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2.20 - A Room With No View
Eliminer toute Résistance
L’Apprentissage de l’Ordinaire
vendredi 23 janvier 2004, par
Un jeune étudiant disparaît mystérieusement. Il pourrait s’agir d’une affaire courante si son ami n’était pas mort de peur et si Frank n’avait pas des visions de Lucy Butler...
Tout d’abord, et afin de vous mettre dans l’ambiance, je vous recommande de récupérer Love Is Blue de Paul Mauriat. Comme cela, vous pourrez vous aussi devenir un être ordinaire tout en lisant cette critique.
Tout commence aux abords d’une lugubre maison d’où s’échappe un jeune homme. Mais celui est bientôt renversé par une voiture avec à son bord Lucy Butler qui, sous sa forme mâle, le charge dans le coffre.
Le décor est planté. Nous retrouvons celle nous avions découvert dans Lamentations (1.18) et dont les actes restes gravés en nous. On pense immédiatement que l’épisode va rapidement sombrer dans une très grande noirceur et nous rapprocher un peu plus de la folie humaine. Pourtant, c’est une histoire tout à fait différente qui nous est proposé, jouant dans un registre beaucoup moins horrifique mais néanmoins inquiétant. Cela en grande partie dû au jeu de Sarah-Jane Redmond, qui nous montre un personnage aux allures charmantes mais qui laisse présager le pire.
Surtout que le générique passé, nous assistons à la mort la disparition d’un jeune homme et à la mort de son ami - prénommé Howard Gordon, en hommage au scénariste qui venait de quitter la série. Une mort violente mais sans effusion de sang : Howard est mort de peur. Sa route a croisée celle d’un être dont il n’a pas supporté la vision.
Il s’agit aussi du retour de Frank, que nous n’avions pas vu dans le précédent opus, Anamnèse. Lara et Katherine étaient confrontés à une incarnation de Marie-Madeleine, l’apôtre des apôtres ; Frank se retrouve lui face à l’antithèse, c’est-à-dire face au Mal ou Légion - comme on le nomme dans la série. Il en ressent d’ailleurs très vite la présence dans la chambre de Landon Bryce. Et cela le pousse à appeler sa fille sur le lieu du crime, chose, l’avoue-t-il à Peter, qu’il ne fait jamais en temps ordinaires. Car il a peur, non pour lui, mais pour sa famille, qui a déjà subit la visite du Mal - dans Lamentations, Butler avait pénétré la maison des Black.
Le but de Butler semble ici l’aliénation, et son attention se tourne principalement vers les esprits forts. Mais pour quoi faire ? Tentons une explication.
Comme le dit Frank, elle est convaincue par la nature apocalyptique de l’avènement du nouveau millénaire. Et au sein de cette guerre Bien / Mal qui s’annonce, elle a déjà choisi son camp. Et œuvre par conséquent pour sa victoire. Dans cette optique, elle cherche à abattre ceux qui constitueront le plus gros obstacle, c’est-à-dire les esprits supérieurs. Landon était apprécié et écouté de tous. Elle s’attaque aux meneurs pour les transformer en êtres ordinaires qui rentreront dans le rang. Elle élimine la résistance potentielle.
Et pour arriver à ses fins, elle utilise - car je ne vois pas comment il pourrait en être autrement - la conseillère d’orientation qui lui indique les élèves en marge du système. Brillants mais qui ne se plient pas aux règles qui leurs semblent injustes. Des règles - le système de notation en l’occurrence - dont elle fut elle-même victime. Et sans doutes croit-elle aider ces jeunes en les poussant dans les bras de Lucy.
La technique de Lucie pour briser ses pensionnaires est simple : un musique qui tourne en boucle, à rendre fou n’importe qui, et une déshumanisation progressive, à tel point que les jeunes gens ne se souviennent plus de leurs noms. De plus, elle use de son intrigante double facette : femme, elle est attentionnée ; sa partie homme est par contre très violente et est sensée éviter toute tentative d’évasion. Témoin la scène où Landon aperçoit la fenêtre - et le spectateur le pousse à courir vers elle - mais l’instant suivant, il se fait vertement sonner par Butler. Enfin, toute sanction reste toujours la faute de celui qui se l’est attirée. La manipulation est telle qu’elle pousse le colocataire de Landon à le dénoncer ; ce que Lucy désigne comme une qualité d’homme ordinaire. Un être ordinaire est donc fourbe, et toujours prêt à se ranger du coté du plus fort, et donc à trahir les siens. Ce qui, encore une fois, peut la servir, elle et son camp.
On découvre aussi que depuis 1 an - c’est à quelques jours près, la durée qui sépare Lamentations de L’Apprentissage de l’Ordinaire - MillenniuM surveille Lucy Butler. On se doute que ce n’est pas sur les seuls conseils de Frank, mais que le Groupe y trouve un intérêt.
Cela donne lieu à une intéressante séquence où Peter et Frank pénètrent dans la prétendue maison de Lucy à la recherche de l’agent Olson, et qu’en montage parallèle, nous suivons la première tentative d’évasion de Landon. La musique de « Love Is Blue » sert de joint entre les plans. De plus, Frank croit entendre Landon ; et le spectateur, même s’il n’y pensait pas au début, commence à croire que c’est la bonne maison. Le cadavre rongé par les vers les ramènent à la réalité : Lucy Butler a encore trompé son monde. Et demeure insaisissable.
D’ailleurs, quand le FBI pénètre dans la vraie maison, elle n’y est plus. Comment a-t-elle su qu’on viendrait la chercher ?
Dans la maison où Butler séquestrait ses victimes, Frank trouve une photo de Lucy Butler datant de 1911. Qu’est-ce que cela signifie ? Lucy a-t-elle fait un pacte avec le diable, choisissant de damner son âme pour grossir les légions du Mal en échange de l’immortalité ? Ou Légion utilise-t-il l’apparence d’une certaine Lucy Butler, qui vécu aux alentours de 1911 ?
Malgré des appels répétés, Frank ne parviendra jamais à joindre sa fille - à priori, il parle à un répondeur. Il reste donc seul chez lui, avec ses visions, et des doutes qui le rongent de l’intérieur. Il semble perdu. Il n’a pu trouver le réconfort qu’il cherchait. Comme s’il se noyait petit à petit. D’autant plus que très bientôt, tout son univers va voler en éclats sans qu’il n’ait eu le temps de rien voir venir.
Sinon, une question que vous vous êtes sans doutes posés : Pourquoi Frank porte-t-il des lunettes de soleil à certains moments ?
La FAQ MillenniuM, réalisée par Brian A. Dixon, Matt Asendorf, Shea Bennett et Gil Trevizo, et disponible en français sur la MMFDB nous dit, je cite : « Il a été supposé que c’était un acte stylistique purement symbolique, et qui représenterait les efforts de Frank pour se protéger du Démon qu’il ressent à travers la présence de Lucy Butler ».
Même si je n’ai pas vraiment de réponse à apporter moi-même, je dois reconnaître que celle-ci ne me satisfait guère...
Le retour de Lucy Butler se fait de façon pour le moins étrange.
Un épisode intrigant.
LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires