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Nip/Tuck
3.11 - Abby Mays
Sado et Maso sont sur un bâteau...
mercredi 7 décembre 2005, par
Au royaume des pervers sadiques, Christian est le roi, et au cas o๠on l’aurait oublié, il le prouve dans cet épisode d’une violence rare. On en apprend également un peu plus sur le personnage de Quentin, que je commence enfin à apprécier ; Sean est toujours aussi perdu dans son rôle de père, face à un Matt qui sombre un peu plus dans l’horreur.
Christian en est sûr : Kimber n’a pas disparu, elle est partie, elle l’a quitté, ce n’est pas la peine de prévenir les flics, comme le voudrait Sean. Elle ne reviendra pas, semble penser Christian. Comme s’il savait que ça lui arriverait, comme s’il savait qu’il n’était pas fait pour le mariage, pour l’amour, pour le bonheur.
Depuis la saison 1 et la grossesse de Gina, Christian a oscillé entre le sadique moral et l’homme qui désire plus que tout avoir une famille à lui, une femme et des enfants. Christian a été capable du pire (échanger Kimber contre une voiture de luxe) comme du meilleur (accepter d’élever et d’aimer un enfant qui n’était pas le sien). Il n’est pas seulement le sombre connard qui manipule les femmes pour les amener dans son lit et s’en débarrasser ensuite, il est aussi un homme qui cherche désespérément à fonder une famille. Il est aussi cet homme qui voudrait être Sean, qui voudrait avoir Julia pour épouse et Matt pour fils. Julia était d’ailleurs, jusqu’au revirement « let’s marry Kimber » la seule femme qu’il respecte et qu’il ne cherche pas à manipuler pour son plaisir. Julia représente la femme que Christian veut tout en pensant dans son for intérieur qu’il n’est pas assez bon pour elle.
Et n’est-ce pas ce qu’il pense de Kimber également ? Qu’elle est partie parce qu’il n’était pas assez bien pour elle ? C’est comme ça que j’explique l’incroyable sadisme avec lequel Christian traite la patiente de l’épisode qui, comme lui, est persuadée que personne ne peut l’aimer véritablement.
J’ai fait quelques recherches sur le sujet : il semblerait que le but du sadique moral (et Christian en est un depuis le début de la série) est de provoquer chez son partenaire masochiste une souffrance qui se rapproche le plus de la souffrance ressentie par le sadique. Puisque Christian pense que personne ne peut l’aimer, il humilie et culpabilise une femme assez désespérée pour vouloir l’aimer. Comme il le faisait d’ailleurs envers Kimber jusqu’à cette saison... Qu’est-ce qu’il l’a fait changer d’attitude envers elle ? Pourquoi est-elle passée d’accessoire à fiancée ? Peut-être parce qu’elle a su rester auprès de lui quand il était le plus vulnérable, après l’attaque du Carver. Peut-être sur son amour inconditionnel et passionnel a fini par convaincre Christian qu’une vie aimante, « normale » était possible, lui qui se déteste pour ce qu’il est devenu, ce Don Juan sans foi ni loi, sans valeur morale, ce manipulateur froid...
D’ailleurs, il est intéressant de préciser que si le sadisme et le masochisme sont bien typiques et distincts, il arrive qu’ils se mélangent parfois. Dans le cas de Christian, je me dis qu’il est tellement persuadé d’être mauvais qu’il est devenu un sadique moral dans le but se faire durablement détester, autant que lui se déteste au fond. On peut également penser que depuis l’annonce de sa filiation, ce sentiment de dégoût de lui-même n’a pu que s’intensifier... Sadisme et masochisme sont alors très liés.
Dans cet épisode, on nous offre de très belles scènes de sadisme moral. Une jeune femme mal dans sa peau voudrait qu’on arrête de l’appelle « chubby Abby », et parce qu’elle a le profil typique de la femme sans amour-propre, Christian s’en prend à elle. Il veut la faire souffrir comme il souffre en ce moment : rejeté, abandonné encore une fois par quelqu’un qui aurait du l’aimer (sa mère / Kimber), il veut que quelqu’un d’autre que lui ressente la même chose, et que ce quelqu’un d’autre soit une femme... Puisque l’amour ne lui a pas réussi, c’est l’humiliation qu’il choisit. Dans un premier temps, et comme il l’avait fait pour Kimber dans le pilot de la série, il marque sa proie au rouge à lèvres, révélant ainsi toutes ses imperfections physiques. La victime voit alors dans le miroir ce qu’elle redoutait le plus : rien en elle n’est « aimable », rien n’est assez bon, et tout est à refaire... Dans le sens le plus chirurgical possible. Ensuite, l’opération. Déjà violente en tant normal, une liposuccion faite avec l’intention de faire souffrir est encore plus horrible : Christian s’acharne sur cette patiente comme il voudrait pouvoir le faire sur lui, et « pomper » ce qu’il y a de pire en lui. Alors qu’il était capable de faire la même opération sur Kimber, avec sourire et mains réconfortantes, il est aussi capable de transpercer la chair de sa patiente pour libérer sa colère contre Kimber, mais surtout, sa colère contre lui-même. Il ne s’arrête pas là : la patiente le remercie pour ce qu’il a fait pour elle, et lui fait comprendre qu’elle aimerait avoir un rendez-vous avec lui. Christian accepte et donne un coup de grâce à la masochiste : lors de la soirée, il lui offre comme cadeau un sac de papier qu’elle devra porter si elle veut faire l’amour avec lui. Enfin si on peut parler de faire l’amour... Ca ressemblait plus à un acte désincarné...
Elle repartira en pleurs, mais pas parce qu’elle aura touché le fond de l’humiliation, parce qu’au contraire, comme elle lui avoue plus tard, elle aura eu son premier orgasme... Il y a des masochistes qui ont des sursauts de prise de conscience parfois, pas elle. Ca s’appelle la servitude volontaire.
Dans un autre registre, Quentin utilise le sexe non pas pour mettre mal à l’aise ses employeurs pour une fois, mais pour aider un jeune soldat-qui-n’est-pas-gay à affronter la vérité à propos de lui-même. En tout cas, c’est comme ça que je l’ai interprété. Lorsqu’un jeune homme aussi torturé par sa sexualité vient consulter le cabinet de Troy/McNamara, alors que Quentin est de son côté si « libéré », on peut penser que le clash n’est pas loin. Même si le soldat rejette fermement l’idée d’être homosexuel, il ne peut cacher son désir pour Quentin, qui le devine aussitôt... Et décide de se mêler de la vie de ce patient, par ailleurs marié, en ayant une relation sexuelle dans l’enceinte même du cabinet, et d’une façon si dénuée de toute passion que ça en fait froid dans le dos. Quentin montre un visage résigné, froid et absent, pendant que le jeune homme, lui, affiche une expression de haine, et à chaque coup de rein, semble dire : « je ne suis pas un pédé, je ne suis pas un pédé »...
Le sexe et sa violence intrinsèque, un thème délicat et difficile à traiter sans sombrer dans le glauque. Nip/Tuck réussit pourtant à atteindre son but : il montre, pour une fois, du sexe vide, du sexe violent, du sexe qui fait souffrir plus qu’il ne rend heureux... Du sexe qui sert à résoudre des conflits intérieurs, à dominer une autre personne ou à se laisser dominer... Du sexe tel qu’on ne veut pas en parler en somme.
Sinon, dans cet épisode, Quentin finit par quitter le cabinet de Sean et Christian, dans lequel il n’était plus le bienvenu, pour rejoindre le spa de Julia. Matt et EvilMeg s’avouent leur amour de façon légèrement ridicule et enfin, dans une dernière scène très bien mise en scène, nous voyons Kimber aux mains du Carver, défigurée et suppliante... Le psychopathe est bien décidé à faire souffrir Christian le plus longtemps possible...