LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires

Accueil > Critiques > Archives > X-Files > Saison 5 > Mutatophobia

5.06 - Post-Modern Prometheus

Mutatophobia

Prométhée Post-Moderne

jeudi 4 mars 2004, par LordOfNoyze

Entre les deux parties du diptyque mythologique "Emily", la Fox a diffusé cet intermède étrange et baroque, concernant des femmes tombées mystérieusement enceintes dans une petite bourgade paumée comme on en voit souvent dans "X-Files".

Sauf que là, il s’agit d’une banalité ordinaire, quasiment utopique, où une bonne femme, Shaineh, dit au revoir à son rejeton passablement grassouillet, qui part pour une conférence de comics. Cependant, une nuit comme toutes les autres, en regardant le "Jerry Springer Show", une chanson langoureuse de Cher se met à jouer, on ferme les rideaux, la poêle brûle, elle s’évanouit...et une mystérieuse tête de monstre se montre à la porte. Parade nuptiale ? L’explication sera plus alambiquée...

...mais avant de révéler la solution de l’énigme, attardons-nous sur l’exercice de style de cet épisode. L’originalité ne vient pas seulement du noir et blanc, dans lequel cas l’épisode "C’est pas du cinéma" de "Charmed" serait dans les chefs-d’oeuvre du 8e art. Non, il s’agit plus de l’univers créé par cet épisode, et notamment les relations entre Mulder et Scully, apparaissant comme dans la plupart des épisodes parodiques que compte la série comme des pantins stéréotypés. En allant voir le savant fou de la bourgade Scully réussit à donner caution à des manipulations de drosophiles, et les deux se font intoxiquer par un gaz somnifère employé pour les animaux. On a également une référence à "Elephant man" pour le look du monstre, rejeté et conspué par les autochtones, à Tim Burton et "Edward aux Mains d’Argent" (ce à quoi on pense le plus en regardant cet épisode). Les personnages assez pittoresques, tels le généticien et la journaliste (surtout) semblent tout droit sortis d’un film des années 30. Et surtout, surtout, la vraie explication du noir et blanc, c’est qu’il s’agit d’un hommage aux comics jetables de l’enfance de Carter, dont les pages étaient bien sûr en noir et blanc, et auquel une référence est faite à travers les épisodes du "Grand Mutato" dessinés par le fils de Shaineh, Izzy. Ces explications faites, revenons à l’intrigue.

Le mystérieux monstre a été en fait créé par le généticien dont la femme est "attaquée" par le monstre un peu plus tard dans l’épisode. Le monstre a été adopté par le vieux fermier en retrait du village, également le père du docteur Pollidori et ancien généticien. Celui-ci a tenté l’insémination artificielle pour trouver l’équivalent féminin du monstre mais sans succès. Cependant, le docteur, outré de voir sa femme "inséminée" de la sorte tue le docteur et tente d’en imputer la faute au Mutato. Après une explication, tout est bien qui finit bien, le méchant docteur est embarqué et Mulder et Scully emmènent le Mutato à un concert de Cher tandis que Shaineh accepte de porter la progéniture Mutatienne...ce qui lui vaut un passage chez Jerry Springer.

A travers cet épisode, on trouve une satire assez caustique de l’Amérique profonde, qui nous est décrite comme gavée aux reality-shows, au sensationnalisme et profitant du monstre pour avoir un quart d’heure de gloire warholien (cf.les scènes où tout le monde sourit à Mulder quand il accrédite la thèse d’un monstre...puis la même scène lorsqu’il prétend avoir affaire à un canular). On peut quand même se poser la question du paradoxe d’inviter Jerry Springer dans son propre rôle. Et par ailleurs, c’est aussi une dénonciation un peu plus bon enfant (peut-être qu’elle a été trop traitée par les fictions fantastiques ?) des manipulations génétiques, et une éloge de la différence. Ce postulat un peu trop simpliste prend une nouvelle tournure, quand les habitants se rendent compte que le Mutato ne voit également le monde extérieur qu’à travers les médias et les chansons de Cher...tout comme eux.


On ne qualifiera pas cet épisode de "seule réussite de la saison 5", mais cet épisode expérimental reste assez décalé et plaisant pour apporter une bouffée de fraîcheur dans une série de loners et d’épisodes mythologiques plutôt monotones et peu inspirés.