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2.13 - The Mikado
Perdu dans la toile
vendredi 7 octobre 2005, par
Frank et Peter suivent la trace d’un mystérieux bourreau qui exécute ses victimes en direct sur Internet...
Très étrange épisode, il faut bien l’avouer.
Tout d’abord au niveau du scénario, que l’on doit à Michael Perry. Le spectateur est rapidement placé dans un bunker dont il sortira que très peu. Tout se passe derrière un écran, ou presque. Frank est un peu à égalité avec le spectateur, puisqu’il ne peut pas agir directement sur les évènements. Il doit tout faire à distance et de ce fait, est un peu prisonnier.
L’enquête proposée est, à ce titre, un peu trop tarabiscotée - la façon dont les indices sont trouvés dans les images sont à ce titre assez douteuses - et tient finalement en haleine uniquement par le mystère. Que se passe-t-il ? Qui est le tueur ? Pourquoi fait-il cela ? On reste scotché à notre écran car nous nous demandons où on nous emmène. A l’image de ce que vit le personnage principal, c’est le flou le plus total. Même lorsque l’on apprend qui est derrière tout cela - c’est-à-dire un tueur resté dans l’ombre plusieurs années - le mystère reste quand à son identité « sociale ». L’étrange divertissement auquel il soumet la police, sa façon de jouer avec elle, intriguent.
Elément important de cette histoire : l’inefficacité du Don. A distance, il ne lui est d’aucune aide et il doit alors avoir recours au profiling classique. D’ailleurs, à ce sujet, on pourra trouver un peu grossière la façon dont Frank se met dans la tête du tueur ; en quelques secondes de concentration, il devine tout. Or, si cela peut passer lorsqu’il utilise sont Don (et encore, ce n’est jamais si franc) là ça ne marche pas vraiment. D’autant que visuellement, cela ne fonctionne pas, en partie à cause de l’absence des visions, passages toujours intenses. D’ailleurs, ces visions permettent à l’acteur un jeu minimaliste, puisque c’est combinaison des images violentes montées de façon saccadées et du visage marqué de Henriksen qui crée l’émotion chez le spectateur (on pourrait à ce sujet presque parler d’effet Koulechov). Ici, il force son jeu et du coup, on perd en intensité.
Le scénario confronte les personnages à quelque chose de nouveau qui les perturbe. Internet, qui en est à ses prémices au moment de la diffusion de l’épisode, propose un nouveau terrain d’enquête et par conséquent de nouvelles méthodes d’investigations. Le fait que Frank ne puisse utiliser son don joue aussi en cette faveur.
De plus, cette façon de mettre en scène une exécution sur Internet prend une connotation toute particulière aujourd’hui... A ce titre, l’aspect voyeuriste de la population, de plus en plus nombreuse à se masser sur le site avant la mise à mort, est parfaitement mis en avant et ne semble pas du tout désuète à l’heure où des vidéos de journalistes en fâcheuses postures tournent sur le net.
La mise en scène de Roderick Pridy (dont c’est le seul épisode) est tout sauf anecdotique. Pour preuve, l’étonnant flashback sur San Francisco avec une voix-over par dessus. Elément, si je ne m’abuse, très rare dans la série (voire inédit jusqu’alors), d’autant que ce passage ne fait pas spécialement avancer l’enquête.
L’ensemble de l’épisode, qui par contrainte diégétique se déroule principalement en milieu clos, est particulier. Nous sommes loin des lieux glauques, sombres et à l’abandon où nous avons l’habitude d’aller ; ici tout est propre, parfaitement en ordre. Et ce n’est pas l’éclairage tamisé de la pièce qui change quoi que ce soit. Ce qui a tendance à désorienter. Seule la fin nous replonge dans le monde que nous connaissons.
Il faut ici noter le très bon le passage où Frank s’assoit dans le fauteuil de la victime pour essayer de comprendre ce qui se trame. On s’attend presque à ce que quelqu’un apparaisse derrière lui, sortant de nulle part, venant de l’ombre.
Et lorsque pour finir, on comprend que le tueur souhaitait que Frank tue la victime en direct, on se demande si le tueur n’en avait pas après Frank, qui aurait alors été la victime de ce jeu machiavélique.
La fin proposée pourrait être classée de « millenniumesque » : le tueur a gagné, puisqu’il a mené le jeu du début à la fin et n’a pas été attrapé. On n’en sait pas plus sur son identité ou ses motivations.
Il s’agit d’un épisode clairement dans la lignée directe de la Saison 1, qui affectionnait ce genre de conclusion, pessimiste quant à l’issue d’une lutte qui semble vaine.
D’autant que l’on peut aussi se demander si cette figure du tueur, insaisissable et sans visage, qui change de méthode à chaque apparition, n’est pas un retour sur le devant de la scène de Legion. Même s’il n’est pas expressément nommé, comme dans certains épisodes antérieurs, la question mérite d’être posée.
Alors cet épisode, qui arrive juste après L’Eveil, ne semble pas du tout dans la continuité. Et pourtant...
Frank n’a utilisé que son don dans l’épisode précédent alors que là, il ne peut quasiment pas le faire - sauf lorsqu’il se rend sur le terrain. La situation est donc exactement opposée.
Un épisode que l’on croirait tout droit sorti de la saison 1. Si l’enquête est bizarrement construite, la situation dans laquelle se trouvent les personnages est intéressante.
Mais globalement, il ne présente rien d’exceptionnel et reste simplement un bon épisode.
LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires