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Battlestar Galactica

2.14 - Black Market

Prométhée

jeudi 2 février 2006, par Feyrtys

Cher Ron, ne sois pas si dur avec toi-même. Tu n’as pas aimé Black Market ? Tu l’as trouvé décevant, conventionnel, tu as trouvé que ça n’allait pas au bout de son sujet.... Tu es bien le seul (ou presque). Cher, très cher Ron, vois-tu, nous autres pauvres mortels, nous sommes habitués à voir des séries aussi conventionnelles que Lost, Walker Texas Ranger et Julie Lescaut. Même quand tu crois faire du médiocre, Ron, tu n’y arrives pas. Alors rassure-toi, il nous faudra plus que ça pour nous décevoir.

Alors oui, effectivement, le méchant de cet épisode est un peu trop méchant pour BSG, et le marché noir un peu trop noir également. Le coup des petits nenfants innocents qu’on vend à des très très vilains messieurs, c’était un raccourci pour une série aussi intelligente que BSG. Mais je ne peux leur en tenir rigueur, c’est impossible. Déjà, l’acteur qui joue le vilain est plutôt charismatique. Ensuite, on s’en fiche du marché noir, c’est pas ça qui nous intéresse !! C’est Lee ! C’est notre héros héroïque, notre personnage à la moralité infaillible, notre dose de deep blue eyes et de virilité débordante. C’est notre Apollo quoi !!

Car c’est bien de lui dont il s’agit, et cet épisode lui est entièrement consacré. Son enquête sur le marché noir n’est qu’une excuse pour en savoir plus sur lui. Alors, oui, d’accord Ron, l’enquête aurait pu être plus surprenante, moins conventionnelle, mais je t’assure, rien ne me paraît jamais évident avec BSG. On n’est pas dans Stargate ! Tu veux faire de BSG un show à part dans le monde de la télé, tu as réussi, et même le plus faible des épisodes restera bien supérieur à toutes ces séries attendues, politiquement correctes, fades et gentillettes.

Voilà qui est dit.

Pourquoi ai-je aimé cet épisode ? Parce que Lee y est très sexy. Je suis une téléspectatrice très basique moi, suffit de me donner ma dose de muscles suintant après l’effort pour me satisfaire.

Just kidding ! Ok, il est beau, ok, j’avais jamais remarqué à quel point ses yeux étaient bleus, ok, il porte parfaitement bien le surnom de son personnage, mais ce n’est pas pour ça que cet épisode est bien. L’épisode est bien parce que...

Parce qu’Apollo, ce petit galopin, il va aux putes !

Notre cher Lee Adama, le digne fils de son père, l’homme le plus intègre de toute la flotte du Galactica et du Pegasus réunis, va se consoler de temps à autres dans le lit d’une blonde sur le vaisseau Cloud Nine. (Quand je disais dans ma dernière review que j’aimais bien ce nom de vaisseau, j’étais loin de me douter qu’en plus, ce serait le vaisseau des bordels. C’est encore meilleur.)

Alors pourquoi c’est si bien qu’Adama paye pour du sexe ? Parce que c’est rare que les héros aient : 1) une libido, 2) une vie sexuelle, 3) la possibilité morale d’aller voir une prostituée. En général, toute relation sexuelle héroïque sous-entend de l’amour, du romantisme et par conséquent, une tonne de bâillements de la part de l’audience. En tout cas moi, ça me fait bâiller. Donc pour une fois qu’un héros va voir une prostituée et que ça ne lui pose aucun problème, je dis, bravo. En plus, c’est présenté très naturellement, sans réel effet de surprise, c’est juste un fait parmi d’autres : Lee donne de l’argent à une femme en petite tenue avec qui il vient de faire l’amour. Bon, d’accord, ce n’est pas de la simple consommation, Lee a de l’affection pour cette femme et en plus il essaye d’être gentil avec sa petite fille qui en plus d’être blonde, est malade. Pas de bol.

Ce n’est pas tout !! Non seulement Lee se rend régulièrement sur Cloud Nine mais en plus, on apprend qu’avant l’attaque des cylons, il était engagé dans une relation avec une autre femme. Une autre femme qui l’a quitté parce qu’il n’était pas prêt à devenir père...

L’utilisation des flash backs, encore une fois, est brillante : pas besoin de dialogue creux, pas besoin de scènes inutiles, tout est dit en quelques images. Elle est triste, elle pleure, elle porte sa main sur son ventre légèrement arrondi. Il la regarde partir.

Et voilà ! On a compris de quoi il était question. On sait qu’il avait une vie avant la fin du monde, on sait qu’il a probablement des regrets... C’est ce que j’appelle un script impeccable : deux gestes, un regard, tout est clair. Pas besoin de plus ! Pas besoin de dialogues à rallonge : « Je suis enceinte Lee - mais je ne suis pas prêt, ce n’est pas le bon moment - il n’y a pas de bons moments pour ça, dis-moi que nous allons l’élever ensemble cet enfant - je ne sais pas, je t’aime, mais je ne sais pas, tu dois me laisser du temps, s’il te plait - je ne peux pas Lee, il faut que je sache, il faut que je sache que tu seras là pour notre enfant - mais ce n’était pas prévu, ça ne devait pas se passer comme ça - la vie est ainsi faite mon amour, elle est imprévisible, tu seras un bon père, aller, regarde-moi, dis-moi que tu veux de cet enfant - non je ne peux pas, je ne peux pas, pas maintenant, plus tard, pas maintenant, bla bla, pleurs, larmes, reniflements, embrassade, cris, au revoir, adieu ! »

Ouf ! On a échappé à ça !!

On peut d’ailleurs noter que les flashbacks qui concernent la vie avant le génocide ont tous la même forme : l’image est lumineuse, saturée, en totale opposition avec l’absence de couleurs sur les vaisseaux, au milieu du silence et de l’obscurité de l’espace. La vie sur les colonies ressemble à un certain paradis perdu, à un rêve que l’on embellit pour garder l’espoir qu’on le retrouvera un jour.

Est-ce que Lee a justement perdu tout espoir ? Est-ce qu’il a perdu ce en quoi il croyait, l’avènement d’un monde meilleur au milieu des décombres ? Serait-ce la raison de sa descente aux enfers ?

C’est possible. Mais même on se doutait qu’il allait appuyer sur la gâchette, qu’il allait abattre le responsable du marché noir estampillé très très méchant, il n’en reste pas moins que cet acte fait de Lee un homme qu’il abhorrait jusque là : un exécuteur solitaire, détaché de toute responsabilité morale et civique. On peut donc imaginer que cet acte marque un franchissement de la barrière morale et éthique que Lee se posait jusque là avec rigidité. Et peut-être que tout a commencé quand il a rejeté Blonde N°1 parce qu’elle était enceinte...

Il y a quand même une scène dont Ron est fier dans cet épisode : celle de la confrontation entre Tigh et Lee à propos du marché noir. D’un côté, Tigh cautionne l’existence du marché noir et de l’autre, Lee le condamne. Tigh se contente d’utiliser tous les moyens sa possession pour améliorer son existence. Lee voudrait que tout le monde ait les mêmes moyens justement... On ne peut pas s’empêcher de trouver Lee un tantinet trop coincé et limite monomaniaque à ce sujet, en opposition à un Tigh qui se veut plus pragmatique et plus réaliste, et je dirai, moins hypocrite. Mais l’arrogance de Tigh et son manque de responsabilité face aux dérives de ce marché noir (assassinat entre autres) nous font le détester en même temps. Et comme le dit Ron Moore, ce personnage ne ressemble à aucun autre et il est d’autant plus intéressant pour cette raison. Il est possible d’aimer et de détester Tigh en même temps. Rarement un personnage provoque ce genre d’effets.

Et je pourrai rajouter qu’au moment de cette confrontation, Lee semble encore y croire, à son idéal de cité, de communauté humaine. S’il se défend contre un Tigh utilitariste, peut-être n’a-t-il pas perdu tout espoir ? La scène m’a fait alors douter quant au dénouement ; je n’étais plus tout à fait sûre que Lee avait définitivement plongé du côté obscur de la force. Et peut-être que la phrase de Tigh, « Did you really expect some utopian fantasy to rise from the ashes ? », cynique au possible, au lieu de l’enfoncer un peu plus, lui permettrait de se rendre compte que malgré tout, il doit continuer à y croire ?

Mais au moment où Lee abat le personnage de Bill Duke, le méchant par excellence, le bad guy arrogant qui parle trop, on comprend alors qu’Apollo a définitivement renoncé à ses idéaux. Mais jusqu’au bout, une autre issue était possible. Jusqu’au bout, et malgré ce que certaines personnes pensent, il était possible que Lee choisisse de ne pas le tuer. L’intérêt de cette storyline était justement de montrer que Lee était à un tournant de sa vie, que deux choix se montraient à lui : vivre selon ses convictions ou en opposition à celles-ci, en suivant la voie de la facilité. Je trouve personnellement que l’épisode réussit parfaitement cette tâche.

Il y autre chose que Ron Moore a oublié de mentionner comme une réussite, c’est l’analogie entre le nom du vaisseau où se déroule le plus gros du marché noir et la mythologie grecque (qui est redevenue à la mode dans ce monde là) : il s’agit du Prometheus. Le Prométhée quoi. Ca m’aurait complètement échappé si le brillant Joma, de son nom indien « Celui qui Sait Tout », n’en avait pas parlé sur le forum. Effectivement, l’analogie est réussie. Prométhée, dans le mythe du même nom, avait dérobé à Zeus (Héphaïstos et Athéna plus exactement) « la sagesse de l’art jointe au feu » et que ces dons ont procuré aux hommes « toutes facilités pour vivre » et permis de se regrouper et de fonder des cités.

Le vaisseau Prometheus permet, avec le même subterfuge, de créer une communauté humaine jusque là invisible dans la série. On savait bien qu’il y avait tant de survivants et on visualisait bien l’ensemble de la flotte, Galactica et Pegasus à la tête, mais on ne pouvait imaginer de véritable communauté en dehors des militaires des Battlestars. Prometheus is remédie. La cité se construit avec ces échanges sous le manteau. L’économie est une partie primordiale de toute société qui veut se définir, c’est pourquoi la Présidente tient tant à contrer ce marché noir, parce qu’elle veut une autre économie pour « son peuple ». Ce qu’elle ne réalise pas, c’est qu’effectivement, en temps de guerre ou de survie plus exactement, le marché noir est un mal avec lequel il faut composer. Parce qu’il existera malgré toutes les mesures qu’elle pourra prendre. Un peu de pragmatisme ne fait de mal à personne il semblerait ! Roslin accepte la proposition de Lee de « réguler » le marché noir.

En parlant de la Présidente, celle-ci essaye de se débarrasser de son vice-président. Mais sa tactique, qui consiste à le détourner de la politique pour qu’il se consacre à la science, provoque l’effet inverse chez Baltar. Comme le fait remarquer Ron Moore, ce dernier possède un ego surdimensionné (un peu comme nous tous à EDUSA) et Laura, en heurtant son ego (« c’est pas pour vous la politique mon petit »), pousse Gaius à la détester un peu plus... Mais que peut-elle faire de plus ? S’il refuse de démissionner, quels sont les moyens en possession de la Présidente ? Elle ne peut rien prouver en ce qui concerne Baltar, mais une chose est sûre, elle sait qu’elle doit le craindre...

Je terminerai par ce qui peut apparaître comme le plus trivial mais qui a son importance également : la relation entre Lee et cette chère Dualla. Rien n’était clair, rien n’était évident, mais il y avait quelque chose. Ron Moore pense cette relation a été survolée, et que personne ne pouvait vraiment dire ce qu’il y avait entre Lee et Dualla (par ailleurs plus ou moins engagée avec Billy, l’assistant de Laura Roslin), ce qu’il regrette. Moi je trouve qu’au contraire, cette relation est parfaite parce qu’elle se base uniquement sur une attirance sexuelle. On n’a pas vu D. et Lee discuter, on ne les a pas vu s’amuser ensemble, on les a vu s’exercer au combat, c’est tout. Je ne décrirai pas l’analogie tant elle est évidente, car pour moi, c’est uniquement de sexe qu’il s’agit. Alors que la prostituée sur Cloud Nine représente pour Lee une façon de se racheter auprès de son ancienne compagne aujourd’hui décédée, Dualla représente l’attirance sexuelle, qui pourrait aussi bien mener à une vraie relation intime qu’à une simple passade. D’ailleurs, aucun des deux ne sait où ça pourrait les mener. D. semble cependant très attachée à Lee (on la comprend hein, moi aussi je m’y attacherai bien à cui-là) et dans un élan d’honnêteté et de maturité, lui demande directement ce qu’il compte faire de cette attirance réciproque. Et se mange un rateau. Pauvre D. Il te reste le gentil Billy, pleure pas !


Un très bon stand-alone, qui a le mérite de donner àApollo tout le temps d’antenne qu’il mérite. Non non, je ne fais pas de fixette sur lui !! Pas du tout ! Je suis tout àfait objective !