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8.19 - Alone

Quand Harry(son) rencontre Scully

samedi 28 mai 2005, par Sygbab

La saison 8 est sur le point de se terminer car le final se profile à l’horizon. Et comme dans toutes les saisons, on nous propose un loner pour le préparer.

Et ce loner nous fait rentrer dans le vif du sujet avec un teaser assez angoissant, qui voit un vieil homme et son fils se faire agresser par une bestiole que l’on voit fugitivement. Il semblerait que ce soit un petit retour aux sources avec un loner horrifique, ce qui a déjà été effectué en début de saison avec Patience dans lequel Doggett était aux prises avec un mutant aux allures de chauve-souris. Ici, le mutant est en fait un crypto-biologiste spécialisé dans les reptiles qui a créé une nouvelle race en expérimentant sur lui-même. Il injecte à ses proies un venin qui les aveugle et qui a aussi pour fonction de liquéfier l’organisme en même temps qu’il durcit la peau. Ainsi, notre ami scientifique Herman Stites sous sa forme reptilienne peut ingérer ses victimes sans le moindre souci. Circulez, il n’y a plus rien à voir. A ceci près que cette affaire non-classée est finalement assez anecdotique, c’est plus un prétexte qu’autre chose.

Car cet épisode marque surtout la fin d’une ère : celle de Mulder et Scully étant déjà révolue, on assiste ici à la dissolution du duo Doggett/Scully, cette dernière prenant son congé maternité. Mais ce congé sonne vraiment comme un départ définitif des affaires non classées, autant pour le téléspectateur (le fait qu’elle ressorte de ses tiroirs les deux pièces accolées de l’épisode Dreamland (6x04 & 6x05), la plaque de son chien Quuequeg qu’elle avait gardé après Clyde Bruckman’s Final Repose (3x04) et perdu dans Quagmire (3x22) que pour Doggett, qui ne s’y trompe pas. Le fait que Scully lui transmette le médaillon commémorant la réussite de la mission Apollo 11 - que Mulder lui avait lui-même donné en début de série - est un symbole fort, une passation de pouvoir. C’est l’occasion de se rendre compte que si Scully était très réticente à l’idée de travailler avec cet homme au départ, un véritable lien s’est créé entre eux, parce que Doggett est loyal et a oeuvré pour les X-Files envers et contre tout. Il montre par ailleurs qu’il s’est attaché à elle et que son absence ne va pas le laisser indifférent. Dans la mesure où le final de la saison peut très bien être le final de la série complète, c’est plutôt bien vu.

Ce sentiment que c’est la fin d’une époque est renforcé par la multitude de références qui jalonnent cet épisode, posant un regard attendri sur 8 années de production. C’est là qu’intervient le choix judicieux d’avoir laissé le soin à Frank Spotnitz de se charger de l’écriture, qui opère des retours en arrière très lointains, jusqu’à même évoquer Tooms ; ce qui n’est pas innocent puisque c’est le premier mutant (et pour moi le meilleur à jamais) à avoir vu le jour dans la série. Pour s’autoriser cela, Spotnitz associe le temps d’un épisode une jeune recrue - Leila Harrison - à Doggett. La particularité de cette jeune femme, c’est qu’elle gérait les comptes de Mulder et Scully et qu’elle s’est toujours intéressée à leur boulot, elle a donc une connaissance encyclopédique des X-Files. Spotnitz réussit donc à représenter de façon intelligente les fans assidus de la première heure. Car cela pourrait être nous à sa place, à renvoyer tel ou tel élément à une autre affaire déjà vue. Ainsi, elle fera aussi référence à l’alien de The Beginning (6x01) et aux créatures des bois de Detour (5x04). Mieux : lorsque Mulder et Scully viennent la voir dans son lit d’hôpital à la fin de l’épisode, elle leur pose une question hallucinante qui ne peut que nous faire éclater de rire : mais comment diable se sont-ils démerdés pour rentrer aux Etats-Unis à la fin du film Fight The Future alors qu’ils n’avaient aucun moyen de locomotion ??? Et là de voir les deux partenaires de toujours se chamailler comme un vieu couple. On n’oubliera pas non plus le livre intitulé The Sixth Extinction que Doggett va trouver chez le scientifique, petite manière de rappeler la mythologie.

Un autre des avantages de cet épisode est son mélange habile entre humour et horreur, comme aux plus belles heures. Mulder a la classe, tout le monde le sait, et depuis son retour dans la saison 8, il n’est pas de mauvaise foi de dire que le niveau s’est sensiblement amélioré. Il apporte une fois de plus son humour et son j’men-foutisme naturels, en venant foutre le boxon dans l’enquête du FBI pour retrouver un Doggett disparu alors qu’il n’y travaille plus et en se faisant passer pour Kersh. Spotnitz se permet même une scène brève pour nous rappeler que Mulder est fan des graines de tournesol ; c’est un véritable régal que de le retrouver en pleine forme alors que c’est son chant du cygne. Si on y ajoute la fraîcheur qu’apporte l’agent Harrison, on a vraiment de quoi se détendre. Mais les passages horrifiques ne sont pas pour autant oubliés, que ce soit dans le teaser ou à la fin de l’épisode quand Mulder se retrouve avec Doggett et Harrison dans la cave. Ce sont de bons petits coups de pression, bien mis en scène par Spotnitz, qui n’a pas fait les choses à moitié en s’occupant à la fois de l’écriture et de la réalisation.

Ce loner placé juste avant le final de la saison est donc le premier depuis le début de la série qui ne se contente pas d’une affaire classée et va plus loin. Il est particulier dans le sens où il porte un regard d’ensemble sur la série pour en tirer une sorte de bilan, et surtout parce que dans le fond, il n’est pas question de Mulder, de Scully avec sa grossesse, ni de Harrison ; mais de Doggett. Un Doggett qui a donné un an de sa vie pour une cause qui n’est pas la sienne, et qui va se retrouver seul. Ce n’est pas pour rien après tout que la dernière image le montre seul derrière la porte de la chambre de Harrison, exclu dans cette discussion qui ne le concerne pas - et qu’il ne peut pas comprendre - entre les fans de la première heure et Mulder et Scully qui ont tout vécu ensemble depuis le début. Et ce n’est surtout pas pour rien que l’épisode s’intitule Alone.


Le script est très bien équilibré et balance très habilement entre humour, horreur, références multiples faisant un peu office de bilan en même temps qu’il se penche sur Doggett qui se sent bien seul. Subtilement, Spotnitz évoque aussi la mythologie. Un loner qui n’en a que le nom, qui réserve autant de bons moments et qui prépare le final, ça s’approche de la perfection.