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6.15 - Arcadia

La vie à deux

Bienvenue En Arcadie

jeudi 1er avril 2004, par Sygbab

Si vous vous intéressez au couple le moins bien assorti de la planète, c’est ici qu’il faut venir. Vous aurez un cadeau en prime.

Je me vois dans l’obligation de commencer ma review par une information capitale pour la compréhension de cet épisode : dans la mythologie Grecque (je ne vais pas rentrer dans les détails), l’Arcadie était une région isolée possédant un cadre idyllique et où le bonheur et l’harmonie régnaient dans le meilleur des mondes. Mais seulement en apparence. Le titre donne donc déjà une petite idée de ce que l’on va voir, car cet épisode n’est ni plus ni moins qu’une satire des micro-sociétés américaines qui vivent en autarcie en essayant de se protéger du monde extérieur et de sa violence. Puisque j’ai décidé de faire une introduction informative, autant continuer : ce thème avait déjà été abordé dans l’autre série de Chris Carter, MillenniuM.

Revenons sur cette peur de la violence extérieure. Pour ne pas qu’elle puisse pénétrer dans l’enceinte même de la communauté, il faut pour cela établir certaines règles communes à appliquer. Si tout le monde les respecte, tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes et tout le monde sera heureux. Sauf que dès le teaser il existe un énorme décalage entre ce concept et ce qui nous est montré à l’écran. En effet, l’épisode s’ouvre sur l’arrivée d’un nouveau couple dans la communauté, dont l’entrée est barrée par une lourde porte en fer forgé que l’on ne peut seulement ouvrir avec un code. Tout de suite, le téléspectateur est déstabilisé et pense plus à une prison qu’à un endroit où il fait bon vivre. Et cette idée d’emprisonnement ne se fait que plus précise à mesure que l’épisode avance, tant le nombre de règles à respecter est impressionnant, à tel point qu’il en supprime toute liberté individuelle. Si l’aspect extérieur peut certes sembler idyllique grâce à cette éclatante clarté, mais le fait que toutes les maisons soient toutes identiques est d’une grande monotonie, comme si ce n’était là ni plus ni moins qu’une suite de cellules où se logent les habitants lorsque l’heure du couvre-feu approche. Et ils ont intérêt à le faire vite, car le fonctionnement de cette micro-société est basé sur les moeurs des hyènes (le reportage télé que visionne un des habitants portant sur ces animaux très peu réputés n’est pas là par hasard, l’analogie est de ce fait évidente). Le principe est simple : pour survivre, la horde se débarrasse des plus faibles, de la brebis galeuse, c’est-à-dire de l’individu qui ne respecte pas les règles. Ainsi, toute personne enfreignant une règle présente dans le Grand Livre de Monsieur Gogolak (le “maître” des lieux) se voit puni d’une belle manière : il se fait bouffer par un golem. Tout pousse donc à dire qu’une telle vie nous privant de tout libre-arbitre n’est pas le Paradis mais l’Enfer, et qu’il n’est jamais bon d’ériger des murs entre soi et le monde extérieur.

L’aspect fantastique de la série est donc assuré par la présence de la sorte de golem (qui est appelé Ubermensher ici) qu’invoque Monsieur Gogolak - qui se fera lui-même tuer par sa propre créature en enfreignant une de ses propres règles (tel est pris qui croyait prendre, retour à l’envoyeur, il n’a que ce qu’il mérite, bien fait pour sa gueule, etc...). Ce n’est pas le point central de l’histoire ; cela sert “juste” d’élément paranormal pour justifier l’affaire non classée, et pour rendre le personnage de Gogolak plus mystérieux, ce qui donne plus de tension à certaines scènes. Donc en gros, ce n’est vraiment pas l’intérêt de l’épisode, qui est tout autre.

L’originalité vient plutôt de la nécessité de Mulder et Scully de se présenter en tant que couple pour pouvoir pénétrer au sein de l’enceinte de cette micro-société. C’est un parti-pris comique tout à fait dans le ton de cette saison 6 qui est beaucoup plus débridée que les précédentes. C’est là toute sa force, car la dimension comique, humoristique, est très présente et cela sans dénaturer l’esprit de la série. Bref, c’est une occasion de voir les deux compères se conduire en amoureux, et c’est assez drôle. Scully se fait des soins du visage, gueule après Mulder qui ne relève pas la lunette des toilettes, oblige ce dernier à dormir sur le canapé, et ainsi de suite. Les clichés les plus connus sont revisités avec ce couple très improbable. En tout cas, ça amuse Mulder comme un petit fou et il s’en donne à coeur joie ; il va même jusqu’à faire passer sa partenaire pour une illuminée qui croit aux extra-terrestres lors de leur dîner d’accueil chez Gogolak. L’idée était d’autant plus difficile à traiter qu’il fallait éviter les redites avec le double épisode Dreamland au début de saison, qui voyait déjà Mulder en couple, dans le corps de Morris Fletcher.

Enfin, le comique dans cet épisode ne se résume pas à cette relation entre les deux personnages principaux. Il y a aussi d’autres petits gags, mais je retiendrais surtout la méthode d’investigation hilarante de Mulder : pour savoir ce qui se passe lorsqu’on enfreint les règles - parce qu’il se doute que c’est à cause de cela que le couple fraîchement débarqué au début de l’épisode a disparu, tué même -, il fait tout ce qu’il ne faut pas faire. Sauf qu’à chaque fois, sa boîte à lettres est repeinte dans la couleurs réglementaire ou des choses dans le même genre. Ca ne dure que quelques minutes mais c’est très drôle.

Tout ce qu’on retiendra, c’est que si Mulder et Scully se mariaient ce ne serait vraiment pas triste. Enfin non, il y a aussi une grosse facilité scénaristique ultra clichée pour sauver Mulder et Scully d’un très mauvais pas quand ils sont sur le point de se faire désosser par l’Ubermensher : le bon gros Jerry d’Urgences - qui avait trop de pression et voyait trop les résultats de la violence du monde au service des urgences donc il est venu se réfugier tranquillement ici - réapparaît d’entre les morts parce qu’il a réussi à échapper à la créature on ne sait comment en se faufilant dans les égouts. Le gars qui sort de nulle part alors qu’on l’avait totalement oublié pendant un moment, ça sent quand même un twist facile pour sauver la situation, et ça dans la série c’est un tout petit peu décevant. Mais ça n’engage que moi bien sûr.

Ah oui non, dernière chose, c’est la première photo que je poste dans une review mais je ne pouvais pas la rater :



La classe non ? Cadeau maison !


PS : Pour ceux qui connaissent Carnivàle il y a dans cette épisode l’actrice qui joue Lilah, la femme à barbe du cirque ambulant.


L’idée qui motive cet épisode - Mulder et Scully en couple - est originale et sympathique et fait passer quelques bons moments et la critique des micro-sociétés n’est pas mal menée. Le petit problème c’est que la balance entre le comique et le sérieux me semble un peu mal équilibrée, et l’épisode souffre par moments de manque de rythme. Mais rien de bien grave dans l’absolu, ça reste un bon crû tout de même.