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7.12 - X-COPS
Blair WitX
Peur Bleue
jeudi 22 avril 2004, par
X-Files comporte peu d’épisodes innovants sur la forme. Celui-ci, monté sous forme de reportage télé, en fait partie. Venez donc suivre une enquête des deux plus célèbres agents du FBI en direct live.
Dès le début, le ton est tout de suite donné : une incruste s’affiche sur un fond noir et prévient que ce qui suit est un épisode spécial. Le caractère exceptionnel de ce qui va nous être proposé est donc vraiment mis en valeur. Il y a ensuite un petit générique composé d’images réelles qui représente en fait le générique de COPS, un show américain qui consiste à filmer de vrais policiers en action. Concept qui va donc être repris dans cet épisode. Il est donc évident que je ne vais pas me contenter de me pencher sur le scénario mais que pour une fois je vais faire un effort pour parler de la réalisation qui est vraiment très importante (et pardonnez-moi d’avance si j’omets de préciser certaines choses ou tout simplement si je dis quelques bêtises, car c’est mon premier exercice de style sur la réal d’un épisode).
La réalisation
La première chose qui vient à l’esprit en regardant cet épisode, c’est de se dire à quel point le travail effectué est gigantesque. Car le premier défi est le suivant : il faut diriger les acteurs de manière à ce que le tout soit le plus authentique possible, ce qui n’est pas évident étant donné qu’ils sont très nombreux, forces de police représentées oblige. Il faut absolument que le téléspectateur soit pris dans le mouvement, aie l’impression d’être au coeur de l’action. Et à ce titre, le fait de filmer tots l’épisode caméra à l’épaule et d’user du zoom pour alterner rapidement entre les gros plans et les plans d’ensemble est un choix judicieux, car il permet de donner cet aspect authentique recherché. Pour bien renforcer ce souci de réalisme, Michael W.Watkins - le réalisateur de l’épisode - n’oublie pas de justifier la présence d’une caméra en deux endroits différents lorsque Mulder et Scully sont séparés en filmant un autre caméraman, ainsi que les preneurs de son. C’est très astucieux de sa part.
Mais ce qui impressionne le plus, le défi le plus relevé de l’épisode à mon sens, c’est la mise en scène. Tout simplement énorme, car diriger les acteurs comme je le disais plus haut n’est pas le tout, il faut gérer quasiment tout un régiment de police et planifier les évènements à la seconde près. Par exemple quand on entend les sirènes d’autres voitures qui arrivent au loin, ou quand tout le monde se précipite parce qu’un appel signale qu’une victime a été retrouvée... Ces scènes où tout le monde court mettent le téléspectateur à bout de souffle, car cela confère un rythme effréné à l’épisode, qui a aussi des temps morts lorsque Mulder prend le temps d’exposer ses théories. D’ailleurs, on peut remarquer que quasiment tout l’épisode est construit de la même manière, avec ces temps d’action où c’est l’affolement et ces temps de réflexion où la caméra ne bouge plus dans tous les sens et prend le temps de se poser. La maîtrise et le brio avec lesquels Watkins réalise ce tour de force au niveau de la mise en scène sont époustouflants.
Bien évidemment, quand je parle de la construction de l’épisode, il faut bien sûr se tourner vers le montage. Là aussi c’est une réussite totale : c’est fluide, ça ne souffre pas de redondance, les scènes s’enchaînent bien, rien ne gêne le déroulement de l’enquête. C’est limpide en somme. Et il y a aussi ce dont je parlais plus haut, c’est-à-dire ce savant dosage entre action et réflexion. Même si ce schéma "on court, on a un nouvel élément, on réfléchit, on recourt, etc" peut paraître répétitif, cela passe tout seul justement grâce à cette recherche de l’authentique dont je parle depuis le début, qui passe aussi par les décors en extérieur (même si la photographie est travaillée et que le rendu ne donne pas vraiment l’impression d’un reportage mais plus d’un épisode, mais ça ne gêne pas trop) et les sons ambiants.
On ne peut donc que louer cet épisode au niveau réalisation, car en terme d’organisation ça n’a pas dû être coton. Heureusement que David Duchovny et Gillian Anderson s’étaient initiés aux longs plans séquences avec l’épisode Triangle réalisé par Carter, cela a dû faciliter les choses en ce qui les concerne. Mais qu’en est-il du script ? Tient-il la route ? Car avoir un épisode révolutionnaire sur la forme c’est bien, mais s’il n’est pas consistant au niveau scénaristique ce n’est pas très intéressant.<
Le scénario
Le teaser est donc l’occasion de suivre le policier Keith Wetzel qui est en train de dire qu’il se passe des choses étranges les nuits de Pleine Lune, alors qu’il est en patrouille. Il reçoit alors une alerte qui signale qu’un monstre a été vu dans les parages par une femme espagnole, qu’il s’empresse d’aller voir pour la rassurer ; et il en profite pour inspecter le coin. Il contourne la maison et après quelques temps s’enfuit en courant en encourageant le caméraman à faire de même. Ils rejoignent tous deux la voiture qui se fait renverser alors qu’ils sont encore garés...
Le mystère est donc le plus total dès le début et aurait fait office d’excellent teaser dans tout autre loner de la série. Et c’est aussi le genre d’épisode où Mulder n’est pas tout de suite sur la bonne piste, ce qui est plus intéressant. En effet, lorsque des traces de griffure sont retrouvées sur la porte de la femme espagnole, Spooky nous ressort l’hypothèse éculée du loup-garou, qui déçoit sur le coup car par trop facile. Sauf que quand cette dernière décrit son agresseur, l’autoportrait réalisé par le dessinateur qui collabore avec la police représente Freddy Kruger. Ca déstabilise pas mal notre agent du FBI, et pour cause. Et à ce moment-là, le téléspectateur se focalise sur les griffes, qui doivent bien signifier quelque chose étant donné que le jeune dessinateur est retrouvé mort avec les mêmes traces de griffure que sur la porte sur le ventre (elle est pas évidente cette phrase hein ?).
C’est à ce moment-là que Keith dit au caméraman que de voir mourir un collègue ou toute autre personne en étroite collaboration est la crainte de tout policier. Ca paraît anodin sur le coup, mais ça ne l’est pas du tout par la suite. Dans la continuité, les policiers suivent la piste d’une jeune prostituée formellement identifiée par un couple gay à partir d’un des ongles retrouvés sur les lieux du "crime". Lorsqu’ils la retrouvent, celle-ci pense que le dessinateur a été tué par son violent petit ami et est effrayée car elle pense que c’est bientôt son tour. Et elle meurt effectivement peu après, alors qu’elle est entourée de policiers.
Mulder développe alors l’hypothèse suivante : l’entité qui tue ces personnes prend la forme du pire cauchemar de ses victimes, et agit comme un virus en faisant de même à tous les gens qui ont peur. Ou plutôt, ce n’est pas l’entité qui se propage mais la peur elle-même, qui s’insinue lentement mais sûrement parmi ceux qui sont sur l’affaire. Donc, aucun mal ne pourra être fait à une personne qui ne se laisse pas gagner par la peur, et c’est ce que crie Mulder à l’officier Hetzel lorsque ce dernier se croit attaqué par l’homme-guêpe vers la fin de l’épisode. Ce dernier survit, mais est-ce parce que le soleil s’est levé (l’entité ne se manifesterait donc que les nuits de Pleine Lune) ou parce qu’il a repris le dessus sur sa peur ? Nul ne le saura jamais, et Mulder n’a aucune preuve, à part la façon dont sera montée le reportage (cette dernière phrase de l’épisode est d’ailleurs une référence très sympa au travail effectué par le monteur sur qui reposait la fluidité de l’épisode et la compréhension de l’histoire, ce qu’il a parfaitement réussi comme j’ai déjà pu le dire).
Vince Gilligan, le scénariste, évite donc les écueils habituels associés à la Pleine Lune comme les loup-garous et autres, tout en insistant sur le fait que tout ce qui arrive découle de ce phénomène naturel (d’ailleurs, tous les actes commencent par un gros plan sur la Lune, histoire de bien forcer le trait). Et il nous propose quelque chose de nouveau : une entité qui se nourrit de la peur irrationnelle qui s’empare des humains lors de ces nuits très spéciales. Simple mais très efficace. De plus, après un teaser purement dans la tradition des loners classiques, la fin de l’épisode l’est tout autant : Mulder a une théorie paranormale qui se tient debout mais aucune preuve de ce qu’il avance. Ca fait très première saison tout ça.
Du scénariste au monteur en passant par les acteurs et le réalisateur, tout le monde a effectué un boulot admirable sur cet épisode-concept époustouflant. Sa forme originale et son script de très bonne qualité (qui lance des fausses pistes et oblige à un petit cheminement intellectuel pour trouver la solution en même temps que Mulder, et qui utilise parfaitement l’idée de la propagation de la peur) en font incontestablement un des meilleurs épisodes de la saison. Si je ne lui mets pas la note maximale, c’est juste parce qu’il suit le fabuleux dyptique Sein Und Zeit/Closure qui clôt l’histoire de Samantha.
Non mais je déconne hein... Toute ma review est à prendre au second degré, car ils sont bien ridicules nos agents dans cette parodie de documentaire qui décrédibilise grandement l’émission COPS... Mais qu’est-ce que c’est bon quand même !
LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires