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2.09 - The Coming of Shadows

L’année où la grande guerre nous a frappés

samedi 20 novembre 2004, par Lord-Of-Babylon

The Coming of Shadows marque une étape très importante tant dans l’histoire de Babylon 5 que sur la qualité de la série. « Rien ne sera plus comme avant » disait le commandant Sinclair à la fin de la première saison. Il n’avait pas tort. Jugez plutôt

Situation de départ

Tout va à peu près bien.

Situation de fin

La grande guerre commence.

Babylon 5 prépare la visite officielle de Turhan, l’empereur des Centauris. Pour l’équipe de commandement, c’est un vrai challenge car cette visite prouve enfin le rôle important de la station sur l’échiquier diplomatique. Tout doit donc se dérouler aussi bien que possible. G’Kar est furieux, selon lui l’arrivée de Turhan sur la station est une insulte à son peuple et il ne se prive pas de le dire au capitaine Sheridan.

G’Kar : « C’est absolument intolérable ! Cette visite de l’empereur Centauris apparaît comme un affront inacceptable à mon gouvernement. C’est un monstre, un être malfaisant, un criminel. Sa famille est directement responsable de l’exploitation de ma planète. Son père a personnellement ordonné l’exécution de plus de cent mille Narns. »

Sheridan : « Mais l’empereur, lui, n’a rien fait je me trompe ? »

G’Kar : « Ce n’est qu’un détail ! »

Sheridan : « Et à moins que je ne fasse erreur, l’empereur actuel a abandonné plusieurs concessions pour en faire don volontairement à votre peuple et il vous a aussi rendu vos territoires perdues. »

G’Kar : « Dites plutôt nos territoires volés. »

Sheridan : « Ca revient au même. Ecoutez, je comprends très bien que l’affreux souvenir d’un siècle baigné dans le sang ne puisse s’effacer en une nuit, mais quoique vous en pensiez G’Kar, ce n’est pas mon problème. Cette station est ouverte à tous. Alors s’il prend l’envie à l’empereur Centauris de venir visiter Babylon 5, je trouve que c’est très bien. Ca augmente notre popularité et en plus sur ma planète on pourra enfin penser que nous avons une utilité. »

G’Kar : « Alors vous allez faire ça en dépit de mes objections ? »

Sheridan : « Mais enfin vous avez entendu ce que je viens de dire j’espère ? Oui ambassadeur, l’empereur sera le bienvenu à bord. Et si cela vous ennuie je vous conseille vivement de rester dans vos quartiers, de fredonner une chansonnette et de vous bouchez les oreilles jusqu’à son départ. Ou alors vous acceptez de vous faire violence, d’ouvrir le dialogue et cela en dépit de vos préjugés ancestraux. G’Kar, vous êtes en position de négocier avec l’empereur des Centauris, le dirigeant de leur république et vous gâcheriez cela sur un stupide coup de tête. »

G’Kar : « Je n’aurais jamais dû m’attendre à ce que vous me compreniez capitaine. J’ai fait une erreur, vous ne m’y reprendrez plus. »

Sheridan : « G’Kar ne faites rien que nous puissions regretter tous les deux »

G’Kar : « Il est trop tard pour cela capitaine. Il est beaucoup trop tard. »

Alors que Londo pourrait profiter de la visite de son empereur pour accroître son prestige, le voilà qui complote avec lord Refa (voir Points of departure - 2.01). Depuis son succès dans l’affaire du quadrant 37, Londo est dans les bonnes grâces de cet homme influent à la cour qui voit en lui un allié puissant et malléable. Londo devra faire un discours devant l’empereur que Refa a pris le soin de faire écrire afin de mettre en évidence les défaillances de la République (dont des incidents que les partisans de Refa auront pris soin de provoquer) tout en flattant l’empereur. Mal à l’aise, Londo accepte quand même le plan de Refa, persuadé que le renouveau de la République Centauris est à ce prix.

L’arrivée de l’empereur n’a pas l’air de préoccuper cet inconnu qui revient sur la station. Par contre Garibaldi semble faire l’objet de toute son attention.

Turhan arrive enfin sur la station et là surprise, celui-ci semble bien différent par rapport à la plupart de ses sujets plus portés sur l’apparat et l’excentricité. C’est un Centauris calme, sage et chauve (HS ON : n’oubliez pas que la coiffure d’un Centauris est quelque chose de très important pour qui veut affirmer sa position sociale HS OFF). Il est accompagné de deux jeunes femmes voilées. Celles-ci sont des télépathes qui suivent l’empereur tout le temps. En fait, elles sont quatre. Deux télépathes sont avec l’empereur tandis que les deux autres restent au palais impérial. Ainsi Turhan sait toujours ce qu’il se passe sur sa planète et le palais a toujours de ses nouvelles.

Bien que cette visite revête un cachet très officiel, Turhan semble avoir à cœur de réaliser une affaire personnelle. Ainsi il avoue à Franklin son désir de rencontrer Kosh afin de pouvoir contempler un Vorlon avant de mourir et il confie à Sheridan ses regrets. Turhan n’a jamais eu le choix dans la plupart de ses décisions et il se sent emprisonné dans un rôle qui lui a été imposé dès la naissance. Pourtant aujourd’hui il semble être sur le point de prendre une grande décision.

G’Kar : « Je n’en avais aucune idée. »

Franklin : « Non, bien sûr que non. C’est peut-être même la plus grande tragédie de cette histoire. »

Voilà qu’arrive la cérémonie où l’empereur prononcera son discours avant de s’entretenir avec les personnes présentes. La cérémonie se déroule dans les jardins de Babylon 5 et tout le monde est là : le capitaine Sheridan, le commandant Ivanova, le docteur Franklin, les ambassadeurs Delenn et Londo Mollari, leurs aides Lennier et Vir Cotto. Quant à Garibaldi, il se charge de la sécurité de l’empereur. Toute son équipe est sur le qui-vive et alors que notre jeune inconnu croyait passer inaperçu, celui-ci se fait capturer par Michael qui l’avait déjà repéré. Il le fait coffrer pour l’interroger plus tard car pour l’instant Turhan arrive.

Il est très attendu par G’Kar, qui après une longue réflexion a décidé de l’assassiner lors de son discours. Son gouvernement est au courant même s’ils nieront être impliqués dans cette histoire et que G’Kar laissera un message dans lequel il affirmera agir seul.

Mais l’empereur s’effondre avant de parvenir aux jardins. Franklin est appelé d’urgence et il l’emmène au med-lab. Après le diagnostic, il constate que Turhan est mourant. Il arrive cependant à se réveiller pour confier un message à Franklin. Un message tellement important qu’il sait qu’il ne peut le confier à l’un de ses sujets.

Dans les appartements de Londo, lord Refa commence à dresser ses plans d’attaque pour prendre le pouvoir à la mort de l’empereur. Celui-ci n’ayant pas d’héritier direct, le prochain empereur sera donc appuyé par le parti le plus puissant. Il faut donc faire très vite et Londo prend la décision la plus importante de sa vie. Un coup d’éclat serait le bienvenu pour avoir l’avantage quand Turhan mourra. Un coup d’éclat tel qu’une victoire militaire. La reprise d’un territoire par exemple comme celui du secteur 14 qui sert de colonie aux Narns. Londo demande donc à Refa d’annoncer au Centaurum qu’ils vont reprendre ce territoire. Après son départ, il ordonne à Vir de trouver Morden pour que lui et ses associés s’occupent de reprendre la colonie.

Londo : « Trouve monsieur Morden et ramène le ici. »

Vir : « Londo, ne faites pas ça. »

Londo : « Je n’ai pas le choix. »

Vir : « Oh si vous l’avez, Londo. Pitié, pitié, pitié, je sais que vous ne m’écoutez pas, mais pour une fois par pitié Londo, je vous en conjure ne faites surtout pas ça. Ce serait le point de non retour vous le savez très bien. »

Londo : « Vais-je devoir le trouver personnellement ? »

Vir : « Non, je vais y aller et je vous le ramènerais et un jour je viendrais vous rappeler cette petite conversation et vous comprendrez que j’avais raison. »

Londo : « Oui je comprends très bien. Mais demain commencera un combat sans merci entre nous et les Narns. Que le grand créateur me pardonne. »

Dans les appartements de G’Kar, celui-ci fulmine contre l’Empereur qui a eu l’indécence de mourir avant qu’il ne le tue. Arrive alors le docteur Franklin qui vient le voir pour lui donner des nouvelles de Turhan

Franklin : « Je sors du labo, je viens de voir l’empereur. »

G’Kar : « Et comment va ce pauvre cher homme ? J’avais tellement hâte de lui présenter mes respects et d’ouvrir............le dialogue. »

Franklin : « C’est curieux, lui aussi avait hâte de vous rencontrer. Il a un message pour vous et en raison de son état de santé, il m’a demandé de vous le transmettre. »

G’Kar : « Je n’ai pas le temps pour ses menaces. »

Franklin : « Il voulait vous dire qu’il est désolé. »

G’Kar : « Quoi ? »

Franklin : « Il est venu jusqu’ici malgré son état de santé. Il a été jusqu’à risquer sa vie pour être face à un Narn en territoire neutre afin de s’excuser pour tout ce que les Centauris ont fait à votre peuple, pour tout ce que sa famille a fait. Il a dit « Nous avions tord, la haine entre nos deux peuples ne connaîtra de fin que si quelqu’un accepte de dire Je regrette. Si quelqu’un essaye enfin de trouver un moyen de remettre les choses en ordre, d’expier pour nos actes ». Il a dit que c’était le seul choix qu’il ait jamais fait de toute sa vie et aujourd’hui la maladie l’empêche de réaliser son vœux. »

G’Kar : « Je n’en avais aucune idée. »

Franklin : « Non, bien sûr que non. C’est peut-être même la plus grande tragédie de cette histoire »

Et alors que G’Kar apprend, stupéfait, les véritables intentions de l’empereur, Londo rêve. Un rêve qui ressemble plus à un cauchemar où il se voit observant un ciel obscurci par des centaines de vaisseaux (ce qu’il ne sait pas, c’est que ces vaisseaux sont ceux des associés de Morden), il se voit ensuite couronné empereur puis vieillissant sur le trône, pour au final finir étranglé par G’Kar. A son réveil l’attaque a commencé.

Dans le quadrant 14 les patrouilleurs Narns effectuent leur ronde quand soudain apparaissent trois gigantesques vaisseaux. Sans aucune sommation, ils tirent sur l’avant poste Narn. En quelques minutes ces vaisseaux détruisent toute une flotte de croiseurs de guerre, un avant poste blindé et toute une colonie. Ce sont au total 250 000 Narns qui sont morts ou blessés.

Londo et Refa apportent la nouvelle de cette victoire à Turhan. Peu avant, celui-ci avait eu la visite de Kosh. A sa question : « Comment cela va-t-il finir ? » le Vorlon lui répond : « Dans les flammes ». Sur le point de mourir, Turhan confie ses dernières paroles à Londo entouré de Refa, Franklin, les gardes de l’empereur et les télépathes.

Refa : « Qu’est ce qu’il a dit ? »

Londo : « Il a dit continuez, conduisez mon peuple là-bas, vers les étoiles. »

Après que tout le monde soit sortit

Refa : « Mollari ? Qu’a-t-il dit en réalité ? »

Londo : « Il a dit que nous étions maudits à jamais. »

Refa : « Bien, c’est un petit prix à payer pour l’immortalité. »

Plus tard, Refa annonce à Londo qu’il doit s’occuper d’un dernier obstacle, il n’en dit pas plus et le quitte. C’est à ce moment que Londo tombe nez à nez avec G’Kar et à sa grande surprise, l’ambassadeur Narn décide de lui offrir un verre. Londo doit se rendre à l’évidence, son homologue Narn ne sait rien de l’attaque du quadrant 14. Complètement abasourdi, il trinque à la santé de son empereur avec celui qui, à n’en pas douter, voudra le tuer ensuite. Pour l’heure G’Kar est heureux car il perçoit dans le geste de pardon de Turhan un espoir de paix pour son peuple.

La dernière tâche que Refa voulait effectuer est accomplie. Dans le palais impérial, le premier ministre Malakaï est assassiné. Ainsi il n’y a plus d’opposant à son parti.

Les Centauris arrivent pour prendre position dans le quadrant 14. Peu après, ceux sont les Narns qui débarquent et découvrent leur colonie ravagée. Dès qu’ils aperçoivent les Centauris, ils envoient un communiqué à la planète mère et ouvrent le feu sur l’ennemi. Ce message est envoyé sur les grandes ondes. Ainsi tout le monde peut l’entendre. Quand Sheridan en prend connaissance il sait qu’il doit protéger Londo de G’Kar. Celui-ci se sentant trahi, et obscurci par la haine et la peur de voir son peuple retomber dans l’esclavage, est sur le point de tuer Londo. La sécurité l’intercepte et Sheridan le raisonne.

Sheridan : « A vous de choisir le plus important G’Kar. Vous venger ou sauver la vie de votre peuple. »

Peu de temps après, le capitaine convoque une session exceptionnelle du conseil afin de résoudre la crise et il confie à G’Kar qu’il a un moyen pour aider son peuple.

Quel est ce moyen ? Revenons un peu en arrière. Pendant que les Narns et les Centauris se battaient, Garibaldi interrogeait le jeune inconnu qui lui avoue être venu sur la station pour lui délivrer un message qui lui expliquera tout. Garibaldi prend le cristal de donnée et le visionne. A sa grande surprise (et à la nôtre) il découvre que ce message provient de Jeffrey Sinclair.

Sinclair : « Bonjour mon ami, ça fait un bout de temps. J’ai porté ce message par un de mes collaborateurs. Il m’a juré de le délivrer à n’importe quel prix, même à celui de sa vie. Ma tâche chez les Minbarris est plus importante que de représenter la Terre. Le président n’a toujours pas été mis au courant et il serait plus sage que personne ne l’en informe. Des ténèbres immenses s’approchent, Michael. Certains Minbarris les attendent depuis très longtemps. Le porteur de ce message est un de mes rangers. Certains sont Minbarris mais pour la plupart ils sont humains. Ces soldats sont destinés à apprendre à se battre côte à côte et à se préparer pour le combat qui nous attend. Leur tâche pour l’instant est de patrouiller à la frontière, d’écouter, de regarder et ils me renvoient leurs rapports sur des fréquences trop sensibles pour être reçues par les canaux usuels. Ils sont mes yeux et mes oreilles, où vous les voyez, vous me voyez. Au nom de notre amitié, je vous demande de leur offrir votre aide et votre coopération. J’aimerais pouvoir vous en dire plus, j’aimerais pouvoir vous mettre en garde mais les autres pensent que l’heure n’est pas arrivée. Restez proche du Vorlon et faites attention aux ombres. Elles bougent quand vous leurs tournez le dos. »

Garibaldi demande donc à Sheridan son aide dans la circulation des infos et des marchandises sans lui expliquer les tenants et les aboutissants. Malgré ses réticences, Sheridan accepte et fait confiance à Garibaldi.

Sheridan : « D’accord, je vous écoute. »

Garibaldi : « Depuis le début de l’année, nous avons appris des choses à propos d’une autre race extra-terrestre. Mon indicateur m’indique que les rumeurs sont vraies et qu’il y a peut-être un lien avec le gouvernement Centauri. J’ignore quel est ce lien mais ils ont forcément des appuis. »

Ivanova : « Et vous pensez que cette race est responsable de l’attaque du quadrant 14 ? »

Garibaldi : « Possible. »

Sheridan : « Si c’était exact, ils ne voudront pas que l’information soit divulguée. »

Ivanova : « Quelles informations ? Nous n’avons que des suppositions ! »

Sheridan : « Règle de Sheridan numéro 15. Toujours faire croire à l’adversaire que l’on en sait plus que ce que l’on sait réellement. Alors si votre indicateur dit vrai, on peut peut-être réussir à les bluffer. »

Retour à la session du conseil de Babylon 5.

Grâce à un habile bluff, Sheridan convainc Londo de rendre la liberté aux Narns survivants de l’attaque. Londo fait ce geste de bonne foi afin que la Terre ne vienne pas fouiner et découvrir comment les Centauris ont repris l’avant poste. Les Narns sont sauvés

G’Kar annonce alors un communiqué de son gouvernement. Devant l’agression qu’ils ont subit, le régime Narn déclare la guerre à la république Centauri. La grande guerre commence !

Plus tard, Refa confie sa joie à Londo. Grâce à leur travail, c’est désormais Carthagia, qui est sur le trône. C’est un jeune homme malléable qui épouse leurs idées. Après le départ de Refa, Vir est étonné que Londo n’ait pas demandé plus de remerciements. Après tout, il peut aisément demander une importante fonction à la cour. Mais Londo préfère, dit-il, rester dans l’ombre. Les récompenses sont toutes aussi grandes et les risques moins élevés. Peut-être pense-t-il à son rêve.

Au port d’embarquement, Garibaldi remercie le ranger et lui demande de lui faire part de toute information concernant le conflit Narns / Centauris. Avant de partir, il lui pose une dernière question : « Quelqu’un d’autre sur la station connaît-il votre existence ? ». Le ranger lui répond qu’il y a bien une autre personne. Garibaldi ne le sait pas mais dans ses quartiers l’ambassadeur Delenn prend connaissance du message que lui a adressé son ami Sinclair.

Critique

Après un début de saison bancal mais pas inintéressant où Straczynski dû composer avec le départ précipité de Michael O’Hare, voilà qu’arrive le grand changement. Signe annonciateur de son importance, cet épisode porte le nom de la saison. The Coming of Shadows est donc non seulement un tournant dans l’histoire de Babylon 5, mais il est surtout le premier chef d’œuvre de la série et c’est avec délectation que l’on découvre que toute l’histoire de la série a tendu vers ces événements d’une cruelle ironie.

Quelque soient les actions entreprises pas nos héros, c’est comme si les événements avaient pris leur indépendance. Voila bien l’essence même de cet épisode : l’ironie d’une tragédie née de la haine entre deux peuples, entretenue par des puissances obscures et déclenchée par quelques hommes incapables de voir toutes les conséquences dramatiques de leurs actes avant qu’il ne soit trop tard.

La haine : celle entre les Narns et les Centauris. Une haine dont la cause a été oubliée, noyée dans le sang depuis des années. Une haine autonome qui ne se soucie pas de frapper les faibles et les innocents. Une haine alimentée par des hommes avides de pouvoirs tel que Refa, qui n’hésite pas à profiter du déclin physique d’un empereur prêt à se sacrifier pour les péchés de son peuple, pour précipiter la République dans un conflit inutile à la seule fin d’augmenter son prestige. Une haine entretenue par Morden et ses associés, pourtant absent de cet épisode mais dont l’influence néfaste se fait ressentir tout au long de l’histoire et dont les intentions mystérieuses sont encore plus terrifiantes que la puissance dont ils usent pour détruire les Narns.

Mais par-dessus tout, c’est une haine qui prend une forme concrète par la faute de deux hommes : Londo Mollari et G’Kar. La capacité à nous conter un grand récit épique par l’entremise du destin tragique d’une poignée d’individus est la plus grande force de Babylon 5. Pendant plus d’une saison nous avons découvert ces deux frères ennemis, nous les avons aimés et détestés. Nous avons appris à connaître leurs doutes, leurs qualités, leurs faiblesses, leurs forces, leurs regrets, leurs amours, leurs échecs et leurs victoires. Bref, nous les avons vus vivre sous nos yeux. Nous sommes donc d’autant plus émus et pris à la gorge lorsque G’Kar décide d’assassiner l’empereur et quand Londo ordonne l’attaque du quadrant 14, car le destin de ces deux peuples nous touche d’autant plus que nous connaissons deux de leurs représentants. Même si nous ne pouvons pardonner leurs gestes, nous les comprenons tout à fait. Tous les deux sont des patriotes dans le sens le plus noble du terme. Toutes leurs décisions tendent avant tout vers la paix pour leur peuple, mais leur raison est également obscurcie par la haine et la peur. La haine de son bourreau et la peur de connaître de nouveau l’esclavage pour G’Kar. La haine de sa propre faiblesse et la peur du futur pour Londo.

La guerre est donc inévitable avec des racines malsaines aussi profondes. Il est d’ailleurs intéressant d’y tracer un parallèle avec les causes et le déclencheur de la première guerre mondiale. L’assassinat de l’archiduc François Ferdinand alors en visite a Sarajevo par un étudiant revendiquant l’indépendance de son peuple fit plonger les grandes nations, victimes de leur jeu d’alliance, dans un conflit meurtrier qui bouleversa le monde et l’échiquier diplomatique à jamais. Dès lors on se doute que les jours futurs seront bien sombres pour Babylon 5 et encore ne sait pas encore tout.

Pourtant, face à la montée des ténèbres, l’espoir subsiste et les forces de la lumière se mettent en place : Delenn, John Sheridan, Michael Garibaldi, Susan Ivanova, Steven Franklin et........Jeffrey Sinclair !

Straczynski manie avec habileté ce qui était au début de la saison un obstacle, pour en faire au final la grande surprise de l’épisode. Le message de Jeffrey Sinclair nous apprend ainsi que bien loin de son rôle d’ambassadeur, l’ancien commandant de Babylon 5 prépare la résistance face aux événements à venir. Il ne fait nul doute qu’il est désormais au courant de ce qu’il lui est arrivé à la bataille de la Ligne et qu’il agit plus comme un allié des Minbarris que comme un émissaire de l’Alliance Terrienne. D’ailleurs l’allusion au président Clark est très révélatrice et peut se comprendre de bien des façons. La plus savoureuse étant bien sur celle qui associerait Clark à la montée de l’obscurité.

Sinclair est donc à la tête des Rangers. Une armée secrète composée d’Humains et de Minbarris chargés pour l’instant de surveiller les frontières et la montée de l’obscurité. La référence au Seigneur des Anneaux saute aux yeux, dans les romans les rangers sont les survivants d’un grand peuple détruit par Sauron. Alors qu’auparavant les allusions à l’œuvre de Tolkien étaient surtout disséminées, voilà qu’arrive une affiliation directe à un genre immensément riche mais encore mal représenté à la télévision et au cinéma, n’oublions pas que nous sommes en 1995 et que Peter Jackson commence à peine le tournage de son chef d’oeuvre. Peut-on y voir alors un basculement subtil d’un genre à un autre ? A surveiller en tous cas.

C’est véritablement dans The Coming of Shadows que John Sheridan prend ses marques dans son rôle de capitaine de Babylon 5. Non pas qu’il fut mauvais auparavant (le jeu des acteurs de B5 est sûrement la chose la plus irréprochable de la série et cela dès le pilote) mais on le sentait néanmoins à l’écart des autres. Sensation facilement explicable par la nature de son arrivée dans la série et dans la station. Pour la première fois et sûrement pas la dernière, Sheridan va démontrer ses talents de diplomate, de sage et de stratège.

Diplomate avec un G’Kar dont la haine pour les Centauris obscurcit son jugement et sa raison, allant jusqu’à réinterpréter les gestes de paix de Turhan.

Le magnifique dialogue dans le dôme d’observation entre l’empereur et Sheridan nous montre ce dernier sous un nouveau visage. Celui d’un homme carpédien et sage. Une sagesse qu’il démontrera de nouveau quand il arrêtera G’Kar.

Enfin il est stratège quand, à l’aide des informations de Garibaldi, il manipule Londo à son insu afin de libérer les Narns de l’attaque du quadrant 14.

C’est avec The Coming of Shadows que le personnage de Sheridan va véritablement se révéler tel qu’il est. Non plus spectateur des événements mais acteur. Les forces de la lumière sont également représentées par Delenn. Même si elle est peu présente dans cet épisode, sa force tranquille est belle et bien là.

Pour terminer, citons ces scènes magnifiques où la beauté des dialogues n’a d’égal que la puissance du jeu des acteurs si bien qu’on n’a aucune peine à croire que cet épisode reçu un Hugo Award l’année de sa diffusion :

- Le dialogue entre Turhan et Sheridan où le vieil empereur nous apparaît profondément humain.

- La colère de G’Kar face à un empereur qui a eu « l’indécence de mourir » avant qu’il ne puisse l’assassiner. Une scène tragi-comique digne de Molière selon Andrea Katsulas.

- Londo Mollari qui signe définitivement son pacte avec le diable en demandant à Morden d’attaquer le quadrant14 et surtout Vir Cotto qui sort de son rôle de subalterne pour devenir la conscience de Londo. A ce titre, la manière dont il envoie paître Refa est savoureuse.

- Le double « Hello old friend » de Sinclair.

- La scène du bar entre G’Kar et Londo. Grand moment de tragédie où Peter Jurrasik et Andrea Katsulas prouvent une fois de plus leur talent et leur alchimie.


La grande guerre a donc débuté et l’avenir s’annonce sombre pour Babylon 5. L’espoir de paix qu’elle représente est bien mis à mal par cet événement. Au milieu de cette tourmente les choix de nos héros pour lutter contre les ténèbres qui approchent vont être déterminants.
Bonsoir