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2.09 - Co-Pilot
Just this once !
Au Premier Jour
dimanche 1er février 2004, par
Où l’histoire de Farmington nous est contée... Et bien contée ! Cet épisode se déroule 14 mois plus tôt, alors que l’ex-chapelle n’est pas encore vidée de ses Christ sur la croix et de ses cierges bénis, mais que tout est encore immaculé, vierge de tout sang versé, de toute violence.
Penchons-nous quelques instants sur le parallèle sanctuaire/commissariat, qui me semble tout à fait intéressant :
L’un comme l’autre servent à recueillir des confessions, à prêcher leur bonne parole (la parole divine d’un côté, la loi de l’autre), à écouter les plus démunis et à servir de refuge à ceux qui ont tout perdu.
Bon, évidemment, les méthodes sont divergentes. Mais la loi, tout comme la parole divine, sont matières à moultes interprétations et autres exégèses. Quand certains pensent pouvoir guérir tous les tourments de l’humanité en suivant les préceptes de leur religion, les autres sont persuadés que la terreur, la violence et le passage à la question sont des moyens tout à fait valables, pour peu qu’on arrive à ses fins.
Mais ne rentrons pas dans des considérations d’éthique et de morale, sinon je finirai par vous parler de l’impératif kantien et de la notion de Bien chez Aristote et vous pourriez devenir désagréable.
Donc, voilà le commissariat de Farmington en l’an 0. Les travaux sont à peine terminés, et traînent encore, deci-delà, des symboles sacrés, des croix, et les vitraux sont toujours là.
Au coeur de la chapelle, on mettra une "cage" pour les prévenus, des bureaux pour les inspecteurs et à la place du prêcheur, le capitaine.
Dieu est-il bel et bien mort, comme l’avait annoncé Nietzsche ? Si c’est le cas, ici, à Farmington, la morale (ou l’absence de morale) succède à la religion.
Si vous croyiez, comme moi, que Vic avait toujours été ce flic violent, immoral, vous avez du être surpris de rencontrer un flic sous pression, qui fait un mauvais choix.
C’est bel et bien en ce jour 0 de l’an 0 que tout bascule pour Vic. Ce n’est pas au moment où il brûle la joue d’Armadillo, ni au moment où il couvre Gilroy pour sa fuite, ni même au moment où il tue un autre flic qui enquêtait sur lui. C’est précisemment en ce jour de rentrée au commissariat de Farmington, le jour où Gilroy lui a dit qu’il lui fallait des résultats pour qu’il garde ce poste, le jour où il a pour la première fois basculé du côté illégal de la force (de police). C’est bien le seul épisode de The Shield qui possède une "moralité", qui est la suivante : Plus facile, mais pas plus puissant est le côté obscur de la force .
En deux mots, Vic constitue, avec l’appui de Gilroy, l’équipe de la Strike Team.
"J’ai besoin que cette expérience réussisse", confie Gilroy à Vic, tu m’étonnes... On sait d’où vient ce besoin ! Shane est le partenaire de Vic dans ce nouveau départ. Ils embauchent Lemonhead et Ronnie, et leur première enquête les fait rencontrer Rondell, celui qui deviendra le "locataire" de Vic, lui payant le droit de distribuer sa drogue sous certaines conditions.
Une autre enquête mêlera Connie, la prostituée à "aider" Vic en planquant de la drogue chez un homme suspecté de meurtre, pour avoir une raison de l’arrêter. Cette fabrication de preuves est une idée de Vic. "Just this once", juste cette fois dit-il à Shane, d’abord récalcitrant à cette idée...
Vic place donc un micro sur Connie, pour pouvoir la protéger au cas où, et l’envoie chez un homme susceptible de la tuer... Mais ce que Vic ignore, ou fait semblant d’ignorer, c’est que Connie est amoureuse de lui, et qu’elle ferait n’importe quoi pour lui. Même d’aller chez un homme dangereux pour "faire la pute". La scène qui en découlera sera extrèmement dérangeante. Vic et Shane sont planqués dans une voiture, en back-up. Ils écoutent Connie aller chez ce type et commencer à avoir des rapports sexuels avec lui. Le type devient de plus en plus violent, et on imagine ce qu’il doit lui faire, au son des cris que Connie émet. Vic perd son sang-froid et est prêt à intervenir. Mais Shane le retient. "C’est son job ! C’est une pro !". Ben voyons. C’est parce qu’elle vend son corps tous les jours qu’elle a le droit, (qu’elle mérite ?) de se faire tabasser et violer ? Parce qu’à l’allure qu’elle a quand elle revient de l’appartement du mec, on est en droit de se dire qu’elle a bel et bien été violée.
C’est à ce moment que Vic bascule, de mon point de vue. Quand il a risqué la vie de quelqu’un pour servir ses propres intêrets. Risqué la vie et l’intégrité physique, et l’intégrité morale.
A la fin de l’épisode, Vic sera devenu le flic ripoux que nous avons connu. Le pas aura été franchi.
De leur côté, Dutch et Claudette font connaissance, et Dutch reconnait en Claudette le professionnalisme et les qualités qu’il recherche chez un partenaire, contre le cynisme d’un vieux détective fatigué qui a perdu ses illusions.
David Aceveda met déjà des bâtons dans les roues de Vic, et se rend très vite compte qu’il n’est pas libre à sa place. C’est dans cet épisode qu’il embauchera un de ses amis pour faire partie de la Strike Team, et observer leurs pratiques. C’est ce même flic qui sera abattu par Vic Mackey dans le pilote de la série.
Un épisode tout en flash-back, je ne crois pas que ça n’ait été jamais tenté, par aucune série que ce soit. C’est un puissant exercice de style. La passé expliqué à la lumière du présent, c’est absolument fascinant, et riche. Nous découvrons ainsi que Vic a fait de mauvais choix, et que ces choix l’ont entrainé dans une spirale de violence. Nous découvrons les qualités humaines qui unissent Dutch et Claudette, et également, petite note d’humour, comment les toilettes des hommes se sont retrouvés en panne dès le premier jour (et toujours pas réparés depuis !)
LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires