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Le Dico de la LTE - Chapitre 06

E=MC2

mercredi 14 janvier 2004, par Jarod

Il est des formules toutes faites mais qui font chaud au coeur lorsqu’on les reçoit : Bon anniversaire, Joyeux Noël et bien sur Bonne Année (ce qui est parfaitement de circonstance, mon à propos m’étonne moi même). Ce genre de formules n’est pas réservé au monde réel, et dans le monde de la fiction elle prennent une autre forme que l’on nomme fort judicieusement : Formula Show.

La définition

Formula Show : Série reposant sur un concept immuable (ou pratiquement immuable) se répétant d’épisode en épisodes.

Originellement votre

Appliquer une formule est confortable pour un auteur, le récit est balisé (voire banalisé) avec un déroulement codifié. Un bel exemple est le whodunit, récit policier dans lequel l’enquêteur (policier, privé, ou civil) cherche à découvrir le responsable d’un crime. Les “Poirot” d’Agatha Christie se déroulent selon un schéma établi, un meurtre, une enquête, un second meurtre, suite de l’enquete, et la révélation du coupable lors d’une scène où tous les protagonistes sont réunis. Je ne parlerais pas des romans à l’eau de rose (j’y reviendrais ultérieurement) de la collection Arlequin qui grosso modo fonctionnent également sur un canevas préétablis.
Au cinéma notre amis 007, qui revient sur nos écrans avec une régularité métronomique, déroule dans chacune de ses aventures toutes une séries de scènes codifiés (pré générique, générique, présentation de la mission, confrontation finale avec le méchant), de passages obligatoires( bureau de M, labo de Q, et lit de la James Bond Girl), et de répliques indispensables (my name is Bond, James Bond, oh James), ce qui n’enpèche pas certaines de ses aventures d’avoir une place à part dans le coeur des cinéphiles.

Il a la formule

Comme toute bonne recette, le talent du cuisinier joue pour beaucoup dans le résultat final et la qualité du produit.
Ainsi une série comme Charmed (bon je sais on s’en prend tout le temps aux mêmes, mais je répondrais que ce n’est pas nous qui avons commencé, et puis ce n’est pas par pure méchanceté que je m’attaque à cette série, en fait si) dont la totalité des épisodes reposent sur le même schéma que l’on peut résumer ainsi : un démon débarque en ville, les soeurs Halliwell sont menacées (et mal habillés), elles cherchent dans le livre des Ombres un moyen de le vaincre, trouvent une formule, et grâce au “Pouvoir des Trois” tuent le vilain, tout est bien qui finit bien. Ce n’est pas tant la répétition ad libitum de ce schéma qui en fait une mauvaise série (sinon tous les formula show seraient des bouses intergalactique, et nous allons voir que c’est loin d’être le cas) mais la fait que les scénaristes dans un manque total d’immagination, ou d’ambition, ne savent pas explorer au sein de ce canevas d’autres voie, n’osent pas s’écarter de ce qui marche, et surtout n’offrent en fin de compte au spectateur qu’une série formatée à l’extreme.
Une autre série disparue aujourd’hui reposait sur un schéma narratif quasi immuable : Le Caméléon (The Pretender). La structure de la quasi totalité des épisodes est en place des le pilote. Sydney et Mlle Parker découvrent dans un endroit occupé auparavant par Jarod des indices leur permettant de retrouver sa trace (mais pas trop vite tout de même). De son côté Jarod se rend sur les lieux d’une injustice, grâce à ses talents de “caméléon” se fond dans son nouvel univers et tente de découvrir les responsables de l’injustice. Au Centre Parker et Sydney (secondé par Broots) analysent les indices pour trouver Jarod. Celui ci ayant découvert qui était le méchant, va (comme les membres de l’IMF) lui tendre un piège et le faire tomber dans une mise en scène visant à lui faire révéler sa faute. C’est à ce moment là que Mlle Parker et son équipe de nettoyeurs arrivent pour rattraper le caméléon, mais trop tard. Jarod est déjà loin, et a endossé une nouvelle identité.
Le caractère répétitif des épisodes de la première moitié de la première saison laissait présager du pire pour cette série, mais ce canevas sans être abandonné à évolué, les scénaristes se sont permis des écarts par rapport au schéma, devellopent une vraie mythologie avec rebondissements, révélations et évolution des personnages à éviter de figer ces derniers et la série en même temps.

De Dan Briggs à Adam Shiff : Deux grands exemples

Mission : Impossible est sans aucun doute l’une des séries les plus célèbre au monde, et ses deux adaptations cinématographiques calamiteuses n’ont pas réussis à faire pâlir l’aura qui entoure ce bijou de la télévision.
Mission : Impossible ce déroule en suivant un schéma connu et balisé passant par au moins quatre étapes obligés.

- Le générique pour commencer. Bien sur toutes les séries possèdent leur générique qui revient à chaque épisode mais celui de Mission : Impossible est différent à chaque fois, constituant une petite bande annonce pour l’épisode de la semaine, constitué d’image qui aiguisent l’interet et l’attention du spectateur.

- Après le générique à lieu la scène qui est sans doute la plus célèbre de la culture télévisuelle, celle de la bande magnétique, Dan Brigs, puis Jim Phelps à partir de la deuxième saison, se rend dans un lieu public plus ou moins insolite (parking, toit d’immeuble, une cabine téléphonique en panne...) pour découvrir la mission qui lui est proposée au travers d’un message énoncé par un magnétophone et de quelques photos, cette séquence se clôt par la phrase rituelle : “Si vous même ou l’un de vos agent était capturé ou tué le Département d’Etat nierais avoir eu connaissance de vos agissements. Cette bande s’autodétruira dans les 5 secondes”

- Le chef de l’équipe se retrouve après avoir accepté la mission dans son appartement où il va choisir les membres de l’IMF qui le seconderont à partir de photo qu’il sort d’un classeur marqué du saut de l’IMF.
- Dernière étape l’exposé du plan dont nous ne voyons que la dernière partie axée sur les gadgets mis en oeuvre pour mener à bien la mission de la semaine mais dont nous ignorons la véritable utilité, tout comme le reste du plan échafaudé par Jim et ses amis.
Le reste de l’épisode s’il ne repose pas autant sur des scènes aussi codifiés repose également sur des passages obligés :mise en oeuvre des gadgets, maquillages de Rolin (puis Paris), manipulations, et dénouement quand toute l’équipe quitte la scène sur les notes de la célèbre musique de Lalo Shiffrin une fois la plan mené à bien.
Tout le plaisir de Mission : Impossible est de découvrir les différentes machinations mise en place par l’équipe de l’IMF pour faire tomber des politiciens véreux, des trafiquants d’armes ou de drogue, des dictateurs. Nous sommes soit dans le situation du dupé et ignorons tout du plan mis en oeuvre (quand on découvre les épisodes pour la première fois, ou qu’on les a oubliés) soit complice des membres de l’équipe voyant les rouages de la machinations se mettre en place sans faute pour prendre au piège leur victimes.

New York District (ou Police Judiciaire)/ Law & order
Cette série (la doyenne des one hour drama série de la télé américaine) repose sur une structure bipolaire : Une enquête policière suivi par la procédure judiciaire (qui ne se déroule pas forcément dans un tribunal).
Ces deux parties distinctes mais d’égale importance (comme nous le rappelle le texte introductif de chaque épisode) obéissent chacune à une sorte de rituel.
Le pré-générique nous révèle un crime, le plus souvent un meurtre, et se clôt lors de l’arrivée des enquêteurs par une phrase choc de ce cher Briscoe. La première demi-heure est consacrée à l’enquête de police, l’interview des témoins, les différentes pistes à explorer, l’arrestation et l’intérrogatoire de suspect, les preuves à rassembler, et au final l’arrestation du présumé coupable.
S’ouvre alors la partie judiciaire de l’épisode, les assistants du procureur vont tenter de faire mettre en prison (ou pire) l’inculpé. Négociations avec les avocats, recours de ces derniers pour faire invalider des preuves, des témoignages ou des aveux, puis le procès, et le verdict constituent les différentes étapes de cette partie de l’épisode. Celui ci se clôt par une nouvelle phrase choc, généralement du District Attorney Adam Shiff jusqu’à la saison 11, qui nous laisse un impression douce amère, comme le travail de la justice.
New York District pourrait rapidement devenir aussi passionnant qu’un épisode de Navarro, Julie Lescaut ou de P.J., mais parce que les scénaristes savent explorer par le biais d’affaires banales, mais toujours traitées avec réalisme (ce qui manque aux séries sus cités), divers aspects de notre société sans jamais épargner personnes, les premiers épisodes de la série prennent pour cible les médecins, les politiques et ose lors de cette même première saison traiter de la question de l’avortement et des ligues qui s’y opposent avec violence. Chaque épisode aborde donc plus qu’une simple affaire de meurtre, ce qui en dépit de sa structure prévisible codifiée lui permet de ne pas être lassante ni répétitive.

Moralité :

Les contraintes ne limitent pas les bons scénatistes, elles les stimulent.