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1.03 - Bushwacked
Cannibal holocaust
Pilleur d’Epave
jeudi 6 octobre 2005, par
Dans l’espace, on ne vous entendra pas crier...sauf s’il y a quelqu’un juste à côté.
RAPPEL
Alors que les membres de l’équipage de Serenity partagent un agréable moment de détente, ils croisent un vaisseau à la dérive et le corps d’un homme mort les percute. Personne ne répond à l’intérieur de l’épave et le Capitaine Reynolds décide d’y faire une excursion au cas où il y aurait des survivants à aider...et sinon des choses intéressantes à voler.
Le petit groupe y découvre un vaisseau vide de tous passagers, alors que tout laisse penser qu’il transportait une dizaine de familles. De plus, s’ils sont tous partis c’est en laissant des vivres valant une petite fortune. La situation est très étrange, d’autant que la jeune River entend des voix et semble percevoir ce qui s’est passé, mais étant donné sa façon de s’exprimer elle est bien la seule à avoir compris (à l’exception des plus balaises d’entre nous). De toute façon, personne ne fait attention à elle, jusqu’à ce qu’elle débarque également sur le vaisseau fantôme, où elle n’a qu’à lever la tête pour que tous les regards suivent. Le spectacle se révèle assez immonde : les corps des familles sont exposés au plafond, attachés les uns aux autres. Mal a compris qui a fait ça, et il ne compte pas le dire à ses camarades pour l’instant. Allez ouste, tout le monde repart le plus vite possible (sans oublier ce qui a été récupéré, merci) !
Sauf que (eh oui !) Jayne se fait attaquer par un homme hystérique et visiblement perturbé, dont Mal a la certitude qu’il n’est pas l’auteur mais le seul survivant du massacre. Ils le ramènent à bord de Serenity, où Mal défend à qui que ce soit d’aller dans l’infirmerie où se trouve ce type. Il pense que les responsables sont les Reavers et qu’ils l’ont obligé à regarder (souvenez-vous de ces cannibales dont nous parlait Zoe avec effroi dans le Pilote). Comme le remarque Mal, après avoir vécu de telles horreurs, le tuer serait presque un geste de compassion envers cet homme.
Ils commencent à repartir, et après s’être dégagés d’un piège posé par les Reavers à l’attention du vaisseau qui aborderait l’épave, ils sont happés par l’Alliance à cause de l’alarme qu’a déclenché le dispositif. Ils se retrouvent donc obligés de répondre aux questions du Commandant en Chef. Celui-ci est non seulement à la recherche de deux fugitifs que Serenity abriterait, mais il les soupçonne également d’avoir attaqué le vaisseau de transport (qui leur appartient) afin de le piller. Pendant que chacun subit un interrogatoire individuel, Serenity est fouillée de fond en comble pour trouver le frère et la sœur Tam, qui se cachent au seul endroit auquel ils ne penseraient pas : à l’extérieur, accrochés aux parois du vaisseau en plein hyperespace à l’aide de combinaisons spatiales.
Pendant ce temps, les soldats de l’Alliance perdent tout contrôle de l’unique survivant, qui les attaque en imitant ses précédents agresseurs. Mal en vient malgré lui à aider ses éternels ennemis car il connaît Serenity comme sa poche, et tue le pauvre homme afin de sauver le Commandant. Par gratitude, tout l’équipage est relâché et l’Alliance s’en va, sans oublier de récupérer ses biens ni de faire exploser le vaisseau fantôme pour que les Reavers ne puissent revenir vers le lieu de leur carnage.
CRITIQUE
Bonne nouvelle ! Les dialogues récapitulatifs sont finis, le monologue d’introduction suffit largement à expliquer l’essentiel aux retardataires, par conséquent on peut enfin rentrer tranquillement dans le cœur de la série. C’était déjà très loin d’être mauvais auparavant, dorénavant ça monte un cran au-dessus.
Ça démarre avec une intro (appelée aussi teaser) très efficace, où l’on passe d’une ambiance légère à chargée en un clin d’œil. Le corps jeté en plein espace qui rebondit sur Serenity surprend, tandis que River se la joue plus énigmatique que d’habitude. La caméra tremble avec nous et se rapproche des personnages cadrés tous ensemble, à l’exception de River. La suite des évènements vient prouver que cette mise à l’écart n’est due qu’à sa singularité par rapport aux autres et non à un manque d’appartenance à ce groupe, comme le prouve la suite puisqu’ils sont tous si soudés qu’aucun d’eux ne la dénonce. C’est là une grande preuve de la solidarité de Mal et son équipe envers les Tam. Il y a peut-être encore des doutes quant aux intentions du Capitaine vis-à-vis d’eux, comme le souligne Jayne (planifie-t-il de les vendre aux plus offrants ?), mais pour ma part ils n’ont plus lieu d’être après cette mésaventure. Le sens de la noblesse de Mal est plus fort que l’argent, ce qui avait déjà été démontré dans The Train Job avec l’affaire des médicaments.
Après le générique on plonge assez vite dans un épisode qui joue plutôt bien la carte de la terreur et du fantastique, et cela de plusieurs façons. Bushwacked est plus ou moins composé de deux parties distinctes : la première joue sur la peur de l’invisible personnifiée par les Reavers, la cruauté bestiale dans toute son horreur, et une dose de fantastique avec les interventions divinatoires de River. La deuxième partie est à l’opposée et nous présente un climat oppressant produit par l’Homme civil et militaire dans toute sa splendeur, où la peur créée est pensée et ne doit rien à l’instinct de survie. La photographie appuie le propos en les distinguant davantage. L’image est tout d’abord sombre, l’environnement étouffant et organique, et passe ensuite à un univers très éclairé, clinique, froid et dépouillé. Les Reavers et l’Alliance sont les deux grandes menaces à la fois différentes et omniprésentes pour l’équipage de Serenity, coincé au milieu de ces extrêmes. On remarquera que l’alarme se déclenche à l’approche de l’un ou l’autre et fait plus office de mise en garde que de signalement de leur présence. Ce passage soudain d’un problème à un autre résume assez bien leur mode de vie. Ils sont loin de la sérénité...
AlliancePD Blue
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les interrogatoires personnels que fait subir le Commandant de l’Alliance à l’équipage sont loin d’être barbants. Il est particulièrement intéressant de voir la façon dont chacun répond et cela aide à mieux cerner leurs personnalités. Chacun a sa façon de faire face au stress et à l’autorité. Car il faut garder en tête qu’aucun indice sur la présence des Tam sur le vaisseau ne doit glisser de leur bouche. Jayne est donc fermé comme une huître (il vaut mieux) tandis que Wash parle trop et dit surtout des bêtises (“Les jambes. Oh oui, définitivement ses jambes. Vous pouvez le noter. Ses jambes, et juste là où ses jambes rencontrent son dos. En fait, tout ce coin. Ça, et au dessus. Vous avez vu ce qu’elle porte ? Oubliez ça. Vous avez déjà été avec une guerrière ? »). Zoe se bat avec les mêmes armes puisqu’elle se comporte en bon militaire froid et direct, et Kaylee leur fait une leçon de mécanique stupéfiante. Ses connaissances surprennent assez le Commandant, qui s’en prend plein la figure et se fait critiquer son vaisseau. Elle répond à coup sûr à côté de la question, mais difficile pour lui de l’interrompre. Je suis prête à parier qu’elle ne s’en serait peut-être pas aussi bien sortie si elle n’avait pas été énervée juste avant par les remarques négatives sur son bébé volant. La colère, l’humour, la raison et le mutisme sont autant de façons que de personnalités de faire face à ce genre de situation. Tous s’en sortent parfaitement. Sans compter que le montage joue un jeu savoureux lorsque la question off adressée à la personne suivante se superpose à l’image de celle d’avant. Inara parle de Mal, la question est « Vous l’aimez ? » et évidemment le spectateur fait un rapprochement direct, connaissant ses sentiments inavoués pour lui. En réalité c’est à Zoe que s’adresse cette question, qui concerne son mari. C’est court, mais c’est bon. Mention spéciale à Doug Savant qui est parfait dans son rôle de Commandant de l’Alliance, à la fois intelligent, strict et assez drôle quand il est déconcerté. Dommage qu’un si bon acteur soit si souvent sous-exploité (même quand il joue les Maris Désespérés).
Dans la catégorie des plus amples informations, on retiendra que l’Alliance est au courant que les deux fugitifs seraient à bord d’un Firefly depuis les évènements survenus dans le Pilote. Souvenez-vous de cet agent se faisant passer pour un passager qui avait suivit Simon et envoyé un signal depuis Serenity, avant de tirer sur Kaylee. Les soupçons sur le fait que toute l’Alliance n’est pas au courant de la raison pour laquelle les Tam sont recherchés se confirment, et par conséquent que ceux ayant fait subir des expériences à River font partie d’une branche spéciale du gouvernement, encore plus haut placée.
Petit tour d’horizon des personnages
Jayne nous démontre qu’il n’est pas si stupide que ça parfois puisqu’il fait des remarques pertinentes sur les gens et les situations. Mais bien sûr elles sont enrobées de sa « délicatesse » et il les utilise plutôt pour enfoncer les gens. Et faut l’avouer, c’est poilant !
Mal prouve encore une fois qu’il n’est pas le leader pour rien. Il a bon cœur mais il est réaliste et pense aux intérêts communs du groupe avant tout. Aider les autres c’est bien gentil, mais si ce n’est plus possible autant en profiter pour récupérer ce qui reste de valeur. Il a les pieds sur terre (au sens figuré évidemment) et sait bien qu’ils n’ont aucune idée de quand ils auront un autre travail qui leur rapportera de quoi vivre et continuer à voler. Bien qu’il ne se serve pas toujours de sa tête et ait tendance à frapper avant de réfléchir. C’est un petit peu sa solution à tout et les conséquences peuvent être bonnes ou mauvaises. Son côté violent est ce qui lui permet de survivre et la guerre n’a sûrement pas arrangé les choses (si ce n’est pas elle la cause). Alors que ce soit pour sauver sa peau, celle de quelqu’un d’autre ou même pour le bien de la victime, c’est plutôt instinctif chez lui. En tout cas les résultats auront ici été bénéfiques puisqu’il aura permis à tout son équipage d’être relâché. C’est pour eux qu’il a sauvé la vie d’un soldat de l’Alliance, qui est tout ce qu’il exècre. C’est sûrement difficile à accepter pour lui, mais apporter son aide était le seul moyen qu’il avait. Son équipage, voilà sa priorité. C’est bien parce qu’ils en font partie qu’il a protégé River et Simon. Son équipage avant tout...
River se dévoile un peu plus à chaque épisode et c’est tant mieux. Elle a une perception tellement accrue qu’on se demande si c’est dû à son génie...ou à des dons psychiques. Les expériences des hommes aux gants bleus concernaient-elles son intelligence uniquement ou le développement de capacités paranormales ? Si c’est le cas, de quoi d’autre est-elle donc capable ? Ce qui est sûr pour le moment c’est qu’elle ressent des choses au même moment que la victime (ou à l’avance) et clame entendre des voix. Dans le genre inhabituel elle se pose là. Sans compter qu’elle se rapproche du vaisseau et de ses habitants par son allure fantomatique et mystérieuse. Elle se déplace pieds nus dans sa robe flottante, ses longs cheveux au vent, avec la grâce d’une ballerine (pas étonnant me direz-vous, vu que Summer Glau en est une. Il n’empêche). Les rayons de lumière blanchâtre lors de son arrivée dans l’épave accentuent d’autant plus cet effet étrange. River est une petite fille perdue dans le corps d’une adulte que l’on a forcée à grandir trop vite. Son côté enfantin est particulièrement bien illustré lorsqu’elle admire l’espace et demande ensuite à y retourner. Tout comme les victimes des Reavers, elle aussi est la proie de prédateurs, bien qu’ils soient d’une espèce bien différente mais tout aussi dangereuse.
Mal a beau en avoir rien à cirer de la religion et de la philosophie de Book, il l’écoute quand même (du moins il l’entend et prend en compte son opinion). Book est comme j’avais déjà dit la figure paternelle, c’est le plus âgé, le plus sage...et donc le plus ennuyeux (eh oui c’est ça les parents, ça fait des leçons de morale). Je serais Mal je l’aurais largué sur n’importe quelle planète depuis longtemps car je ne le trouve pas franchement indispensable. Si Firefly devait avoir un boulet, pour ma part ce serait lui. Mais comme il présente quelques petits points intéressants et joue parfois un vrai rôle dans la trame (c’est rare mais ça arrive), je vais être gentille et dire que Book est un semi-boulet (n’en déplaise à ses fans). J’apprécie tout de même ici sa réflexion sur le fait que les Reavers sont bel et bien des Hommes. Certes ils sont restés éloignés de toute civilisation et auraient dégénéré mentalement et physiquement (à cause de leurs automutilations et de la vie dans l’espace), mais ils n’en font pas moins partie de l’espèce humaine et il faut bien l’admettre. Ce que dit Book, c’est que qualifier de monstres les gens capables des pires atrocités c’est en revenir à se voiler la face et risquer que cela se reproduise. Ce qui est parfaitement démontré avec le survivant qui finit par recréer le comportement de ses bourreaux. J’avoue que j’apprécie ce genre de dialogue frappant un grand coup dans notre société qui a tendance à déshumaniser les criminels pour se rassurer. C’est pas Law and Order mais le message passe bien sans être lourd pour autant. Qui plus est cette démystification se fait à travers la bouche d’un homme de religion, ce qui est plutôt osé aux Etats-Unis. En tout cas les différents points de vue apportés sur la question par Book et Mal amènent à se poser des questions sur la définition d’Etre Humain, la façon de percevoir et de traiter les criminels et leurs victimes. Je vous aurais bien retranscrit le débat que j’ai eu avec un ami à propos de ce dialogue, mais ça aurait fait trois pages. En quelques phrases on nous donne matière à philosopher. Les méninges des scénaristes ne chôment pas !
Les Reavers sont donc à eux seuls une grande source de réflexion. Leur avantage scénaristique étant que le doute concernant leur humanité permet de créer des ennemis d’aspect un peu fantastique sans pour autant avoir des extraterrestres. Le fait de ne jamais les montrer, ni à nous ni aux autres personnages, ajoute aux questionnements sur leur nature. Cette peur de l’étranger traitée à travers eux n’est évidemment pas anodine dans une série datant de l’après 11 Septembre. On a beau être dans un monde futuriste, les préoccupations évoquées font bien partie du présent.
La scène culte
Impossible de ne pas tomber en admiration devant la scène où River et Simon se cachent accrochés à Serenity. Ce magnifique zoom arrière passe des soldats cherchant dans le vaisseau à l’extérieur où se trouvent Simon et River, pour enfin montrer l’énorme vaisseau de l’Alliance autour d’eux avec pour décor l’infini. Ils ont l’air si petits et perdus dans cet immense univers que ça donne le vertige. Cette scène est accompagnée d’une partition magnifique du compositeur attitré de la série Greg Edmonson (qui est toujours excellent, mais c’est encore plus frappant durant cette séquence). C’est incroyable de s’imaginer à leur place. River est ravie face à ce spectacle, et je la comprends ! (En même temps c’est facile, planquée derrière mon écran télé. Dans une situation identique je ne dis pas que je réagirais pareil). Cette scène est une vraie surprise car il est quasiment impossible de la voir venir. Pourtant les indices étaient présents : Simon évoque précédemment à Jayne sa fascination du néant mêlée de peur, et celui-ci se moque de son scaphandre peu après. Le néant et le scaphandre seront finalement les éléments permettant de le sauver avec sa sœur. S’il ne fallait garder en mémoire qu’un passage de Bushwacked ce serait sans conteste celui-ci. Il en remettrait presque le zoom à la mode !
Un bon épisode qui joue sur un registre plus tendu et dont l’intrigue s’éloigne déjà du “boulot de la semaine”, prenant pour centre les deux grands ennemis de Serenity : l’Alliance et les Reavers. La série prend vraiment son envol en nous offrant une intrigue plus forte et surtout bien plus sombre. J’ai beau chercher, je ne vois aucune raison de s’arrêter de regarder en si bon chemin.
LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires


