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1.01 - Serenity
There’s no place I can be since I found Serenity
Les Nouveaux Passagers
samedi 1er octobre 2005, par
Au programme : des vaisseaux spatiaux, des mercenaires, une ambiance de Far West, des expériences mystérieuses et des insultes en mandarin.
Le dernier petit bijou de Joss Whedon, ici associé à l’un de ses meilleurs scénaristes Tim Minear (co-créateur de Wonderfalls), est enfin passé sur notre télé il y a de cela quelques mois. Pile le bon moment avant que le film Serenity, qui prolonge la série, ne sorte sur nos écrans. Au FLT, on est tellement heureux qu’on a eu envie de vous faire partager notre joie en vous offrant le mois Firefly sur la LTE et EDUSA. Vous aurez donc droit aux critiques des 14 épisodes existants, histoire de vous rafraîchir la mémoire. On commence tout de suite avec le premier, et ça tombe bien, il porte exactement le même titre que le film.
RAPPEL
Tout commence sur un champ de bataille 500 ans après notre ère à Serenity Valley, où le Sergent Malcolm « Mal » Reynolds et son Second Zoe se battent aux côtés des Browncoats pour l’indépendance des planètes, dans une guerre intergalactique les opposant à un puissant organisme unificateur appelé l’Alliance. La situation est décisive pour l’avenir des planètes et lorsque les renforts n’arrivent pas, c’est un Mal dépité qui voit les vaisseaux de l’Alliance débarquer. L’ennemi a emporté la guerre, et tout espoir avec.
Six ans plus tard, Mal parcourt l’espace aux commandes d’un vaisseau de classe Firefly, baptisé Serenity. Comme la plupart des anciens combattants Indépendantistes, il survit maintenant de petits boulots plus ou moins légaux. Celui du jour est de voler la cargaison d’un vaisseau abandonné, pour le compte d’un certain Bager. Devenu Capitaine, Mal est toujours accompagné de la fidèle Zoe, aujourd’hui mariée à Wash le pilote de Serenity, auxquels viennent s’ajouter le mercenaire Jayne et la mécanicienne Kaylee. Pendant ce temps, le dernier membre de l’équipage est sur la planète Persephone en compagnie d’un client. Inara est d’ailleurs la seule à gagner sa vie de manière légale puisqu’elle est une Compagne (Companion en V.O). Bien qu’elle soit traitée par Mal de simple prostituée, elle bénéficie d’une haute respectabilité sociale et permet au vaisseau d’avoir accès à certains lieux.
Serenity se pose donc sur Persephone afin de conclure le marché avec Bager. Mais celui-ci le refuse car le vaisseau a été repéré par le gouvernement (autrement dit l’Alliance) durant le vol, ce qui signifie que la marchandise est recherchée et donc sans intérêt pour lui. Mal et ses amis n’ont pas d’autre choix que de la vendre à quelqu’un d’autre. Ils ont trop besoin d’argent s’ils veulent pouvoir continuer à faire voler leur vaisseau, et par conséquence survivre. En attendant qu’un autre marché se fasse, Kaylee recrute trois nouveaux passagers susceptibles de leur payer le voyage jusqu’à la prochaine lune : Dobson, le pasteur Book, qui n’a aucune destination précise, et l’intriguant docteur Simon Tam, aux bagages bien lourds (au sens littéral). La navette d’Inara revient à bord et l’équipage ainsi au complet est en route pour Whitefall afin de traiter avec une vieille femme qu’ils connaissent, susceptible de leur acheter la marchandise volée (ce qu’ils se gardent bien de préciser à leurs invités).
Lors du voyage, Wash s’aperçoit que des informations ont été transmises à l’Alliance. Simon, qui arbore une attitude trop réservée pour être naturelle, est évidemment le premier soupçonné. Mais le traître s’avère être Dobson, un agent gouvernemental chargé de ramener Simon, fugitif très recherché. Tout arrive trop vite pour que Mal puisse garder le contrôle de la situation, qui dégénère au point que Kaylee est accidentellement blessée par balle. Dobson est maîtrisé trop tard, et Simon profite à contrecœur de la situation pour faire un marché avec Mal, qui accepte sous la contrainte : ils ne le livrent pas au gouvernement et ils fuient tous immédiatement, en échange de quoi il soigne Kaylee. Excédé par les évènements, le Capitaine ouvre la précieuse malle du docteur pour y découvrir... une jeune femme nue et congelée, qui se réveille brutalement.
Alors Simon est bien obligé de s’expliquer : la jeune femme est sa sœur River, qu’il a aidée à s’échapper d’une école pour génies où elle était torturée. Il ne sait pas exactement ce que le gouvernement lui a fait ni pourquoi. Pour le moment elle est en état de choc et incapable d’expliquer ce qu’elle a subit. La seule chose sûre est qu’elle est en danger et qu’il fera tout pour l’aider. L’Alliance est dorénavant à leurs trousses, et c’est tout Serenity qui est menacé par la même occasion. Mal décide de déposer quelque part les deux fugitifs et cela le plus vite possible, car il a déjà assez de problèmes sur le dos. D’ailleurs, un autre surgit rapidement puisqu’ils croisent la route d’un vaisseau appartenant aux Reavers, des fous cannibales extrêmement dangereux. Vu la façon dont Zoe en parle, à côté d’eux l’Alliance ressemble à la chocolaterie de Willy Wonka, c’est dire si l’équipage est paniqué. Pour une fois la chance tourne à leur avantage car les Reavers les ignorent et passent leur chemin. Comme dit Wash, ils venaient peut-être juste de se rassasier...
Arrivés à Whitefall, Mal, Zoe et Jayne partent conclure leur marché avec la vieille femme, qui leur tend une embuscade. Comme ils avaient prévu le coup, la vieille ayant déjà tiré sur Mal auparavant, ils la doublent et récupèrent leur argent. Ça fait déjà un problème en moins. A bord, Dobson parvient à s’enfuir de sa cellule et menace River, avant que Mal n’arrive et règle les choses à sa façon (en gros il tire sur Dobson et le balance dehors). Pas le temps de s’occuper de lui, et Mal en a plus qu’assez de toutes ces histoires. D’autant qu’ils doivent se dépêcher de partir afin d’échapper aux Reavers, qui les ont suivis une fois leur appétit recouvré. Comme Wash est un pilote hors pair, que même avec une balle dans le ventre Kaylee sait faire fonctionner à merveille son bébé (et que massacrer tout l’équipage dès le Pilote ne serait pas très malin), ils arrivent à les semer de justesse.
Une fois en sécurité (mais pour combien de temps ?), Mal propose à Simon de rester à bord. Etant donné leur mode de vie, ils auraient bien besoin d’un médecin, et être en perpétuel mouvement ne peut être qu’un avantage pour des fugitifs. Chacun y gagne son compte et Simon accepte. L’équipage agrandit de Serenity continue sa route...
CRITIQUE
Bien que ce Pilote ait été coupé en deux parties lors de sa diffusion, il est préférable de l’analyser dans sa totalité.
Quelques mots tout d’abord sur les génériques. On a tendance à oublier d’en parler, pourtant ils ont une fonction primordiale dans l’image qu’on se fait d’une série. Ils ne servent pas seulement à présenter les acteurs, c’est toute une ambiance et un style visuel qu’ils présentent en moins d’une minute. Et celui de Firefly est particulièrement réussit. La chanson, écrite par Joss Whedon lui-même, est une superbe ballade country-music, dont la guitare douce-amère marque également toute la bande-son de la série. Les paroles reflètent parfaitement l’état d’esprit des personnages et de la série en elle-même. « I don’t care, I’m still free, You can’t take the sky from me » (« Je m’en fiche, Je suis toujours libre, Vous ne pouvez pas me retirer le ciel »). Les images collent également à l’aspect western puisque chaque personnage se retrouve figé dans une impression de vieille photographie aux tons jaunâtres. Les noms, tout comme le titre, sont écrits en lettres de feu. Le seul reproche que l’on puisse faire à ce générique dans cet épisode est le moment de son apparition. En effet, il est présenté juste après l’introduction et dès cet instant on sait qui des nouveaux passagers va rester. Ce qui gâche un peu l’effet suspicieux créé autour de Simon et l’apparition particulière de River en position foetale. Rien de bien méchant, mais c’est dommage.
Revenons-en donc à l’histoire elle-même. Le plus évident c’est qu’on nous présente là un univers fouillé et tout à fait cohérent où chaque détail créé s’emboîte parfaitement avec l’ensemble. D’ailleurs il est si riche que l’on a du mal à tout saisir à la première vision. Tous les personnages le connaissent déjà, il est donc impossible de s’identifier à l’un d’eux en tant que guide dans le processus de découverte de ses codes (comme l’était Crichton pour Farscape). De plus, on nous plonge dans le cœur de l’action d’entrée de jeu, ce qui est certes accrocheur. Le problème c’est qu’on passe les minutes suivantes à se poser des questions sur ce qu’on vient de voir, plutôt qu’à suivre le reste de l’histoire. Un peu gênant, même si l’effet de perdition ne dure pas éternellement. De plus amples explications seront fournies par la suite, afin de ne pas tout dévoiler d’un trait.
Ce qu’on apprend assez vite, c’est que deux super-puissances actuelles ont survécu dans ce futur, à savoir les Etats-Unis et la Chine. Et ce mélange des cultures se retrouve partout, dans les décors, les costumes, le langage et les mentalités. La culture asiatique est particulièrement présente chez Inara, personnage très proche de la geisha, habillée de kimonos, adepte de la cérémonie du thé, très cultivée et dotée d’une grande sagesse. L’influence américaine prend la plus grande place, mais c’est celle d’une Amérique du XIXème siècle marquée par la conquête du Far West et non celle actuelle. Ainsi la série est construite autour d’un mélange entre passé et futur, une manière pour les auteurs de « mieux parler du présent ». Les rapports d’oppositions sont ainsi fréquents dès l’introduction (de la terre ferme à l’espace), entre les personnages, dans les costumes et les décors (les vaisseaux côtoient les calèches, les tons chauds de Serenity contrastent avec les tons froids et le minimalisme associés à l’Alliance. D’ailleurs on ne retrouve pas cet aspect dans l’infirmerie de Simon sans raison). C’est en somme un jeu constant sur les oppositions et la duplicité qui est livré, et donne ainsi plusieurs niveaux de lecture aux rapports et aux situations présentés.
Tout cela peut sembler assez différent de ce à quoi Whedon nous avait habitués avec ses précédentes séries. Pourtant ce n’est pas le cas à y regarder de plus près. On retrouve son style caractéristique dans ses dialogues pointus, ses nombreux personnages, son sens de l’humour particulier et son jeu avec les connaissances des spectateurs (telle la scène on l’on nous fait croire que Kaylee est morte pour mieux rire de ces effets faciles). L’écriture n’est cependant pas totalement maîtrisée dans l’ensemble. Les personnages présentent un fort potentiel au niveau de leurs personnalités comme dans leurs rapports entre eux, qui n’est pas encore utilisé. Certes ils sont forts sympathiques mais enfermés dans des clichés (le patron bourru qui cache un grand cœur, l’éternelle optimiste, la séductrice, le rigolo de service, le costaud plutôt idiot, etc). Difficile de dire grand-chose sur la plupart d’entre eux à ce stade, seul Mal se détache du lot par un réel développement de sa personnalité complexe. Tout ceci est bien sûr compréhensible et pardonnable étant donné qu’il ne s’agit que d’un pilote. Avoir d’emblée un personnage fort à la tête de ce petit groupe est rassurant et créé une base solide pour permettre le développement des autres par la suite. Ajoutons à cela que les nouveaux passagers ont le mérite d’avoir une raison de rester bien plus forte que celle de créer de bons enjeux à l’histoire, puisqu’ils s’inscrivent dans une logique affirmée dès les premières minutes. Tous ses espoirs ayant été anéantis par l’Alliance des années auparavant, le Capitaine Reynolds a l’occasion de prendre sa revanche en les empêchant de mettre la main sur une personne très précieuse à leurs yeux. Ses motivations sont multiples (revanche, nécessité, compassion) et limpides pour le spectateur, sans qu’il n’y ait besoin de dialogue pour les surligner. Il n’y a rien de tel qu’un héros principal marquant pour donner envie de regarder une série, et Mal remplit parfaitement cette fonction.
Pour le reste, ça démarre plutôt haut. Aucun reproche à faire concernant la photographie et les effets spéciaux, ça passerait comme du petit beurre sur un grand écran. La caméra n’est pas toujours fixe et apporte une touche proche du documentaire. Quelques plans audacieux ne semblent cependant pas toujours justifiés et la volonté d’expérimentation se fait sentir, en particulier durant les scènes intérieures dans la première partie. Le vaisseau à lui seul est une pure merveille esthétique, de l’extérieur comme de l’intérieur, bijou d’ingénuité rappelant systématiquement l’espace restreint dans lequel les personnages se trouvent, où chaque pièce est adaptée à son occupant. Le nom donné au Firefly est par ailleurs très juste et traduit plutôt bien la personnalité du Capitaine Reynolds, marqué à vie par une guerre déterminante s’étant achevée dans un lieu au nom assez ironique compte tenu des horreurs s’y étant produites. Baptiser son vaisseau Serenity, c’est à la fois chercher une certaine paix méritée, mais aussi chercher tout sauf la sérénité vu son origine. Une contradiction qui le résume parfaitement en somme, tant il en est imprégné. Quant aux acteurs, aucun faux pas de ce côté là non plus. Nathan Fillion est un meneur de troupe charismatique et l’on appréciera de retrouver quelques visages familiers du petit et grand écran. Tous sont impeccables, et pour mieux en juger il est préférable de faire abstraction du doublage. Entre les voix monocordes des personnages masculins, impossibles à distinguer si on détourne la tête de son écran, et la pauvre Kaylee qui a l’air d’une abonnée aux Alcooliques Anonymes, on n’est pas très bien servis sur ce coup. On notera également que le titre français met en avant les personnages, et plus précisément la famille Tam qui représente un futur enjeu important, tandis que le titre original joue sur le nom significatif du vaisseau, également personnage central et emblème de la série (tel l’Enterprise de Star Trek ou Moya dans Farscape).
Pour mieux se distinguer des autres séries de science-fiction, Firefly mise sur deux partis pris. Le premier concerne le traitement du son dans l’espace. Celui-ci est quasi inexistant et contraste avec les bruits surréalistes auxquels tout spectateur de science-fiction est habitué, tels les bruits de vaisseaux allant à toute vitesse. Et pour cause, il n’y a pas d’air dans l’espace, donc aucun véhiculeur sonore. La lenteur et la lourdeur de Serenity étonnent au départ, pour finalement donner une impression de réalisme très agréable, à laquelle vient s’ajouter une absence d’extra-terrestres. Aucune rencontre du Troisième Type n’est en vue dans cet univers où chaque planète visitée a été colonisée par les Hommes. Même les créatures nommées les Reavers sont des êtres humains qui ont simplement « dégénéré ». Et à bien y réfléchir, on avait rarement abordé les effets secondaires possibles chez l’Humain qui vivrait dans l’espace. Cette réflexion est juste entrevue mais présente tout de même, et ajoute à une volonté de montrer un futur plausible. A l’heure actuelle des explorations spatiales de plus en plus fréquentes, des hésitations entre l’avancée technologique et le retour aux valeurs anciennes, le monde de Firefly semble nous présenter un avenir tout à fait possible pour l’Humanité.
Simon : “You had the Alliance on you, criminals and savages... half the people on the ship have been shot or wounded including yourself, and you’re harboring known fugitives.” (“Vous avez eu l’Alliance à vos trousses, des criminels et des sauvages...la moitié des gens sur ce vaisseau ont été touchés ou blessés, toi inclus, et vous hébergez des fugitifs. »)
Mal : “We’re still flying.” (“On vole toujours.”)
Simon : “That’s not much.” (“C’est peu.”)
Mal : “It’s enough.” (“C’est assez.”)
C’est donc un Pilote plus que correct que nous avons là, puisqu’il remplit parfaitement ses fonctions. Les futurs enjeux sont mis en place et clairs, et l’univers vite assimilé. Malgré la petite dizaine de protagonistes, tous les personnages sont présentés et parfaitement caractérisés, bien qu’ils semblent plutôt figés dans des caricatures qui ne serviront qu’à mieux les en faire sortir par la suite.
Il n’y a pas de quoi devenir accro pour l’instant mais ce n’est qu’une introduction. En tout cas c’est largement assez bien fait et original pour s’intéresser à la suite (heureusement, parce que le meilleur est à venir !).
LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires


