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11.16 - Here And There

Correspondance

samedi 3 décembre 2005, par Yerno

Neela, Michael, les Etats-Unis, l’Irak, de l’amour et des lettres. On aurait très vite pu sombrer dans le cliché. Et pourtant, un très bel épisode.

Au risque de fâcher les puristes de littérature (mais je doute d’en trouver tant que ça ici), j’ai trouvé cet épisode très littéraire... Peut-être parce qu’il me rappelle ma prof de littérature l’année dernière qui nous rappelait qu’un bouquin, ce n’est pas seulement une histoire, c’est aussi et surtout la façon dont on la raconte. Cet épisode - comme pas mal d’autres dans Urgences - est plutôt bien résumé par cette phrase. Parce que lorsqu’on fait le bilan de ce qui se passe, on se rend compte que c’est assez rapide à dire. Beaucoup d’éléments reposent sur la façon dont ils sont racontés, à travers les lettres de Gallant et Neela, mais aussi à travers la réalisation bouleversante de certaines scènes.

Et sans quitter le sujet du fond et de la forme, un autre aspect m’a fait sourire. Nous vivons dans une société très superficielle, énormément basée sur l’apparence, et à côté de ça, j’entends régulièrement autour de moi des gens qui diabolisent cette superficialité. Je ne peux rien reprocher à ces gens, moi-même il y a des jours où j’en ai assez qu’on soit jugés sur les vêtements qu’on porte, sur notre démarche, bref, sur des choses pas nécessairement représentatives de notre personnalité (même si les deux sont tout de même liés). Mais là n’est pas le sujet. Je remarque simplement que cet épisode, qui met l’accent sur la forme plus que sur le fond, n’en est pas moins un bon épisode. La comparaison entre un épisode d’une série télé et un être humain est un peu limite, je sais, mais bon... c’est simplement que l’analogie m’a fait sourire. Et puis ce n’est que mon opinion.

Des nouvelles de Gallant ?

Certaines personnes autour de moi ont reproché au début de cet épisode d’être « facile ». Cela fait un an qu’on n’a pas entendu parler de Michael Gallant, et d’un coup, on demande de ses nouvelles, après avoir revu son départ dans le résumé (qui pour l’occasion nous offre une musique de fond un peu plus « exotique » à la Kisangani). Bref, tout laissait penser qu’on allait en entendre reparler, et que cette inquiétude soudaine pour le sort de notre nouveau Carter (mais si, rappelez-vous des nombreux parallèles avec Carter dans le 8.20 « La Lettre ») constituait une transition légèrement tirée par les cheveux pour nous amener à le revoir. Et c’est vrai. Même si personnellement, je considère ça un peu comme un détail, et l’idée que Neela et Michael aient correspondu ainsi pendant toute une année ne me paraît pas tirée par les cheveux, même si on n’en a jamais entendu parler. Honnêtement, imaginiez-vous qu’on allait voir un jour une scène sortie de nulle part où Neela écrivait une lettre à Gallant ? C’aurait été d’autant plus déplacé qu’il aurait été difficile de lier cette scène aux histoires développées dans les épisodes précédents.

Je trouve comme beaucoup que la transition est brusque et soudaine, mais je me dis également qu’il n’aurait pas été possible de l’amener autrement sans que cela paraisse incongru.

Toujours est-il que cet épisode m’a fait très plaisir. Parce qu’Urgences a une fâcheuse tendance à oublier ses personnages, et je me figurais, l’année dernière, en voyant le 10.18 où Gallant partait pour l’Irak, que nous ne le reverrions probablement jamais, et que nous n’aurions qu’à imaginer qu’il était mort, ou bien qu’il était revenu dans une autre ville et qu’il s’était construit une petite vie tranquille. Mais non, le revoici, le revoilà, pour un épisode, et vue la fin en ouverture, je suppose qu’on va le revoir dans le prochain aussi. Comme j’aime beaucoup Gallant, et j’aime beaucoup le shipper qui s’est construit avec Neela au moment de son départ, même si le shipper en question arrivait comme un cheveu sur la soupe.

Un saut dans le passé

Je m’étais déjà fait la remarque au moment du départ de Gallant. Ce couple a un petit goût d’années 50 qui leur confère un charme certain. Après, on y est sensible ou pas. Moi, j’y suis sensible. En effet, la scène de leur baiser avant que Michael monte dans le taxi était très touchante, et cette idée de la femme qui reste au pays pendant que son « mari » (allons-y, soyons fous !) part à la guerre m’ont vraiment fait penser à ces films sur la Seconde Guerre Mondiale où les gentils américains partaient au combat sauver l’Europe. En vérité, ça m’a fait penser à l’imbuvable Pearl Harbor, film que j’ai détesté et qui m’a ennuyé au possible. Oui, je sais, si j’arrive à faire un parallèle entre les deux, pourquoi j’ai aimé ces épisodes et pourquoi ai-je détesté le film ? Je ne sais pas, cela tient peut-être au fait que je me suis attaché à Neela et Gallant, aussi bien séparément qu’en tant que couple, ou alors au fait que c’était bien mieux fichu et que ça ne donnait pas nécessairement le beau rôle aux américains (oui, c’est vraiment ce qui m’a gêné dans Pearl Harbor). Non, je ne saurais pas expliquer.

Cet épisode continue sur ce parallèle avec la séparation d’un petit couple à la vie tranquille (ce qui est ironique quand on pense que Neela et Gallant ont simplement été mis ensemble pour que quelqu’un de plus sexy que Pratt pleure le départ de Michael), puisque après la jolie séparation sur un tendre baiser, nous avons droit à la correspondance. Je suis peut-être très fleur bleue, mais j’ai vraiment aimé cette idée d’échange par écrit, il y a quelque chose de très romantique dans les lettres, même si finalement cet épisode n’a rien d’une histoire à l’eau de rose (du moins ne l’ai-je pas perçu comme ça). Les manuscrits... je ne sais pas, peut-être est-ce leur mystère, leur imperfection, toute l’humanité qu’ils dégagent, mais même à l’écran, alors que finalement on ne voit pas beaucoup ces lettres, on les entend surtout, l’émotion parvient à passer.

Le fait que ces lettres soient intelligemment amenées contribue aussi beaucoup au charme de l’épisode. Les voix de Neela et Gallant se marient très bien aux images, et illustrent leur sentiment en pleine action, ce qui est assez rare, sans pour autant qu’on se dise une seule seconde que ce n’est pas crédible, que Neela ne pourrait jamais se souvenir exactement de ce qu’elle a pensé au cours d’une réa, par exemple. Non, ses pensées sont assez générales pour que cela puisse résumer un sentiment global face aux actes qu’elle fait chaque jour.

Mention spéciale à la dernière image de l’épisode, où Gallant s’envole pour le Cook County tandis que Neela s’inquiète de savoir quand elle le reverra. C’est simple, c’est beau, ça marche.

Mal de vivre

Je poursuis en réaction à ce que j’ai entendu ou lu de la part d’autres « fans » (j’aime pas ce mot, il m’évoque tout de suite une groupie en train de hurler le nom de son artiste préféré... ok, je dis pas que je l’ai jamais fait, mais bref) d’Urgences. Neela est fatigante avec son mal de vivre, son air constamment dépité, sa dépression chronique. Je conçois que le personnage de Neela agace certaines personnes. Mais voilà, peut-être que depuis quelques temps je vois le bien partout, mais j’adore ce personnage. Peut-être parce que, quelque part, je m’y retrouve. Quoi qu’il en soit, Neela exprime (et très bien) ce qu’elle ressent au quotidien, la sensation d’être inutile mêlée d’un sentiment de frustration grandissant. Et pas de frustration sexuelle (je précise parce que le thème a son importance, surtout dans la deuxième moitié de l’épisode), de frustration découlant de cette même sensation d’être inutile.

Se dire que notre existence pourrait très bien être rayée, qu’on n’apporte rien de plus qu’une personne quelconque.

Mais voilà, nous sommes tous quelconques, je pense. Certains pensent simplement être des « quelconques » plus valeureux parce qu’ils font quelque chose d’important. Mais cette justification ne colle pas. Neela fait quelque chose d’important, elle sauve des vies, elle contribue au bonheur de certaines personnes en les aidant à vivre mieux. Et pourtant, elle a toujours ce sentiment de frustration. En fait, je pense savoir ce qui me touche chez Neela. Sa vie n’est pas dramatique. Elle a pas mal d’ennuis, mais ceux-ci restent assez relatifs (du moins, je n’ai pas souvenir qui lui soit arrivé une tragédie comme ça a pu être le cas de nombreux personnages d’Urgences). Et pourtant, elle est sûrement l’un des personnages les plus déprimés de la série. Neela se pose énormément de questions sur sa vie, sur ses choix, et ce depuis son arrivée l’année dernière. Voilà en quoi elle me plaît : Neela est terriblement humaine. C’est ça qui fait que l’on peut s’attacher à elle plus qu’à un Carter à qui il arrive tout un tas de tragédies dont il se relève au bout de trois épisodes, ou qu’à un Mark dont on n’entendait parler une fois tous les dix épisodes alors qu’il a été l’un des personnages principaux pendant huit ans (et je dis ça tout en sachant pertinemment que Mark a toujours été mon personnage préféré).

Aimant Neela, j’ai aimé qu’elle mette elle-même des mots sur son sentiment face à sa vie. Et j’ai été touché.

La routine

Gallant s’est fait à la vie là-bas, en quelque sorte. Il a plus de responsabilités, il est devenu sûr de lui. Gallant est adulte, il a été plongé dans un monde difficile et cruel, projeté dans une routine sanglante et encore plus sanglante que celle du Cook County. Pourtant, Gallant se réjouit de son expérience au Cook County. Et il se dit aussi que cette guerre n’est pas pour rien.

J’ai pas aimé ce dernier message. Mais j’ai aimé aussi le fait que Gallant se sente « obligé » de dire ça, comme s’il cherchait à se convaincre lui-même. Pour se donner une certaine force.

C’est un épisode éprouvant et violent. Pourtant, c’est déjà arrivé dans Urgences, et nous avons vu pire que ça (je pense notamment au 9.22 « Kisangani » qui m’avait traumatisé). Mais voilà, des images de guerre, de tristesse, de peur, je crois que c’est quelque chose auquel on ne s’habitue pas. J’ai été particulièrement marqué par la scène de l’explosion du camion, même si elle n’était pas vraiment surprenante et qu’on pouvait la voir venir assez longtemps avant qu’elle n’arrive (cela amplifie justement notre angoisse : « que va-t-il se passer ? quand cela va-t-il arriver ? »). Et cette enfant brûlée, et sa mère qui hurle. Ce sont des choses qu’on a déjà vues. Ce sont des choses qui nous émeuvent toujours autant. Et cette musique bouleversante pour couronner le tout. Quelques larmes.

Infidélité

Neela ne sait plus quoi faire pour échapper à cette tristesse quotidienne, à ce mal de vivre. Pratt lui suggère de s’envoyer en l’air.
Suggestion que Neela envisage. On le voyait un peu venir. Cet épisode a un arrière goût des « amours de Neela », ce n’était donc pas étonnant que cela se termine par un truc du genre. Sauf que voilà, les scénaristes ont su prendre leur idée à contre-pied. Non, ce n’est pas Neela, ce n’est pas elle. Neela est quelqu’un de raisonnable.

J’ai beaucoup aimé la réalisation globale de cette scène. D’abord les verres posés sur la lettre de Gallant, geste ô combien symbolique. Et le parallèle avec la tentative de sauvetage d’un patient de Michael. Encore une fois, une scène qui m’a fait penser à un épisode de Desperate Housewives, le 1.08 « Guilty ». Cette façon de mêler amour, sexe, mort, cela a quelque chose de malsain, de glauque, et cela donne toujours une scène qui marque. J’ai vraiment aimé cette scène, avec le sifflement de l’asystolie qui marque la fin du rapport sexuel à peine commencé, avec Neela qui ne peut se résoudre à vivre ainsi, avec Gallant en filigrane. C’était beau.

La citation du jour

« Pourquoi tout le monde croit que la solution c’est que je me fasse sauter ? »

Parce que ça m’a fait rire venant de Neela. Je ne la pensais pas capable d’être aussi grossière. Je sais, il me faut pas grand chose...

En vrac

- C’est quand même dingue qu’en trois épisodes, la relation de Neela et Michael me paraisse plus crédible et me touche plus que celle de Sam et Luka.
- C’est peut-être un brin éculé, mais ça ne fait pas de mal de nous rappeler qu’en Irak, des gens continuent de mourir. Et que la guerre n’épargne personne. Je crois que c’est un message qu’on ne répétera jamais assez.


On aime ou on n’aime pas. Malgré plusieurs scènes « choc », l’épisode n’a pas de réel fil conducteur et brasse pas mal de vide. Mais une écriture efficace, un traitement intéressant, des acteurs et personnages touchants font vite oublier les quelques défauts de l’épisode. J’ai aimé.