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2.11 - Midnight of the Century

Reconstruire le Passé

La Nuit du Siècle

vendredi 31 octobre 2003, par BuBu

A l’approche de Noël, le Don de Jordan se manifeste et oblige Frank à replonger dans son passé...


C’est donc une sorte de conte de Noël que nous proposent Erin Maher et Kay Reindl, mais un conte dont le fond est emprunt de mythologie et se révèle important pour la série. Cela n’empêche pas l’épisode d’être très poétique et émouvant, puisqu’il éclaire le spectateur sur l’enfance de Frank et l’étrange décès de sa mère.


Il est vrai que l’épisode débute de façon assez morne pour nos personnages.
Frank, d’abord, qui est toujours fâché avec son père et s’empresse d’effacer le message que ce dernier lui a laissé. Et qui peut après, reçoit une étrange carte de vœux, dont le tampon indique qu’elle a été postée en 1946...
Lara, ensuite, qui va passer les fêtes seule.
Peter, enfin, qui a invité les deux précédents chez lui. Pourtant, il semble ailleurs et philosophe sur Noël avant de dériver sur les dons que possèdent certaines personnes. Paroles qui ne sont pas anodines, on le comprend de suite. Lorsqu’il fait mention de ceux qui sont capables de voir les branches du temps, l’attention se porte sur Frank. Frank dont le Don change et qui dorénavant semble pouvoir distinguer le passé comme le futur - Cf. les épisodes précédents. Il est donc un privilégié comme le dit Watts. La question qui se pose alors est : celui qui voit les branches peut-il choisir celle qu’il va emprunter ?
Peter parle aussi de la naissance du Christ : Décembre a toujours été un période sainte et que se serait-il passé s’il n’était pas né le 25 décembre ? En fait, il semble avéré aujourd’hui que ce sont les Ecrits Saints qui ont fixé la naissance du Christ ce jour-là. Sans entrer dans les détails, mais on peut le deviner avec ce que dit Peter, le but était à l’époque de combattre les croyances païennes et de placer le Christianisme au-dessus du reste.


Ce qui est mis en lumière ici et qui va servir de trame principale et de moteur à l’action, c’est la manifestation du Don chez Jordan.
La petite Black a dessiné un ange, arguant que c’est sa grand-mère qui l’a aidé à l’exécuter. Or, elle parle de Linda Black, la mère de Frank, décédée 51 ans auparavant. Katherine l’avoue, cela lui fait peur. Elle veut tout faire pour protéger sa fille et éviter qu’elle devienne la proie de ses visions, comme l’est Frank. Mais ce dernier la met face à la vérité : il n’y a rien à faire. Le Don existe, il est présent, on ne peut s’en débarrasser. Il faut juste apprendre à vivre avec.
Jordan parle donc aux morts. Comme son père.


Linda avait aidée Frank à faire le même dessin peu de temps avant sa mort. Pourquoi cela ressurgit-il maintenant ?
Il s’agit tout simplement d’un signe, comme cela est explicité à la fin. Henry a attendu un demi-siècle le signe promis par sa femme ; il n’est pas venu. Du moins, pas sous la forme attendue. Car ce signe a permis au fils de se réconcilier avec son père et de lui offrir une nouvelle approche de la difficile période qu’il a vécu étant enfant.

Frank reconstruit son passé. Ce qui lui permettra sans doutes de mieux appréhender l’avenir.

En effet, nous découvrons une famille Black disloquée à tous les niveaux.
Il y a d’abord le couple Frank / Kathrine qui s’est séparé à la suite des tragiques événement du début de saison.
Mais on apprend qu’il en était de même pour les parents Black. Le Don de Linda l’avait éloigné de Henry mais rapproché de Frank, dont tous deux savaient qu’il possédait le Don, comme son arrière-grand-mère indien (Cf. Un simple Brin d’Herbe (1.05)). Henry s’est alors senti exclu de cette relation privilégiée.
On peut voir une étrange symétrie entre les différentes générations : d’un coté la mère qui se rapproche du fils, ce qui exclue le père ; de l’autre le père qui se rapproche de sa fille, ce qui exclue la mère. Tous les rôles sont inversé.
La compression qu’a Frank des évènements lorsque l’épisode se termine permet de mieux comprendre sa volonté de ressouder sa famille. Maintenant, mais aussi beaucoup plus tard dans la saison. Ce que fera Frank dans le diptyque final est ici préparé, ses motivations expliquées. Il veut éviter que ne se reproduise la même chose qu’avec ses parents.

Frank se réconcilie avec Henry - interprété par Darren MacGavin, alias Kolchak - au cours d’une séquence poignante et instructive. Il comprend que son père n’a pas abandonné sa mère, mais plutôt que c’est sa mère qui s’est éloignée, principalement lorsqu’elle a vue sa propre mort. Sont alors mis en lumières certains propos tenus à l’époque, que Frank avait mal interprété : lorsque Henry avait dit à Linda et Frank qu’ils ne voyaient rien, ce n’était aps pour signifier qu’ils déliraient, mais pour leur faire comprendre qu’ils devaient arrêter car les visions les détruisaient. Cela leur était bien sûr impossible, mais c’est la rage de savoir que sa femme allait mourir qui le poussait à de tels agissements. Surtout que le Don était présent chez son fils et que cela le tourmenterait aussi.


Un mot sur le passé de Lara quand même.
Son Don à elle, développé très jeune, l’a mise à l’écart de la société et de sa famille. On comprend ainsi son comportement calme et réservé. Sa personnalité s’est forgé contre celle des autres, ce qui explique qu’elle soit parfois fragile.
Est ici aussi préparé les raisons de sa défense obstinée de Clare MacKenna (Cf. Anamnèse (2.18)) face à la vindicte populaire.


On aperçoit aussi rapidement la comète, déjà vue dans Le Début et la Fin (2.01).

Petit défaut concernant justement la fin : la scène avec toutes ces ombres qui arpentent les rues est un trop peu théâtrale.
De plus, Frank voit son père. Est-il mort à cet instant ? Va-t-il mourir ? Etait -il déjà mort depuis plus longtemps ? La question reste ouverte, car on sait que parfois, les visions de Frank lui déforment la réalité - comme par exemple dans cet épisode où il aperçoit l’homme chargé d’allumer les réverbères.


Un petit détail amusant pour finir, quand même : observez bien le sapin avant, pendant et après la discussion entre Lara et Frank, chez ce dernier. C’est Noël, tout est magique...
Tout cela rythmé par la très agréable Danse Arabe de Tchaikovsky, extraite de Casse-Noisette.




PS : j’ajoute ici une petite remarque sur un point qui m’a interpellé lors de l’épisode mais que je n’ai pas souhaité inclure à l’analyse.
Henry Black explique à Frank que sa mère a eu une vision de l’oncle Joe, mourrant lors du débarquement et ce, avant que les évènements aient lieu. Or, sa vision se déclenche lors d’une réunion de famille, le 15 juin 1944 !
Il y a donc un problème. Les scénaristes sont-ils de gros manches en Histoire ? Ou bien la traduction fait-elle que les propos de Henry sont déformés ?
Très étrange...


Cet épisode intéressant possède un rythme très lent et alterne entre la mythologie et les soucis plus terre à terre de Frank pour satisfaire les souhaits de sa fille.