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1.01 - Premiere
There’s life out here dad, and death, in Technicolor
La Voie Mystérieuse
lundi 14 juin 2004, par
Une série avec une femme chauve et bleue, un type avec des tentacules sur la tête, un crapaud qui se prend pour un empereur, une langouste intergalactique et un vaisseau tout rouillé qui sait même pas naviguer oh hé oh hé !
Quelle sentiment étrange de revoir l’épisode fondateur d’une série qui n’a cessé de se densifier et de s’améliorer au fil du temps, pour atteindre les sommets épiques des saisons 3 et 4.
Famille
Intéressant également de retourner à l’origine des relations de tout ces personnages qui malgré leurs évolutions restent au fond toujours caractérisés par leur première incarnation à l’écran, dans ce pilote.
Crichton un poil crâneur, toujours un bon mot à placer même dans la tourmente, et surtout constamment dépassé par les événements.
Zhaan très mélodramatique, coquine sur les bords mais surtout très attentive, attentionnée, dès le début une figure maternelle pour tout l’équipage.
D’Argo, sorte de frère castagneur qui n’a qu’une très vague notion de la réalité malgré sa taille et l’envergure de ses muscles, et qui préfère menacer le premier de peur qu’on découvre à quel point il est sensible et inexpérimenté.
Rygel, vieil oncle manipulateur et malin, mais qui malheureusement n’a pas les moyens de ses ambitions et qui se voit obligé de se rabaisser (malgré sa taille) et de forger des relations avec le reste de l’equipage.
Aeryn, éduquée à la dure et persuadée que suivre les ordre c’était faire le bien, qui se retrouve propulsée au milieu d’une bande d’anarchistes complets sans plus jamais pouvoir revenir chez elle, alors que les siens sont à ses trousses. Dans ces conditions, être bornée et incapable d’exprimer ses émotions seraient presque des qualités.
Pilote, pour le moment pas grand-chose de plus que la langouste super intelligente de la famille. C’est bien moins con qu’un chien et ça ne court pas dans tout les sens en pissant sur les tapis ... heureusement la série va prouver par la suite qu’elle peut donner vie à des personnages aussi abstraits
Evolution/Trahison ?
Rockne S. O’Bannon, scénariste de cet épisode, créateur de la série et producteur exécutif sur la 1ere saison a exprimé à la suite de la saison 4 ses regrets concernant l’éloignement de Crichton du personnage original qu’il avait créé. O’Bannon a beau être un créateur d’univers réputé (que les séries créés à partir de ses idées soient bonne ou non) il est pourtant assez évident que son talent ne réside pas dans sa capacité à faire évoluer ses personnages. Probablement par peur de les remettre en cause, de remettre en cause l’idée même qui l’avait poussé à les créer tels qu’ils sont. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’O’Bannon est incapable de se remettre en question - je peux comprendre la difficulté qu’il a de voir ses personnages s’éloigner d’un concept carré - mais c’est fort heureusement une qualité qui est rapidement devenue essentielle au sein de l’équipe scénaristique de Farscape. Se remettre en question, remettre en question la série, et surtout remettre en question chaque personnage. Dans leur orientations, dans leurs intentions, et dans leur caractère.
Et au vu du chemin parcouru par ces personnages au long des 88 épisodes de la série, il est heureux qu’O’Bannon n’ait finalement pas été très impliqué dans la suite de la série.
Alors évidemment Crichton a changé, et encore s’il n’y avait que lui. Mais même en faisant très attention lors des premières rencontres entre Crichton, D’Argo, Zhaan, Rygel, Aeryn, Crais, Pilote et Moya il est impossible de nier la cohérence avec l’évolution de chacun par la suite.
Ebauche
Et des choses à faire évoluer il y en a des tas dans ce pilote. Des gros problèmes de rythme - par pour l’épisode tout entier mais au cours de scènes comme celle qui suit la rencontre de Crichton avec Zhaan, D’Argo et Rygel. Et le montage des enchainements d’une scène à l’autre n’aide pas vraiment.
Et si par la suite, la série finit par maîtriser parfaitement les ellipses (notamment pour éviter de laborieuses discussions made in SF), ici les enchaînements restes brutaux et déstabilisants.
Au niveau des acteurs, et en considérant le genre (qui n’est pas renommé pour le talent et l’originalité de ses interprètes), c’est parfaitement honorable. Seules quelques répliques livrées par Zhaan (« It appears our only alternative is Death ! »), ou D’Argo (“Warrior to warrio, I vow : one day I will kill you !”) tombent totalement à plat et cassent un peu l’ambiance amusante faite de tension et d’humour établie par Crichton, Rygel et Aeryn.
Claudia Black (Aeryn Sun) crève littéralement l’écran hormis dans sa scène d’introduction ou elle est pour le moins monolithique (en même temps c’est le personnage qui veut ça) sans parler de Ben Browder (John Crichton) très bon mais dont le caractère s’affinera avec le temps.
Le problème avec Crichton c’est la difficulté, en ce début de série, de le définir. Est-ce un scientifique maladroit ou un Super héro malin ? Il s’avérera un mélange des deux, avec un p’tit grain spécial en bonus, mais son caractère n’est pas forcément simple a cerner à première vue. Et son apparence physique (n’est-ce pas mesdames ...) y est certainement pour quelque chose.
Muppet shows
Un autre soucis pour qui est un chouilla pointilleux ou qui manque d’imagination : les marionnettes, qui en réalité sont plus des animatroniques mais là n’est pas le problème.
Le problème c’est qu’on sent qu’ils ne sont pas encore à l’aise avec la mécanique.
Pilote est de toute beauté mais on le voit très peu bouger dans des plans éloignés ou des gros plans sur sa tête. Plus simple a animer que le reste de son gigantesque corps.
Ca reste donc difficile de le considérer comme un personnage à part entière.
Le problème est sensiblement différent avec Rygel, qui est loin d’être aussi irréprochable au niveau « maquillage » en ce début de saison de l’aveux même de l’équipe (yeux, sourcils, mains) et comme à l’instar de Pilote ses mouvements sont loin d’être fluides, on risque souvent de s’attarder sur le manque d’expression de ses deux grosses prunelles.
Et l’Histoire dans tout ça ?
Et bien honnêtement, elle est bonne. Pas de grosses surprises, on voit évidemment venir l’incident du module « Farscape One » de loin à cause d’une scène d’adieu bien insistante entre Jack Crichton et son fils. Mais il faut bien introduire le personnage, et ce qu’il a à perdre dans l’histoire.
La formation du Vortex est soudaine, ni expliquée, ni justifiée. Et ça deviendra une sorte de marque de fabrique dans Farscape : s’intéresser plus à l’effet qu’a la cause, et donc sauter tout ce qui n’est pas essentiel.
L’accident qui provoque la mort du jeune frère du Capitaine Bialar Crais peut apparaître ici comme une bonne idée, ne serait-ce que pour permettre d’introduire l’univers perdu a son tour par le personnage d’Aeryn Sun grâce à l’intrigue de Crais et sa vendetta contre Crichton. Mais cette intrigue en fil rouge du début de la série sera finalement utilisée différemment afin de lancer une mythologie bien plus intéressante sur le long terme.
Même chose pour la scène ou Crichton exige qu’Aeryn soit rapatriée avec lui sur le vaisseau après avoir été déclarée « Irréversiblement contaminée » au contact prolongé d’une espèce non autorisée (Crichton). La raison du geste de Crichton remonte à sa découverte de l’apparence humaine de la Pacificatrice plus tôt dans l’épisode. Il est probable en effet -notamment en observant son comportement directement après cette rencontre - que sa détermination à ne pas abandonner la Sébacéenne soit plus motivée par la peur de se retrouver seul, sans point de repère ni de visages familier au milieu de cette compagnie d’Aliens.
Il réalise que dans cette partie de l’univers ses « semblables » sont les personnes qu’il va devoir fuir le plus. Et malgré le risque, avoir quelqu’un de semblable à ses coté qu’elle ait été du coté des « vilains » ou pas, est un moindre mal.
Or cette scène gâche cette idée de vulnérabilité en n’écartant pas l’hypothèse d’une simple attirance physique, qui pourtant n’existe pas ici, entre les deux personnages.
C’est d’autant plus dommage [et pas « dommageable » contrairement a ce qu’on l’air de penser les joueurs de football et les journalistes sportifs français ...] que l’identification du téléspectateur avec le personnage de John Crichton aurait pu permettre une telle justification (celle que je viens d’exposer) au lieu d’un « You can be more » (« Tu peux être autre chose que ça ») télescopé qui lance bien trop tôt l’idée d’une idylle entre ces deux personnages (Aeryn Sun et John Crichton). Deux personnages d’apparences identiques et qui sont pourtant plus différents qu’une femme bleue et un homme avec des tentacules et une grosse moustache tressée.
Le téléspectateur découvrant cet univers et cherchant, tout comme Crichton, des points de repère aurait probablement sympathisé de manière plus naturelle avec lui.
Après tout, est-ce que des Aliens seraient plus différents qu’un Homme et une Femme ?
Un pilote perfectible, qui évite de nombreux clichés, mais malheureusement pas tous et qui à le mérite d’introduire de façon passionnante un univers bien moins en décalage avec la réalité que ceux des séries de Space Opéra classique.
Sans oublier une galerie de personnages que fera absolument tout sauf rester figée dans une psychologie unidimensionnelle ...
LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires