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1.02 - Sand

Knowledge is control

le désert

mercredi 11 janvier 2006, par Bradaviel

Une chose que les studios de cinéma aiment beaucoup faire en général, c’est s’atteler à la mise en place de remakes, parce que rien n’est plus rassurant pour le spectateur et pour l’être humain en général que d’être en terrain connu. La même chose mais en différent. Ca permet de pouvoir déjà argumenter et assumer des choses sans même savoir exactement de quoi on parle. Manque de bol pour nos héros, c’est exactement ce qu’ils viennent de perdre : leurs repères. C’est le passage douloureux mais obligatoire pour qu’ils puissent se remettre en question.

RESUME - A new Board Game

Après l’explosion de l’usine Vexcor, Charlie se retrouve inconscient, allongé dans le désert.
Il est réveillé par une fillette du nom de Judy qui collectionne les pierres de verre, et qui lui demande comment il a fait pour passer du statut de transparent à l’état d’être humain normal, ce qui laisse Charlie perplexe.

Where the hell...?

Reena se retrouve quand à elle dans un monde inconnu, mais, contrairement a Charlie, dont elle connaissait l’existence. Elle cherche ainsi à prendre contact avec la résistance et à retourner chez elle. Mais tout ne se passe pas comme prévu lorsque son contact dans le Bétavers se révèle être Gordon Bolt, un scientifique désabusé et meurtri par la Vexcor. Lorsque Reena lui apprend que les collègues qu’il croyait disparus vivent finalement dans une autre dimension alors que lui a tout perdu, il se suicide, la laissant sans repères ni attaches.

Charlie, de son coté, essaye de retomber sur ses pattes sans y arriver, échouant à retrouver connaissances ou décor familier. La seule personne qui semble vouloir l’aider est Karl Lubinsky, reporter underground vraisemblablement allumé et fasciné par les théories de complot corporatistes et extraterrestres. Il semble bien connu des officiels de la Vexcor qui le prennent pour un petit rigolo, et guide Charlie dans ce nouveau monde sans vraiment réaliser qui il est ni d’où il vient.
01 Boxer, le fils du fondateur de Vexcor Brion Boxer, enfin, est convoqué par la Vexcor car il est apparemment le seul être connu de leurs services capable de voyages inter-dimentionels sans avoir besoin d’une infrastructure quelconque. Tout égoïste et opportuniste qu’il est, il semble réaliser immédiatement les possibilités que ce statut de coursier lui offre, et impose dés le départ cet état de pouvoir aux responsables de la Vexcor dans le Bétavers, en particulier au chef de département de ce verse, le charismatique Julius Galt. Celui-ci comprend d’ailleurs malgré son fort caractère, directement a quel genre de désaxé il a à faire. En effet, une des serveuses de l’établissement ou ils se trouvent ( le Glass Door, le bar d’01 dont a parlé l’inconnue du premier épisode ) est prise d’hystérie en découvrant un cadavre tout frais dans la pièce d’où celui-ci sort tout juste.

Je sais je devrais apprendre a ranger mes cadavres...

Perdu dans un monde sans repères, Charlie réalise peu à peu que le monde dans lequel il a atterri n’est pas le sien, et fini par se faire une raison lorsqu’il découvre que même la Jasmine de ce monde n’est pas celle qu’il a connu.
Et c’est à ce moment la qu’il tombe finalement nez a nez avec Reena, celle qu’il a croisée dans le désert quelques secondes avant l’explosion de l’usine et sa perte de connaissance. Peut-être a t’elle des informations qui pourraient lui servir. Mais Reena, assumant peut-être que Charlie fait partie de la Vexcor, prends peur par réflexe et arrive a lui échapper.
Et c’est ainsi qu’il sont chacun isolés et perdus dans le Bétavers.

Mise en Place

Après nous avoir savamment introduit à l’univers de la série dans le premier épisode et avoir crée une situation référentielle qui va nous permettre de comprendre pourquoi nos héros n’agissent pas comme des personnages sensés du vingt-et-unième siècle, il est temps de les placer sur l’échiquier de l’intrigue. Et quoi de mieux pour interpeller le spectateur que de lui soumettre trois visions extrêmes de l’arrivée en terrain inconnu ? Chaque personnage arrive en effet là où tout va se jouer, le Bétavers, mais chacun avec une position différente sur l’échelle du savoir, de l’ignorance totale des faits à la connaissance totale de l’univers couplé avec des capacités hors du commun.

White plays first

Charlie se réveille ainsi dans le Bétavers sans savoir ni où il se trouve, ni comment il a pu y arriver. N’ayant aucune information sur l’existence d’autres dimensions comme il le dit lui-même dans l’introduction du pilote, il se rattache à l’idée qu’il est toujours au même endroit, sa conscience barrant au début toute information qui n’est pas conforme avec cette vision de la réalité. Et pourtant, dés le départ, il voit clairement qu’il est ailleurs. Le décor de station essence ne correspond pas à sa réalité mais à une de ses visions, de même que la jeune fille qui le réveille en provient. Cette même station est noire de monde alors qu’elle était quasi-déserte quand il y est arrivé la veille, et même la manière de régler un simple café diffère. Ici, point de paiement en crédits par puce, les gens utilisent vulgairement de la monnaie. Mais tout ceci n’est que détail se dit-il. Un chez soit encore stable et réel existe encore quelque part.

Quand mon bureau est fermé, ca veut dire que c’est les vacances ?

Charlie représente alors à ce moment tout être humain qui se refuse au changement, tout être humain conforté dans sa routine, et nous montre graduellement la taille de l’électrochoc nécessaire pour que celui-ci puisse enfin mettre pied et accepter la réalité qui l’entoure. Le discours de Karl Lubinsky, même s’il est en partie tronqué ( car parlant de complot extraterrestre, ce qui est risible pour Charlie, voire même pour le spectateur cartésien ), ainsi que les recoupements de détails qu’il ne cesse de faire depuis son réveil devraient pourtant le pousser à voir que la vérité est ailleurs.
Mais seule la perte graduelle de ses acquis les plus importants vont lui permettre de réaliser ou il se trouve vraiment. Car après la perte de ses repères sociaux ( la monnaie, les contacts, la technologie, le moyen de locomotion .. ), il va tour à tour perdre ses certitudes dans le monde physique ( Papa Louis est introuvable, son appartement n’est plus qu’une pièce dévastée et condamnée ) et finalement son confort affectif lorsqu’il réalise par la force des choses que celle qu’il prends pour sa Jasmine a ici une identité et une vie totalement différente. Ce n’est qu’à l’abandon de cette dernière attache, de ce dernier bastion d’acquis qu’il accepte enfin le fait qu’il n’est plus chez lui et que tout est à découvrir a nouveau.

Charlie perd ses derniers repères

On se rappelle alors de la dernière réplique de Jasmine lors du pilote avant que la communication ne soit coupée : « j’espère que ce que tu chasses en vaut la chandelle ! ». A ce sujet, l’image du sable qui ouvre l’épisode et qui montre les attaches de Charlie se désagréger, avec l’installation de la peur et de la destruction résume bien sa situation dans le présent épisode.
Sa seconde rencontre avec Reena est d’autant plus importante à ses yeux qu’elle est à la fois la seule preuve qu’il ne perd pas sa santé mentale, et en même temps la promesse d’une possible source d’explication à sa présente situation, Reena étant probablement responsable de tout ce qui lui arrive.

Valeurs et conséquences

Reena est d’ailleurs un échelon au dessus de Charlie dans cette échelle de la connaissance. Son action envers la Vexcor est à elle-même la preuve qu’elle connaît l’existence de dimensions parallèles. Mais sa présence dans le Bétavers est une erreur. Une erreur scénaristiquement utile cependant car elle va permettre aux auteurs de traiter dans un premier temps du terrorisme, de ses acteurs ainsi que de ses causes.
Reena, dans le Gammavers, était une femme amoureuse, assumée, forte, en phase avec le monde dans lequel elle évoluait. Et la nécessité de protéger ce monde et ses habitants s’est révélé être une nécessité inévitable.

Liberté et conséquences

Mais alors qu’elle arrive dans le Bétavers, elle se découvre les responsabilités d’un rôle qu’elle n’avait pas envisagé, pensant sans doute, et à juste titre d’ailleurs, agir pour le bien de tous. Elle réalise que ses actions ont d’autres implications que la préservation d’un monde.
Les conséquences de ses actes la rattrapent alors, la révélant comme un agresseur, quelqu’un qui, au lieu de préserver une stabilité, apporte peur, déséquilibre, mort et chaos. Le spectateur est d’ailleurs mis sans détours en perspective lorsque dans la foule on entends des victimes évoquer New York et les attaques terroristes du 11 Septembre 2001.
Elle est ainsi par la force des choses passée de citoyen concerné que la violence révulse ( on se rappelle de sa réaction horrifiée avant l’attaque lorsque Bern montre qu’il est en possession d’une arme a feu ) à actrice de premier plan dans une tragédie à l’ampleur incontrôlable ( ce qui d’ailleurs la rend viscéralement malade ). Elle a d’ailleurs même, à l’image de tout terroriste un tantinet organisé, quelqu’un à contacter au cas ou tout ne se passe pas comme prévu, ce qui laisse imaginer qu’au delà des actions de Bern et de Reena, existe peut-être un commanditaire à tout cela.
A noter de plus qu’en la personne de Gordon Bolt, seul contact connu de Reena dans ce monde, les auteurs nous montrent encore une autre facette des répercutions de la violence impunie des grandes puissances telles que la Vexcor, qui apportent irrémédiablement souffrance et destruction. Employé scientifique à la Vexcor, Gordon s’est sans doute insurgé devant les pratiques de la firme, et en préférant la morale au profit, il y a perdu sa stabilité physique ( il a perdu un œil et est sujet à des spasmes et autres tremblements ) et mentale ( sa femmes et ses enfants, ainsi que sa confiance en l’espèce humaine ).

Même si nous reviendrons plus tard et plus en détail sur ce personnage, il est à noter que Karl Lubinsky à lui aussi une place intéressante dans cette échelle de savoir. Il est en effet bien connu des responsables de Vexcor dans le Bétaverse et pour cause : c’est le Mulder local !

Oula .. lui, jsens qu’il va m’ prendre la tête...

Incapable de laisser quelque fait suspect lui passer sous le nez sans l’analyser et le disséquer jusqu’a plus soif, ce qu’il fait d’ailleurs de son propre aveux depuis plus d’une vingtaine d’années, il est immédiatement intrigué par Charlie et compte bien ne pas le laisser filer sans savoir d’où il vient et quelles sont ses implications avec le drame qui vient de se produire.

Karl et Julius : David versus Goliath dans le Bétavers

Quelque part, il est un peu comme Charlie, sauf qu’en ce qui le concerne, la vérité et le combat David contre Goliath passent avant son confort personnel.
Charlie semble d’ailleurs avoir au départ des idées bien arrêtées sur ce genre de combat lors de leur comique discussion en voiture, sans se douter qu’il va bientôt avoir besoin de lui. On voit ainsi déjà les graines d’une rédemption annoncée.

I Got the Power !

Finalement, cet épisode nous révèle enfin celui que Charlie chassait tel un fantôme imperceptible : le fameux et charismatique 01 Boxer, qui trône fièrement au sommet de cette échelle de la connaissance.

Je suis le roi du monnnnnnnde !

Il est le prototype même du fils a papa, et l’expression populaire « gâté pourri » prends ici son sens dans toute sa splendeur : unique descendant de Brion Boxer, le fondateur de la Vexcor, il fait partie de la très faible tranche d’intouchables de la population de l’Alphavers : les C1-A. ( les autres classes de la population s’étalant de C1 à C3 ). Il jouit d’une impunité sans bornes, de ressources quasi-inépuisables, et à de plus la particularité unique de voyager d’une dimension à l’autre, ce qui, et il l’a bien comprit, lui confère une puissance démesurée.
Il semble n’avoir ni morale, ni valeurs autres que son propre plaisir. Il viole ( on suppose que Katie n’est pas sa première victime ), sème le chaos ( la pauvre Katie n’était même plus dans sa dimension ), profite ( les serveuses de son bar dans le Bétavers sont la plus pour son plaisir que pour servir les clients ) et tue sans vergogne ni remords, même ses employés pourtant dévoués.
01 est à l’image d’un animal avide et insatiable, comme nous le montre le passage speed et clipesque qui précède sa convocation a la Vexcor et est un farouche adepte du culte du corps ( nous verrons qu’il change souvent de style, tant vestimentaire qu’au niveau de sa coiffure, qu’il aime à la fois pratique et sophistiquée, celle-ci étant souvent le reflet de son état d’esprit ). Son seul point faible semble être son besoin de reconnaissance auprès de son père, un être a la frontière de la mort, méprisant et le traitant comme un simple employé, mais pour qui 01 a un profond respect.
Il est ainsi par le pouvoir du conseils des directeurs, et ce à la réticence de la directrice Essa Rompkin, investi de la responsabilité de faire communiquer les différentes filiales inter-dimentionnelles de la Vexcor.
Le Némésis de Karl Lubinsky, le directeur de Vexcor dans le Bétavers Julius Galt, est ainsi et malgré toute l’influence qu’il possède dans le Bétavers, complètement à la merci de 01, ce qui n’est évidement pas pour lui plaire et il passe presque ainsi d’une position de pouvoir à celle de sous fifre dirigé par celui qu’il considère comme un gamin.
Inutile de préciser que la perspective qu’un tel sociopathe gère a lui tout seul les relations entre les diverses branches d’une infrastructure tentaculaire telle que la Vexcor fait craindre le pire !


Les pions et les pièces majeures se mettent en place, pleines de promesses et de possibilités d’interaction. Qui plus est, Charlie Jade étant une série ou les auteurs ont vraiment quelque chose a dire, beaucoup de thèmes ne sont encore qu’esquissés. Ca a l’air de fuser dans tous le sens, mais sachez que vu ce qui se présentent, les auteurs prennent vraiment leur temps pour bien poser partout les petits détails qui vont feront bientôt sauter au plafond !