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1.04 - Who’s that woman ?
Menaces
lundi 19 septembre 2005, par
Avons-nous tous plusieurs visages ? C’est la question que pose cet épisode qui s’intéresse à nos manières de fragmenter nos identités et notre image, aux yeux des autres comme de nous mêmes. La schizophrénie nous guetterait-elle tous ?
« Quand j’étais en vie, » commence Mary-Alice, « je maintenais de nombreuses identités différentes. Epouse, amante et finalement victime. Oui, les étiquettes sont importants pour ceux qui vivent. Ils dictent la manière dont les gens se voient eux-mêmes. Comme mon amie Lynette. Elle s’était vue dans le passé comme une femme de carrière - et brillante dans ce domaine. »
Lynette est vue accomplir ses nombreuses et interminables tâches ménagères, tandis qui Mary-Alice nous confie qu’auparavant Lynette était connue de tous pour ses qualités féroces dans le travail.
« Mais Lynette abandonna sa carrière pour assumer une nouvelle étiquette : le rôle incroyablement satisfaisant de mère à plein temps. Mais, malheureusement pour Lynette, cette étiquette-là tenait rarement les promesses de sa publicité. »
Lynette est convoquée à l’école des jumeaux. Ils l’attendent assis à l’extérieur de la classe, et la salue de leur main toute bleue. Leur maîtresse reçoit Lynette pour lui expliquer que le comportement des garçons arrive à la limite de ce que l’école est en mesure de supporter. Lynette demande pourquoi la petite fille s’est laissée faire, mais elle se voit répondre que les jumeaux ont simplement agit rapidement. Comme elle ne veut pas entendre parler de la possibilité de donner des médicaments à ses enfants pour soigner un supposé trouble de l’attention, Lynette suggère que les jumeaux soient séparés dans deux classes différentes.
« Lynette le réalisa soudain : son étiquette était à nouveau sur le point de changer. Et pour les années à venir, elle serait connue comme... la mère des garçons qui ont peint Tiffany entièrement en bleu. »
Lynette
La maîtresse des jumeaux a convoqué Lynette : Porter et Preston refusent d’être séparés. Lynette la prend de haut : ils ont six ans, elle peut les forcer. Ce à quoi la maîtresse rétorque que le règlement de l’école est assez strict sur l’interdiction du corps professoral de boxer avec les élèves. Lynette va alors s’y employer... sans plus de succès !
Lynette discute avec Bree qui cherche à comprendre pourquoi elle est aussi réticente à traiter ses garçons avec un médicament. Lynette explique d’abord qu’elle qui manageait 80 personnes il y a quelques année a du mal à accepter de ne pas pouvoir maîtriser trois enfants de moins de 6 ans. Surtout, elle apprécie beaucoup les garçons en dehors de leurs bêtises, et elle a très peur de changer les bonnes choses en essayant de traiter les mauvaises.
Un peu plus tard, Lynette a acheté une boite de médicaments, et essaie d’en donner aux jumeaux. Mais ils refusent d’en avaler et elle n’est pas longue à se laisser convaincre.
Au bout du compte, elle décide plutôt de se traiter elle-même avec un bon verre de vin...
Susan
Le service marketing ayant signalé que la série manquait d’abdos d’âge mûr pour prétendre séduire un maximum de public, nous sommes gratifiés d’une scène ou Susan frotte distraitement une malheureuse assiette, propre depuis longtemps, en contemplant un sourire niais sur les lèvres Mike Delfino cultivant son jardin tous muscles dehors. Mais c’est alors que Julie lui fait remarquer qu’a surgi la Menace Liftée. Bien qu’elle ait, selon Susan (ce qui signifie que cette information est sujette à caution), déjà lavé sa voiture la veille, Edie débarque en mini-mini-short et en chemisette blanche ouverte à tous vents et entreprend de faire reluire sa carrosserie à grandes eaux (je suis super fin, aujourd’hui). Julie vient alors au secours de sa mère avec la solution providentielle : une lettre destinée à Mike remise par le postier dans la boite aux lettres des Mayer et qu’elle a conservée en cas d’urgence. Sous le regard, Susan se précipite alors vers Mike et lui remet la précieuse missive (de la pub). Avant qu’elle ne reparte, Mike l’interroge sur ses goûts en matière de cinéma.
Dégoûtée, Edie rentre donc chez Martha Hubert (qui l’héberge) se prendre une bière et déverser son fiel sur Susan. Au passage, Martha, en retard de trois commérages sur ce coup, apprend que Susan a flashé sur le charmant plombier.
Martha rend une visite de courtoise à Susan, insistant pour lui offrir une tarte. Imposant le meilleur de son numéro de peste aux pseudo-bonnes manières en centrant la conversation sur les sentiments de Susan pour Mike, Martha, après quelques circonvolutions plus ou moins désobligeantes (plutôt plus que moins, en général) abat la carte des informations qu’elle a recueillie dans le second épisode : Susan est responsable de l’incendie de la maison d’Edie. Elle tente une première fois de nier, mais Martha dépose alors sur la table le doseur brûlé. Susan reste bouche bée - dans laquelle Martha enfourne ‘affectueusement’ une bouchée de tarte.
Le lendemain, Martha rejoint Susan alors que celle-ci dépose ses courses à la caisse du supermarché. Elle en profite pour nier à nouveau avoir fait ce dont Martha l’accuse, et elle nie du même coup avoir le moindre intérêt pour Mike. La commère n’a pas le temps de répliquer puisque Mike arrive bientôt et vient les saluer. Il invite Susan à une rétrospective Hitchcock. Sous le regard goguenard de Mrs Hubert, Susan décline. Décontenancé, Mike prend congé des deux femmes et va continuer ses courses. Après ça, Susan se montre plutôt désagréable avec Martha, mais celle-ci met les choses au point : le secret de Susan n’est pas facile à garder. D’autant que, pendant tout ce temps, Edie loge chez elle et utilise son eau chaude... Quand Susan lui demande ce qu’elle attend d’elle, au fond, Martha enlève le séparateur entre ses courses et celles de Susan, afin qu’elles soient payées en une fois...
Le soir venu, Susan a un message de Martha sur son répondeur : sa chaudière vient de lâcher, elle va avoir besoin de 600 dollars pour la remplacer. Acculée, Susan réveille Julie et lui révèle la vérité pour qu’elle puisse décider de quelque chose. Susan pense aller révéler la vérité à la police, après tout l’incendie était un accident. Mais Julie l’en empêche : peut-être que Susan n’aura pas de problème avec la justice si elle dit la vérité, mais elle, Julie, en aura un : Karl va forcément utiliser cette affaire pour rouvrir le dossier de sa garde.
Le lendemain, Julie et Susan guettent le départ de Martha et prétextent une partie de frisbee pour que Julie s’introduise dans la maison par la porte de derrière et récupère le doseur incriminant. Pendant que Susan surveille les abords de la maison de Martha, elle est rejointe par Mike qui l’invite à une nouvelle soirée ciné. Susan accepte cette fois, mais c’est à ce moment qu’Edie arrive en voiture. Susan doit tout faire pour l’empêcher de rentrer chez Martha avant que Julie en soit sortie. Si bien qu’au final, c’est Edie qui se retrouve à profiter de la place de cinéma de Mike !... Mais Julie ressort de la maison avec le doseur en main : le chantage est terminé.
Gabrielle
Tandis que Gabrielle profite d’un bon bain chaud avec John, on sonne à la porte. John panique, de crainte que ce soit Carlos, et se précipite hors de la baignoire, déversant la moitié de son contenu d’eau sur le sol, avant que Gabrielle ne lui rappelle que son mari sonne rarement avant de rentrer chez lui. Gabrielle jette un coup d’œil par la fenêtre et constate que c’est l’employé du câble qui arrive avec trois bonnes heures de retard.
John a déjà eu le temps de se rhabiller à moitié précipitamment et quitte la maison par la porte de derrière, ses chaussures et chaussettes sous le bras... en théorie. Car une de ses chaussettes traîne encore sous le lit conjugal...
Tandis que Gabrielle s’affaire à ranger les moult bougies qu’elle avait disposées dans la salle de bain, le type du câble (James Newton Howard, charmant et tout, et tout, mais à jamais poursuivi dans mon esprit par le ridicule infini de la série Superboy dont il tenait le rôle titre - Superboy, la série qui ferait passer Smallville pour une production HBO...) s’excuse encore de son retard. Toujours prête à endosser son costume de pétasse friquée, Gabrielle coupe court en indiquant au bonhomme qu’il ferait mieux de s’y mettre parce qu’elle n’a pas que ça à faire. Ce qu’il fait immédiatement. Ce qui signifie que les fils du Câble passent par le mur de la salle de bain au premier étage... Bref ! Tout cela fournit surtout le prétexte pour qu’il glisse sur les litres d’eau savonneuse présents sur le sol, et qu’il soit évacué par les secours, collier cervical au cou, sous l’œil suspicieux de Carlos qui s’étonne de son heure tardive de passage et des bougies encore présentes dans la salle de bain...
Le lendemain, Carlos trouve la chaussette. Gabrielle l’aperçoit juste à temps pour aller remplir le placard de la femme de ménage de chaussettes sales avant que Carlos ne vienne lui demander des comptes. Elle affirme que leur employée de maison utilise des chaussettes pour faire la poussière, ‘preuve’ à l’appui.
Resté plus tard à la maison le lendemain matin, Carlos regarde la femme de ménage faire la poussière avec une chaussette. Elle lui confirme, pas très convaincante, qu’elle a toujours fait ainsi.
Plus tard, Gabrielle rejoint John qui joue au football (celui de chez nous, le soccer) et lui remet une paire de sandale, lui interdisant de porter des chaussettes quand il vient jardiner chez eux... C’est donc en sandales que John passe la tondeuse, au risque de perdre un orteil, quand Carlos vient l’interroger sur le jour du passage de l’employé du câble. Très vite, Carlos perçoit que John lui ment.
Il se rend alors chez l’employé, sonne, et lui flanque son poing dans la figure et le roue de coups de pieds alors qu’il est au sol... avant de réaliser que l’appartement est décoré d’affiches de comédies musicales, de torses musclés et de photographies du type avec son copain... ‘‘Vous êtes... gay ?’’ demande Carlos.
‘‘Oui,’’ lui répond le type. ‘‘C’est pour ça que vous faites ça ?’’
Carlos quitte les lieux sans demander son reste.
Alors qu’elle prend un bain avec Carlos, Gabrielle regarde le journal télévisé qui évoque le cas d’un activiste gay tabassé chez lui par un homophobe pour avoir réclamé un traitement équivalent pour son partenaire que celui des couples hétéros par son employeur, la compagnie du câble. Le bulletin diffuse un portrait robot de l’agresseur... ressemblant fort à Carlos. ‘‘Il y a quelque chose que tu veux me demander ?’’ interroge Carlos, l’air menaçant. Mais Gabrielle ne demande rien.
Bree
Danielle et Andrew discutent entre eux en rentrant à la maison. Danielle lui confirme que leur père n’a pas dormi à la maison la veille et que rien ne va plus dans le couple de leurs parents. Dans la salle à manger, Bree s’affaire à dresser la table en chantonnant. ‘‘Ecoutes-la,’’ dit Danielle. ‘‘Elle sur-compense toujours quand elle est inquiète’’. De fait la table est dressée pour un banquet princier. Bree ment à Andrew en prétendant que Rex a été appelé en dernière minute pour intervenir à une conférence à Philadelphie. L’adolescent quitte la maison en claquant la porte.
Le lendemain, Bree vient lui demander des comptes. Andrew prétend qu’il était chez Bian, mais Bree s’en était assuré et lui reproche son mensonge. Andrew met immédiatement sur la table le mensonge de sa mère à propos de son père : il l’a joint sur son portable et sait qu’il a quitté la maison. Elle voulait protéger ses enfants, justifie Bree. ‘‘Peu importe. Tu as menti, donc cesse de prétendre que tu possèdes une sorte d’autorité morale,’’ balance Andrew avant de claquer la porte de sa chambre au nez de sa mère.
21h30. Andrew n’est toujours pas rentré. Bree demande à Danielle de le joindre sur son portable. Andrew suspecte immédiatement que Bree est derrière le coup. Au téléphone, Bree réalise qu’Andrew se trouve dans un bar, avant qu’il ne lui raccroche au nez. Bree monte alors immédiatement à l’étage, arrache le panneau Keep Out à l’entrée de la chambre de son fils, défonce la porte fermée à clef et entreprend une fouille en règle qui lui permet de mettre la main sur des boites d’allumettes siglées du nom d’un bar.
Elle y retrouve Andrew et deux amis. C’est une boite à strip-tease. Puisque Andrew refuse de quitter les lieux, elle reste avec lui, et commente le spectacle, ou plutôt toutes les choses horribles qu’a du vivre la malheureuse strip-teaseuse pour en arriver là. Si bien que ce sont finalement les autres clients qui leur demandent de partir.
Bree s’excuse auprès de son fils de leur avoir caché la vérité sur le départ de Rex. Mais elle lui dit aussi que ce départ n’est pas entièrement de son fait. Andrew l’amadoue un peu, puis lui demande quand est-ce qu’il pourra récupérer une porte pour sa chambre. ‘‘Trois mois !’’ répond, ferme, Bree en sortant de la pièce.
Schizophrénie
Bree fait écouter à Susan, Gabrielle et Lynette la cassette d’une session de Mary-Alice avec le psy. Elle y décrit un cauchemar une femme la poursuit en l’appelant ‘‘Angela’’. Interrogée sur la signification de ce nom, Mary-Alice avoue au praticien qu’Angela est son véritable nom. Les quatre amies ne comprennent pas : elles ont vu des papiers d’identité de leur amie et c’est bien le nom de Mary-Alice qui y figurait. Elles jettent un regard vers Paul Young qui s’occupe de son gazon. Susan pense plus que jamais qu’il faut lui révéler l’existence de la lettre de chantage. Bree indique qu’il faut pendre la décision maintenant ou jamais : vu le prix qu’il demande pour la maison, il ne sera bientôt plus là... Bree ramène tout le monde aux réalités concrètes : quand même, Paul prend drôlement bien soin de son gazon...
Un peu plus tard, elles lui remettent donc la note. Devant les quatre amies, Paul se met soudain à pleurer et quitte la pièce sans dire un mot de plus.
Plus tard, Paul vient s’excuser de son comportement auprès de Lynette et de Gabrielle. Il leur raconte que Mary-Alice n’allait pas bien et que ces derniers mois, elle avait pris l’habitude de s’écrire à elle-même des notes de plus en plus extravagantes. Aucune des deux femmes ne le croit, quand bien même la cassette et le deuxième prénom peuvent s’expliquer par une schizophrénie...
Et elles n’ont pas tord, car Paul contacte un détective à qui il demande de retrouver l’auteur de la lettre...
« Quel genre de personne enverrait une telle lettre ? Etait-ce un ennemi ? Bien sûr ! Mais de quel genre ? Une connaissance ? Un étranger ? Ou, pourquoi pas, un voisin qui habite à quelques pas de là ?... »
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Une chose est décidément fascinante à propos de Desperate Housewives : c’est sa capacité à parler de choses fondamentalement sérieuses - dans cet épisode nous voyons un mari jaloux tabasser violemment un potentiel amant de sa femme, une mère s’interroger pour savoir si elle doit droguer ses enfants, une autre et sa famille en plein désarrois après avoir été quittée, et une autre encore soumise à un chantage - et de nous laisser à la fin des épisodes détendus, persuadés d’avoir vu une sitcom.
Car cette série est beaucoup, beaucoup plus qu’une comédie amusante, même si elle ne cesse jamais d’être cela aussi, grâce à une écriture exemplaire, grâce à un sens de la dérision constant et un humour délicieusement mordant. Si elle n’était que drôle, je regarderais probablement DH, mais les choses en resteraient là : rares sont les raisons d’avoir quelque chose à dire ou d’être impliqué émotionnellement dans une comédie pure. Mais la série évoque notre monde avec une acuité rare et propose un véritable point de vue, complexe et nuancé. Bien plus riche, par exemple, que celui d’une autre dramedy célèbre qui, elle, ne tarda pas à montrer ses limites en terme de contenus, même si elle continua encore un peu de rester très drôle par la suite (je parle, bien sûr, d’Ally McBeal). C’est un point sur lequel ces reviews reviendront constamment tout au long des 23 épisodes de la saison.
De manière évidente, les scénaristes prennent dès à présent l’habitude de structurer chaque épisode autour d’une sorte d’idée commune. Même si celle-ci n’est pas nécessairement l’unique thème de l’épisode.
Multiplicité
“Who’s that Woman ?” mène une interrogation multiple sur la question des identités. Celles qu’on endosse, celles qu’on laisse les autres percevoir de nous, celles que les autres se fabriquent de nous.
Lynette femme d’intérieur versus Lynette businesswoman... Gabrielle épouse, et son amant caché dans le placard - avec la révélation sur l’identité du faux amant décelé par Carlos... Susan, avec d’un coté son intérêt réel pour Mike et de l’autre la perception qu’il a d’elle : il croit qu’elle lui en veut et refuse de le voir... Bree, bien sûr, dont ce thème est un élément composant son personnage depuis le commencement, elle qui est déterminée à sauver les apparences en toute circonstance, même quand elle est au comble du désespoir au fond d’elle même. Et enfin Mary-Alice elle-même avec sa vraie-fausse schizophrénie, avec le mensonge de Paul, et l’identité de victime que, selon elle, elle a conservée tout en la maintenant secrète.
Chacun d’entre nous entretient et jongle constamment entre ces identités qui tantôt composent celui que nous sommes vraiment, tantôt sont chargé de dissimuler ce soit réel aux yeux des autres.
Si on déroule le raisonnement, la schizophrénie elle-même apparaît ainsi comme une maladie de notre temps, le symptôme d’une société qui a construit un culte de l’image et de l’apparence que la série pilonne constamment en tâchant de mener l’assaut par tous les fronts possibles et imaginables.
La où la série est vraiment très, très intéressante, c’est que quelques uns des moments comiques les plus forts de cet épisode à nouveau très drôles sont aux-aussi connecté à cette thématique, démontrant que l’humour dans la série ne consiste pas à placer des gags sans intérêt. Ainsi de Bree s’adressant à l’un des amis de Andrew lorsqu’elle fait irruption dans le club de strip-tease : ‘‘Oh, Heath, quel merveilleux solo à l’église la semaine dernière !’’. Ainsi encore de la réaction de Gabrielle quand elle constate que les amis de John la fixent du regard quand elle vient le voir sur le terrain de foot. Un temps replié et inquiète (John a-t-il évoqué devant eux leur relation ?) elle se métamorphose soudain lorsque John lui explique qu’ils la reluquent simplement parce qu’elle est belle et offre alors festival de sourire, de regards en coin et de petits signes de la main.
Les terroristes de quartier
S’il y a un thème récurrent à ce premier quart de la saison, c’est bien celui du chantage. Que ce soit celui de la lettre qui a poussé Mary-Alice au suicide, celui de la petite fille envers Gabrielle lors de l’épisode précédent, et celui de Martha envers Susan dans cet épisode.
Dans chaque cas, le maître-chanteur est un voisin, quelqu’un qu’on est habitué à fréquenter et qui appartient à notre quotidien. Insidieusement, la série invite ainsi à s’attarder sur ceux qui, au sein même de l’Amérique souriante, cherchent à répandre à leur façon la terreur. Elle dresse le portrait d’un terroriste de quartier, un ennemi intérieur qui lui aussi peut tuer - le cas de Mary-Alice en témoigne. On balaie donc ici, dans un premier temps, l’idée d’une population bienfaitrice et positive. Elle recèle une certaine forme de mal comme il existe partout ailleurs.
Mais la capacité de destruction mise ici en scène est encore plus insidieuse que la simple idée d’ennemi intérieur (qui, si elle ne fait pas de mal à être rappelée, s’est heureusement imposée comme relativement commune dans la fiction américaine qui s’oppose de façon récurrente à la vision Bushienne d’un ennemi extérieur qui constituerait un « axe du Mal »). En effet, c’est la nature même de cette forme de terrorisme que de ne fonctionner que sur celui qui a quelque chose à se reprocher. C’est à dire que l’Amérique n’a acquis sa capacité à être terrorisée que parce qu’elle s’est d’abord elle-même rendu coupable de crimes divers.
La série présente donc une charge contre Bush ? Sans aucun doute ! Une condamnation totale de son action ? Certainement pas ! Desperate Housewives est décidément beaucoup plus ambiguë (nous aurons l’occasion d’y revenir). Car en fin de course, on débouche sur le constat amer d’une situation sans échappatoire. Susan n’a d’autre alternative que de se rendre à nouveau coupable pour désamorcer la situation. Son intrusion chez Martha constitue sa réplique - son attaque. Même si elle cherchera à se décharger faussement de cette nouvelle culpabilité en arguant qu’elle ne vole pas en récupérant son bien, Martha saura bien sûr la mettre face à la réalité de son effraction.
On se rappelle alors que Gabrielle n’avait jamais réellement mis fin à la situation qui pesait sur elle. A posteriori, l’absence de résolution de cette intrigue apparaît soudain moins paresseux que volontaire. Et, bien sûr, la seule échappatoire que Mary-Alice elle-même ait trouvée est celle qui a consisté à se donner la mort. Si le propos de la série n’est donc pas manichéen, il est aussi singulièrement pessimiste. Et l’on découvre qu’en interview, Marc Cherry se revendique de cette certaine forme de réalisme à la croisée des chemins. Là aussi, on y reviendra...
Wisteria Lane’s Gossip
On notera que quelques problèmes de continuité se posent entre cet épisode et les précédents. Dans le second épisode de la série, l’intrigue se concluait par le constat que Mike n’était pas disponible, ni pour Susan, ni pour Edie. Un constat que Susan comprenait et acceptait. Aujourd’hui, pourtant, celui-ci est très visiblement oublié.
Par ailleurs, au début de cet épisode, Rex a déjà passé deux nuits hors de la maison, en admettant qu’il commence dans la directe continuité du précédent. Une réalité qui est difficilement compatible avec le point sur la situation opéré par les deux enfants Van de Kamp. D’autant que Danielle relate une dispute entre Rex et Bree dont on voit mal ce qu’elle pourrait être...
Je mentionnais plus haut à quel point je ne peux pas m’empêcher de repenser à la ringardissime série Superboy à chaque fois que je revois James Newton Howard - en même temps je crois bien que la seule chose dans laquelle je l’ai réellement revu, c’est Melrose Place, donc ce n’était pas trop handicapant non plus. C’est amusant de noter à quel point un acteur va voir son image définitivement brouillée d’avoir été impliqué dans un projet de très mauvais qualité, alors que dans l’absolu, il fait partie de ceux qui sont le moins en cause. Certes il s’est compromis là dedans pour payer son loyer et ses impôts, mais il n’a pas de responsabilité créative directe, surtout une fois qu’on réalise qu’il est impossible de jouer secrètement un scénario nul.
A coté de cela, les vrais responsables créatifs vont pouvoir bien plus facilement oublier ce genre de boulets, surtout dans l’œil du public. Ainsi est des réalisateurs de Superboy n’était autre que David Nutter, un des réalisateurs grand luxe de la télévision U.S. qui s’est fait une spécialité de la création des styles visuels de série par le tournage de Pilotes (notamment pour la Warner).
Déjà, dans le dernier épisode, Carlos avait montré au cours d’une simple scène de dialogue à quel point il constituait une menace réelle, sérieuse, plus dramatique et tangible que n’importe quelle invraisemblable petite voisine que les scénaristes pourraient inventer. Un pas en avant est fait dans l’incarnation de cette menace dans cet épisode lorsque l’on voit jusqu’où Carlos est capable d’aller par vengeance.
Toute la difficulté devient alors de jongler entre cette cruauté réelle et deux autres facteurs : d’abord la persistance d’un intérêt du public pour le personnage (il ne doit pas devenir simplement détestable), ensuite la tenue a distance de cette menace (il ne peut pas passer à l’action sur Gabrielle). Bilan à la fin de la saison pour voir comment les scénaristes s’en sont tirés.
Le personnage de Martha Hubert, remarquable et remarqué depuis l’épisode pilote, achève d’ailleurs à l’occasion de cet épisode de convaincre de sa pertinence et de sa réussite. Dans ce rôle, Christine Estabrook se révèle absolument brillante, dans la manière de déverser méchancetés et allusions fourbes avec classe et politesse.
J’aime décidément beaucoup la famille Scavo et, à vrai dire, son traitement à l’écran déborde de l’affection que lui portent les scénaristes de la série eux-mêmes. Ici, est mis en valeur le rapport d’affection touchant entre Lynette et ses enfants, qui, c’est vrai, nécessitait peut-être quelques explications. On ressent l’amour débordant qui unit cette femme à ses petits monstres - un amour dont ils abusent, mais qu’ils lui rendent bien. On esquisse aussi le rapport trouble de Lynette à l’éducation - les poids qui pèsent sur elle-même et qu’elle refuse de faire porter à sa progéniture. Je suis convaincu (et j’ai l’espoir) que si la série dure suffisamment longtemps pour qu’on voit les enfants Scavo grandir un peu, on les y verra devenir des garçons bien et équilibrés.
Car, à bien des égards, la famille Scavo est aussi un miroir inversé de la famille Van de Kamp.
Au sujet de la durée de la série, Marc Cherry a confié en interview qu’il souhaiterait que la série dure une jolie durée standard de sept saisons.
Cet épisode laisse plusieurs éléments ouverts pour la suite. Comment va continuer de réagir Carlos, maintenant qu’il suspecte Gabrielle de le tromper ? Et qu’en est-il de la situation des enfants Scavo puisque leur mère refuse de les soumettre à une médication et que leur école refuse de continuer à les accueillir ?
Les deux principaux auteurs de la série, Marc Cherry et Tom Spezialy s’associent pour livrer un nouvel excellent épisode donc la totalité des intrigues sont passionnantes et riches de contenu sans que l’ensemble ne cesse jamais d’être absolument désopilant. Cette série est véritablement brillante. C’est dit !
LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires