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1.09 - Ariel

Quoi de neuf, docteur ?

Intrusion

mardi 18 octobre 2005, par Black Widow

Firefly a définitivement trouvé son rythme de croisière, nous offrant de grands épisodes qui se suivent et ne se ressemblent pas. Retour ici sur le cas de River Tam, personnage en tous points fascinant, dont l’interprète a fini par devenir plus que correcte. Quand je vous dis que ça ne fait que s’améliorer...

RAPPEL

Serenity se voit obligée de faire escale sur Ariel, une des planètes centrales, afin qu’Inara y passe son examen médical annuel, obligatoire pour toute Compagne. En attendant, Mal ordonne à tout le monde de ne pas mettre un pied dehors. Mais le comportement de River empire de jour en jour, la conduisant jusqu’à attaquer Jayne avec un couteau.

Simon voudrait faire passer à sa sœur un scan crânien afin de mieux savoir ce qu’on lui a fait à l’Institut. Il propose donc aux autres un travail qu’ils ne peuvent refuser : en échange de leur aide pour accéder au scan de l’hôpital, il leur permet de voler des médicaments valant une fortune. Il a déjà échafaudé tout le plan. Kaylee et Wash construisent une ambulance grâce à des morceaux récupérés dans une décharge, et des uniformes ainsi que des badges d’identification sont achetés au marché noir. Ainsi, Zoe, Mal et Jayne se font passer pour des ambulanciers et amènent les corps de Simon et River, passés pour morts, jusqu’à la morgue.

Tout se passe bien et ils entrent sans problème dans l’hôpital. Pendant que Zoe et Mal vont voler la marchandise, Jayne surveille Simon et River, qui ne tardent pas à se réveiller. Il fait passer l’examen à River et découvre qu’elle a subit plusieurs opérations du cerveau. Mais Jayne a prévenu l’Alliance, s’attendant à une récompense. Au lieu de cela, ils se retrouvent tous les trois arrêtés. Quand Mal s’aperçoit de leur retard, il comprend que les fédéraux sont là et part à leur rescousse.

Jayne et Simon assomment les agents à temps, avant que les Hommes aux Gants Bleus n’arrivent. Dans leur fuite ils croisent Mal, et s’enfuient à bord de Serenity. Une fois en sécurité, Mal confronte Jayne et manque de le tuer, comprenant qu’il les a vendus.

CRITIQUE

Nous voici replongés dans ce qu’on pourrait appeler la mythologie de la série, c’est-à-dire tout ce qui concerne River et l’Alliance. L’ambiance ne laisse par conséquent pas beaucoup de place à la légèreté, l’environnement y étant pour beaucoup. En effet, les planètes centrales sont celles s’étant unies pour former l’Alliance. Elles sont donc riches, prospères et durement réglementées, à l’exacte opposée de celles sur lesquelles Serenity se pose habituellement. L’hôpital d’Ariel est froid, stérile (dans tous les sens du terme), très high-tech, silencieux (jusqu’aux encéphalogrammes et appareils de tachycardie), très lumineux, aux tons uniquement blancs et bleus. L’antithèse parfaite de Serenity en somme, une caricature de l’hôpital à son extrême s’apparentant presque à une prison, où la moindre « anomalie » se repère facilement et peut entraîner de sérieux ennuis. Les risques pris par l’équipage n’ont jamais été aussi dangereux, mais les récompenses s’en trouvent également bien plus importantes. River sera mieux soignée par la suite et ils se feront une fortune en revendant des médicaments à ceux qui en ont le plus besoin, cela sans causer de tort à d’autres puisque les pertes seront vite remplacées sur Ariel. Cette situation est l’exacte opposée de celle de The Train Job. Ici, leur gagne-pain s’avère être en même temps une bonne action. Mais un tel happy end ne peut être parfait dans Firefly. Si les apparences semblent très positives, c’est à un niveau plus interne que les choses se dégradent.

“The next time you decide to stab me in the back, have the guts to do it to my face.” - Mal (“La prochaine fois que tu veux me poignarder dans le dos, aies les tripes de me le faire en face.”)
Jayne Cobb est un être exécrable, un immonde égoïste, un traître stupide et violent, incapable du moindre sentiment...Comment ne pas adorer un personnage pareil ? En général, le vilain parmi les personnages principaux dispose d’au moins un élément qui le rend un peu plus humain et attachant : une excuse valable, un passé traumatisant, une quelconque qualité, etc. Jayne n’a absolument rien pour le rattraper et c’est ce qui le rend si génial, scénaristiquement parlant. On adore le haïr, ou rire de lui, selon les moments. Quand sa traîtrise est découverte, il ne veut pas que ceux qui le prennent pour un ami sachent la vérité sur son compte, probablement par orgueil. Mais il ne fait pas preuve de remords et ne cherche pas à se justifier. Il est comme ça, c’est tout. C’était le fric avant tout, puis sa peau, mais ses actions n’ont à aucun moment été conduites par une quelconque bonté d’âme. Les deux moteurs de sa vie sont plutôt l’avarice et la lâcheté. Il suit ses instincts, ne réfléchit pas (trop), et n’est même pas méchant pour être méchant. La comparaison faite à son encontre à une bête est finalement loin de la moquerie de bas étage, car Jayne se rapproche tout à fait d’un animal dans sa façon d’agir et de penser. Pas une seconde calculateur, il suit son instinct de prédateur. Et tout à coup, il cesse de faire rire. Il paraît bien loin le temps du héros du Canton. Simon a d’ailleurs changé d’opinion sur lui, mais malheureusement pas dans le sens qu’il faudrait. Ce genre de virage d’un personnage surprend toujours, quand bien même on s’en était douté. C’est ce qu’on appelle aussi une écriture efficace. Sa confrontation avec Mal creuse d’autant plus le fossé entre ces deux mercenaires.

En effet, Mal a beau être devenu un bandit, il n’en a pas moins perdu son sens du juste, pas totalement détruit après la guerre. Là aussi la différence avec Jayne se fait sentir, car celui-ci n’y a jamais participé, lui qui ne voit pourtant aucun inconvénient à se battre. Jayne ne croit en rien et ne pense qu’à ses propres intérêts, à l’opposée de Mal. Les frictions entre les deux hommes s’intensifient à mesure que les Tam se mettent entre eux. Plus Mal les protège, plus Jayne veut s’en débarasser. Quand Mal répète une nouvelle fois que les Tam font partie de son équipage, cette déclaration ne sonne aujourd’hui plus comme une marque de solidarité mais comme une menace. Si Jayne les trahit, il ne fera plus partie de cet équipage. A côté, il dit à Simon de faire attention à sa sœur plus à contrecoeur que comme une menace, une façon de dire qu’il ne pourra plus l’aider si elle devient un danger pour les autres. Mal fait très vite des recoupements pour comprendre ce qui n’a pas fonctionné lors d’une mission, réflexe probablement appris sur les champs de bataille. Mal est un soldat et fonctionnera comme tel le restant de sa vie. La raison pour laquelle il donne un dernier avertissement à Jayne est, à mon avis, qu’il a vu un trop grand nombre de ses hommes mourir auparavant. Il ne peut donc se contraindre à se débarrasser aussi facilement de lui. Au-delà de la haine évidente, c’est une grande déception qui se fait ressentir de la part du Capitaine, comme un père déçu par le fils qu’il a élevé. Il l’a accueilli chez lui, lui a fait confiance, et c’est comme ça qu’il est remercié. Partant sur cette image, on pourrait en venir à voir Jayne comme le frère aîné jaloux de l’arrivée de la petite sœur qui monopolise toute l’affection et l’attention du patriarche. Ce qui n’est pas faux, car Mal se sent de plus en plus proche de la jeune télépathe. Si empêcher l’Alliance de mettre la main sur River était au départ une affaire de vengeance personnelle mêlée de compassion, Mal a depuis appris à connaître les Tam, les a accueillis dans sa famille (dans un sens plus sentimental), et il sait que l’Alliance a également arraché la liberté de la jeune fille. Elle est le symbole exacerbé de sa vie, ce qui explique d’autant plus sa détermination à la protéger. Laisser le gouvernement mettre la main sur elle en reviendrait presque à tuer la personne qu’il est. Entre Jayne et River, le choix est par conséquent vite fait et totalement compréhensible.

« Two by two, hands of blue. » - River
Simon s’est beaucoup endurcit depuis le premier épisode. Si le sauvetage de sa sœur fut un évènement déterminant dans son évolution, sa rencontre avec l’équipage de Serenity l’a renforcée. Le jeune docteur à l’ancienne vie bourgeoise échafaude pour la deuxième fois un plan illégal avec brio. Il en vient à imposer une certaine autorité face à l’agent qui les retient, et surtout à tuer l’un d’eux dans une scène impressionnante de violence. Bien moins coincé qu’à son arrivée dans son attitude et sa manière de penser, l’influence de ses compagnons (Mal en tête) sur lui se fait particulièrement ressentir durant cet épisode. Son retour dans un univers familier permet ainsi de montrer à quel point il a changé. Aucun regret ni nostalgie ne transparaissent chez lui lorsqu’il se retrouve dans ce monde qui était le sien. River a beau le pousser à sauver un homme afin de dire « voilà où est ta place » avec une grande fierté, il n’a plus le moindre désir de refaire partie de ce monde. Simon a choisit cette carrière à cause de son père mais surtout parce que sauver des vies est sa vocation, d’autant qu’il a un réel don pour cela. Il est au-dessus d’eux, non seulement parce qu’il est un médecin réellement hors pair, mais aussi parce qu’il a su quitter cet environnement. La vie qui lui importe le plus de sauver est dorénavant celle de sa soeur et rien n’est plus fort que ce désir.

River n’a quant à elle aucune envie d’aller à l’hôpital car cet endroit est pour elle plus un lieu de mort que de soins. Ce sentiment est d’autant plus compréhensible lorsque l’on apprend les monstruosités qu’on lui a fait subir. En effet, son cerveau a été ouvert plusieurs fois, et cette horrible nouvelle est accentuée par Simon déclamant des « encore et encore... » dans une impression d’infini. Les médecins de l’Académie lui ont découpé ce qui permet de bloquer ses sentiments, empêchant ainsi toute barrière mentale, lui permettant de ressentir absolument tout. « Je m’attendais aux cadeaux, ils ont pris noël et n’ont laissé que du charbon. », dit-elle. En allant à l’Académie, l’enfant surdouée s’attendait à vivre des merveilles. Au lieu de cela, ils ont pris sa joie et n’ont laissé que de la douleur.
Lorsqu’elle se remet à dire de manière compulsive « deux par deux, les mains bleues » (entendu auparavant dans The Train Job), c’est comme un mécanisme automatique à l’approche des Hommes aux Gants Bleus (toujours au nombre de deux, comme les Tam). Et il y a de quoi. Ces êtres à l’aspect inquiétant sont ses anciens bourreaux et paraissent presque morts, à l’image de leurs actions inhumaines. Ils tuent les autres agents de l’Alliance car ils ont parlé avec les Tam, comme s’il était contagieux d’approcher leur « créature ». Leur façon de les éliminer est très particulière puisqu’ils utilisent un petit appareil semblant émettre des ondes provoquant ce qui ressemble à un anévrisme. Cette scène particulièrement morbide voit les agents pris de spasmes et saigner par les yeux et la bouche, avant d’enfin succomber. Leurs cris de douleur résonnent effroyablement dans le bâtiment. On se demande donc quel est cet horrible engin et surtout comment les Gants Bleus font-ils pour être protégés ? Est-ce à cela que servent leurs gants ? Cela semble agir sur le cerveau, donc ont-ils été immunisés ? Des expériences sur leur cerveau ont-elles aussi été faites ? Les hypothèses paraissent sans fin à leur sujet. Mais la question la plus effroyable concerne les gens proches de River. Feront-ils subir le même sort aux passagers de Serenity s’ils mettent la main dessus ? La réponse semble malheureusement positive et cette perspective n’a absolument rien de réjouissante.

En fin d’épisode, nous voyons River dessiner des poupées russes. Selon moi, ces poupées ne cessant d’en cacher d’autres sont une représentation d’elle-même, jeune fille aux secrets toujours plus enfouis, qui ne sait véritablement qui elle est. Sur son dessin, elle a atteint la dernière petite poupée, ce qui signifie qu’elle est enfin dévoilée. Son frère sait ce qu’on lui a fait subir exactement, il a donc fini de « l’ouvrir » jusqu’au bout. Et Simon de lui dire qu’il est temps pour elle de se réveiller, par conséquent de revenir à la vie. Comme on dit, il faut toucher le fond pour pouvoir remonter à la surface. Et c’est exactement ce qui se passe avec River. Le cœur même de ses souffrances a été trouvé, il est donc maintenant possible de lui faire retrouver un peu de bonheur.

Précisons pour finir que l’absence de Book dans cet épisode est vite expliquée : il a décidé d’aller ailleurs, le temps de l’escale du vaisseau sur Ariel. Cela parait étonnant qu’il ait encore moins envie que les autres de mettre un pied sur une planète centrale, lui qui semblait y avoir de sacrés amis (voir Safe), mais j’ai plutôt l’impression que le personnage était tout simplement inutile ici. Effectivement, son absence ne se fait pas vraiment ressentir.


Le mystère autour de River n’en finit pas de nous surprendre et de nous faire frémir, en particulier avec le retour des effroyables Hommes aux Gants Bleus. Ariel est un épisode très important, sombre, intense, et marque le début de failles au sein de la petite famille de Serenity.

Messages

  • Je ne vais pas discuter sur toutes les analyses (même si j’en crêve d’envie). Seulement sur celle-ci, étant fan de jayne.
    Tout d’abord, si on se place de son point de vue, sans connaitre tout ce que peut savoir le spectateur, et après de multiples petages de plomb, River a quand même essayer de lui ouvrir la poitrine en deux (même si ce n’est pas lui qu’elle visait, d’après une théorie de fans à laquelle j’adhère). Même si je me considère dans l’ensemble comme quelqu’un de bien, me mettant à la place de Jayne, j’aurais sans doute voulu la débarquer à ce moment là sur le plus proche caillou. D’accord, Jayne fait aussi ca pour l’argent, mais on ne fais jamais les choses pour une seule raison.
    De plus, pour moi, jayne est loyal, avec le même côté you’re a part of my crew que le reste de l’équipage (en tout cas plus qu’il ne veux se l’avouer). Même s’il rechigne, il participe à toutes les opérations pour sauver des membres de l’équipage ou d’autres personnages. Le Coulda, shoulda, woulda de war stories résume bien ses actions.
    De plus, on le voit s’inquiéter des membres de l’équipage à de nombreuses reprises, notamment quand il signale à Mal, que la prochaine fois, River s’attaquera pas à lui, à Kaylee ou à Irana (disgression : un point aussi intégré par Mal, qui jouera en la faveur de Jayne lors de la scène de la planche. Mal a pensé plusieurs fois à se débarrasser des Tam, pris dans son code de l’honneur, qui le conduit à la fois à protéger sa crew mais aussi à etre sans pitié, pour ceux qui pour tous ceux qui s’y attaquent. A ce moment, les Tam sont encore prix entre ses deux feux dans le coeur du capitaine).
    Comme je commence à m’étaler, pour la défense de Jayne,je ne retiendrais que la scène du pilote, où il surveille, caché, l’opération de Kaylee. Il est montré, dès le début, comme quelqu’un qui a des difficultés à montrer ses véritables sentiments, ce qui est un des thèmes centraux de la série.
    Autre point, concernant les Tam,pour Jayne, à ce moment de la série, ils sont encore des passagers payants, ils ne font pas partie de la crew. Raison de plus pour les trahir. En plus, le rapport de classes (riches, éduqués, avec des manières,tout ce que n’a jamais été jayne et ne sera jamais, à part peut-être riche) n’a rien pour faciliter les relations tam/jayne.
    Dernier point, lors de l’évasion, il aurait pu laisser sur place les tam. pour lui, ce sont deux boulets, ils n’auraient fait que ralentir sa fuite, sans compter que, les tams restant au mains de l’alliance, les feds auraient mené une chasse à l’homme moins acharnée (mais, là,je ne suis pas sur que jayne soit assez intelligent pour penser à ce fait)

    En conclusion, l’élément le plus tortueux. Mais fallait pas faire l’analyse sur le dialogue de River sur noel, qui de flou met apparu limpide (merci). River dit dans cette scene à Jayne, You have a treasure in the sand. Ce que j’interprete, connaissant ses dons de medium, comme : t’as beau etre, en apparence, sec et mouvant comme le sable t’es un heart of gold (je sais, ca fait cliché, la brute au coeur d’or, mais c’est une spécialié de Whedon de revisiter les clichés)
    Bon, j’ai fait un peu long, comme tous les avocats (sauf Simon pour Jubal). Bravo à ceux qui auront été jusqu’à ces mots.