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1.09 - Why We Fight

L’Horreur

Pourquoi nous combattons

lundi 2 août 2004, par BuBu

Sur la route de Berlin, la Easy est réorienté par l’Etat-major en direction de la Bavière. Ce qu’ils vont trouver en chemin va marquer leur existence...


Une nouvelle fois, les vétérans apparaissent avant le générique. Pourquoi ? J’ai trouvé un point commun avec Point de Rupture (1.07) : son réalisateur David Frankel. S’agit-il donc de sa touche personnelle ?
Toujours est-il que France 2 nous a une nouvelle fois collé son « déconseillé au -10 » sur le sous-titre ; ajouté au bruit qu’il y avait dans mon environnement, je n’ai pas pu suivre ce qui a été dit.
J’ai néanmoins retenu que les anciens combattants évoquaient le fait que les Allemands étaient comme eux et qu’en d’autres circonstances, ils auraient pu être amis. Comme nous l’avions vu précédemment, il n’y avait pas de véritable haine pour l’ennemi ; parfois même au contraire du respect - comme cela est montré dans l’épisode suivant Des Hommes avant tout (1.10).


L’épisode s’ouvre sur un quatuor entonnant l’Opus 131 en C mineur de Beethoven au milieu des décombres de Thalem, sous le regard des hommes de la Easy. Nous sommes le 11 avril 1945. Chacun tente de récupérer ce qu’il peut dans les restes de son habitation. Et mis à part cette musique, c’est le calme qui règne. L’après-guerre est aussi terrible pour les populations.

Retour en arrière, un mois auparavant.
Même si les images sont bon enfant, on assiste ni plus ni moins au pillage des Alliés. Les scène de Luz et Perconte subtilisant des poules, ou de Speirs envoyant à tour de bras de l’argenterie à sa famille, ne doit pas faire oublier que les soldats volent et que tout n’appartient pas forcement à des dignitaires nazis - pour lesquels il est vrai, on s’en ficherait un peu. Ils prennent le butin de guerre, mais se faisant, désoeuvres un peu plus les civils.
De même, le passage avec Luz draguant une jeune Allemande et se faisant éconduire, rappelle que de nombreux viols eurent lieux dans les territoires occupés par les Alliés - surtout à l’arrière front. Cette armée de coalition était loin d’être propre et déclenchait parfois une vive haine au sein des populations libérées.
Je dois donc avouer que je ne comprends pas bien le but de cette séquence. S’il était de nous détendre avant la suite, c’est un peu raté. S’il était d’aborder ce sujet « sensible », il est dans ce cas abordé avec une bien étrange légèreté...

Nixon, lui, boit de plus en plus comme un trou. Cette fois, il y a une raison : on l’a chargé d’annoncer aux familles la mort de leurs enfants dans des exercices de saut. Une fois encore dans la plus grande hypocrisie. Nix est désabusé par tout ça, d’autant plus qu’il est rétrogradé. Son alcoolisme l’amènera même à vandaliser une échoppe ; sans succès du reste, ce qui le conduit à se renseigner auprès du postier. Il est devenu un véritable alcoolique, et ce n’est pas la demande de divorce envoyée par sa femme qui risque de changement quoi que ce soit.
Chez les soldats, ce n’est guère mieux. L’ambiance est morose et, une fois de plus, ce sont les recrues qui trinquent. Perconte fait même une scène à O’Keefe : il ne comprend pas le combat qu’il mène et qui le tient loin de chez lui depuis maintenant 2 ans.
C’est au milieu de tout cela qu’une séquence très courte mais très significative. Nixon pénètre au QG des officiers et annonce à Winters et Speirs que le Président est mort. Dix secondes à tout casser. Comme une information somme toute banale. Car c’est ce qu’elle est pour les soldats. Il ne s’agit que d’un mort de plus. En clair, rien au regard de tous ceux qui ont déjà péri au front. Cela est donc très caractéristique de l’état d’esprit qui règne dans le 506e.
Entre temps, de nombreuses troupes allemandes se sont rendues. La route de Berlin s’ouvre devant nos soldats. Mais l’Etat-major, qui ne peut visiblement plus se passer de ses paras, les envoie en Bavière traquer les Waffen SS, soldats d’élite d’Hitler qui, sentant la fin proche, ont adopté une stratégie de guérilla.


Le 506e prend donc la route. Les soldats chantent, Nixon râle. Yanovitch lit un article où il est expliqué que les Allemands sont des gens mauvais ; il ne semble pas y croire vraiment. Ce passage sert à nous préparer à la suite bien entendu ; mais quelle suite ? Nous montrer que les Allemands sont vraiment des gens mauvais ? C’est étrange, car au tout début, les vétérans nous ont dit que ceux qu’ils affrontaient auraient pu être leurs amis. Il ne s’agit pas des soldats donc. Des Allemands en général alors ? Cela me paraît caricatural.
On peut penser que cela met en exergue les pensées des journalistes, qui sortent tout juste de la guerre, et qui laissent parler leurs sentiments. Mais aucune réplique ne vient exprimer quoi que ce soit pour clarifier et les choses, nous laissant nous demander au final : « Pourquoi nous a-t-on dit cela ? ».

Sur cette même route le 506e croise des prisonniers allemands qui marchent tête haute. Webster leur crie sa haine. Les autres s’en fichent. A vrai dire, les soldats, dans leur majorité, se fichent de tout. Ils n’ont plus goût à rien, se demandent même ce qu’ils font là.

Juste après, sur la route - où il se passe décidément beaucoup de choses - les gars de la Easy voient des soldats débusquer et exécuter des soldats allemands pour les dépouiller. Au premier coup d’œil, j’ai trouvé que les uniformes des soldats ne ressemblaient pas à ceux des Américains ; des Britanniques peut-être, ai-je pensé.
Et bien, après recherche, il s’avère que ce sont des Français.
J’avoue que je ne sais pas comment prendre cela. En effet, si l’on ne peut pas nier que ces faits que décrit David Webster ont existé, on peut s’interroger sur la façon dont la réalisation montre les exactions des Alliés suivant qu’ils sont Américains - comme au début - ou d’une autre nation. Qu’il s’agisse de Français ou d’autres, peu importe, il reste un goût de parti pris assez peu honnête que je trouve dommage. D’autant que ce n’est pas la seule fois dans la série.

Le 506e arrive dans une petite ville où elle va stationner. Des patrouilles sont envoyées pour reconnaître le terrain. Pendant ce temps, on fouille les maisons et on expulse la population pour loger les soldats.
Nixon, lui, pénètre dans une maison de style bourgeois, que la guerre et la récession ne semblent pas avoir touchée. Une femme le surprend alors qu’il observe le portrait d’un officier nazi. Après vision de l’intégralité de l’épisode, il ne fait aucun doute que cette maison est celle du Kapo, c’est-à-dire du commandant d’un camp de concentration. Il est aussi, tacitement le chef et maître de la ville. Nixon ne le sait pas encore à cet instant, mais il est dans l’antre de l’ennemi.


Car Perconte arrive alors à grandes enjambées, cherchant désespérément un officier, qu’il trouve en la personne de Winters. Ils partent, avec quelques troupes, rejoindre la patrouille stationnée en bordure de forêt près du camp. Le commandant fait ouvrir les portes et les soldats US pénètrent dans le camp.
Ce devrait être le point culminant de l’épisode. Pourtant, quelque chose chiffonne, au niveau de la mise en scène. Nous découvrons la plus grande horreur de la guerre et portant, cela ne fonctionne pas à plein. Le fautif est la mise en scène, qui ne fait pas véridique. Je n’étais bien sûr pas là quand on a trouvé les camps de la mort. Mais là, Frankel en a trop fait. Les prisonniers marchent comme de façon raide et saccadée ; ils ne parlent pas, sauf un, et on se demande pourquoi. Le summum est le passage où les prisonniers sortent tous de leurs baraquements, en rang serrées, et se massent sur l’allée centrale, lentement, en silence. Vous ne voyez peut-être pas où je veux en venir ? Je vais être direct : j’ai à ce moment plus l’impression d’être devant un film de zombies que devant une reconstitution historique. Ai-je vu trop de films de ce genre ? Je ne crois pas. C’est la réalisation, en voulant donner un aspect surréaliste à la découverte des soldats, qui fausse la donne, et m’empêche de réellement me morfondre sur ce que je vois.
Je ne suis pas là pour casser l’épisode ou atténuer les faits de quelque manière. Non, au contraire, je suis attristé que cette impression me vienne alors que les éléments relatés sont tragiques. Seulement, j’avais déjà vu l‘épisode, sans parvenir à comprendre ce qui me gênait, mais je l’étais. Maintenant, je le sais.

Heureusement, une vraie scène poignante arrive : les soldats doivent empêcher les prisonniers de manger et boire trop, et surtout, doivent les renfermer dans le camp. C’est fort, mais malheureusement trop court à mon goût.
De plus, on leur annonce que les Soviétiques ont trouvé pire à l’Est : des camps d’extermination, dont un dix fois plus grand que celui où se trouve la Easy ; parle-t-on ici de Auschwitz-Birkhenau, en Pologne ?
Les habitants du coin ont toujours nié savoir quoi que ce soit. Et l’on se demande encore à l’heure actuelle comment cela est possible... Cependant, au regard qu’elle lance à Nixon, on peut penser que la femme du Kapo, elle, savait, ou du moins se doutait.


Retour au présent, dans l’immeuble en ruine. Nixon annonce à ses hommes que Hitler s’est suicidé dans son bunker. Mais que la guerre n’est pas finie et qu’on les envoie à Berchtesgaden, prendre le Nid d’Aigle du Führer.
Mais on sent la fin proche.


Il est à noter que France 2 nous a réservé une dernière facétie : le texte précisant le nombre de morts apparaît deux fois. Peut-être est-ce l’œuvre de celui qui a censuré la série et qui a ainsi voulu laisser sa griffe...


Un épisode bien sûr émouvant.
Mais qui comporte néanmoins des défauts assez gênants, surtout à ce stade de l’histoire, et qui viennent surtout de la réalisation.