminante sur leurs destins. Tous les éléments sont donc présents pour la rendre attachante en moins de quarante minutes.
Grâce à elle, nous avons enfin quelques noms à mettre sur des lieux dont nous entendons souvent parler mais qui paraissent abstraits. Sihnon est donc la planète où se trouve la Maison Madrassa, autrement dit l’Académie des Compagnes. Après être partie par manque d’indépendance, Nandi a récupéré un bordel où les femmes n’étaient pas protégées par les lois, exploitées et maltraitées. Ici, point de discours valorisant ou non sur la prostitution, il n’y a pas de jugement. Simplement un état de fait : cela existe, a toujours été le cas et le restera sûrement encore longtemps. Alors plutôt que d’ignorer cela, autant faire en sorte que les choses se passent le mieux possibles pour ces femmes (et hommes), et c’est ce que représentent les Compagnes. Elles sont protégées par une Guilde, ont la loi de leur côté, choisissent leurs clients (et non l’inverse, ce qui les mettrait dans une position de marchandise, alors que ce sont les demandeurs qui sont dans une position de faiblesse). Et elles peuvent s’en aller quand elles le souhaitent, comme l’a fait Nandi, qui a par ailleurs appliqué cette méthode misant sur la sûreté à sa propre maison close. On peut y voir une sorte de message à tous ceux (politiciens surtout) voulant éradiquer ce phénomène, chose impossible à faire en un coup de claquement de doigts, plutôt que de commencer par améliorer la situation et protéger les gens en premier lieu.

Histoires de coeur
On regrettera une fois de plus un titre français franchement mauvais et très loin de la poésie qui se dégage de l’original, aux multiples sens. Heart of gold est le nom du bordel que dirige Nandi et en dit long sur la façon de penser de la tenancière. Chez elle, vous n’y trouverez pas que de la chair mais aussi des personnes avec des sentiments, qui méritent donc le respect. Les Compagnes ont beau offrir leurs services, elles (et ils !) n’en ont pas moins un cœur. En témoigne celui d’Inara, ici purement brisé. Ce cœur en or symbolise également la générosité dont font preuve Malcolm Reynolds et son équipage, venant à la rescousse des opprimés par bonté d’âme et non en contrepartie de quoi que ce soit. Enfin, les musicophiles ne pourront s’empêcher de faire un rapprochement avec la superbe chanson du cowboy du rock Neil Young, tirée de son plus célèbre album (« Harvest »), dont l’ambiance va parfaitement bien avec cet univers. D’ailleurs le 33 tours tourne sur ma platine au moment même où j’écris ces lignes (je précise, histoire de vous mettre dans l’ambiance).
Le cœur subit de nombreux remous dans cet épisode, de celui brisé d’Inara en apprenant la relation entre Mal et Nandi (dont le déchirement est appuyé par sa réflexion dans un miroir lorsqu’elle fond en larmes), à celui de Mal lors de l’annonce du départ d’Inara, en passant par la grande peine que procure la mort de Nandi. On peut dire qu’ils auront eu leur lot de larmes ! Mais l’épisode joue sur l’émotion et non sur le larmoyant dégoulinant, limite vite franchissable dans ce genre de cas. Le trait dramatique n’est jamais forcé, que ce soit par les dialogues ou le jeu des acteurs. La crise d’Inara en est le parfait exemple : le gros plan sur son visage en larmes est très court, la caméra s’éloignant vite par pudeur, et la scène suivante la montre refaisant face comme si de rien n’était. Il n’en fallait pas plus. L’actrice Morena Baccarin y est plus radieuse que jamais (et c’est là que je dis sheh-sheh au grand manitou que Rebecca Gayeheart se soit fait expulser encore plus vite que sur Dead Like Me. Eh oui, on a échappé de près à cette horreur dans le rôle d’Inara !). Sa prestation est à fendre le cœur de n’importe quel dur à cuire. En particulier lors du tête à tête final avec Mal, où les simples regards de Baccarin et Fillion suffisent à remplacer mille mots. C’est sûr, je veux Morena en Wonder Woman au cinéma, elle et personne d’autre !

Ça vous donne pas envie de coller des claques à Mal ?

1 homme, 2 femmes, 3 possibilités

- Mal et Inara.
Pour une fois, Mal décide de faire un pas en avant pour faire évoluer ses rapports avec Inara en étant prêt à l’aider à titre personnel, en tant qu’ami. Mais contre toute attente, c’est elle qui le repousse, préférant que la situation reste purement professionnelle et ainsi garder ses distances. Cette attitude peut paraître incompréhensive de sa part, elle qui n’a cessé de tenter de se rapprocher de lui, sans grand succès jusque là. Pourtant elle dit être ravie et que ça ne la gêne pas du tout...puis va pleurer dans son coin ! Finalement, elle n’a peut-être pas peur de ses sentiments mais peur autant que lui de l’endroit où ils pourraient les conduire. « Suis-moi je te suis, fuis-moi je te suis » pourrait être leur slogan. Ils sont finalement aussi fautifs l’un que l’autre dans l’échec de leur relation. Ils se ressemblent beaucoup dans leur façon d’éviter la moindre difficulté. Nandi est une fine psychologue : les complications, c’est justement ce qui met du sel à la vie. En les refusant, Mal et Inara s’interdisent autant les malheurs que les joies que la vie peut leur procurer.

- Mal et Nandi.
Nandi ressemble aussi beaucoup à Mal, il n’est donc pas très étonnant qu’elle soit amie avec Inara. D’ailleurs, elles se retrouvent attirée par le même homme. Tout comme lui, elle aime les armes, se bat et tue pour avoir sa liberté, et surtout refuse de quitter le foyer qu’elle a mis tant de temps et d’énergie à construire. Heart of Gold est son Serenity, et sans lui c’est une partie d’elle-même qu’elle perd. Elle est la première femme avec qui Mal a une liaison depuis bien longtemps, ce qui n’est pas rien. Leur scène d’amour est légèrement longuette, mais joliment filmée dans une ambiance sensuelle et sans aucune vulgarité. Alors oui, Melinda est géniale et cela doit être dur de lui résister, mais à voir le résultat sur Inara on a juste envie de hurler : "mais quel abruti" !!! Il est pourtant impossible d’en vouloir à qui que ce soit. Cette courte relation est tout de même basée sur des sentiments, et tous les facteurs étaient là : Mal était déçu d’être repoussé par Inara, et Nandi avait besoin de réconfort. Il ne reste plus à Inara qu’à se focaliser sur ce dernier point assez positif, plutôt que sur le fait que Mal ait passé la nuit avec une autre. Si elle n’avait pas si bien caché son jeu, Nandi n’aurait pas mis autant de temps à percer ses sentiments pour Mal. Il aura fallu attendre qu’Inara craque pour que les deux amies se comprennent. Et aucune compétition ne semble naître, leurs liens étant plus solides et chacune ne souhaitant que le bonheur de l’autre. Pour le triangle amoureux, on repassera.

- Nandi morte, Inara partie et Mal tout seul.

Il y a quelques épisodes, je disais que les liens unissant cette petite famille commençaient à se briser. Et contre toute attente, c’est la figure maternelle de l’équipage qui décide de les rompre la première. Angie Hart chante « Amazing Grace » lors des funérailles de Nandi (où la couleur de rigueur est le blanc, signe de deuil en Chine), dont les paroles vont parfaitement avec l’état d’esprit du moment d’Inara (« J’étais aveugle, mais maintenant je vois clair »). Son départ risque fortement de dégrader les choses sur Serenity : Kaylee risque de déprimer, n’ayant plus de mei-mei à qui se confier. Mal reportera probablement son amertume sur les autres, moins d’endroits accessibles signifieront moins de boulot, donc moins de carburant et de nourriture. Et tout cela fera monter la tension à bord de Serenity. Bonjour l’effet boule de neige ! Bon ça n’ira peut-être pas au point de se bouffer entre eux pour survivre (on ne devient pas un Reaver si facilement), mais tout cela ne laisse pas présager de bonnes choses. Mal a donc intérêt à tout faire pour la garder à ses côtés.
Inara n’a jamais dit pourquoi elle a quitté Madrassa, pas même à Nandi, alors qu’elle aurait pu y devenir Grande Prêtresse (autrement dit Directrice). Mais quand saurons-nous ce qui s’est passé ? Quel évènement majeur a bien pu précipiter son départ et l’amener sur un vaisseau comme Serenity ? Elle est pourtant toujours registrée et vit dans la légalité. Alors quoi ? Je n’ai absolument aucune théorie là-dessus, Inara est définitivement un mystère pour moi (alors que Book, il suffit d’avoir vu le film pour avoir sa petite idée sur son passé). La vie là-bas est semble-t-il très stricte et rien n’y est réel, les Compagnes n’y apprenant qu’à être des actrices, allant jusqu’à croire elles-mêmes qu’elles ressentent toutes ces choses. On leur apprend à dissimuler leurs sentiments et en exprimer d’autres. Nandi a fuit cette condition pour avoir une vraie vie. Inara, elle, est un peu coincée entre deux conditions, la Compagne parfaite (limite inhumaine) et la femme libérée comme Nandi. Elle est partie de Madrassa mais pas n’a pas quitté la Guilde. D’un côté elle tente de vivre des sentiments sincères et une relation saine, de l’autre elle prend la fuite par crainte dès qu’elle est proche de les obtenir. Prisonnière entre ces deux états, elle ne sait évidemment plus où elle en est, où finit la professionnelle et où commence la personne. Inara ne voit donc qu’une solution : partir. Est-ce la bonne méthode ? Difficile de juger pareille décision. Faire face à ses sentiments et à Mal paraît à première vue bien meilleur, et en tant que spectateur c’est tout ce que l’on souhaite, une concrétisation entre eux. Mais l’isolement s’avère peut-être plus approprié.

En effet, prendre calmement le temps de réfléchir à qui elle est, ce qu’elle ressent et ce qu’elle veut, sans stress ni éléments extérieurs susceptibles de l’influencer, peut tout à fait l’aider de manière positive a mieux avancer dans la vie. Et ainsi à avoir des rapports de meilleur qualité avec les autres (Mal en premier lieu). Son départ est aussi motivé par sa peur de ne plus pouvoir quitter Serenity si elle y est trop attachée. Et cette déclaration de sa part pause un autre problème, qui n’est plus du même ordre. Pourquoi pense-t-elle qu’elle devra repartir un jour ? Nous en revenons donc aux questionnements sur son mystérieux passé. Au final, cela vient-il vraiment d’elle ou y’a-t-il autre chose ? Que cache-t-elle ? Inara Serra n’a peut-être pas un vécu aussi incroyable que celui de River Tam, mais elle n’en est pas moins une véritable énigme.


Morena Baccarin illumine ce superbe épisode, dont la douce mélancolie fait très facilement oublier la lourdeur du précédent. Les histoires d’amour finissent mal en général, et notre Capitaine en fait doublement les frais. It’s these expressions I never give, That keep me searching for a heart of gold, And I’m getting old...