En Direct des USA

Accueil > Reviews > Saison 2005/2006 > Battlestar Galactica - Saison 2 > 2.20 - Lay Down Your Burdens, Part 2

Battlestar Galactica

2.20 - Lay Down Your Burdens, Part 2

Quantum leap

mardi 14 mars 2006, par Feyrtys

Rares sont les séries, même parmi les meilleures, qui parviennent à prendre de véritables risques, à changer leur narration, leurs sujets, leurs lieux d’action, du tout au tout. Même le public le plus fidèle, ou devrai-je dire, surtout le public le plus fidèle, supporte mal les virages à 180°. Il ne faut pas avoir peur de perdre son audience quand on veut prendre des risques. Ou bien, comme Ron D. Moore, il faut avoir des cojones de taille relativement exceptionnelle.

Car oui, Ron est couillu. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Ju. Et comme d’habitude, il a raison. Ron est couillu, mais pas comme un JJ Abrams, non non, ce ne sont pas des prothèses en silicone qu’il possède, ce sont de vraies parties génitales, de celles qui permettent de prendre de vrais risques et pas de faire semblant. Il ne s’agit pas de dire « Ca fait deux ans que tu as disparu, Sydney » pour revenir presque aussi vite aux bases de la série, il s’agit ici de changer radicalement de position. De donner à sa série de nouveaux enjeux et de nouvelles bases.

Les pièces avancées dans Part I font parties d’une stratégie pour changer la série, introduire une nouvelle donne et faire évoluer les personnages radicalement.

Le nouveau modèle

Il y a d’abord la découverte d’un nouveau cylon, celui interprété avec brio par Dean Stockwell. Les résistants de Caprica le ramènent avec eux à bord du Galactica et c’est le Chief qui le démasque. Sharon le savait et pourtant, n’a rien dit. Il est maintenant impossible de savoir de quel côté elle se place. Interrogés en cellule, les deux cylons du même modèle, que l’on appellera Al pour plus de commodités, donnent un discours surprenant à Adama et à Laura. D’après le modèle rapporté de Caprica, les deux héroïnes cylons, la Sharon de Tyrol et la N°6 de Baltar, celle de Caprica, ont réussi à faire entendre leur message de paix et à renverser la tendance cylon à vouloir annihiler la race humaine. Les cylons ont soi-disant reconnus leurs erreurs.

Ce modèle de cylon est particulièrement cynique et ironique, surtout quand il explique à Adama et à Laura qu’il n’y a pas de Dieu, que c’est un mensonge qu’ils racontent aux autres depuis le début. Intéressant ! Ca veut donc bien dire que l’obsession du modèle N°6 à propos de Dieu est une de ses caractéristiques propres, non partagées par les autres cylons. Et en plus, ça veut bien dire qu’il y a une hiérarchie au sein des cylons, que certains en savent plus que d’autres sur leur plan ultime...

J’aime beaucoup le modèle Al, il me plait énormément, et pas seulement parce qu’il a beaucoup plus d’humour que tous les autres cylons réunis, mais aussi parce qu’il a un regard nouveau sur la situation : d’après lui, les cylons devraient reconnaître n’être que des machines, et arrêter de se prendre pour des hommes...

Les cylons laisseraient donc les survivants en paix ? Après avoir commis un génocide et avoir poursuivis la flotte du Galactica sans répit ? C’est un pari qu’il ne faudrait pas prendre. La parole des cylons ne vaut pas grand-chose... Mais ce discours augure des changements à venir. Si les deux héroïnes ont effectivement réussi à faire entendre leurs arguments, ça veut dire qu’elles ont encore plus d’importance que ce que l’on pensait, une véritable autorité...

De son côté, Starbuck a pu ramener sain et sauf son rebel-rebel, le beau (mais un peu creux pour le moment) Anders. Elle le présente à Adama comme si elle présentait son petit copain à son père, c’était très touchant. Ce qui était plus raté, en revanche, c’est la scène pendant laquelle Kara célèbre le retour de son amoureux en buvant, comme à son habitude. J’ai trouvé que Katee Sackhoff surjouait un tantinet dans cette scène... Alors oui, Starbuck est une gosse, elle est plus heureuse que jamais avec son nouveau petit copain, elle agit comme une adolescente lobotomisée, mais là, c’était pénible à regarder, surtout parce que c’était assez mal joué... Ca fait cependant plaisir de savoir qu’elle est enfin heureuse.

Les élections

Mais revenons sur le premier gros rebondissement de l’épisode, celui qui va entraîner tous les autres, les élections. On le savait, les choses allaient être difficiles pour Laura, suite à la découverte de New Caprica et à la prise de position de Baltar sur ce sujet : contrairement à la Présidente, il promettait aux survivants une vie meilleure sur cette planète aux conditions climatiques pourtant difficiles. Mais Laura ne veut pas faire de compromis, New Caprica n’est pas la Terre et il serait dangereux de s’y installer définitivement.

L’issue était incertaine... Mais pas tant que ça, grâce à Tori, la nouvelle assistante de Laura, remplaçante de feu Billy (et très différente de lui, ce qui était une bonne chose à faire) et manager de la campagne de réélection. Tori a un plan B. Et son plan, c’est de truquer les résultats, avec l’appui de Laura, de Tigh et de Dualla, ni plus ni moins.

Premier choc. A vrai dire, devant ma télé, j’étais plus que choquée. J’ai du passer cinq minutes à dire : NO FRAKKING WAY ! OH NO SHE DIDN’T ! Et à condamner fermement Laura pour avoir pris cette décision. Non mais c’est vrai quoi, elle nous rabat le caquet avec la démocratie, enfin, Lee Adama nous rabat le caquet avec la démocratie là, c’est pas pour truquer des élections ! La démocratie, c’est aussi savoir accepter que le peuple ne prenne pas les bonnes décisions. Pour la peine, je vais citer Ignacio Ramonet dans le dernier Monde Diplomatique (celui de mars 2006), puisqu’il parle de la démocratie, justement. Ca change des poèmes !

« Souvent présentée comme le meilleur des systèmes politiques, la démocratie a longtemps été une forme de gouvernement rare. Parce qu’aucun régime ne répond totalement à l’idéal démocratique qui supposerait une honnêteté totale des puissants à l’égard des faibles et une condamnation vraiment radicale de tout abus de pouvoir. Et parce qu’il faut respecter cinq critères indispensables : élections libres ; opposition organisée et libre ; droit réel à l’alternance politique ; système judiciaire indépendant ; et existence de médias libres. »

En empêchant la tenue d’élections libres, Laura bafoue les principes qu’elle a elle-même défendus. Alors que l’on soit d’accord Laura, je comprends ton geste. Bien sûr, Baltar Président ne laisse augurer rien de bon, y compris pour les gens qui votent pour lui. Surtout pour eux en fait. Mais ce n’est pas à toi de décider. Soit tu considères que peuple est trop stupide pour décider de ce qui est bien pour lui, et dans ce cas tu instaures une dictature éclairée, sois tu t’engages vraiment à créer une démocratie, ce qui implique de voir le peuple prendre de mauvaises décisions. Mais tu arrêtes de te plaindre et surtout, tu ne triches pas avec les moyens que tu as voulu toi-même mettre en place ! C’est un peu trop facile. Et ça n’est pas digne de toi.

Heureusement, Gaeta est là pour veiller au grain. Il décèle la fraude des élections et confronte Tigh, qui ment plutôt très mal... Ce gros rapporteur de Gaeta s’empresse de prévenir Adama et voilà cette chère Laura obligée d’avouer à Bill sa faute... Mais Adama, lui, sait ce qui doit être fait, et surtout, il sait que cette décision pourrait tuer Laura à petit feu, lui faire perdre de vue les raisons qui l’ont poussée à embrasser cette carrière de politicienne. En truquant les élections et en restant Présidente alors qu’elle ne le mérite pas, Laura causerait elle-même sa perte, Adama en a conscience.

La scène est parfaite. Cet échange entre ces deux grandes figures de la flotte, qui sont amis, qui se respectent infiniment, est dénué de tout jugement ou de mépris. Adama comprend la décision de Laura, mais ne peut l’accepter, et Roslin n’attendait que ces paroles pour enlever ce poids de ses épaules.

Baltar Président

Ca fait peur, et c’est normal. Ce grand lâche qu’est Baltar, cet être veule, mesquin, mais à l’intelligence unique et l’ego surdimensionné, ne peut que mépriser quelqu’un comme Adama, ce qu’il fait dès les premières minutes de l’annonce de sa victoire. Mais il y a de la crainte dans son attitude également, ce qui est peut-être une bonne chose d’un certain point de vue... Baltar n’a d’autres conseillers que Zarek, ancien terroriste reconnu et ordure comme on en fait plus, et Chip 6... En plus, Laura l’a confrontée à ses visions, même si elle n’a aucune preuve ce qu’elle avance. Mais Gaius sait qu’elle est au courant, et sa culpabilité ne peut que grandir face à cette découverte... Sa folie n’a donc plus aucun rempart.

Pourtant, la première personne vers qui il se rend, c’est Gina sur Cloud Nine... Il est très amoureux d’elle, peut-être même plus que de Caprica Six, à moins qu’il ne soit amoureux de ce modèle en général... Mais Gina ne s’est pas remise de son infâme traitement sur Pegasus et se montre plus fragile encore... Elle s’offre, littéralement, au désir de Baltar, comme le dernier acte désespéré de quelqu’un qui a renoncé à vivre. Puis, seule dans sa chambre, décide d’utiliser la tête nucléaire que Gaius lui avait apporté sur un plateau pour faire sauter Cloud Nine et le reste des vaisseaux autour...

Les premières heures de la Présidence de Baltar sont donc une véritable catastrophe. Et le suicide de Gina lui porte un coup fatal. C’est comme si il avait perdu tout espoir...

C’est à ce moment précis que le plus gros risque que la série ait jamais pris se met en place : à l’écran, nous voyons apparaître :

UN AN PLUS TARD

Là où d’autres séries se seraient contentées de laisser cette annonce en guise de cliffhanger, BSG va un peu plus loin dans sa logique et développe, au contraire, son parti-pris de façon immédiate. Oui, il s’est passé un an entre le résultat des élections et les images que nous voyons de Baltar dans son antre, prostituées en fond, cigares et alcool en accompagnement...

Ah ça pour un leap, c’est un big leap... Et la possibilité pour la série de rater complètement son virage, décevoir tous ses fans et perdre toute son audience...

A priori, je dirais que ce virage a été parfaitement pris. Les scènes sur New Caprica sont naturelles, coulent de source, les détails sur la vie des personnages sont crédibles et cohérents. En plus, le camp formé de tentes et de gens afférés donnent un vrai réalisme au côté pionner. Je me serais crue dans Deadwood !! Le temps est humide, gris, froid, on est loin du paradis promis. Les conditions sont difficiles, les gens sont malades, mais vivent en communauté, forment une société. Kara est mariée à Anders, Tyrol et Cally attendent un bébé, le Doc s’occupe des colons, Tigh et sa femme ont quitté le Galactica pour venir vivre sur cette planète, Laura est institutrice et elle est heureuse ; la petite Hera, le bébé cylon, a grandi et sa mère Maya est toujours à ses côtés. J’aime ces détails qui veulent dire bien plus qu’ils ne le montrent ; j’aime ce saut dans le temps parce qu’il permet de partir sur de nouvelles bases. Tyrol, par exemple, se retrouve en leader du peuple, s’opposant à Baltar. Ca va tellement bien avec le personnage que l’on ne se demande même pas comment il est arrivé là !

Le discours qu’il donne est d’ailleurs l’exact même discours prononcé par Mario Savio sur le campus de Berkeley en 1964. C’est donc un hommage rendu à ce penseur et activiste pour la paix. Le discours est celui-ci, et il mérite d’être cité :

There is a time when the operation of the machine becomes so odious, makes you so sick at heart, that you can’t take part ; you can’t even passively take part, and you’ve got to put your bodies upon the gears and upon the wheels, upon the levers, upon all the apparatus, and you’ve got to make it stop. And you’ve got to indicate to the people who run it, to the people who own it, that unless you’re free, the machine will be prevented from working at all !

Baltar est donc un Président odieux, comme l’on pouvait s’en douter... Et la vie n’est pas simple sur New Caprica, mais la volonté des gens de vivre sur une planète et de s’y installer est plus forte que toutes les difficultés. Travailler la terre, vivre en société, fonder des familles. Les choses les plus simples sont celles qui, pour les survivants d’un génocide, sont les plus importantes.

Le reste de la flotte est en orbite autour de la planète, surveillant et protégeant les colons. Adama est sur le Galactica, son fils est sur le Pegasus avec Dualla (qui a pris du grade). Les vaisseaux se sont vidés, les pilotes et les soldats sont devenus des colons. Tout le monde est allé de l’avant.

Le retour des cylons.

C’était sans compter sur les conséquences de l’explosion nucléaire sur Cloud Nine... Les cylons ont fini, grâce aux traces laissées par la bombe atomique, par retrouver la trace des hommes et à les traquer sur New Caprica. Pour des gens qui voulaient laisser l’humanité en paix, ils débarquent avec beaucoup de vaisseaux et beaucoup de petits soldats de l’ancien modèle ! Le Président Gaius Baltar se rend sans condition. Il n’a pas le choix. Mais là où Laura aurait continué à se battre pour le peuple, on peut penser que Baltar va s’engager dans une collaboration dangereuse...

La flotte du Galactica est ainsi obligée de fuir... Mais sans pilotes, la bataille sera encore plus difficile. Il reste les colons de New Caprica. Il reste Kara, Tigh, Tyrol, Laura, le Doc et sûrement d’autres soldats. Il reste des gens qui voudront résister, c’est certain...

La saison 3 sera-t-elle celle de la résistance ? Qu’est-ce que la flotte du Battlestar Galactica va pouvoir faire exactement ? Quel est le nouveau plan des cylons (si jamais ils en ont changé, ce qui reste à prouver) ?

Et parmi les questions fondamentales, Adama va-t-il continuer à porter son affreuse moustache postiche ? Kara aura-t-elle de vrais cheveux à la place de ses extensions capillaires désastreuses ? Lee va-t-il se mettre au régime ?


On pourra regretter la présence de trois loners un peu faibles dans cette seconde saison, mais àpart ça, je ne trouve rien àredire de la direction prise dans cette saison. L’ensemble forme une série de plus en plus originale, profonde, intelligente et extrêmement bien jouée, bien réalisée et bien écrite. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que la saison 3 sera aussi passionnante que les deux premières. BSG est une des meilleures séries àl’heure actuelle, toutes séries confondues, et cette place n’a pas été volée, comme le prouve cet audacieux épisode final.