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3.12 - War Of The Coprophages

Cafarnaüm

lundi 19 janvier 2004, par Sygbab

On se plaint souvent qu’à la LTE les reviews sont tellement en retard qu’on ne se souvient même plus de l’épisode en question. Pour celui-là, pas de problème : il est mémorable.

Ah, les cafards, ces jolies petites bestioles complètement répugnantes... Je me demande bien qui les aime, tant leur réputation est mauvaise (tout comme leur odeur d’ailleurs). Et je me demande bien si quelqu’un avait imaginé un jour voir un épisode centré sur ces insectes, même dans X-Files, même dans un épisode parodique. C’était sans compter sur le génie brillantissime qu’est Darin Morgan (je sais, à force de le répéter ça en devient lourd, mais c’est quand même la réalité dans toute sa splendeur), capable d’écrire un scénario résolument déjanté tout en abordant des thèmes sérieux.

A pleurer de rire

Comment ne pas trouver cet épisode hilarant ? Déjà, l’introduction est exceptionnelle, avec ce speech décrivant le cafard comme un être parfait selon les critères de l’évolution, effectué par... un exterminateur d’insectes, qui estime que l’homme est un Dieu par rapport à ces créatures insignifiantes. Pour ensuite être apparemment tué par ces mêmes insectes. On appelle ça l’ironie du sort, je crois. La suite, c’est aussi une rapide chronique de la vie quotidienne des deux agents quand ils sont en week-end : Mulder, soi-disant hors de chez lui parce que son appartement est en cours de fumigation (c’est plutôt une excuse commode), passe son temps à scruter le ciel à l’affût du moindre OVNI, pendant que Scully mange devant la télé et lave son chien Queequeg... Une vie passionnante pour eux donc, largement tournée en dérision par Morgan.

Son esprit débridé va plus loin encore : dans son optique de toujours utiliser les fondements même de la série dans un schéma parodique, il s’attaque à la fameuse opposition entre science et paranormal, qui est le sel de ces premières saisons. Et pour une fois, Mulder est complètement paumé, il ne sait rien de ce qui se passe (et le docteur qui s’occupe de ses doigts - abîmés à cause de l’exosquelette en métal des cafards - lui en veut de ne rien savoir, à tel point qu’il en est constipé et qu’il en meurt... bah oui, à force de trop pousser aux toilettes il a fini par avoir un anévrisme cérébral ; bonjour la mort ridicule) ; surtout que toutes les morts survenues ne sont pas le fait des cafards étant donné que les explications scientifiques que Scully lui a données au téléphone se sont révélées exactes. Le shérif lui donne une piste en lui parlant de recherches secrètes qui seraient menées dans un bâtiment gouvernemental appartenant au Ministère de l’Agriculture. Selon lui, le gouvernement serait en train de développer des cafards tueurs... Qui a dit que Darin Morgan se moquait gentiment de la thèse conspirationniste ?

Mais ce n’est pas fini pour les deux partenaires qui en prennent pour leur grade. Quand Mulder s’aperçoit que celui qui mène les recherches sur les cafards est en fait une jeune et très jolie jeune femme (allez, osons le dire : une véritable bombe sexuelle), il devient complètement gaga. Lui qui hait les insectes, voilà qu’il les aime tout à coup et qu’il trouve passionnantes les recherches de Bambi. Minable, mais tellement bon. Tellement transi qu’il en serait prêt à croire sa théorie selon laquelle les OVNI ne sont en fait que des essaims d’insectes passant dans un champ électrique. Encore une idée décalée sortie tout droit de l’esprit dérangé de Darin Morgan, et encore basée sur un des éléments fondamentaux à la série (non non, je ne suis pas insistant sur ce point). Scully, elle, décide de rejoindre Mulder, pour l’aider à résoudre le mystère des cafards, mais c’est également parce qu’elle est un petit peu jalouse du fameux Dr Berembaum dont Mulder est le nouveau fan. Ca crève les yeux que ça l’ennuie fortement, et c’est fort drôle. En tout cas, quand elle arrive en ville, elle débarque dans le chaos le plus total car un mouvement de panique s’est créé autour de la rumeur des cafards tueurs... ce que Mulder avait prédit à l’hôpital en demandant au shérif de garder ses théories à la noix pour lui. On en rit parce que c’est ridicule, mais l’homme est tellement stupide qu’une simple rumeur peut parfois avoir des conséquences énormes...

On peut aussi citer d’autres gags comme le cafard traversant l’écran au beau milieu de l’épisode, histoire de faire flipper le téléspectateur, ou encore la scène où le Dr Eckerle, dans son délire parano, prend Mulder pour un cafard alors que le téléphone portable de ce dernier sonne, reproduisant ainsi le bruit des insectes. Mais faire une liste exhaustive n’est pas d’un grand intérêt, il suffit juste de savoir que cet épisode est bourré d’idées loufoques. Je vous le dis, Darin Morgan est un fou furieux. Mais ça ne l’empêche pas de véhiculer un message précis.

Le mystère des cafards

Après avoir rencontré Bambi, Mulder va se retrouver chez le Docteur Alexander Ivanov, spécialiste de tout ce qui a trait à l’intelligence artificielle. Ce dernier consacre son temps à créer des robots doués d’intelligence, et a réussi là où tant d’autres ont échoué. Tout simplement parce qu’il n’a pas tenté de recréer le cerveau humain - trop complexe - mais qu’il a utilisé le comportement des insectes comme modèle, c’est-à-dire la réaction aux stimulii extérieurs. Ainsi, les programmes implantés sont constitués d’actions élémentaires, comme "va vers l’objet", "éloigne toi de l’objet". C’est ensuite au programme de déterminer quelle action effectuer en fonction de l’environnement extérieur, que le robot connaît grâce aux capteurs sensoriels dont il dispose (évidemment, tout est transformé en données exploitables par le programme). Il travaille en fait pour la NASA et explique qu’à terme, ce genre de robots est l’avenir de l’exploration spatiale, le seul petit ennui étant la source d’énergie qui leur permettra de continuer à fonctionner. Aujourd’hui, c’est effectivement la manière la plus sûre de mener des recherches sur d’autres planètes, et c’est grâce à ça que l’on sait qu’il y a bien eu de l’eau sur Mars. C’est donc appréciable de revoir cet épisode de nos jours puiqu’il fait un état des lieux des recherches menées dans ce domaine, qui ont depuis abouti.

Le lien est tout trouvé avec les cafards. Insectes, comportement élémentaire, robots explorant l’espace, théorie de Scully confirmée par Bambi selon laquelle c’est une nouvelle race de cafards qui aurait proliféré à partir du fumier dont le Dr Eckerle utilise les émanations de méthane pour ses recherches sur les carburants de combustion... C’est clair comme de l’eau de roche pour Mulder : les cafards sont en fait des robots envoyés par une intelligence extra-terrestre pour explorer notre planète, et le fumier leur sert de source d’énergie inépuisable puisque la Terre est peuplée d’êtres qui produisent des excréments... Théorie complètement farfelue qui néanmoins regroupe tous les éléments évoqués dans l’épisode et se tient malgré tout... D’après lui, les cafards n’étaient là qu’en observateurs sur les lieux de chaque « crime ». Voilà, Fox (Bambi l’appelle par son prénom, ce qui n’a pas l’air de plaire plus que ça à Scully) a enfin une idée de ce qui se passe, mais pour le coup il est encore moins crédible que d’habitude.

Bref, le propos de l’épisode prend une tournure inattendue par rapport à ce que l’on aurait pu penser. Et pourtant, pourtant... Morgan annonce le thème à venir dès le début de l’épisode, lorsque Mulder est dans sa voiture au téléphone avec Scully. Il lui demande alors si elle ne regarde jamais le ciel en se demandant si là-haut, une intelligence extra-terrestre ne fait pas de même (i.e. scruter le ciel en se posant la même question). Ce à quoi sa partenaire répond que c’est improbable et de plus complètement anti-darwinien. Mais cette histoire de cafards fait réfléchir Mulder qui, une fois n’est pas coutume, a le mot de la fin et expose le thème de l’épisode... en écrivant un rapport sur son pc, ce qui est un autre clin d’oeil aux fans de la série plutôt habitués à voir Scully pratiquer cet exercice. Je ne peux résister à la tentation de recopier le texte, parce que non seulement il est suffisamment explicite et lié à deux des thèmes principaux de la science-fiction (l’intelligence artificielle étant la prochaine étape de l’évolution et la sempiternelle interrogation concernant des intelligences extra-terrestres existantes ou non), mais parce qu’en plus il me mâche le travail :

Le cortex cérébral est la suprême réussite des processus d’évolution. La belle affaire. S’il nous offre l’intelligence et la conscience, il est, trop souvent, dominé par notre cerveau instinctif : celui qui nous dit de réagir et non de réfléchir, de courir et non de méditer. Peut-être que le prochain pas en avant sera franchi par des êtres que nous aurons créés avec notre propre tech... tech... tech... Bam ! technologie*. Des créatures que nous auront programmées pour qu’elles ne soient pas soumises aux lois de la survie. Peut-être que ce pas a déjà été franchi d’ailleurs par des êtres qui ont une immense avance sur nous. S’ils nous rendent visite, saurons-nous les reconnaître ? Et ne seront-ils pas horrifiés en découvrant des créatures aussi laides, stupides et primitives ?

Horrifiés comme un Mulder découvrant l’existence des mantes religieuses sur Terre ? Tellement horrifié qu’il les déteste. Après avoir fini de taper ce texte, il est d’ailleurs surpris parce qu’il en voit un dans l’assiette rempli des gâteaux dont il est en train de se goinfrer. Sa première réaction est de prendre un bouquin pour l’écraser, avant de se raviser parce que c’est peut-être un robot venu de l’espace, mais finissant par se laisser gagner par sa haine de ces bestioles. Une belle façon de conclure puisque cela met parfaitement en valeur le passage du texte de Mulder concernant les réactions instinctives.

Un dernier petit détail : Darin Morgan fait deux références directe à des dialogues de La Planète des Singes, où les singes sont le pas suivant de l’évolution, et prouve son amour pour la science-fiction malgré ses idées totalement décalées.

L’anecdote

Parce qu’on n’en dit jamais assez sur cet épisode, il aurait été dommage de rater cette petite histoire, surtout qu’il en est question à plusieurs reprises dans les bonus DVD de la saison 3. Kim Manners est en train de filmer la scène où le docteur pousse trop dans les toilettes pendant que des cafards se baladent un peu partout. Malheureusement, c’est très dur de diriger une troupe de cafards acteurs, et Manner doit recommencer la scène une multitude de fois. Au bout d’un moment, excédé, il va directement voir les cafards et leur dit, d’une voix très sérieuse, d’arrêter leurs conneries et de jouer la scène comme il le demande. Et là, miracle, la prise suivante est la bonne... Ca ne s’invente pas.

*C’était pour reproduire le gag qui consiste à faire planter l’ordinateur, obligeant Mulder à lui taper dessus pour qu’il reparte comme en 40...


Que rajouter à tout ce que je viens de dire ? Juste trois mots : merci Darin Morgan.