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1.14 - Objects in Space

My own personal big damn heroes

Objects Volants Identifiés

mercredi 14 décembre 2005, par Black Widow

Celui qui a dit que la vie était comme une boîte de chocolats n’avait vraiment pas le cerveau de River Tam. Retour sur le génie le plus compliqué du ’verse et fin (provisoire) des aventures de l’équipage de Malcolm Reynolds à bord de Serenity.

Et c’est avec cette critique qu’à mon grand regret, je clôture le mois Firefly (quoi, octobre est fini depuis longtemps ? Ah mais on ne m’a pas prévenue !). Je tiens à m’excuser pour mon retard incroyable, j’ai été assez débordée dernièrement et cette critique s’est avérée plus complexe à écrire que prévu, mes notes ayant triplées par rapport à d’habitude tant il y a à dire sur cet épisode. Eh oui nous en arrivons au dernier épisode de la série, the last one, celui qui n’est pas suivi d’un autre, la fin des fins, le fameux numéro 14, Objects in Space...Il y a de quoi pleurer, je sais. Mais consolez-vous, vous pourrez profiter de ma prose sur d’autres séries, il paraît que je ne suis pas virée de la rédac (ah, ce n’est pas ça qui vous rend tristes ?).
Au fait, le lapin en chocolat, je me le suis mangé. Ju aurait pu l’avoir mais comme il a pas fait tout ce qu’il devait faire pour ce mois spécial (aucune honte, ces Edusiens !), il a été privé de lapin. Je sais, c’est pas sympa. Mais c’est parce que suis amère, j’en arrive au dernier épisode...je vous ai déjà dit que je hais la Fox plus que tout ?

RAPPEL

Les médicaments de River ne faisant plus d’effets, la pauvre perd de plus en plus la tête, jusqu’à confondre un pistolet avec une branche de bois. Autant vous dire qu’une folle armée qui ne se rend absolument pas compte de ce qu’elle fait, ça a de quoi faire paniquer tout le monde à bord. Une petite réunion d’urgence à son sujet s’impose donc, et Kaylee en profite pour raconter la façon quasi-surnaturelle avec laquelle River a descendu des hommes de Niska lors du sauvetage de Mal. Mais la plus grande menace immédiate n’est pas celle qu’ils croient. Car pendant ce temps-là, un chasseur de prime s’est introduit sans se faire remarquer à bord de Serenity.

La réunion se termine sans réelle conclusion quand au sort de River, et chacun va se coucher dans ses quartiers. Jubal Early, le chasseur de prime, est évidemment là pour capturer la jeune Tam. Sur son chemin, il frappe Mal et enferme chacun dans ses quartiers, ligote Kaylee, puis prend Simon en otage afin qu’il la conduise à sa sœur, égarée à bord du vaisseau.

River contacte finalement Early à travers l’intercom, lui faisant peu à peu perdre le contrôle de la situation grâce à des révélations personnelles. Sans qu’il le sache, elle communique aussi avec d’autres membres de l’équipage, avant de faire ses adieux et de se résoudre à repartir avec Early. Celui-ci tire sur Simon puis s’apprête à rejoindre son vaisseau, mais Mal (libéré grâce à Kaylee, elle-même libérée grâce à River) le pousse dans l’espace où il risque de flotter encore longtemps... River rejoint Serenity une bonne fois pour toutes. Son plan a marché.

CRITIQUE

Firefly se termine en beauté avec cet épisode en tous points fascinant. Il s’ouvre sur l’image d’un objet dans l’espace, un pachyderme volant que nous connaissons bien baptisé Serenity. La caméra se faufile à travers les entrailles du vaisseau sur une musique lancinante, avant de s’arrêter soudainement au moment sur le visage de River, endormie. Vue à travers un grillage, elle ouvre grand les yeux, puis sort de sa chambre. La métaphore visuelle est ici très simple : c’est en ouvrant les yeux qu’elle pourra sortir de sa propre prison. Cette image est aussi très claire concernant la présentation de l’épisode : voici la femme prisonnière, et il va s’agir de la voir s’en échapper. Ce teaser est clair et net, l’histoire va être centré sur elle, donc attendez-vous à ce que ce soit passionnant. Pour renforcer le suspense, le dernier plan de cette intro montrant Serenity suivie soudainement par un autre vaisseau. Ils ne sont peut-être pas si seuls que ça...
Mais avant de parler de ce fameux élément perturbateur (et ce n’est pas rien de le dire) ainsi que sur les personnages les plus explorés dans cette histoire, revenons une dernière fois sur les autres membres de l’équipage.

- Mal
River étant le sujet principal de cette histoire, il est impossible de la dissocier de Mal, première personne à l’avoir pleinement acceptée à bord de son vaisseau. Depuis son arrivée, jamais il ne l’aura lâchée ou n’aura été tenté de le faire, et cela pour toutes les raisons que nous avons déjà évoquées précédemment. Cette fois-ci c’est River qui joue les protectrices, chacun plaçant sa confiance en elle pour la première fois. La position fœtale de Mal, assommé, n’est d’ailleurs pas sans rappeler la toute première apparition de River. Les rôles sont ici inversés, Mal se retrouvant affaiblit (comme un enfant) et ayant besoin de l’aide de River (l’adulte). Quand elle revient sur Serenity, c’est encore Mal qui l’accueille à bras ouverts dans cette sombre immensité qui les entoure. Ces deux-là seront toujours liés.

- Inara
Inara n’a pas encore quitté le vaisseau mais elle n’a pas non plus appris aux autres sa décision. Si Mal fait celui que cela embête de ne pas tenir les autres au courant, il doit trouver cela bien pratique puisqu’il essaie de trouver des excuses pour qu’elle reste. Lorsque Mal lui touche la lèvre et s’approche de son visage, se souciant de ses blessures, cela la fait fuir très vite. Une telle proximité la trouble et risquerait de la faire changer d’avis. Elle ne met pourtant pas ses compagnons au courant, ce qui rendrait son départ officiel et laisserait moins de place à ses doutes. C’est sûrement pour cela qu’Inara n’ose toujours pas l’avouer, sans doute hésite-t-elle encore un peu car quitter ceux qui sont devenus sa famille n’est pas chose aisée. A moins que d’annoncer à la dernière minute ne lui évite de longs moments larmoyants qui risqueraient de la déstabiliser et de la faire changer d’avis. Je pencherais plutôt pour cette seconde solution car Inara semblait très franchement décidée à la fin de Heart of Gold. Mais elle a beau être prête à partir, elle n’en reste pas moins très protectrice, officiant toujours dans son rôle de mère pour tout l’équipage.

- Simon
Notre docteur a acquit une telle confiance en lui qu’il donne l’impression d’avoir le contrôle de la situation et en devient sarcastique. Avec lui, Early se montre plus détendu, car il n’a pas peur. Le malentendu « a lion / alliance » en serait presque comique et leurs échanges embrouillés méritent de détendre légèrement l’atmosphère. Mais très légèrement hein. Simon en a tellement vu, tellement fait pour sa sœur, qu’il n’est plus facilement impressionnable. Il a tant risqué pour sa sœur que cette nouvelle épreuve paraît comme une routine. Une variable est ajoutée cependant : River n’est plus la seule personne à compter pour lui. Et Early, en bon observateur, l’a bien compris et s’en sert contre lui en lui imposant de choisir entre sa sœur et la femme qu’il aime. L’une est capturée puis torturée ou l’autre se fait violer. Tu parles d’un choix ! La peste ou le choléra ? Alors Simon, tu te décides ?
Serenity a métamorphosé tous ses habitants, en particulier les Tam. Mal réappuie d’ailleurs sur l’indispensabilité que Simon a créée : ils sont seuls ici, perdus au milieu de nulle part. Si Simon est blessé, personne ne pourra le soigner. Et sa prédiction arrive bel et bien, à un détail près. Il y aura toujours quelqu’un pour s’occuper de lui car ils prennent soin des uns des autres.

- Jayne, Zoe et Wash
Jayne ramène sur le terrain qu’il n’a jamais voulu de la présence de River à bord (encore ? Oui, encore). Et s’écrase (encore) face à Mal, pour qui le sujet est clos. Oui, bon, ça fait déjà quelques épisodes qu’on a bien compris que Jayne est devenu docile tout en ne changeant pas d’avis pour autant. On s’amusera néanmoins du fait que Jayne s’est tellement ratatiné que Wash se moque royalement de lui à plusieurs reprises sans avoir peur de représailles une seule seconde. Et il n’y va pas avec le dos de la cuillère notre pilote ! Faut dire aussi qu’il est marié à Zoe, et vous l’aurez peut-être remarqué, mais Jayne a toujours été impressionné par elle. Je dirais même qu’il la respecte probablement plus que Mal. Vous l’avez déjà entendu lui répondre ? Jamais. Et quand elle lui donne un ordre, que fait-il ? Il obéit, sans même ronchonner. Jayne Cobb aime les femmes et tout ce qui a attrait au combat. Zoe est la quintessence même de ses fantasmes, il n’est donc pas si étonnant qu’il ne la considère pas comme n’importe qui. Le reste du temps, Jayne dort. Toujours à côté de la plaque celui-là, à ne pas faire ce qu’il faut ! Plus qu’un élément comique, cela marque bien le fait qu’il est le seul qui n’acceptera jamais River et se contrefiche de ce qui peut lui arriver. Lui qui a toujours fait partie de ce groupe, s’en détache de plus en plus par son attitude et sa façon de penser à l’opposée des autres et créé lui-même une situation inverse de celle de River.
Concernant le couple Washburne, il n’y a malheureusement pas grand-chose d’autre à dire sur cet épisode en particulier, mis à part que Zoe fera une nouvelle fois office de médecin de remplacement grâce à son expérience en la matière durant la guerre.

- Book
Le seul élément à retenir le concernant est la déclaration de Early que Book n’est pas un pasteur. Oui, bon, on avait compris depuis le temps, tu parles d’une révélation. Mais cela explique au moins pourquoi il est la seule autre personne à être assommée après Mal. L’élimination se fait par importance du risque représenté pour Early, et Book arrive en deuxième position. A noter aussi sa remarquable façon d’interrompre un éminent baiser entre Kaylee et Simon. Comme par hasard... Eh oh c’est pas parce qu’il a choisit l’abstinence qu’il est obligé de l’imposer à tout le monde ! Et c’est pas comme ça que je vais commencer à l’apprécier.

Frye and Tams
Kaylee est la seule personne à être à la fois très proche du frère comme de la sœur Tam. En général les personnages ont plus d’affinités avec l’un qu’avec l’autre. Par conséquent, c’est la personne la plus sereine et joviale à bord qui se retrouve au milieu de ceux ayant le plus de problèmes, et ce n’est pas chose facile à gérer quand on a toujours été optimiste et que son plus grand rêve est de porter des robes à frou-frous. C’est même sacrément perturbateur et ça a de quoi casser le moral. Ajoutez-y des menaces de viol et la vie n’a plus l’air de ressembler à une grosse fraise tout à coup.
Nous assistons à une Kaylee profitant d’une situation pour soutirer à Simon une déclaration d’amour, qui évidemment échoue. Je suis très shipper envers ces deux-là, et leur scène complice du teaser me ravie car il y a enfin un peu de contact physique. Les pieds nus c’est très sensuel, demandez à Tarantino (d’ailleurs Joss est en train de lui piquer son obsession). Mais bizarrement, cette scène de rentre-dedans me dérange un peu. Kaylee ramène trop à son intérêt, comme si elle se fichait que River parte tant que son chéri reste. Non seulement c’est pas top cool de sa part, mais en plus elle peut toujours rêver : là où va River, fréro suit. Et elle comprendra bien la leçon en faisant la paix avec River et en retournant jouer à la balle avec elle, avec promesse d’être BFF et tout le toutim. Ah, elle sait comment se le mettre dans la poche son docteur ! Bon, j’exagère beaucoup parce que cette attitude me chiffonne, vu que l’amitié des deux filles était bien réelle. Il faut peut-être voir ça comme une façon de montrer que Kaylee n’est pas parfaite et peut être égoïste comme tout le monde, mais pour ma part ça tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. Et il n’y a pas de quoi être joyeux au final, puisque les tourtereaux sont interrompus par Book.
Concernant les deux jeunes femmes, Kaylee fait quelque part office de gardienne du secret concernant les capacités phénoménales au combat de River. Après l’incident du flingue, elle se décide enfin à raconter les évènements survenus dans War Stories, à savoir la petite tuerie impeccable à la façon lanceuse de couteaux dans un cirque (je viens de trouver un bon moyen de reconversion pour River, dites donc !). Jusqu’ici cette confidence n’était pas nécessaire, River s’étant tellement tenue à carreaux depuis ses nouveaux cachets magiques qu’on l’avait à peine entraperçue. Mais on n’est pas à Poudlard et ça ne peut pas durer éternellement. Kaylee avoue cependant ne pas en vouloir à River d’être ainsi, mais la peur a été plus forte que sa reconnaissance. Toujours est-il que Kaylee et River se réconcilient, réparant une amitié ayant été quelque peu brisée. Quoi de plus normal pour une mécanicienne ? Sauf que l’amélioration de leurs rapports viendra de River, qui était la cause du froid récent entre elles. Sa violence les aura éloignées mais son réconfort et la force apportée à son amie les auront liées de nouveau. Si avec ça Kaylee ne la désigne pas demoiselle d’honneur...

The R-file
River se trouve ici en proie à la solitude. Employant de plus en plus la troisième personne du singulier pour parler d’elle, elle semble détachée des autres et d’elle-même, ne sachant plus reconnaître le réel de l’imaginaire. Son esprit est à la fois partagé entre ses envies (de la complicité, une relation amoureuse) et ses peurs (être repoussée). Le fait qu’elle ressente très fortement les choses (les embrassades de Zoe et Wash lui étourdissent la tête, et pas seulement parce qu’elle est une ado en pleine crise hormonale) et soit télépathe ne signifie pas que ce qu’elle croit entendre soit réellement ce que les gens pensent. Le problème c’est qu’il est difficile de diviser le plausible de l’imagination, car les propos de Jayne collent au personnage mais pas ceux de Book par exemple. Il y a confusion entre ce qu’elle sait (la trahison de Jayne) et ce qu’elle imagine (les reproches de son frère). Sa déclaration « She undertsands. She doesn’t comprehend » est très difficile à traduire en français car ces deux verbes signifient « comprendre », mais résume parfaitement la façon dont son cerveau fonctionne. Sa compréhension fonctionne à un niveau différent de celui de la normale, d’où un problème évident à saisir les autres mais aussi à être comprise. Le mot « télépathe » est d’ailleurs enfin lâché (par Mal), ce qui laisse l’équipage assez perplexe. Ce n’est pas qu’ils ne s’en étaient pas rendu compte, au contraire, mais ce fait est plutôt dur à accepter et nommer à haute voix ce phénomène donne aux faits une dimension plus au moins étrange. Il faut dire que l’attitude plus qu’étrange de River n’arrange rien, à la voir écouter ses compagnons dans une position assez dangereuse avec un regard absent, comme si elle était en transe. Décidément, elle aime bien se suspendre un peu partout. Dès qu’il y a moyen de montrer qu’elle sait faire le grand écart, celle-là ! Heureusement, le cheminement que suit River à travers cet épisode finira cette acceptation mutuelle, à défaut de véritable compréhension, et nous quittons nos héros sur un beau plan-séquence les reliant tous, River y compris. Finis les plans marquant sa mise à l’écart. Elle a gagné sa carte de membre du club !

Comme le dit si bien son frère, River Tam aimerait seulement être une fille, une simple adolescente... Là encore Whedon revient à l’une de ses obsessions, celle d’une vie tranquille volée au profit d’un plus grand destin. Alors qu’il donnait une vision assez positive de ce destin auparavant (dans Buffy), il en fait ici un portrait bien plus sombre. Télépathe ou assassin, on lui aura fait du mal pour servir une entité malfaisante aux fins bien moins glorieuses que le sauvetage du monde. « Ravage » serait le terme le plus approprié. Mais la conclusion qui s’impose est toujours la même : River a le choix, un pouvoir sur sa destinée. Si Buffy a choisit de suivre la trace qu’on lui a au départ imposé, voire la surpasser, River choisit de ne pas devenir l’arme de destruction qu’on a voulu faire d’elle. Le passé ne peut être changé mais le futur si. Au lieu de nier ses nouveaux dons, elle s’en servira à d’autres fins que celles prévues, à titre plus personnel que collectif (aider ses amis plutôt qu’une organisation gouvernementale). Et cette prise de position de la jeune fille n’est en rien étonnante puisqu’elle avait décidé de ce changement de voie depuis le moment où elle écrivit à l’aide à son frère. L’éloignement était la première étape, l’acceptation de soi est la deuxième. C’est en acceptant le fait que l’ordinaire River n’est plus et ne sera plus jamais qu’elle pourra devenir cet être fort, qui n’est plus sous contrôle mais prend le contrôle. Une femme extraordinaire, en somme.

Profession : Bounty Hunter
Dans le rôle du chasseur de prime, les amateurs de Law & Order auront reconnu Richard Brooks, qui incarnait Paul Robinette dans les premières saisons de ce classique de la télévision. Personnellement j’ai mis du temps à m’en rendre compte, tant Brooks est ici métamorphosé. Et je ne parle pas du changement de coupe de cheveux !
Jubal Early est l’élément extérieur et perturbateur, venant offrir une perspective différente sur ce groupe. Il souhaite bien sûr capturer River vivante, c’est ce qui est demandé et sans cela pas de prime pour lui. Forcément, l’Alliance ne s’est pas autant démenée à créer l’arme ultime vivante pour la détruire aussi facilement. Des génies aussi exceptionnels, il n’y en a pas des masses dans le ‘verse. L’Alliance a beau les « améliorer », plus incroyables ils sont au départ plus extraordinaires ils deviennent ensuite. River a simplement fait une petite escapade, alors il suffit de la ramener et de la rendre plus docile. Allez hop, un coup de bistouri et c’est repartit, pas vrai ? Sont pas compliqués ces gens-là... Early, lui, l’est beaucoup plus. Brooks compose ici un vilain charismatique et assez impressionnant, tant il a tout du psychopathe. La voix douce, grave et hypnotisante, Early est convaincu de son bon droit dans tout ce qu’il entreprend. Faisant preuve d’un incroyable calme, il écoute, apprend des choses avant d’agir, fait preuve de patience afin de frapper au bon moment. Doué en combat, il ne fait cependant pas preuve de violence colérique mais sereine. Et quoi de plus approprié que d’aborder une certaine serenité lorsque l’on veut s’en prendre à ce vaisseau ? C’est avant tout un homme très intelligent et méticuleux, et l’on s’en aperçoit assez vite par l’invisibilité dont il fait preuve en débarquant. Même son vaisseau n’est pas détecté par Wash. Au départ fascinant, il devient réellement menaçant lorsqu’il demande à Kaylee si elle a déjà été violée. Car s’il dit qu’il ne compte pas la toucher, tout ce qu’il raconte ensuite prend une allure morbide et laisse penser qu’il le fera. Et la perspective d’un acte aussi abominable prend tristement un air plus plausible que la menace d’être dévoré par un cannibale. Jubal Early est un esprit sombre et torturé arborant une façade sensée, mais qui révèle son manque d’humanité à travers ses actes et ses paroles. Et c’est parce qu’il en est conscient qu’il refuse que qui que ce soit tente de le percer. C’est parce qu’elle n’est pas si différente de lui que River arrive à lui faire perdre le contrôle de la situation mais aussi de la maîtrise de ses émotions. L’esprit décomposé de Early est alors mis en images par un montage des deux facettes de sa personnalité, zappant entre le calme et la folie. Voilà un adversaire bien plus coriace que tous ceux auxquels l’équipage s’est mesuré. Finalement les gadgets des Gants Bleus ne font peut-être pas si peur que ça...

Doppelganger
River est considérée comme un danger à bord. Sauf qu’au moment où l’équipage en vient à cette conclusion, le plus grand danger n’est pas celui qu’ils croient. Et la caméra de remonter sur Jubal Early afin de faire un parallèle sur ces deux personnages. Early semble avoir tout du double maléfique de River Tam, et sa peinture va permettre d’offrir une nouvelle vision de la jeune femme. En effet, ces deux-là ont beaucoup de points communs. Ce sont deux êtres en marge doués d’une grande intelligence, questionnant le monde en permanence et s’exprimant de manière perçue comme cryptique par les autres. Tout comme River, Early est très tactile et apprécie instantanément le vaisseau. Il est par ailleurs si réceptif qu’il en paraît presque télépathe. Les autres sont écoutés d’en bas par l’une, d’en haut par l’autre. Il n’y a rien de tel pour mieux chasser que de comprendre sa proie. C’est d’ailleurs là qu’ils diffèrent radicalement. Si l’une apporte du bon et refuse la violence, l’autre apporte le malheur où qu’il passe. Alors qu’elle fuit l’Alliance, il va vers eux par cette mission. L’incertitude concernant la nature de River s’éclaire enfin, grâce à la venue de cet élément de comparaison. Si l’un est un ange du mal, son opposé est forcément un ange du bien.

Objets dans l’espace
L’objet dans l’espace en question, c’est tout d’abord Serenity. Encore une fois le titre vient appuyer à quel point il s’agit de l’élément le plus important de la série, en tant que lieu, personnage, emblème, source de l’histoire, lien entre tous les autres, etc. Bref si vous n’avez toujours pas saisit à quel point le titre de cette série est justifié je vous conseille de vous refaire l’intégrale illico presto. Ici l’amour pour ce vaisseau est appuyé par la fusion entre River et Serenity. Au cours de la réunion, Simon en vient à demander « River n’est pas une personne ? », réponse sarcastique à la remarque de Kaylee sur l’attitude anormale (voire robotique) de la jeune prodige. Et cette image va évidemment trouver un écho dans la « transformation » de River, qui ne fera que prouver de plus bel son humanité. « Toucher » est un mot qui ébranle la jeune Tam et ce manque de contact dépasse l’aspect charnel. Toucher c’est communiquer, créer des liens, et c’est ce qui lui fait défaut. C’est pourquoi elle exprime son attachement au vaisseau physiquement, par des caresses avec ses mains et ses pieds. Sa connexion avec le vaisseau est telle qu’elle en vient à parler en son nom, devenant l’objet. Cette fusion est évidemment symbolique et non charnelle. Mais au risque de paraître complètement dingue, la première fois que j’ai entendu River déclamer « Je suis le vaisseau », j’y ai vraiment cru durant quelques secondes. Oui, tout à coup elle ne faisait plus qu’un avec Serenity. Alors quand elle a éclaté de rire ensuite, je l’ai pris personnellement. River se foutait de moi, et elle avait bien raison ! Pourtant ils auraient très bien pu aller aussi loin dans la science-fiction. Ce vaisseau, elle l’aime pour ce qu’il est mais aussi pour sa fonction, puisqu’il flotte dans l’espace qu’elle affectionne tant. Nous voyons encore sa joie gravée sur son visage dans une scène qui rappelle fortement son enchantement dans Bushwacked. Ainsi, l’inanimé prend vie tandis que River revêt un aspect offrant de nouvelles perspectives à ses paroles. La vision de l’équipage et des spectateurs concernant River et Serenity s’en trouvent à jamais changée.

Comme se creuser les méninges c’est bon pour la santé, on peut aller chercher plus loin le sens profond du titre de cet épisode (l’original, pas le français encore à côté de la plaque) et donc son thème central. Et là il faut soit avoir une bonne culture en philosophie soit connaître la vie de Joss Whedon. Heureusement pour moi, ce dernier a tendance à beaucoup parler de lui et j’espère que les experts en philo pardonneront mes explications évasives (que les Browncoats français n’hésitent pas à ouvrir le débat là-dessus et ainsi enrichir ma culture). Si j’ai bien compris, ce titre fait référence à La Nausée, roman de Jean-Paul Sartre portant sur l’existentialisme, où la conscience accrue de l’existence bouleverse le personnage principal au point de le faire basculer vers la folie. Il est dit qu’on ne peut stopper le changement et on doit accepter les choses pour le simple fait qu’elles existent et non pour leur fonction. Il n’est pas difficile de rapprocher tout cela de River, qu’il s’agisse de sa façon de percevoir les choses ou du fait que ses compagnons la perçoivent plus pour la fonction pour la laquelle elle a été créée plutôt que pour son existence même en tant que personne. Cette réflexion commence par une superbe séquence : River marche pieds nus sur une branche puis se penche pour la ramasser (de manière absolument pas naturelle mais c’est pas grave, les démonstrations de souplesse c’est toujours joli). Elle se retrouve soudainement baignée de feuilles automnales et prend la branche à l’aspect étrange qui s’avère être un pistolet. Contrairement aux apparences, elle est tout à fait consciente de ce qu’elle tient dans les mains. Simplement, ils ne voient qu’un vulgaire objet de destruction, tandis qu’elle ne le voit que comme un élément de la nature. Le sens qu’elle donne aux choses va au-delà de leur fonction. C’est pourquoi elle dira plus tard à Zoe qu’elle refuse les armes, sachant pertinemment que la mercenaire les associe à la violence. Sur ce mode de pensée, la toute dernière image montre River savourant la connexion entre elle et la balle, puis la balle et le vaisseau. Car tout est une affaire de connexion. Cette petite balle très colorée m’a toujours fait penser à une planète. Et la série se finissant sur une image de River tenant le monde entre ses doigts est une idée qui me séduit particulièrement.

Goodbye Serenity, Goodbye
A posteriori, on peut voir cet épisode comme un message d’adieu, un dernier hommage à ce vaisseau emblématique auquel le titre de la série fait référence. On a déjà bien compris son importance depuis longtemps, la plus belle déclaration d’amour faite à son encontre étant bien sûr Out of Gas. Une dernière fois, on nous rappelle à quel point les personnages aiment Serenity, considérée comme leur véritable foyer. Et c’est surtout River qui appuie ce fait, elle-même personnage le plus énigmatique de la série et porteuse de la mythologie instaurée. Early lui-même, à peine débarqué, apprécie instantanément le firefly et en conclue que les gens n’apprécient pas la valeur de l’objet, de ce qui est solide... telle qu’une bonne série. Whedon et sa clique n’ont pas eu le temps d’apporter de véritable conclusion et avaient par ailleurs l’espoir que la série serait reprise par une chaîne. Objects in Space fait donc office d’au revoir sans l’être tout à fait. « Serenity n’est pas contente du tout » dit River. Il y’a de quoi vu on l’oblige à disparaître des écrans ! Toute la mise en scène est là pour nous rappeler l’espace étroit et labyrinthique du vaisseau, sorte d’écho au Pilote et à Out of Gas. L’aspect tragique et noir de cet épisode évoque irrémédiablement le funeste destin de la série. Quelques notes du générique remanié résonnent alors que Mal est seul dans ce vaisseau si précieux à ses yeux, pris dans ce qui ressemble à un moment de nostalgie, comme s’il était conscient de la mort de son univers. Pendant ce temps, ses compagnons sont endormis. « Suis-je en train de rêver ? » demande Mal. « Nous le sommes tous » lui répond River. Cette situation, cette annulation, serait-ce un mauvais rêve dont les personnages espèrent se réveiller ? Ou simplement le génie de River lui aurait fait prendre conscience de sa propre fictionnalité. Leur vie n’est pas réelle et peut s’effacer aussi facilement qu’un rêve lorsqu’on se réveille. Le dernier plan montre Serenity partir au loin, laissant Early (l’étranger à ce monde, le spectateur peut-être ?) seul, perdu dans le vide sidéral. Firefly n’est plus. Mais comme River, elle ne se laissera pas faire et trouvera un moyen de renaître...


Firefly se termine donc ainsi, sans véritable conclusion, comme bon nombre de séries victimes d’annulation précipitée (ou de la Fox, ça revient au même maintenant). Et c’est là que je devrais normalement vous faire un petit bilan de cette seule et unique saison. Sauf que... non. Comme vous le savez, l’univers de Firefly ne s’arrête pas là, et je ne vois pas trop l’intérêt d’en faire une analyse dans sa non-globalité. Et surtout j’en aurais pour un mois de plus de retard ! (Oui, c’est ça ma vraie raison, mais chut). Hors de question également pour moi de parler de ce fameux long-métrage nommé Serenity (comme le Pilote. Mais la boucle est-elle réellement bouclée ?), à la fois œuvre à part entière et conclusion d’un tout, sans en avoir au préalable fait une analyse complète et très détaillée (et croyez-moi il y a de quoi faire. Mon cerveau était en ébullition à chaque vision). Ce que je ferais peut-être un jour, si vraiment on me harcèle d’e-mails et que Stratego me laisse faire (vous savez où envoyer les offrandes), parce que l’analyse de film n’est pas du domaine de la LTE. Parler de ce film en seulement quelques lignes serait un sacrilège. Tout cela pour dire qu’on n’a pas fini de décortiquer un tel univers.

Je peux tout de même conclure par ceci : Firefly est une superbe œuvre télévisuelle douée d’indéniables qualités, tant au niveau de l’écriture que de l’image et de l’interprétation. Surtout, elle aura marqué ses spectateurs d’une façon bien particulière : elle les a fait tomber amoureux. Rarement une série n’aura suscité une mobilisation telle qu’elle l’aura faite revenir à la vie. Sous une autre forme, certes, mais avec la même âme. Firefly se voit et se revoit, se partage, et n’en finit pas d’envoûter. De la part de tous les fans, encore merci Monsieur Whedon. Vous aviez bien raison : There’s no place we can be since we found Serenity.


Joss Whedon a écrit et réalisé ce superbe épisode portant sur l’acceptation totale de River par ses compagnons mais aussi par elle-même. Il ne conclut malheureusement pas la série, laissant bizarrement à la fois sur un triste sentiment d’inachevé et sur une jolie note d’espoir quant à l’avenir de nos héros. La suite de leurs aventures, au cas où je ne l’aurais pas assez crié, se trouve heureusement dans le big damn movie Serenity (vous savez quoi demander à Papa Noël). Et n’oubliez pas quoiqu’il arrive : keep flying.

Messages

  • bravo pour ce dossier sur firefly.
    c’est le seul aussi complet que j’ai pu trouver en francais, c’est d’ailleurs le seul tout court.
    et, si je ne suis pas d’accord avec toutes les analyses (ce qui est normal), j’ai apprécié d’adhérer à d’autres auxquelles je n’avais pas pensé.
    dommage qu’il n’existe pas, à 1ere vue, de sites francais de fan consacrés à la série.
    c’est bien la 1ere fois que je me sens une ame de geek, pret à décortiquer la série. en attendant, je ne devrais pas tarder à rejoindre la crew de fireflyfans.