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1.01 - Pilote

Le Pilote

Pilote

dimanche 23 novembre 2003, par feyrtys

Où le commissariat de Farrington devient, après les Urgences du Cook County, ma nouvelle planque... J’ai perdu Carter mais je retrouve le docteur Hicks, reconvertie en détective, et je gagne Vic Mackey, un vrai anti-héros...

Je ne sais pas si je vais pouvoir parler de The Shield comme cette série le mériterait. Voyez-vous, je n’ai jamais été "fan" de séries policières ; à vrai dire, j’évitais même de regarder quoique ce soit qui ait à voir avec des commissariats, des flics, des indics, des vendeurs de drogues ou des prostituées.
Je connais très mal Law&Order, je ne connais pas du tout Hill Street Blues. D’aucuns diront que c’est un manque à ma culture. C’est justement la raison pour laquelle j’ai suivi les bons conseils d’une personne qui s’y connait, elle, en séries policières, et qui me recommandait, il y a un an, de regarder de toute urgences Boomtown. J’ai alors pris ma première claque "policière".
The Shield est la deuxième.

Quand une série policière dépasse, dans son pilote, tous les clichés que l’on peut imaginer d’une série policière (gentil flic-méchant flic, réseau d’indics patibulaires, bagarres avec les avocats de la défenses), on peut dores et déjà dire qu’on a un trésor devant les yeux.

Le premier épisode, comme tout pilote qui se respecte, présente les lieux et les personnages principaux. Le téléspectateur doit pouvoir accoler une étiquette à un personnage. Dans The Shield, c’est impossible. La dernière scène du pilote nous laisse pantois, incrédule, en pleine déroute.

En réalité, c’est même le pilote entier qui nous secoue.

Pour prologue, nous avons droit au très "sécuritaire" discours du nouveau capitaine aux journalistes, illustré d’une scène de course poursuite entre des flics et un dealer qui vient contre-balancer la démagogie ruisselante du capitaine. Et le fuyard arrêté, une scène de fouille mémorable viendra clore le discours. Les flics connaissent visiblement le dealer, mais ça ne les empêche pas de lui mettre une droite dans l’estomac. Un des flics, un petit chauve très baraqué, fouille le dealer et met une dose de dope dans la poche de sa veste en cuir. Le dealer, le caleçon aux chevilles, est embarqué.
Voilà la première dichotomie, la première séparation : le pouvoir d’un côté, symbolisé par le capitaine du commissariat, un homme visiblement sûr de lui, et de l’autre, les hommes de terrain, toute testostérone dehors, flirtant avec la loi pour mieux contrôler leurs secteurs.

Ainsi commence The Shield.

Le commissariat du district de Farmington n’est pas très reluisant. Les toilettes des hommes sont fermés pour cause de travaux, tout a l’air vieux et mal en point. Même les cellules tombent en ruine : ils ont installé leurs prévenus dans une espèce de cage, en plein milieu de leurs bureaux ! Premier choc visuel.
La scène suivante introduit deux detectives. Il y a une femme noire, Claudette, interprétée par la magnifique, la grandiose CCH Pounder, qu’on a pu voir dans Bagdad Café et dans trop peu d’épisodes d’Urgences. L’autre détective est une grande perche en costard répondant au doux surnom de "Dutch" (son prénom est Holland, et hollandais en anglais se dit Dutch). Ils enquêtent sur le meurtre d’une jeune femme, et découvrent rapidement que sa fille de 8 ans est portée disparue. Dutch parle comme un mec du FBI, il tire des profils psychiatriques des suspects comme pas deux. Seulement il n’a pas l’air très apprécié au commissariat ; il souffrirait du syndrome de la grosse tête... Il semble efficace pourtant, à sa manière. Sur la piste d’un pédophile, il réussira à faire avouer un premier suspect, dans un style très "propre sur lui", sans violence ni chantage, mais dans le dialogue et la volonté de "casser" psychologiquement le prévenu. Il semble en tirer beaucoup d’auto-satisfaction, c’est peut-être ce qui déplait à ses collègues... Il est récemment divorcé et tente assez maladroitement de draguer une flic, Danny. Mais Danny semble bien plus intéressée par la star du commissariat, le dénommé Vic Mackey, interprété par Michael Chiklis. Elle semblait intéressée du moins, puisqu’elle essaye de mettre un terme à leur liaison adultère (Vic est marié), mais sans grande conviction... Il faut dire que lorsque le regard perçant de Michael Chiklis est plongé dans le vôtre et qu’il vous dit :"pour tout arrêter entre nous, tu n’as qu’à me dire que la nuit dernière n’a pas été géniale", on est en droit de rester, comme Danny, sans voix, ou bien de lui demander de nous refaire une petite démo, au cas où on ait oublié.

Vic Mackey est un des personnages centraux de The Shield. Dès le pilote, il est présenté comme le patriarche, l’homme d’action, le chef de facto du commissariat.
Mais le nouveau capitaine Aceveda, qui brigue le poste de maire, aimerait bien en faire son quatre heures de ce Vic Mackey. Il le soupçonne lourdement d’être ripoux, violent et peu digne de confiance. Il voit en lui une bonne façon de se faire de la prom’. Il charge un nouveau flic de l’équipe de Mackey, Terry, de récupérer des preuves contre lui.
Mais lorsque l’enquête pour retrouver la petite fille disparue pédale dans la semoule, et que ni Claudette, ni Dutch, ne proposent de solutions acceptables (les deux représentent un risque pour la survie de la fillette), le nouveau capitaine choisit d’envoyer Mackey "interroger" le suspect. Pour faire parler le pédophile, Mackey a un moyen simple : la violence. Un bottin, une bouteille de sky, et une dose d’aggressivité non dissimulée. La fin justifie les moyens ? Il semble que Mackey ait fait de ce principe sa bannière de ralliement...

Jusqu’où faut-il aller pour sauvegarder les citoyens de la violence ? Comme le fait remarquer très froidement Claudette, les gens se fichent de savoir comment les flics font leur boulot. Tout ce qu’ils veulent, c’est faire leurs courses tranquillement, rentrer chez eux et retrouver leur stéréo en place, et savoir que la police a arrêté le mec qui a braqué le liquor store du coin. Si pour tout ça, la même police a usé de violences physiques ou morales, tout le monde s’en fiche. C’est malheureusement tellement vrai...

Pourtant Vic Mackey n’est pas antipathique. Je le trouve même charismatique. Son physique n’est pas commun à la télévision américaine. Il est trapu, épais, chauve, avec ce regard bleu troublant et cette présence incroyable. Il règne sur le commissariat comme sur sa famille (que l’on voit dans une scène typique de barbecue) : par le respect. Il a mis de la drogue dans sa veste au début de l’épisode ? C’est pour mieux le redistribuer à une prostituée de sa connaissance, pour qu’elle passe du temps avec son gosse. Bref, on nous donne à voir un flic aux méthodes controversées mais efficaces, un flic qui connait la rue et qui sait comment faire la loi, même si c’est sa loi.
Mais la toute dernière scène du pilote nous plonge dans le trouble. Vic n’est pas ce flic là, ce n’est pas un simple "Briggs". Lors d’une intervention chez un trafiquant, une fusillade éclate entre l’équipe de Vic (dans laquelle le type chargé de récupérer des preuves pour le coffrer) et le dealer, qui sera abattu. Vic saisit l’arme du dealer, et la pointe vers Terry, la "taupe". Il le tue, d’une balle dans la tête. Froidement, de façon absolument préméditée, le regard froid et dur.

C’est tout le personnage de Vic Mackey qui se trouve alors à reconstruire pour le spectateur. A la lumière de cet acte effroyable, comment continuer à aimer ce personnage ? C’est tout le défi que The Shield propose.
Mais nous savons déjà déjà qu’en regardant cette série, tout est possible. Les scénaristes sont même prêts à faire de leur héros un anti-héros. Et les anti-héros, moi, j’adore...


Jamais un pilote de série ne m’aura autant époustouflé. Un pilote est censé nous présenter les personnages, les mettre en place, donner au spectateur toutes les assises de ce que sera la série dans sa globalité. Avec The Shield, le personnage principal est soigneusement décrit comme un flic de terrain, chef de coeur d’un commissariat de banlieue chaude. Malgré ses méthodes directes et à la limite de la légalité, il nous est sympathique. Mais la dernière image de l’épisode remet tout en question, et c’est là l’extraordinaire qualité de ce pilote.

Messages

  • BRAVO trés bien decris merci beaucoup de traduire ce que tout le monde pense !!
    Je vote meilleure serie au monde ...
    J’en suis a la saison 7 et c’est chaud ...