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2.10 - Goodbye Charlie

Ange ou Démon ?

Goodbye Charlie

vendredi 24 octobre 2003, par BuBu

Frank Black enquête sur des cas d’euthanasie. Car si les morts étaient tous atteints de maladies incurables, ils ont tous été retrouvés attachés. Et le Groupe MillenniuM s’interroge au plus haut point sur ce cas...


Toute l’intrigue de cet épisode tourne autour d’un sujet grave et on ne peut plus d’actualité : l’euthanasie. Et à travers une histoire qui s’inscrit parfaitement dans cette S2, le problème est posé : Kiley doit-il être condamné ? Et peut-on exporter son cas à l’ensemble des personnes qui pratiquent l’euthanasie ?



Alors je vais sans doute encore me répéter, mais nous sommes dans MillenniuM, et donc rien n’est aussi simple qu’on voudrait bien le croire.
Car si toutes les personnes décédées étaient effectivement atteintes de maladies graves, elles étaient aussi toutes attachées avec de l’adhésif. Ce qui permet de douter de leur volonté de mourir.
Le personnage de Kiley, qui semble très pieux et miséricordieux, ne parvient pas à déclencher de sentiment d’antipathie chez le spectateur. Même lorsque Frank affirme sans détours et sans doutes qu’il est un criminel. Or, sans faire de mauvais jeux de mots, les paroles de Frank ont souvent valeur de paroles d’Evangiles, en ce sens qu’il ne se trompe que rarement - pour ne pas dire jamais. Du coup, le spectateur est tiraillé ; comme il l’est vis-à-vis du problème dont il est question ici. Et les scénaristes jouent parfaitement là-dessus.
Néanmoins, l’histoire a du mal à progresser. Frank est convaincu de la culpabilité de Kiley, qui lui revendique son aide à des personnes en souffrance. Lara est tiraillée - en ce sens, elle est un peu le spectateur à l’intérieur de l’histoire.



Si les motivations de Kiley sont claires, l’enquête doit surtout déterminer ce qui le pousse à agir ainsi.
d’abord, nous savons, par un discussion avec une serveuse, qu’il a fait le Vietnam. Certes, il peut mentir pour s’attirer la sympathie. Mais il est fort probable que les combats l’ont amoché mentalement - comme la plupart de ceux qui sont revenus - et surtout que la lente agonie de certains blessés l’ait profondément meurtri.
Ensuite, il raconte comment il a sauvé une de ses patientes et comment celle-ci lui a demandé de la laisser mourir. Choc supplémentaire et ultime.
Depuis, il aide certaines personnes à mourir pour leur éviter toute souffrance inutile et leur permettre de rejoindre « l’ailleurs ».
Mais lui aussi est malade. Et malgré sa leucémie, il choisit d’aider les autres sans rien attendre en retour, semble-t-il.


Car peut-être prend-il ce qu’il veut des autres. Et cela nous permet de revenir un instant sur Frank.
Lors de cette histoire, il est constamment à contre-courant des autres, parce que persuadé que Kiley est un criminel, ni plus ni moins. Témoin cet échange ou Giebelhouse, pourtant vétéran de la police et habitué à tout ceci, pense que Kiley « est un saint » et Frank enchaîne par un « ou un monstre » lourd de sens : ne laisse pas tes sentiments prendre le pas sur l’enquête et reste objectif.
Alors que tous s’attriste devant les souffrances des victimes, il dresse un profil implacable de l’assassin : car il ne fait aucun doute que Kiley fait aux autres ce qu’il voudrait pour lui et que s’il les attache, c’est pour garder un contrôle, le pouvoir de vie et de mort sur autrui. Cela l’excite même au plus au point.
Frank révèle aussi une part de lui-même dans cette histoire. Si le Groupe l’a envoyé ici, c’est parce que MillenniuM sait qu’il « aime ce genre d’enquêtes » - comme il l’avoue à Lara. Mais quel genre d’enquêtes ? Celles où il faut affronter un ennemi qui semble ne pas l’être ? Ou bien celles où il doit faire face à tous et montrer la voie de la raison ?
Il prononce aussi à son sujet une phrase qui me semble importante : « Je ne suis pas dépressif, je suis calme ». Oui, il est calme, tout le temps et en toutes circonstances. On serait tenté de dire trop calme. Car en fait, il emmagasine toute ses souffrance, refoule tous ses sentiments, ce qui fait que lorsque tout cela se libère, Frank devient très dangereux (cf. Le Début et la Fin (2.01)).


La fin, après tout ce que nous avons appris, est pour le coup très énigmatique, avec ces mots de Frank : « Kiley venait-il du Paradis ou de l’Enfer ? ».
Au vu de l’intégralité de l’épisode moins la dernière scène, on peut trouver une explication pragmatique et terre-à-terre. Le Groupe a envoyé Frank et Lara pour savoir si cet homme sauvait ces gens ou s’il les tuait - le début de l’épisode est relativement explicite là-dessus. Le profil psychologique établit par celui-ci penche très clairement vers l’assassin. La conclusion à la question que se pose le Groupe est résolue vers la mi-épisode et confirmée par la suite : cet homme doit aller en prison et il faut l’empêcher de nuire coûte que coûte.
Si l’on inclut cette dernière scène, rien n’est plus totalement évident car on peut trouver une explication mystique. En effet, les mots employés ont un caractère biblique, mais peuvent servir dans le langage courant comme métaphore. Cependant, MillenniuM n’est pas série à utiliser des termes au hasard. Et le spectateur peut prendre cela au pied de lettre. d’autant plus qu’on ne sait pas où est passé Kiley et que nos deux enquêteurs quittent les lieux du crime le plus calmement du monde, comme si l’enquête était terminée - et que Kiley ne pouvait être rattrapé.
Tout ceci est pour le moins étrange et laisse un goût d’inachevé. Je suis resté sur ma faim, et suis, par conséquent, un poil déçu par l’épisode.


Le thème choisi est implique de la controverse puisqu’il s’agit d’euthanasie ; mais MillenniuM n’est plus à ça près. La série s’ ?en sert pour construire un épisode assez étrange parce que le personnage principal est convaincu de la culpabilité alors que les enquêteurs - et le spectateur avec eux - doutent.
Néanmoins, la fin plus qu’ouverte écroule un peu tout cet édifice sans apporter de conclusion réellement satisfaisante.