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11.17 - Back in the world

Rendez-vous Gallant

lundi 5 décembre 2005, par Yerno

De retour dans le monde, c’est un Gallant blessé que nous retrouvons. Mais Neela est l’intello du Cook County... réussira-t-elle à nous le soigner ?

Ne m’en veuillez pas, sachez que je suis moi-même affligé par le titre de cette critique, mais j’aime les jeux de mots foireux.

Souvenez-vous

Michael Gallant en Irak, des lettres échangées, une Neela Rasgotra amoureuse transie. Présenté comme ça, ça ressemblerait presque à une histoire d’amour ultra clichée et par conséquent ennuyeuse. Mais toute la force de la série réside dans le fait de parvenir à un superbe résultat en partant d’une base assez simpliste.

De retour dans le monde

Un peu comme le précédent, cet épisode mise beaucoup sur les émotions, et j’insiste sur le pluriel, car nous sommes gratifiés d’un panel impressionnant de sentiments divers au visionnage de ces quelques 40 minutes.

Gallant...

Gallant a été blessé. Physiquement, légèrement, mais surtout moralement. Sharif Atkins parvient avec beaucoup de justesse à faire passer ces blessures sur le visage de Gallant. L’ancien interne est incapable de dire qu’il va bien, incapable de dire que le moral est présent. Non seulement parce que c’est faux, mais ça, à la rigueur, je crois que ce n’est pas si « important ». Qui n’a jamais dit qu’il allait bien alors que ce n’était pas du tout le cas ? Non, Gallant n’a pas envie de dire qu’il va mal, cela se sent par son silence éloquent lorsqu’Abby, puis Pratt lui posent la question. Un silence qui déchaîne un flot d’émotions en nous, parce qu’un silence lourd de sous-entendus. Mais un silence qui ne se prolonge pas. Et c’est une des forces de cet épisode, peut-être contrairement à pas mal d’épisodes d’Urgences : tout est fait dans une relative subtilité. Les silences ne sont pas trop longs, juste ce qu’il faut pour faire se poser des questions aux téléspectateurs, et puis on avance.

Durant ces silences, Gallant veut dire qu’il va bien, mais il n’y parvient pas. Et il ne dit pas qu’il ne va pas bien non plus. D’ailleurs, il est intéressant de voir qu’il tente de replonger dans un certain rythme de vie américain, même si ce n’est que pour une journée. Il sourit, plaisante avec Neela, s’habille pour la première fois depuis longtemps en civil... Oui, c’est un véritable retour dans le « monde ». Ce titre me gênait au tout début, parce qu’il sous-entendait que Gallant avait été exclu du monde. Or, à ma connaissance, l’Irak fait partie du monde. Et puis j’ai vu plus loin que le bout de mon nez et j’ai réfléchi à la véritable signification de ce mot. « Monde ». Non, on ne désigne pas la planète, ici, mais plutôt la sphère autour du personnage de Gallant. Nous sommes tous entourés d’un monde (spontanément, je suis tenté d’employer le mot « univers », mais puisque la série parle de « monde », parlons de « monde »), ce monde regroupe le contexte dans lequel nous évoluons toujours, contexte professionnel, notre foyer, notre entourage. Et c’est ce monde que Gallant retrouve. Du moins, une partie de ce monde, puisque Gallant se refuse à retourner aux urgences, à affronter les questions des médecins. Finalement, il y fera un petit tour rapide, pas par réel choix, mais n’aura pas à affronter autant de questions qu’il le craignait.

C’est un retour cependant très relatif, de part sa très courte durée, tout d’abord. Mais Gallant ne peut pas s’immerger de nouveau dans sa petite vie américaine, ni même faire semblant. Il le dit lui-même, lorsqu’il se confie à Neela. Michael aimerait redevenir celui qu’il était, mais la vie ne lui laissera jamais le choix. Sa douloureuse expérience en Irak l’a transformé et le transformera probablement encore. Mais outre l’aspect moral, l’Irak est présent, très présent. Je ne ferai que mentionner la présence quasi constante du costume militaire, pour passer directement à cette douloureuse (et pourtant brève) scène où Gallant doit aller annoncer la mort du patient dont il s’est occupé là-bas, et apporter la petite statuette destinée à sa fille. La scène en elle-même est extrêmement émouvante, mais on ne s’arrêtera pas là. C’est là qu’on a, selon moi, moins joué la carte de la subtilité... après tout qu’importe, c’est toujours réussi. Certains trouveront que c’est en faire un peu trop, moi je suis peut-être un public facile, mais j’ai trouvé ça beau. Je parle de la scène où Gallant raconte l’annonce du décès à Neela. Là où selon moi, on a peut-être légèrement dépassé les bornes, c’est avec les larmes de Neela. Que Gallant pleure, je trouvais ça presque logique, étant donné qu’il a vécu ça directement, et que cela lui rappelle sans doute de terribles images de la guerre, mais que Neela pleure... je ne sais pas si c’était vraiment utile. Mais comme cela reste une magnifique scène, je passe...

Toujours est-il que oui, Gallant a changé, mûri. Je ne sais pas si c’est un bien. Peut-être qu’on est plus heureux quand on conserve cette sorte de naïveté face au monde... Je parle notamment de la naïveté que Gallant montrait dans l’épisode 8.16 « Secrets and lies » (« Secrets et mensonges »), lorsqu’il parlait de vouloir qu’on lui donne un fusil et qu’on le mette quelque part où il pourrait s’en servir. A l’époque, cette réplique m’avait beaucoup choqué, et elle me choque toujours par ailleurs, sauf que maintenant j’aime beaucoup Gallant. Je l’aime encore plus après ces deux épisodes 11.16 et 11.17, parce qu’il a pris conscience de quelque chose. Une blessure s’est ouverte en lui et ne se refermera jamais. Ce qui est intéressant, c’est que malgré ce changement, le personnage reste continu, il n’y a pas d’incohérence. Gallant a toujours cette forme de fierté patriotique, notamment lorsqu’il disait qu’il cherchait à se convaincre que cette guerre en Irak était utile, dans l’épisode précédent. Gallant est moins virulent qu’à ses débuts dans la série, mais il a conservé une idéologie certaine, à laquelle on adhère ou pas, mais qui rend le personnage complexe et bien dessiné. C’est quelque chose d’autant plus appréciable que cela s’était raréfié dans les saisons 9 et 10. En deux épisodes, Gallant a bien plus évolué et s’est bien plus enrichi qu’en deux saisons.

... et Neela

Je le disais dans ma critique précédente, j’aime beaucoup la relation entre Neela et Gallant, et leurs retrouvailles ont été à la hauteur de mes espérances. Le générique n’avait même pas encore montré le bout de son nez que Neela m’avait déjà rendu tout euphorique. Cette scène où Dubenko lui parle de Gallant alors qu’elle ne savait pas qu’il était présent à l’hôpital... son visage ! Parminder Nagra est bouleversante. Pourtant, quand on observe bien son expression, elle ne change pas tant que ça. Mais quelque chose s’opère dans son visage, quelque chose qui m’a beaucoup touché. Il n’y a pas à dire, les acteurs d’Urgences - du moins la plupart - sont de très grands acteurs.

Sa recherche désespérée de son amour revenu est touchante, sans compter que ses collègues ne font rien pour l’aider, à lui poser toutes ces questions, alors qu’elle garde une certaine amertume du fait que Michael ne lui ait pas annoncé qu’il reviendrait avec sa patiente. Sa scène sur l’aspect imaginaire d’une relation construite pratiquement exclusivement sur des lettres m’a fait me poser des questions. Dans les lettres, Neela le dit elle-même, on se confie avec beaucoup plus de facilité, on laisse passer des émotions qu’on n’exprimerait certainement pas dans la « réalité », lors d’un face à face. Alors pourquoi parle-t-on d’imaginaire ? Si on se base sur ce point, je me demande si justement, une relation basée sur des lettres n’est pas bien plus honnête, bien plus vraie qu’une relation qui a commencé par deux ou trois rendez-vous durant lesquels certains prennent bien soin de cacher des aspects de leur existence. Gallant connaît bien Neela, il connaît ses réflexions, sa façon de penser, ses interrogations, et je crois que c’est réciproque, nous en avons eu la preuve dans le 11.16. D’un autre côté, il y a toujours cet aspect « virtuel » dû à la distance, au fait de ne pas pouvoir se toucher, de ne pas pouvoir voir les réactions de l’autre, l’expression de son visage. Oui, cela met une barrière. La relation en est-elle pour autant moins viable ? Je n’en suis pas si certain... A-t-elle un avenir ? Là, par contre, je me demande si le proverbe « loin des yeux loin du cœur » ne gagne pas, même si ça m’embête de le dire. Bien sûr, des tas de gens ont entretenu des relations à distance, mais le fait est que c’est quelque chose de très difficile, surtout lorsque les deux êtres impliqués sont, comme dans le cas présent, chacun à l’autre bout du monde.

Tout ça ne me rend pas très optimiste sur l’avenir du ship Neela/Gallant, même si je l’adore.

En tout cas, nous noterons que c’est la première fois que leur relation se concrétise ainsi, et c’est un beau parallèle avec l’épisode précédent où Neela se refusait à se livrer au premier venu simplement pour se débarrasser de ses frustrations (qui ne sont d’ailleurs pas nécessairement d’ordre sexuel, comme quoi les conseils de Pratt ne valent vraiment rien). Je ne dis pas que le sexe sans sentiment, c’est mal, après tout il n’y a pas de mal à se faire du bien (si tout le monde est consentant évidemment), je pense simplement que Neela est une fille raisonnable (en fait je ne le pense pas, elle l’a dit dans l’épisode précédent), et qu’amoureuse, elle n’en est que plus entière. Et elle l’a prouvé dans cet épisode, où elle est entière, avec l’homme qu’elle aime. Tout ça laisserait presque croire à une histoire d’amour heureuse. En effet, ils ont beau n’avoir passé qu’une journée et une nuit ensemble, on a eu droit à tout : les retrouvailles et Neela qui saute dans les bras de Gallant (c’était beau ! oui, je sais, je suis fleur bleue, pas la peine de me le rappeler), la partie de billard et les vannes qui font sourire, les confidences douloureuses, et les ébats amoureux, on croirait à la routine d’un couple qui vit dans le souci de communiquer et de vivre sa relation pleinement.

Et je pense qu’on ne fait pas qu’y croire, après réflexion. Neela et Gallant vivent leur relation d’autant plus pleinement qu’ils savent que cela ne durera pas. En effet, brusque retour à la réalité quand Gallant donne la lettre à Pratt pour qu’il la transmette à Neela, qui ne doit l’ouvrir qu’en cas de drame... j’ose espérer qu’on n’aura pas à l’ouvrir. J’ai apprécié de voir Neela ranger la lettre dans sa petite boîte près de son lit, j’ai apprécié qu’elle respecte le vœu de Gallant. Et puis spécialité de la série, pas de scène d’adieux bouleversante, non, un simple regard échangé en pleine réanimation, une chanson triste. Et là j’ai craqué. Oui, je sais, je suis faible... Mais c’est dire comme les sentiments sont bien rendus, comme ils prêtent à ce que les téléspectateurs s’identifient aux personnages. C’était beau, c’était émouvant, et c’était triste, très triste.

La citation du jour

Non, ce n’est pas la fin de la critique, c’est simplement que la citation est liée à ce qu’il y a ci-dessus, et je ne vais pas autant développer les autres storylines, qui m’ont paru bien plus plates et moins intéressantes que l’histoire de Gallant et Neela (et en plus ma critique ferait quinze pages si je développais).

« Un jour, sa femme a vu deux hommes marcher en direction de sa porte, ils étaient vêtus en uniforme, elle les a suppliés de partir, elle leur disait qu’ils avaient forcément dû se tromper d’adresse... mais non... elle savait pourquoi ils étaient là... »

Gallant, parlant de la femme de l’homme dont il reportait le décès.

En vrac

- Dans la catégorie « Pratt est lourd », je voudrais le plan drague foireux, qui finit par se retourner contre lui. Je ne sais pas si cette histoire était supposée être comique et atténuer l’aspect dramatique de l’épisode, mais en tout cas, ça m’a vraiment ennuyé. Cela dit, j’ai aimé le cas de ce gamin un brin surdoué qui se fait attaquer pour son intelligence et sa culture, et qui, en voulant se défendre, se tire tout seul dessus. Rien de bien transcendant là-dedans, mais j’ai trouvé que ça changeait du perpétuel problème de la guerre des gangs. Je ne sais pas si on peut parler de bouffée d’air frais dans un tel contexte, mais on peut dire que le plan drague de Pratt a été prétexte à un cas intéressant et différent. Et puis j’aime la façon dont la représentante de « Cessez le feu » l’a envoyé paître. Même si elle ne me paraît pas assez hostile pour prendre longtemps plaisir à l’humilier (quel gâchis !).
- Sam et Luka... que dire, si ce n’est que j’ai toujours autant l’impression qu’on leur invente des storylines ennuyeuses et foireuses qui sont purement prétexte à les voir apparaître à l’écran ? Alex me gave, même si je peux comprendre sa frustration face au fait que Luka se mêle ainsi de ses affaires alors qu’il est apparu dans sa vie peut-être un an et demi auparavant. Mais c’est pas intéressant et ça plombe pas mal l’épisode, c’est un peu dommage. Sérieusement, il serait temps de se réveiller et de trouver une vraie bonne storyline à ce petit couple qui agace tout le monde tant il est sans relief !
- J’ai aimé la scène de retrouvailles entre Abby et Michael... elle peut paraître assez anecdotique, mais j’ai trouvé leur gêne commune touchante.
- J’aurais aimé qu’on développe davantage le cas de la patiente de Gallant. C’est quand même « grâce » à elle qu’il s’est retrouvé à Chicago... et finalement, on n’a droit qu’à deux minutes sur son état.
- Carter est de plus en plus insipide et en plus on nous sort une scène de nulle part qui sous-entend la construction d’un nouveau centre hospitalier. J’aimerais qu’on m’explique.
- Adoré la réplique de Susan à Neela : « Je suis si tyrannique ? » Ah, Susan, même quand tu n’apparais que deux minutes dans un épisode, ta présence illumine toujours autant la série, surtout quand tu nous sors de telles répliques ! Allez, maintenant faut se bouger et trouver une bonne storyline pour notre chère Dr Lewis.


Un épisode légèrement en dessous des précédents, surtout en raison d’une storyline assez lourde qui rend le tout un peu moins fluide que les précédents. Cependant, le traitement de l’histoire Neela/Gallant tout en finesse est un vrai régal à voir pour les amateurs. Pour les autres, on se rattrapera sur le prochain. Bilan positif.