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2.12 - Aubrey
Cokely Cow
Aubrey
jeudi 8 janvier 2004, par
Malheureusement pour moi, cet épisode ne s’intitule pas "Le Pré où je suis mort" ; ce qui est assez dommage car sinon le jeu de mots de mon titre aurait été beaucoup plus drôle et approprié.
Je vais donc me contenter de vous parler d’Aubrey, qui contrairement à ce qu’on pourrait penser n’est pas le nom d’une femme mais bien d’une ville. Pour faire très rapide, l’histoire concerne une femme détective nommée BJ Morrow, qui est responsable de deux meurtres commis selon le modus operandi d’un tueur en série jamais arrêté, qui perpétrait ses crimes en 1942. Mais pourquoi a-t-elle agit de la sorte ? Tout simplement parce qu’elle est la petite fille du meurtrier en question et que sa grossesse aurait déclenché l’activation de gènes ataviques. Plutôt abrupt non ?
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Si finalement mon résumé s’avère excessivement simpliste, le cheminement qui aboutit à cette conclusion n’en est pas moins maîtrisé avec brio ; et ceci passe aussi bien par l’écriture que par la réalisation de certaines scènes. Les éléments permettant de dévoiler l’identité de l’assassin, et par extension à Mulder de comprendre ce qu’il se passe, sont disséminés tout au long de l’épisode de manière subtile : assez pour pouvoir spéculer, mais pas assez pour avoir la réponse. Le moment où la clé du mystère est révélée aux plus malins d’entre nous est la scène où Mulder demande à Madame Thibedeaux ce qu’est devenu l’enfant qu’elle a eu suite à son viol. Mais pour avoir la bonne intuition, encore faut-il avoir suivi attentivement l’épisode.
Dès le début, tout est mis en scène pour nous montrer qu’il existe un lien entre l’assassin et BJ. Et je dois dire que tout cela est extrêmement efficace, que ce soit au niveau des visions ou de la scène bien flippante où cette dernière a le mot "Sister" gravé sur sa poitrine sous forme de stigmates. La réalisation y est pour beaucoup, ainsi que la musique qui est vraiment excellente : plus elle va crescendo, plus la scène est oppressante. Celle du teaser en est un autre parfait exemple. Bref, très bon script + bonne réa + excellente musique = que du bon. D’autant plus que certains clichés sont évités astucieusement.
Tout d’abord avec cette histoire d’enfant. Le fait que la dernière victime de Cokely soit tombée enceinte n’est pas simplement là pour faire joli. J’en conviens, il arrive que dans des épisodes traitant de viol (de près ou de loin, comme là par exemple cela reste quand même en arrière plan) les victimes aient un enfant, et que bien souvent elles ne le gardent pas pour ne pas se rappeler de leur agresseur. Mais quand l’enfant en question donne naissance à un "assassin", c’est nettement plus intéressant et ça sert l’histoire au-delà du simple aspect psychologique de la victime.
La fin du troisième acte est audacieuse. BJ est chez la vieille dame, pour finir l’oeuvre de Cokely comme le pense Mulder. Juste avant l’écran noir, on voit le rasoir se lever, se rabattre et on entend un grand cri. Juste après, les deux agents arrivent en catastrophe. Là, ils découvrent que Madame Thibedeaux est indemne, et que BJ a épargné sa vie. Bravo, moi je pensais une fois de plus qu’on allait avoir droit au sauvetage au dernier moment et qu’elle allait s’enfuir.
Dans la lignée du premier point que j’aborde, on peut aussi parler de la vengeance de BJ sur Cokely. D’habitude la vengeance c’est banal, et c’est pas vraiment nouveau. Sauf que là c’est beaucoup plus intéressant car ce sont deux femmes bafouées qui se vengent de l’homme qui leur a gâché la vie. Et je dois dire que de voir l’assassin se trouver dans le rôle de la victime et aller jusqu’au bout en le tuant, c’est fort. Comme quoi il y a une justice .
Sur ce dernier point, je trouve que le thème est très bien traité. Dans l’épisode, on s’aperçoit avec horreur que quand la police avait arrêté Cokely pour l’agression de Madame Thibedeaux, elle n’avait pas fait le lien avec les crimes de 1942 (ils sont pas bien doués quand même, il n’y a pas beaucoup de tarés qui écrivent le mot "Sister" sur la poitrine de leurs victimes...), et finalement il n’a jamais payé pour ses crimes. Mais il finit par payer, et c’est d’autant plus fort que c’est sa petite-fille qui l’achève, également la petite-fille de la seule victime qu’il a laissée en vie derrière lui. L’ironie est grande, et c’est tant mieux. Si BJ avait tué la Madame Thibedeaux, Cokely aurait gagné, et c’est bien ce que la dernière nommée veut faire comprendre à la première citée. Je serais audacieux, je dirais que ce n’est ni plus ni moins qu’une métaphore de la victime qui reprend sa vie en main et affronte son agresseur, ce qui est le seul moyen d’échapper à son emprise psychologique. La preuve en est que BJ, qui est sur le point de tuer Mulder, cesse sa folie au moment même où son grand-père pousse son dernier soupir.
Quant à Cokely "himself" (qui ressemble beaucoup à Raynes en trimballant sa bouteille de gaz partout où il va), le fait qu’il soit dans un état lamentable ne nous le fait absolument pas prendre en pitié : ses crimes impunis sont impardonnables. Remarquez au passage que la raison de ses meurtres est glissée au cours d’une phrase anodine, où Madame Thibedeaux précise que lors de son procès, il avait été dit qu’il vivait avec 5 soeurs et qu’il prenait toujours pour tout le monde. C’est pourquoi avant chaque crime il prononçait "quelqu’un doit payer, mais ce ne sera pas moi", et qu’il grave le mot "Sister" sur la poitrine de ses victimes. Classique, mais cela est très intelligemment mis en retrait pour ne pas se focaliser dessus car ce n’est qu’un détail de l’histoire ; mais cela démontre que le profilage est primordial pour les meurtres en série.
Cela nous amène justement à un autre point qui paraît aussi un détail, c’est l’introduction (même s’il est mort depuis 1942) de Sam Chaney. Mulder dit de lui qu’il est légendaire, car c’est le premier à s’être intéressé aux meurtres en série. A l’époque, il était considéré comme un extraterrestre (le terme n’est pas très heureux) car tout le monde considérait que d’enquêter en ayant recours à la psychologie n’était pas une solution. Et là Scully fait un très bon parallèle avec les idées de Mulder concernant le paranormal, qui se retrouve confronté à la même peur de la part de ses collègues et supérieurs qui ont l’esprit trop étroit pour accepter ce qu’ils ne comprennent pas. Cela prend encore plus de force quand on sait que d’autres épisodes se pencheront plus avant sur le profilage, et domineront le sujet de main de maître (mais nous reverrons cela ensemble).
Sans transition (je peux pas tout le temps être au top, j’ai mes moments de faiblesse moi aussi ;) ), quelques petits trucs dans cet épisode qui m’ont plu. Pour commencer, Scully devine tout de suite que Tillman et BJ sont amants, et ne tarde pas à découvrir que celle-ci est enceinte. Pour une fois, Mulder se fait battre à plate couture au niveau des intuitions, et j’aime bien quand c’est fait de cette manière (normal puisque pour une fois le scénariste est une femme). Nous avons aussi droit à une réplique culte (Mulder qui dit à BJ "Je crois que l’on ressent tous ça un jour ou l’autre" alors qu’elle vient d’évoquer le fait que depuis quelques temps elle sent l’instinct maternel se manifester), au gimmick de la série (les deux agents à Washington dans les bureaux du FBI au début de l’épisode), une fin de teaser et une fin d’épisode caractéristique des loners, et à Terry O’Quinn (Kendall dans la saison 2 d’Alias, j’apprécie beaucoup l’acteur). Enfin, Mulder qui parle de gènes ataviques et qui trouve la solution alors que Scully est censée être la scientifique de l’équipe, c’est très fort.
Justement, cette histoire de gènes ataviques est assez dérangeante. Il est souvent dit que l’on peut hériter de certains traits de caractère et de certaines attitudes comportementales grâce aux gènes ; et j’ai toujours entendu dire que cela sautait une génération (ce qui est ici le cas). Mais le discours de Mulder n’arrange rien, car selon lui il se pourrait que ces gènes déterminent notre personnalité. Cela voudrait dire que dès la naissance nous serions prédisposés à agir d’une manière bien précise, et que notre personnalité est déjà bien définie. Ca en fiche un coup à l’Homo Sapiens Sapiens ça, rien que d’imaginer que finalement nous n’avons pas vraiment de contrôle et que nous ne serions finalement que des marionnettes dont les gènes tirent les fils. L’épisode joue parfaitement là-dessus aussi : plus tôt dans l’épisode, BJ avoue qu’elle a toujours voulu être dans la Police parce que son père y était. Mais en fin de compte, elle devient une meurtrière à cause de ces foutus gènes. Bref, l’épisode était déjà bien fourni, mais en plus il se permet d’ébaucher une hypothèse qui comme d’habitude dans cette série n’a pas de réponse : à nous de nous faire notre opinion. Moi perso, je préfère penser que j’ai aucun contrôle, ça expliquerait beaucoup de choses ! ;)
Pour finir, j’aimerais rendre hommage à un personnage qui est là depuis le début de la série, que l’on ne voit pas beaucoup mais qui est tout le temps au téléphone avec Mulder ou Scully et qui en pince pour la belle rousse : j’ai nommé l’Agent Danny Pendrell.
Comment ça j’ai oublié de vous donner la raison du titre ? Vous trouvez pas que Cokely il est vache avec les femmes vous ?
Un loner très efficace, dans la plus pure tradition : une fin de teaser accrocheuse qui laisse planer le mystère, une fin d’épisode qui montre que tout n’est pas fini. Les compositions musicales sont sublimes et accompagnent de manière parfaite les scènes angoissantes. Mais tout cela part de l’écriture qui est brillante, et quand on sait que c’est une femme (Sara Charno pour les plus curieux) qui y a planché ; on comprend encore mieux pourquoi le thème de la femme victime est traité avec justesse. Le seul petit défaut est qu’il perd de sa force lorsque l’on connaît l’intrigue, mais ce n’est finalement pas bien grave...
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