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1.19 - Deus Ex Machina

Crise mystique

samedi 6 août 2005, par Yerno

Aujourd’hui, mes amis, si vous le voulez bien, replongeons-nous dans le passé de Locke, à l’époque où il n’était pas encore une loque... (je sais, elle était d’une facilité affligeante) Locke avait donc des cheveux, tenait sur ses deux jambes sans même se trouver sur une île miraculeuse, et découvrait les secrets de sa famille. Un épisode centré sur ce personnage fascinant promettait forcément d’être intéressant... même s’il faudrait prendre garde à ne pas faire de ce personnage fascinant une caricature de lui-même.

Ce qui se passe sur l’île...

Ca fait un bon moment qu’on se demande ce qui se cache derrière cette mystérieuse porte au hublot de verre. Ce n’est toujours pas aujourd’hui que nous aurons la réponse : même l’astuce très subtile de Locke ne parvient pas à briser la glace (oui, c’est ma journée « jeux de mots foireux »). Tout ce qu’il obtient, c’est se prendre un morceau de métal dans la jambe. Tout être humain normalement constitué aurait dû avoir mal, mais Locke ne sent rien, c’est Boone qui lui signale qu’il a une... écharde dans le mollet. Tout ceci n’est pas très rassurant... On s’était réjoui du fait que Locke pouvait de nouveau marcher dans l’épisode 1.04, mais cela semble compromis. Et on ne comprend pas vraiment pourquoi. Les choses, loin de s’arranger, s’annoncent au contraire très mauvaises pour notre ami philosophe, étant donné que même un bâton enflammé ne suffit pas à lui provoquer une légère douleur dans le pied.

Légèrement obsédé par cet état, Locke fait des cauchemars. Ou du moins, un cauchemar, durant lequel il a une vision. Cette scène est d’ailleurs assez effrayante... Boone est recouvert de sang, et ne cesse de répéter une phrase, sur Theresa, dont on apprendra davantage un peu plus tard. Locke voit sa mère. Un avion s’écrase sur l’île, un avion jaune. Locke est persuadé qu’il s’agit d’un message de l’île, que ce cauchemar n’est pas un hasard. Et compte tenu de ce qui se passe après - c’est-à-dire la presque concrétisation de tout ce dont il a rêvé - on ne peut que s’inquiéter avec lui. J’avoue que j’ai un peu décroché, avec toute cette histoire métaphysique. Certes, le mystère est très intriguant, mais les paroles limite prophétiques, ça va deux minutes... Pourtant, j’estime être un public très facile. En même temps, ce reproche cache un compliment, parce que, si Locke répétant toutes les trente secondes que l’île lui envoie des messages, ça m’a un peu agacé, j’aime cette idée de personnifier l’île, d’en faire un protagoniste à part entière. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Et pour moi comme pour certainement beaucoup d’autres personnes, le héros n’est pas Jack, le héros est une héroïne, et c’est l’île elle-même.

Partant de ce principe, l’île est-elle du côté des « gentils » ou des « méchants » ? Cette vision des choses n’est pas pour faire de Lost une série manichéenne et ne possédant aucune subtilité, mais simplement pour construire des repères afin de mieux les démolir après... Oui, c’est d’une logique infaillible. Plusieurs éléments nous poussent donc à faire de l’île une grande méchante : la présence d’Ethan, le fait qu’elle « punisse » Locke en le privant de l’usage de ses jambes, le fait qu’elle terrorise un peu tout le monde et que des tas de trucs bien glauques s’y déroulent (oui, je suis d’une précision à toute épreuve). Et pourtant, je n’arrive pas à la mettre totalement de ce côté. J’ai beau chercher, je ne trouve pas d’éléments qui me poussent à voir l’île comme un élément positif, mais il est clair qu’elle n’est pas totalement mauvaise, sinon, tous seraient déjà morts à l’heure qu’il est. L’île a le « pouvoir » de les tuer, mais elle ne le fait pas. Il y a une raison à ça.

J’ai l’impression de parler un peu comme Locke. Mais en fait, je crois que pour apprécier Lost, il faut vraiment se mettre dans cet état d’esprit, ne pas rester les pieds sur terre, et accepter le « style » de la série. Est-ce que ça veut dire pour autant rester passivement devant son écran et se délecter des nombreuses scènes d’action ? Non, évidemment que non. J’aime chaque épisode de Lost, parce que chaque épisode apporte quelque chose, que ce soit une grande révélation ou un tout petit élément qui pourra revenir plus tard, à un moment où l’on ne s’y attend pas.

Reprenons donc le fil des choses. Persuadé de recevoir des messages de l’île, Locke décide de suivre les traces qui lui ont été révélées durant son cauchemar, et finit par tomber sur l’avion jaune qu’il a vu s’écraser, après avoir découvert le corps d’un supposé prêtre nigérien. L’avion contient des dizaines (centaines ?) de statuettes de la Vierge Marie, qui elles-mêmes contiennent... je ne sais pas trop quoi, mais on dirait bien des sachets contenant de la drogue, même si ce n’est pas dit. C’est Charlie qui va être content. Tout de suite, on pense que l’avion appartient au supposé prêtre. Rien ne le dit, ça n’a peut-être pas de rapport direct, mais je suppose que la suite répondra à nos interrogations... Mais voilà, on déchante vite, lorsque l’avion s’écroule - il était suspendu... je le dis ici parce que je ne l’ai précisé nulle part, même si a priori vous avez vu l’épisode, sinon je vous condamne ! on ne lit pas une review sans avoir vu l’épisode ! ne savez-vous pas que les spoilers atteignent gravement la santé mentale ? - et Boone se retrouve recouvert de sang. Comme dans le cauchemar de Locke. Sauf qu’il ne se met pas à répéter cette phrase concernant Theresa - qui s’avérait être sa nourrice.

Boone n’a pas l’air en très bon état, mais super Jack va bien nous le soigner, hein ? Bon, même si ce n’est pas le cas, c’est pas très grave, Boone c’est quand même un peu un boulet...

L’épisode s’achève sur l’île envoyant un nouveau « message » à Locke. L’a-t-elle pardonné d’une faute dont on ignore tout ? Toujours est-il qu’une lumière s’allume derrière le hublot, et c’est très intriguant.

Petite chose appréciable : nous avons droit à notre dose d’humour. Sawyer souffre de mots de tête, il s’inquiète à propos d’une éventuelle tumeur au cerveau, étant donné que son oncle en est mort. Finalement, il a juste besoin de lunettes. J’ai particulièrement apprécié la scène où Jack lui annonce tragiquement ce dont il souffre :

Jack - You’ve got hyperopia.
Sawyer - Hyperopia... That’s... what is that ?
Jack - You’re farsighted.

Cette courte histoire apporte un peu d’air dans un épisode assez tendu. La recherche de lunettes est également très lourde, et je ne parle même pas du résultat de ladite recherche... Sayid nous fait une paire de lunettes absolument irrésistible.

Ce qui se passe dans les flash-backs...

Je n’ai trouvé les flash-backs de cet épisode ni particulièrement bons, ni particulièrement mauvais. Je les ai simplement trouvés... « étranges », j’expliquerai pourquoi dans cette partie. Mais avant toute chose, je voudrais noter deux points que je trouve intéressants. Tout d’abord, cet épisode semble être le négatif du premier consacré à John Locke. En effet, dans le premier, Locke était en fauteuil roulant dans les flash-backs et retrouvait l’usage de ses jambes sur l’île. Ici, Locke perd peu à peu l’usage de ses jambes, mais se trouve être en pleine santé dans les flash-backs. Ce jeu de contraste me paraissait important à souligner. Deuxième point, d’un point de vue purement technique, mais le rajeunissement de Locke est très bien fichu, je voulais donc simplement saluer les maquilleurs. Et puis, les cheveux quoi... Voilà, passons maintenant au contenu même des flash-backs.

Je suis terriblement partagé. Les flash-backs s’ouvrent sur Locke décrivant à un gosse son jeu préféré dans un magasin. Un jeu où il s’agit d’attraper une souris en construisant un piège pour le moins compliqué. Bon, ok, c’est parfaitement Locke, c’est dans la continuité du personnage : il aime les trucs où il faut faire preuve de ruse et de réflexion. Et il aimait déjà construire des pièges avant d’arriver sur l’île. Mais le véritable intérêt des flash-backs ne reposera pas sur la passion de Locke pour ce jeu, non, une femme est là, elle l’observe. Cette femme, c’est sa mère. Et elle lui dit qu’il a été conçu de manière immaculée. Là, si j’avais été en train de boire ou de manger quelque chose, j’en serais probablement mort. Mais ne vous réjouissez pas, je ne mange pas devant Lost (et je fais bien, la scène où Jack découvre le torse de Boone est un brin gore).

Sur le moment, j’ai été partagé, et je le suis toujours. D’un côté, ça me gênait terriblement, cette histoire d’Immaculée Conception... Je trouvais que c’était peut-être un peu trop filer la métaphore biblique. Mais d’un autre côté, je trouvais ça pas mal fichu en relation avec ce qui se passe sur l’île, parce qu’il s’agit tout de même d’un épisode très centré sur la religion, et qu’il était intéressant de s’imaginer que les flash-backs apportaient quelque chose à l’île. Ce n’est pas toujours le cas, je me suis donc fait une fausse joie... En même temps, si les flash-backs n’apportent au final pas grand-chose à ce qui se passe sur l’île, ils sont intéressants par rapport au personnage de Locke. On remarque déjà qu’il est porté sur le surnaturel, le mystique. D’accord, il ne croit pas sa mère, et il s’empresse de vérifier que son père existe bien. Cela fait partie du plan, mais ça, à ce moment-là, on ne le sait pas encore. Quelqu’un qui ne serait pas porté à croire ce que dit la mère se serait contenté de la prendre pour une cinglée et aurait continué sa vie sans être plus affecté que ça par ces mots étranges. Pourtant, Locke ne peut s’empêcher de vérifier. Alors il enquête. Et trouve l’adresse de son père.

Du coup, on se demande pourquoi la mère de Locke a dit une chose pareille. Mais on y reviendra plus tard. Locke rencontre donc son père, ils prennent un verre ensemble, puis le temps passe, ils chassent ensemble... En bref, une véritable relation père-fils est en train de se créer. Puis Locke apprend que son père souffre d’une maladie, qu’il aurait besoin d’une greffe de rein, mais que la liste d’attente est longue avant lui. Ni une ni deux, Perfect Locke se lance, et offre son rein comme cadeau (c’est sympa, mais un peu gore pour la déco, du coup, le père décide de se le faire greffer, ça choque moins les petits enfants quand c’est à l’intérieur). Et le père se casse. Sans même laisser un petit mot... « Merci pour ton rein, on s’appelle et on se fait une bouffe ? »

Sa mère lui apprend finalement que tout était prévu depuis le début. Elle avait bien appris son texte, elle l’avait poussé à aller voir son père, son père avait été suffisamment subtil pour ne pas lui demander son rein, mais il savait que Locke finirait par lui donner. Bref, notre ami philosophe doit l’avoir bien mauvaise. Surtout que son père refuse catégoriquement de le revoir...

Pourquoi suis-je donc partagé sur ces flash-backs ? Eh bien, je l’ai déjà plus ou moins expliqué. D’une part, j’aimais la métaphore biblique, même si elle me paraissait très légèrement tirée par les cheveux... J’aimais le lien qui s’opérait autour de ce thème, entre l’île et les flash-backs. D’un autre côté, j’ai aimé le fait d’être pris à contre-pied, et d’avoir une explication beaucoup plus terre à terre. J’ai été surpris, parce que je croyais que nous avions réellement plongé dans le fantastique, je croyais que JJ Abrams s’était enfin décidé à prendre parti. Mais il semblerait que ce ne soit pas le cas. C’est un peu ce qui me gêne avec Lost : le fait qu’on nous lance des tas de petits détails d’ordre fantastique, mais rien de suffisamment explicite pour qu’on sache de quel type est la série. Mais c’est également ce qui fait la qualité de cette série : tout le mystère qui l’entoure, et le fait qu’on ne sache pas si l’on doit avoir les pieds sur terre ou croire au véritable pouvoir de l’île et suivre Locke sur le chemin de la vérité. C’est ce qui fait que toutes les explications sont possibles, et c’est ce qui fait que c’est si frustrant. Parce que lorsque je fais un bilan provisoire, arrivé au dix-neuvième épisode, je me rends compte que je n’en sais pas vraiment plus sur le mystère de l’île qu’après le pilote.

On adhère ou pas. J’adhère encore, mais il ne faudrait pas que ça dure trop longtemps sans avancer d’un poil ainsi, parce que le public risque de ne plus suivre. Et je comprendrais ça.

Ceux qui n’ont pas aimé vous diront...

Que l’histoire n’avance toujours pas, qu’on s’attend à de grosses révélations, mais que chaque cliffhanger reste une question dans le vide, tandis que l’épisode suivant ne nous apporte pas de réponses. Ok, ça ne concerne pas vraiment l’épisode lui-même, mais de toute façon, j’ai déjà plus ou moins parlé du « problème » (si problème il y a), c’est le style de Lost. On suit ou on ne suit pas. Mais il est clair que si on n’accepte pas que notre curiosité soit assez violemment titillée, on ne pourra jamais aimer Lost.

Que Sawyer et ses lunettes, c’est rien que du remplissage, d’abord. C’est sûrement vrai, mais c’est du remplissage drôle. Très franchement, si tous les épisodes devaient parler d’un bout à l’autre du grand mystère de l’île, ce serait vite lassant. On a bien besoin de ces petites histoires drôles qui, si elles n’apportent rien à l’histoire, ont au moins le mérite de nous faire sourire et de détendre l’atmosphère.


Malgré les quelques défauts que j’ai pu énoncer dans cette critique (défauts qui peuvent être des qualités selon le point de vue duquel on se place), cet épisode demeure de très bonne facture. Les flash-backs apportent de nouveaux éléments pour mieux comprendre le personnage de Locke, et ne ralentissent pas l’action de l’île elle-même. La performance de Terry O’Quinn aide à l’appréciation de cet épisode où humour et suspense s’équilibrent dans un épisode très réussi.