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1.02 - The Train Job

Episode 2 : la menace du clone

L’attaque du Train

mardi 4 octobre 2005, par Black Widow

“Oh, juh jen sh guh kwai luh duh jean-jan...” Ce qu’il y a de bien avec Firefly c’est qu’on apprend plein de nouveaux mots qui ne sont pas d’une langue inventée, ce qui permet de jouer les fans sans passer pour des geeks. Parler chinois c’est quand même plus classe que le klingon !

RAPPEL

L’équipage du vaisseau Serenity est cette fois-ci engagé par Niska, un vieil homme sadique adepte de la torture au moindre faux pas (selon ses critères), pour voler la cargaison d’un train en route pour la ville minière de Paradiso. Ce joli nom est évidemment trompeur puisque la majorité des habitants de ce coin paumé sont gravement malades.

Le plan : Mal et Zoe sont déjà à bord et attendent que Wash vienne voler au dessus d’eux. Là, Jayne descend avec un harnais, ils attachent les deux caisses (dont ils n’ont aucune idée de ce qu’elles contiennent, vu que c’est pas leur problème), puis les trois comparses remontent à bord avec. Tout se passe à peu près comme prévu, et en prime sous le nez d’un wagon remplit d’agents de l’Alliance, ce qui a le don de réjouir Mal.

Le problème (parce qu’il y en a toujours un avec eux) : un des soldats les surprend en pleine action. Mal et Zoe s’occupent de son cas et n’ont par conséquent pas le temps de repartir avec Serenity. Ils créent donc une diversion pour sortir du wagon sans être repérés, et le train s’arrête peu après à Paradiso. Et c’est là que la situation prend une tournure bien différente, puisqu’ils comprennent qu’ils viennent de priver l’endroit de précieux médicaments, contenus évidemment dans les caisses volées. De quoi leur causer un sacré poids sur la conscience...
Pendant que le shérif local les interroge, c’est la panique à bord du vaisseau. Et pour cause, Jayne a décidé qu’il était le chef (sinon lui taper tout le monde) et qu’il valait mieux livrer la marchandise avant d’aller secourir ses amis, coincés à Paradiso parmi de nombreux soldats de l’Alliance. Ça inquiète tellement Simon de voir cet idiot prendre les commandes qu’il l’assomme à l’aide d’une drogue injectée à son insu. Bien joué Doc !

Mal et Zoe peuvent donc être récupérés par Inara, qui use son statut social de Compagne, enrubanné d’un joli mensonge, pour tromper le sheriff. Mais c’est un peu tard puisqu’ils ont raté le rendez-vous sur la station orbitale de Niska, et ses hommes de main débarquent pour récupérer le butin. Mal refuse de le leur donner, rongé qu’il est par la culpabilité d’être l’auteur d’une telle injustice, à l’exact opposé de ce en quoi il croit (la guerre contre l’Alliance, c’était bien pour éviter de telles inégalités entre les planètes riches et les pauvres). Quand un gros bras n’accepte pas que Mal rende l’argent avancé et ne livre pas la marchandise, notre bon vieux Capitaine l’envoie directement broyer dans le moteur et passe à gros bras numéro 2 (ah, les méthodes expéditives de Mal...). Le message arrivera bien à Niska, mais il y a fort à parier que le vieux tordu ne comptera pas en rester là. Comme s’ils n’en avaient pas assez, ils viennent de se faire un ennemi de plus.

Il me rappelle quelqu’un...

Ils finissent par rendre les médicaments à Paradiso, sous l’œil d’un shérif très perspicace et compréhensif de la situation qui les laisse partir sans encombres. Du côté de l’Alliance, la photo de River circule et sa capture se fait de plus en plus pressante...

CRITIQUE

La plupart des seconds épisodes souffrent du syndrome post-Pilote, c’est-à-dire une redite obligatoire des points importants de l’histoire pour tous ceux qui auraient raté le début. Dans le cas présent on a deux fois plus de dialogues explicatifs, et pour cause aux Etats-Unis la FOX n’avait pas voulu diffuser le Pilote, préférant le diffuser en fin de saison (allez comprendre leur logique...). Les créateurs ont donc été obligés d’écrire en quelques jours un épisode qui ferait office d’intro et ainsi de redire en 40 minutes tout ce qui avait été établit auparavant avec le double de temps, tout en y ajoutant une petite intrigue légèrement différente. Tout cela a pour effet de donner un épisode assez lourd si on a déjà vu le Pilote, et dans tous les cas pas très captivant avec son intrigue un peu plate de vol de marchandise.

La progression
Oui, on nous réexplique tout, les codes de cet univers, qui est qui et qui fait quoi, etc. Sauf que Whedon et Minear sont les rois de l’exception, et on trouvera toujours du bon dans les épisodes les plus mauvais de leurs séries (et quand je dis mauvais, c’est très relatif). Dans le cas présent, ils ont eu la bonne idée d’expédier leurs récapitulatifs dans des dialogues assez éparpillés au long de l’épisode pour ne pas être trop rébarbatifs, et surtout ils en profitent pour développer un peu plus leurs personnages. Le Pilote faisait la part belle à Malcolm Reynolds, et même s’il est toujours clairement en tête, il laisse ici un peu plus de place à ses compagnons. On avait déjà aperçu quelques facettes de la personnalité de Mal, hors-la-loi violent envahit toutefois d’un grand sens du juste (parfaitement illustré dans cette histoire de médicaments), mais il n’en était pas de même des autres membres de l’équipage. C’est donc avec plaisir que l’on peut voir les caricatures exposées auparavant se craqueler et laisser place à des personnages plus fouillés.

Kaylee, l’éternelle optimiste, n’a plus de sourire figé en permanence sur les lèvres et ne gratifie plus de phrases du style « I love my Captain ». Elle montre qu’elle aussi peut être agacée, que ce soit par son râleur de Capitaine ou (encore) par Jayne. Zoe, elle, n’est pas le petit soldat qui dit toujours oui à son patron et lui obéit au doigt et à l’œil. Certes, elle et Mal ont gardé une relation de chef à subalterne datant de la guerre, d’autant plus qu’il est le patron du vaisseau, et elle continue à l’appeler « Sir ». Mais c’est surtout une profonde amitié qui les unit, basée sur un respect et une confiance mutuels, et Zoe n’hésite donc pas à lui dire ce qu’elle pense (« Sir, I think you have a problem with your brain being missing. » « Je crois que tu as un problème avec ton cerveau manquant »). Voilà deux femmes très différentes mais qui se rapprochent par leur franchise.
Du côté d’Inara, la figure respectable de son métier est mise en avant, ce qui a pour effet de faire non seulement un gros contraste avec l’image que l’on se fait de la prostitution (le plus vieux métier du monde est aussi considéré comme le plus dégradant), mais également de mettre Inara dans une position de supériorité sociale par rapport aux membres de l’équipage. Un statut que convoite Jayne, dont on avait déjà entrevu sa tendance à la trahison, plutôt motivée par l’argent. On découvre qu’en plus de penser au gain avant ses amis il a de fortes envies de pouvoir et d’autorité. Sauf qu’on l’avait bien compris, il a plus de muscles que de neurones donc ça va pas être facile. Il n’en reste pas moins un élément instable, et ce n’est pas parce qu’il est bête qu’il n’arrivera pas forcément à son but. Comme il fait plus que le sous-entendre, on peut arriver à plein de choses par la force, et de ça il n’en manque pas. Jayne est donc un homme dont il est difficile de savoir s’il faut en rire ou s’en méfier. Adam Baldwin possède de jolies capacités comiques, et pour le moment c’est l’humour qui l’emporte. A surveiller d’un œil quand même...
Concernant River on n’en apprend pas beaucoup plus. Toujours déboussolée, elle reste dans son coin et ne parle qu’à son frère. Elle fait une petite démonstration de son incroyable génie, mais alterne moments de lucidité et d’égarement. Ou du moins, c’est ce qu’il paraît car ses mots d’apparence incohérente révèlent tout leur sens par la suite. La lumière sur la phrase « deux par deux, les mains bleues », qu’elle ne cesse de répéter, n’est faite qu’en fin d’épisode à la vision de deux inquiétants agents de l’Alliance portant des gants bleus. Cette scène s’avère plus riche d’informations qu’il n’y parait : les gants rappellent ceux des médecins, faisant écho aux cauchemars de River sur ses expériences subies. On n’ose imaginer ce qu’ils ont pu faire exactement. De plus, les autres agents de l’Alliance ne semblent pas savoir qui est River ni même autorisés à connaître les raisons pour lesquelles elle est si précieuse. Ces hommes aux mains bleues appartiendraient donc à une branche secrète de l’Alliance, à un niveau plus élevé et plus dangereux ? Ce qui est sûr c’est que leurs recherches se font plus insistantes, et tout cela confère à la mystérieuse jeune femme un intérêt grandissant. Et le spectateur d’avoir hâte, la bave aux lèvres et la langue pendante, qu’on en apprenne un peu plus sur qui elle est, ce qu’on lui a fait à l’Académie, et pourquoi le gouvernement la veut à ce point.
Quant à son frère Simon, on le savait déjà capable de caractère et d’initiatives puisqu’il a eu le courage de sauver sa sœur et ainsi de tout perdre (argent, statut social, liberté) pour elle, et il le montre une fois de plus en droguant Jayne à son insu. Contrairement à elle, il semble s’adapter assez vite au mode de vie qu’entretient l’équipage de Serenity et s’y faire une véritable place. Plus que le médecin de bord, il commence à devenir leur ami et le prouve par son comportement.
C’est également le cas du pasteur Book (dont Shepherd n’est pas son prénom mais sa fonction, avis aux pseudo-traducteurs...), qui montre une grande foi et un réel soutien envers ces gens qu’il connaît à peine. On nous laisse supposer qu’il cache quelque chose et aurait eu des liens avec des individus loin d’être des enfants de choeur, ce qui le rend plus intéressant (bien que je trouve qu’il est le moins attachant de tous les personnages). Il pense qu’il est là pour les aider, même s’ils ne veulent pas de lui. Et finalement sa présence à bord est assez justifiée. Tous ont une raison d’être là, celle de Book est simplement conduite par les rapports humains. A leur contact il revoit ses jugements, tandis qu’eux y trouvent une sorte de figure paternelle prête à les écouter et les conseiller. C’est un véritable apprentissage mutuel qui s’opère entre eux. Les nouveaux passagers sont maintenant installés, et plus qu’un groupe soudé ils s’apparentent dorénavant à une famille.

Tout cela ne parait pas énorme comme développements, mais avec neuf personnages il est normal que cela se fasse progressivement. Un petit peu chacun, c’est toujours mieux que d’en laisser certains de côté. Les épisodes plutôt centrés sur certains, ce sera pour plus tard, une fois que tout sera bien installé. Il ne faut pas oublier qu’on est encore au stade de la présentation, et que le public américain les a découvert avec cet épisode. Pas de quoi trop se plaindre étant donné la situation, en somme. En tout cas il est difficile de ne pas commencer à s’attacher à cette petite bande.

Et puis quitte à avoir une intrigue principale bateau, autant transporter ailleurs l’intérêt et en profiter pour développer le style propre de la série tout juste créée. En plus des développements des personnages, les bons mots deviennent plus rapides, incisifs, et bien plus fréquents. Il n’y a pas de bonne grosse blague ni de gag comme dans une sitcom mais un humour fin qui s’adapte à la personnalité de chacun. Les scénaristes ne se prennent pas au sérieux dans le sens où ils rient avec et de leurs personnages, ce qui apporte un côté léger à un ensemble qui pourrait être trop stressant.

L’amour
Avec autant de personnages, il était impossible de passer à côté de ce thème universel et intemporel. L’amour est ici illustré de manières différentes, à travers les relations des quatre femmes à bord du vaisseau. Pour le moment effleurées, elles n’en sont pas moins marquantes dès les débuts de la série. Rassurez-vous, j’aurais largement de quoi développer chacune en temps voulu. En attendant on peut faire un petit tour d’horizon des relations qui nous ont été présentées jusqu’ici :
Avec son frère Simon, River entretient un amour filial très fort. Tous deux représentent les liens du sang qui prédominent, le dévouement pour la survie du clan. C’est le seul amour qui n’a rien de sexuel. Il est purement affectif, simple et sans ambiguïtés. Le jeune homme a une toute autre relation avec Kaylee. La jeune mécanicienne a eu le béguin pour Simon dès son arrivée, et ça parait durer plus longtemps qu’un coup de foudre. Celui-ci ne semble d’ailleurs pas insensible à son charme, puisqu’il se montre encore plus réservé en sa présence. On verrait presque leurs joues se rosir quand ces deux-là se retrouvent seuls. C’est le jeu des attirances, des premières approches. Et ce ne sont pas les réflexions indélicates (mais très justes) de Jayne qui risquent de les décoincer. Ils vivent un amour d’adolescents, jeune, à la fois plein d’espoir et de questionnements.
Zoe est de son côté mariée à Wash. Leur amour est donc clair, avoué et réciproque. Ils s’aiment, se le disent et ne s’en cachent pas. Ils se nomment par des mots tendres, s’inquiètent l’un pour l’autre, en bref ils représentent la relation adulte, mâture et pleinement assumée. Totalement opposés en apparence (elle la militaire sérieuse, lui le petit trouillard rigolo), ils surprennent par leur relation quasi idyllique qui surpasse les a prioris.
Quant à Inara, elle vit avec Mal l’amour compliqué et inavoué dans toute sa splendeur. La tension sexuelle entre eux se fait sentir à la moindre interaction. Dès qu’ils commencent à se dire quelque chose de sincère, ils enchaînent en s’envoyant des piques. S’ils avaient 5 ans, il lui tirerait les cheveux et elle lui donnerait des coups de pieds. Sans vraiment s’en rendre compte, ils jouent au jeu du chat et de la souris, à coups de je t’aime/moi non plus. Et ces non-dits sont à la fois frustrants et excitants (pour les deux concernés, parce que pour le spectateur c’est passionnant). Imaginez Cybill Shepherd en prostituée de luxe et Bruce Willis en cowboy de l’espace, et vous aurez une idée du couple en question. Tel un grand nombre de leurs aînés télévisuels, ils forment le couple qui met le plus de piment à la série. Reste à voir s’ils nous réservent une évolution inattendue.

“Kaylee, what the hell’s going on in the engine room ? Were there monkeys ? Some terrifying space monkeys maybe got loose ?” - Mal (« Kaylee, qu’est-ce qui se passe dans la salle des machines ? Il y a eu des singes ? De terrifiants singes de l’espace y ont peut-être été lâchés ? »)
De plus amples explications sur l’univers sont également apportées. En début d’épisode, il y a dorénavant un petit récapitulatif en voix off du (futur) monde dans lequel on se trouve, expliquant clairement que notre Terre a été exploitée jusqu’à n’en plus pouvoir et qu’un nouveau système solaire a été découvert et ses planètes colonisées. Celles centrales formèrent l’Alliance et décidèrent que toutes les planètes seraient régies sous les mêmes lois. C’est alors qu’une guerre survint entre cette nouvelle union et ceux qui n’étaient pas d’accord (autrement dit les Browncoats) et préféraient l’indépendance de chacune, ce que nous avons entraperçu dans le Pilote. Depuis les perdants restent éloignés le plus possible et tentent tant bien que mal de survivre, ce qui est le cas des occupants de Serenity. Ce petit texte a le mérite d’être clair et précis. Au court de cet épisode plus de détails viennent s’y ajouter. On apprend notamment que la défaite des Indépendants est surtout due à leur nombre de combattants plus réduit (et forcément les moyens aussi), mais aussi que leurs désaccords concernant les lois de l’Alliance sont tout à fait justifiés. Chaque planète colonisée est différente, chacune a développé ses maladies spécifiques, possède ses avantages et ses inconvénients. Il parait donc impensable de toutes les régir selon les mêmes critères car cela créé encore plus d’inégalités. C’est pourtant ce qui a fini par arriver, et il est plus facile de comprendre l’antipathie que suscite l’Alliance, qui jusque-là n’était vue que comme l’entité mauvaise et froide dont on ne savait finalement pas grand-chose. Il est donc difficile de ne pas faire de rapprochements avec la situation économique mondiale actuelle et les dangers que nous faisons encourir à notre planète. Et c’est avec ce genre de parabole que la science-fiction devient plus qu’un formidable divertissement mais une véritable source de réflexion humaniste. Gene Roddenberry continue toujours à faire des petits...

A part ça, si vous trouvez que les soldats de l’Alliance ressemblent à ceux de Starship Troopers c’est normal, ils ont récupéré les costumes du film faute de moyens (on en apprend des choses dans les commentaires audios !).

Et celui qui saura ce que signifie ma citation en chinois dans l’intro gagne un lapin en chocolat (quoi, on vous a déjà fait le coup ?).


Après un épisode Pilote très prometteur, celui-ci paraît bien décevant avec ses nombreuses scènes d’expositions et son attaque de train qui aurait pu être un bel hommage aux films de western, mais se révèle au final un pétard mouillé. Tout cela n’est certes pas très enthousiasmant, mais les qualités visuelles et l’interprétation sans faille sont toujours là, sans compter que les personnages sont un peu plus creusés. Bien qu’il soit assez faible par rapport aux autres, The Train Job est dans l’ensemble de bonne facture (en particulier s’il on tient compte des circonstances de sa production). Et puis, difficile de se déscotcher de la tête la superbe ballade du générique...

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