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3.04 - Nobody Sleeps
Des Poils et des hommes
Sur Un Air D’Opéra
dimanche 19 octobre 2003, par
Ruth découvre qu’elle adore se faire masser les pieds, Rico apprend que Dave se rase les poils pubiens, la tension monte entre Claire et Russell, Nate est en plein Œdipe. Et le mort de la semaine baisait comme un castor. Bref, un épisode sexe.
Le mort de la semaine
Un groupe d’amis gays regarde une vieille série à la télé (désolée, je connais pas le titre, c’est la série avec la petite fille qui a les tresses. Non, pas La Petite Maison dans la prairie). On remarque en particulier un couple, dont l’un des deux partenaires est en pijama et a un tuyau dans le nez, à l’évidence il est mal en point, mais ça n’enlève rien à la bonne humeur de la scène, parce que tout le monde commente la série à haute voix et se marre. A un moment, le partenaire du malade se penche vers son ami et constate qu’il vient de décéder. De la mort probablement la plus douce qui nous ait été montrée depuis le début de la série, dans une atmosphère de chaleur, d’amour et d’amitié (désolée, ma grand-mère s’est encore emparé de mon esprit). Ce mort de la semaine va, encore plus par exemple que dans l’épisode précédent, permettre aux personnages d’envisager certaines questions différemment, mais on y reviendra plus tard. A noter également qu’il sera expliqué plus tard que le gars est pas mort du SIDA, mais d’une maladie cardiaque. Ca a pas vraiment d’importance pour l’intrigue, mais bon, c’est pas plus mal de rappeler que les gays ne meurent pas QUE du SIDA.
Ruth se fait masser les pieds
L’épisode est marqué surtout par la célébration de l’anniversaire de Ruth (non, on ne nous dit pas quel âge elle a). Lisa en effet a décidé d’organiser une fête à cette occasion, et ce malgré les réserves de Nate et Dave, qui pensent que leur mère n’a jamais été branchée par ce genre de trucs. Sauf que Ruth a bien changé depuis l’époque où elle leur faisait prendre leur bain, et, même si elle est un peu déstabilisée par l’organisation de la soirée, elle est finalement plutôt contente qu’on fête son anniv’. Faut dire qu’en plus de Lisa, Bettina elle aussi a fait le forcing. Et décidément je hais ce personnage. Je veux qu’elle vire, et vite. Elle rend le personnage de Ruth insupportable, caricaturée dans son rôle d’ado qui découvre la vie à 60 ans. Ses seules bonnes scènes ne sont que celles où elle est avec Maya, parce que ça la rend touchante, et qu’au lieu de se diluer dans la niaiserie comme Nate, par exemple, elle gagne en émotivité, on a l’impression de retrouver une Ruth à fleur de peau, comme quand elle était plus jeune peut-être. Beaucoup plus que dans ses scènes un peu nazes avec Bettina, dont le seul moment amusant de l’épisode a été sa phrase à Lisa « Ah oui, j’ai entendu beaucoup parler de vous ! En tous cas, Ruth vous préfère largement à celle d’avant ! ».
Lisa s’occupe donc de la bouffe, et la soirée est rondement organisée. Tout le monde est là sauf Claire, qui avait une conférence à son école d’art (et n’avait de toutes façons pas très envie d’assister à cette soirée). On découvre un Keith très à l’aise en société, plaisantant et flirtant pour de faux avec Bettina, Lisa essaie de tout bien faire mais finit par se lâcher un tout petit peu, quant à Ruth elle est carrément aux anges. Seuls Nate et Dave ne se sentent pas vraiment bien, ils n’ont pas vraiment l’habitude de voir leur mère (et Keith) comme ça, et ça les déstabilise pas mal. Ils auraient peut-être voulu garder de Ruth l’image de la mère et rien d’autre, ils auraient peut-être voulu éviter qu’elle ne redevienne une femme dont la vie ne tourne pas qu’autour de ses enfants, mais il me semble qu’avec l’histoire du coiffeur, puis de Nikolaï, ils devraient commencer à s’y faire, non ?
Nate fume en cachette
Et quand Lisa se met à masser les pieds de Ruth (il a un truc avec les masseuses ou quoi, Nate ? Et les scénaristes, ils ont quoi avec les pieds ?), Nate commence à se sentir vraiment très mal. Il se met à imaginer Ruth en extase, et Lisa avec un air pervers tandis qu’elle s’occupe des pieds de sa mère... Faut dire que Nate a pas un épisode facile. Ca a commencé très mal alors qu’en se réveillant il s’est penché dans le lit vers Lisa endormie et a vu à sa place Ruth lui faisant un large sourire. Un peu plus tard dans l’épisode, alors que les deux femmes faisaient la cuisine, Nate rentre dans la pièce et les deux se retournent vers lui dans le même mouvement, et quasiment dans les mêmes fringues (même couleur, même forme, même tablier). Interchangeables. Bref, Nate gamberge pas mal, le sens de ses hallucinations est plutôt limpide cette fois, et la série continue : angoissé à mort par tout ça, Nate quitte la soirée d’anniversaire et va fumer une clope à l’extérieur. Ensuite, il se change de chemise et fait un bain de bouche pour pas que Lisa puisse sentir l’odeur et deviner son crime. Quand elle lui demande pourquoi il s’est changé il lui dit qu’il a renversé un truc sur sa chemise, et elle lui répond « Ahlala, quel empoté tu fais ! Mais tu es mon empoté ! ». Elle lui parle comme à son fils, et Nate se comporte d’ailleurs comme tel, essayant de cacher à sa « mère » qu’il fume, d’où les hallucinations (d’autant que Lisa est la mère de sa fille). Nate nage donc en pleins flips psycho.
Puisque c’est l’anniversaire de Ruth et que tout le monde est là (même Maya), il semblerait logique que le père Nathaniel revienne dans les parages, et c’est ce qu’il fait, mais il ne sera visible qu’aux yeux de Nate, qui est parti faire une petite sieste pendant que les autres dansent en bas (ou en haut, je sais plus). Nate cauchmarde donc un dialogue avec son père, qui lui explique qu’il est en train de prendre la même voie que lui : il a épousé une femme parce qu’il l’avait mise enceinte, est entré dans le business Fisher contraint et forcé... Nathaniel lui prédit même qu’il va bientôt faire comme lui (voir le debut de la série) et louer une chambre d’hôtel miteuse pour pouvoir être tranquille de temps en temps. Nate refuse ce destin tout tracé, et hurle que lui est différent, et qu’il aime sa famille. Et son père d’asséner : « Imbécile, crois-tu que je serais resté si je n’avais pas aimé ma famille moi aussi ? ». Une vie de merde, un destin pourri, mais auquel on peut pas échapper parce qu’on s’est piégé soi-même, et que la fuite est impossible. Ca calme. Et ce qui calme aussi, c’est le talent des scénaristes.
Nate termine son calvaire (dans cet épisode en tous cas, parce que je doute que ça se calme dans les prochains) dans une scène avec Lisa (évidemment). Maya est dans sa balancelle (si quelqu’un pouvait m’expliquer pourquoi ces petites balancelles me flippent autant, ce serait bien. Parce que quand je vois un bébé dans un truc comme ça, j’ai l’impression qu’il va se faire enlever, tuer ou qu’il va lui-même se transformer en Chucky et exterminer tout le monde), Lisa range des fringues (de bébé, bien sûr) et Nate arrive tout content pour lui dire qu’il est ravi que ça marche entre eux, qu’ils y arrivent. Lisa, surprise (et on la comprend, un type qui me dirait ça moi je serais pas très rassurée) lui demande si c’est si dur que ça pour lui, pour qu’il en parle comme de l’escalade de l’Everest. Il s’enferre un peu mais s’en sort en disant que non non, et qu’il est juste content que tout aille bien. Lisa, rassurée (en tous cas en apparence), s’agrippe à lui en lui disant que tant mieux, parce qu’elle l’aime tellement. Et là, faut voir la tronche que tire Nate, à l’ évidence flippé par l’aveu de sa femme. Bon, apparemment le cauchemar de son père n’a pas suffi, je me demande ce qu’il va lui falloir pour qu’il prenne enfin conscience qu’il faut qu’il se tire, qu’il arrête de massacrer sa vie avec Lisa. Peut-être un retour de Brenda ?
« Je suis un artiste, moi, Monsieur ! »
Du côté de Claire par contre, ça va plutôt bien. Elle a l’air d’avoir bien digéré sa rupture avec Phil, elle en parle même avec Lisa ( !), qui lui dit qu’il faut parfois savoir attendre, avec les garçons. C’est sûr, elle sait de quoi elle parle, se contentant des miettes qu’a bien voulu lui laisser Nate, et finissant, à force de patience, à l’avoir pour mari et père de sa fille. Mais Claire, elle, ne voit pas les choses comme ça : attendre, mais attendre quoi ? La conversation est plaisante, mais ça se gâte quand Lisa reproche à Claire de ne pas venir à l’anniversaire de sa mère, alors que Ruth l’a dispensée de bon cœur de cette soirée, et l’a vivement encouragée à aller à cette conférence avec son prof. De quoi elle se mêle, Lisa ?
Claire se rend donc à sa conférence. Bon et là ça devient compliqué (ou peut-être pas), ça parle d’art, de démarche artistique, d’artistes, en long en large et il est parfois difficile de voir où ils veulent en venir. Ca sombre souvent dans la caricature de l’artiste et du milieu artistique, et c’est volontaire. Mais c’est parfois crispant. Bon donc Olivier et le conférencier (un grand ami à lui) entraînent Claire et Russell dans un bar. Et ça sent le traquenard à plein nez, les deux vieux briscards prêts à se marrer aux dépens des deux apprentis artistes. Ca ne tourne finalement pas si mal que ça pour les deux jeunots, mais leur prof les manipule pas mal, encense et casse l’un ou l’autre, et au final les met en position de fragilité. Le personnage d’Olivier est d’ailleurs difficile à cerner, est-ce un mec bien qui essaie de tirer le meilleur des élèves et de les encourager, à sa façon brutale ? Ou se fout-il de leur gueule ? Quand il leur demande pourquoi ils veulent être artistes, Claire répond qu’elle a mal, et Russell qu’il ne saurait pas comment faire autrement. Le pote trouve ces discours ridicules, il parle de romantisme artistique à deux balles, tandis qu’Olivier a l’air de trouver ça plutôt bien. Moi, je ne sais pas.
Ce que je sais, c’est que Russell me gonfle sévère. Lui, y’a pas photo, c’est vraiment la caricature de l’artiste, dans tout son ridicule et tout son ronflant. Après la soirée avec les deux autres, Claire et lui vont traîner dans les rues, et, à propos de Van Gogh et de son oreille coupée, Russell déclare que tous les artistes sont des cinglés. Le cliché à deux balles, quoi. Claire est pas d’accord, elle n’est pas prête à aller jusque là, elle sait qu’elle ne se coupera jamais une oreille, et face à l’abnégation de certains artistes, elle se demande si elle-même en est une. Bref, elle se pose plutôt les bonnes questions, tandis que Russell ne s’en pose finalement aucune, il est pétri de convictions. Il en rajoute une couche dans le cliché quand il dit à Claire que ça devait être génial de vivre dans un funérarium, que lui aurait adoré ça, parce que c’est tellement « weird ». Et les gens en larmes au rez-de-chaussée tous les jours ce devait être super cool aussi, connard. Bref, Claire elle trouve que c’était plutôt l’enfer, et c’est justement parce qu’elle trouvait que c’était dur qu’elle a voulu sublimer ça par l’art. Si elle s’était contentée de trouver ça cool et original, elle serait devenue une pseudo-artiste à deux balles. Une Russell, quoi. A noter aussi qu’il la regarde avec des yeux de merlan frit, et lui dit ne pas être gay (il est pas gay, il est rien, moi je crois). Et qu’elle lui dit le trouver sexy ( ? ? ?). Bref, il va y avoir un truc entre eux, et ça me fait mal de le dire. Espérons que ça se passe mal, ou très vite, on règle ça en un épisode, Claire se rend compte de l’abruti que c’est et le largue.
Jusqu’à ce que la mort nous sépare
L’amoureux du mort vient donc chez les Fisher pour le faire enterrer, et demande s’ils voudraient bien accepter que lui et ses amis fassent toute une mise en scène pour la cérémonie. C’est que tout ce petit monde évolue dans le milieu du thèâtre et de l’opéra, et le gars aimerait bien recréer tout un décor et de la musique autour du cercueil, lors de la cérémonie. Les Fisher acceptent évidemment, mais Rico fait son grognon et finit par se mettre à ricaner en racontant avec de grands gestes un opéra qu’il a vu un jour avec Vanessa, et qu’ils ont trouvé très ridicule, des costumes aux décors en passant par les chanteurs. Ca fait beaucoup rire Nate, qui a l’air de partager son opinion sur la question, mais moins Dave, grand amateur, et qui en plus voit dans ces ricanements un regain d’homophobie de la part de Rico, qui a l’air sincèrement surpris, et lui dit qu’il trouve pas ça gay, mais simplement stupide. Faudrait que Dave se calme un peu avec sa parano anti-gay.
Les Fisher laissent donc la voie libre aux décorateurs. Le petit ami du mort leur explique qu’ils étaient ensemble depuis 22 ans, au prix de beaucoup d’efforts et d’un vie sexuelle libre. Dave a du mal à envisager de pouvoir rester 22 ans avec quelqu’un (et après il fait une crise à Keith parce qu’il veut pas d’enfants), Nate lui trouve ça facile quand on a pas à rester fidèle. A la place de Keith et de Lisa, je m’inquièterais.
Pendant l’embaumement du corps, Rico se rend compte que le mort a un Prince Albert (plusieurs, même, puisqu’on voit l’objet du délit, finalement on EST dans Oz). Il a le malheur d’interroger Dave là-dessus, et aussi sur le fait qu’ils ont eu récemment beaucoup de cadavres de mecs avec les poils pubiens rasés. Et Dave de s’emporter, encore une fois, et de répondre à Rico bien au-delà de ses attentes, et enfin de lui révéler (alors que le pauvre Rico ne lui en demandait pas tant) que lui aussi se rase, afin que Keith n’ait pas de poils coincés entre les dents. Le tout sur un ton très énervé, alors que Rico était juste un peu curieux, il ne jugeait même pas, il vient simplement d’un milieu où tout ça n’a pas vraiment cours. Et paradoxalement c’est Dave dans cette scène qui apparaît comme moins tolérant que Rico.
En tous cas, pendant l’enterrement, tous les deux sont gênés lors du discours de l’amoureux de Bob (le mort), puisqu’il explique avec humour aux amis présents qu’ils connaissaient presque tous bibliquement Bob, et qu’il le sait puisqu’il était là. Seul Nate n’a pas l’air surpris, encore moins choqué, et le message est limpide : tout ça n’est pas une question de sexualité, mais d’individus, et Rico et Dave sont probablement aussi coincés l’un que l’autre en la matière, même si c’est de façon différente. Nate a plus de vécu derrière lui, disons. Le discours se poursuit, très touchant : le gars est ravagé de douleur et dit pourtant se considérer comme très chanceux d’avoir pu partager la vie de Bob pendant aussi longtemps. Même Rico semble ému, et il l’est encore plus quand un chanteur d’opéra monte sur l’estrade et commence à entonner un air de Turandot. Nate-le-fan-de-Beck lui aussi est ému.
Et à travers l’histoire de Bob, l’infidélité apparaît comme le seul moyen d’avoir une vie de couple réussie. Voilà qui va probablement faire reflechir Dave, même si ça l’a choqué au départ. Il me semble d’ailleurs qu’au tout début de la série, David avait dans l’idée de partager un garçon avec Keith, et celui-ci refusait. Je ne suis pas sûre du tout que ce soit ça, l’histoire, mais en tous cas il y avait quelque chose dans le genre. Et quand on regarde Queer as folk, ma foi on a plutôt envie d’y croire, à cette histoire de couple libre, puisque ça marche pas mal du tout entre Brian et Justin. Reste à savoir si c’est transposable aux couple hétéros.
L’épisode se termine donc avec la musique de Turandot, et tous les personnages vivent un moment de grâce : Dave rentre chez lui et éclate en sanglots dans les bras de Keith (il lui dit être terrifié à l’idée de le perdre) ; Claire dit à Ruth s’être sentie heureuse pendant la soirée de la veille, et toutes les deux, ravies, décident d’aller faire un tour au musée ensemble ; Rico a été touché par la musique et le discours. Tous les personnages ont donc appris quelque chose pendant cet épisode, ils sont devenus plus « grands ». Tous, sauf Nate qui, même s’il a enfin découvert les vertus de l’opéra, ne finit pas l’épisode sur une touche positive. Au contraire, il s’enferre de plus en plus dans son histoire avec Lisa.
Un joli épisode, avec une belle fin, et un mort de la semaine qui apporte beaucoup à l’intrigue. De bonnes scènes, aussi, notamment le cauchemar de Nate. Je mettrais donc un 7,5 à cet épisode, mais comme les décimales sont pas autorisées (c’est des fascistes, à la LTE), j’en reste à un 7 un peu mesquin, mais qui compensera le 7 généreux de l’épisode précédent.
LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires