DEBAT - La Télévision Connectée : la création de demain sera-t-elle connectée ?
Par Emilie Flament • 29 janvier 2011
Alors que le bouleversement provoqué par l’arrivée des chaînes TNT n’est pas encore passé, un nouveau fantôme plane au dessus du secteur audiovisuel : la télévision connectée. Le débat organisé par la SCAM et la SACD au FIPA nous offre l’occasion d’évoquer les inquiétudes et les espoirs soulevées par cette (r)évolution(?) pour la création audiovisuelle.

Une Télévision connectée pour un Téléspectateur qui a évolué

Comme je sens que dès l’introduction, j’en ai effrayé quelques-uns, nous allons commencer par le commencement ! 
Qu’est-ce que la télévision connectée ? Globalement, ça englobe tous les moyens de proposer du contenu enrichi et des services sur votre téléviseur connecté à Internet. Ce sont donc les Box dernière génération avec leurs services d’enregistrement, de catch-up, de VoD, etc... ; c’est également les media centers qui vous permettent d’accéder en Wifi au contenu de vos disques durs (photos, vidéos, musiques...), et ce sera également la Google TV par exemple.
Qu’est-ce que ça apporte au téléspectateur ?
L’idée est de s’adapter aux nouveaux modes de consommation des télespectateurs. Par exemple, je tombe sur le second épisode d’une série qui m’a l’air géniale. Avec la télé connectée, je peux sans bouger de mon canapé, envoyer un message à mes communautés (type Facebook, twitter..) pour partager ma découverte, mettre sur pause l’épisode en cours pour aller regarder le premier épisode en catch-up, puis revenir à mon programme ou aller découvrir des bonus liés à cette série sur son site officiel. Tout ça sur mon écran de télévision. Pour les plus techniques d’entre vous, cela revient à amener plus de possibilités de délinéarisation, d’intéractivité et de personnalisation. Et là on ne parle que des « simplifications » des comportements actuels car d’autres voix sont possibles : guide de programmes personnalisés en fonction de son profil de téléspectateur, suivi d’un même programme entre ces différents écrans (TV, pc, tablettes, mobiles...), partage de contenus personnels...
Qu’est-ce que ça apporte aux auteurs ?
La Télévision connectée est également tout un panel de nouvelles possibilités dans les formes d’écriture, dans l’intéractivité, dans la création d’univers plus immersif et addictifs à travers les différents médias.
Pourquoi tous les acteurs du secteur de l’audiovisuel en parlent ?
Parce que si pour une partie des téléspectateurs cela semble une évolution naturelle, ça peut paraître monstrueusement compliqué pour d‘autres. Et surtout parce que pour les diffuseurs, les producteurs et autres acteurs du secteur c’est un bouleversement total et beaucoup de nouvelles problématiques car ils ne sont plus les seuls invités du dîner... les acteurs de l’économie de l’Internet débarquent à table !

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Deux économies qui s’entrechoquent, un cadre à trouver

Attention ça devient un peu plus technique ! Pour comprendre l’un des plus gros problèmes, il faut comprendre comment fonctionne actuellement le financement de la création en France : pour qu’un projet arrive sur nos écrans, il doit être financé (jusque là, tout le monde me suit) et afin d’assurer cet investissement, la France a un cadre légal qui oblige les diffuseurs à investir dans les productions françaises. En complément, des fonds de soutien existent (CNC) qui fonctionnent sur le principe de la redistribution des fonds : schématiquement, une part de l’argent gagné sur un projet revient dans les caisses du CNC pour être réintroduit dans le circuit de production. 
Ce système fonctionne tant que ceux qui financent (c’est-à-dire en grande partie les chaînes de télévision) sont ceux qui distribuent les oeuvres, et donc gagnent de l’argent avec par exemple les revenus publicitaires. Mais l’arrivée des nouveaux acteurs bouleverse ce principe : les agrégateurs de contenus comme YouTube, les fournisseurs d’accès comme Free, et les autres nouveaux entrants comme Google TV ne contribuent pas au financement, mais profitent (directement ou non) de revenus liés à ces contenus. Au minimum, ça réduit les recettes des diffuseurs historiques, dans le pire des cas, ça réduit le financement de la création. 
Mais ne soyons pas alarmistes ! La ‘‘menace’’ doit être contrastée. Le web et la télévision n’ont pas les mêmes types de contenus : le web a besoin de beaucoup de contenu low-cost, la télévision a un plus faible volume mais aux coûts de production élevés. D’ailleurs, l’augmentation du temps moyen passé sur Internet n’a pas empêché encore cette année l’augmentation du temps moyen passé devant la télévision.
Mais il est tout de même nécessaire d’encadrer ces nouveaux contenus et modes de distribution. Un cadre juridique est en train de se mettre en place, notamment avec les récent décrets concernant les SMAD (Services Médias Audiovisuels à la Demande). 

La télévision connectée est un des grands changements à prévoir dans un futur proche au sein de l’industrie audiovisuelle. Mais si on arrive assez facilement à imaginer les opportunités qu’elle offre, le cadre dans lequel elle pourra se développer sans mettre en péril l’équilibre du système de création français est plus difficile à définir. Le débat ne fait que commencer.


Débat « Télévision de demain : la création sera-t-elle connectée ? »
organisé par la SACD et la SCAM
animé par Pascal Rogard, directeur général de la SACD
avec Alain Le Diberder, conseiller pour la création interactive de la SACD et directeur général adjoint d’Allociné,
Frédéric Pie, président d’Hubee,
Thomas Valention, vice-président du directoire et directeur général des antennes et des contenus du groupe M6,
Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles, Ministère de la Culture et de la Communication,
Stéphane Le Bars, délégué général du Syndicat des producteurs de films d’animation,
Dimitri Grimblat, auteur-réalisateur d’une série web-documentaire,
Eric Girandeau, président du CNC.

Post Scriptum

crédit photos © Pierre Bachelot / Fipa

Dernière mise à jour
le 29 janvier 2011 à 11h48