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11.12 - The Providers

Des méfaits de la médecine moderne

lundi 17 octobre 2005, par Yerno

Un épisode courageux sur un sujet difficile qui ne laissera personne indifférent.

Le grand débat

Une des choses que j’aime dans Urgences, c’est que c’est une série qui sait faire preuve de courage en traitant de sujets polémiques, et en les traitant de manière intelligente, comme c’est le cas dans cet épisode. En effet, là où une autre série aurait pu tenter un engagement complet dans une seule cause - ce qui n’est pas nécessairement une mauvaise chose, loin de moi l’idée de critiquer les séries qui assument une idée jusqu’au bout - toute la clé de cet épisode réside dans le fait que même après le générique de fin, on se retrouve sans réelle opinion, même si pour ma part, je pencherais du côté de Kerry et Susan.

L’histoire

N’allons pas trop vite, non... Tentons de structurer un brin cette critique, même si j’avoue que je ne sais pas par quel bout prendre l’épisode.
Gabriel Milner et sa fille Cathy débarquent donc aux Urgences à la suite d’un accident de voiture tandis que l’adolescente tentait de faire un créneau. Elle a subi une greffe de reins relativement peu de temps auparavant, rein provenant de son père pour la simple raison que les caractéristiques particulières de son corps l’empêchaient de trouver un donneur compatible « facilement ». Trois mois avant l’accident, Cathy avait été mise sous un nouveau traitement, le Zarictal, par son neurologue.

Là va reposer toute la problématique de l’épisode, à savoir dans un premier temps si le médicament est responsable de la rechute de Cathy et du fait qu’elle doive subir une autre greffe, et qui nous amène, nous téléspectateurs, à nous demander si la médecine moderne a un aussi beau rôle que nous sommes supposés le croire.

George Henry

C’est un détail, par conséquent le placer au début de ma critique n’était peut-être pas le mieux à faire. Mais je n’avais pas envie de mettre ça à la fin, j’avais envie de terminer par le plus « important ».

J’ai été très content de revoir George Henry... C’est la deuxième fois en deux épisode d’affilée qu’on nous ressort un personnage de la saison 4. Les producteurs ont dû fouiller dans leurs archives et se dire qu’une petite note du passé rendrait les téléspectateurs mélancoliques, et, comme nous l’avons vu précédemment, les téléspectateurs d’Urgences étant maso, la mélancolie leur va bien au teint.

Le scandale de Carter

Voici ce qui va mettre en émoi tous les médecins de l’hôpital et les médias avides de sensation avec : Carter va déposer une note sur un forum remettant légèrement en cause le nouveau traitement Zarictal, traitement produit par une des entreprises pharmaceutiques qui subventionne le Cook County Hospital. Cette situation m’a rappelé, d’une certaine manière, l’épisode 9.03 « Insurrection », où Carter nous faisait un coup du même genre, en déclenchant une véritable tornade sans se préoccuper des conséquences pour l’hôpital et les emplois qu’il génère.

Je n’aime pas Carter, et ce n’est pas ce genre de choses qui va le faire remonter dans mon estime.

Malgré tout, je vais tenter de ne pas être manichéen et de ne pas rejeter toute la responsabilité et tous les torts sur son dos, d’abord parce qu’il est en assez mauvais état, et ensuite parce que Carter a des arguments tout à fait recevables. C’est ce qui fait que je me suis retrouvé « perplexe », incapable d’émettre un jugement clair à la fin de cet épisode, parce qu’il y a du bon et du mauvais dans chaque « camp ».

D’un point de vue idéaliste, le point de vue de Carter, l’on voudrait trouver le médicament parfait, qui rendrait l’existence plus facile sans aucun risque de drame. D’un point de vue plus pragmatique, le point de vue de Kerry et de Susan dans une moindre mesure, l’on s’efforce de constater l’efficacité d’un médicament et de courir le risque qu’il provoque des effets secondaires très indésirables chez certains cas rares. Bien sûr, c’est terrible de se dire une chose pareille, et je ne veux pas qu’on croie que je veux dire par là « tant pis si on perd des vies ». Ce que je veux dire, c’est qu’il faut être assez réaliste, le risque zéro n’existe pas (encore).

Carter réagit davantage par rapport à ses sentiments, et n’a aucun recul vis-à-vis de ses patients, ce qui est une réaction assez intéressante. Pour autant, il n’est pas enfermé dans son point de vue, puisqu’il réalise plus ou moins les torts qu’il a causés autour de lui à la fin de l’épisode, il n’est pas borné et sait prendre conscience de ses « erreurs ».

Kerry et Susan représentent l’autorité, et peut-être un équilibre plus manifeste. Il est intéressant de voir que malgré sa longévité aux Urgences, Carter n’est jamais devenu chef de service. Et je me demande si son implication constante dans les cas dont ils s’occupent, dans sa relation aux personnes même en dehors de l’hôpital, ne l’empêcherait pas d’avoir une telle responsabilité, qui demande davantage de recul. Quand je parle de relation même hors de l’hôpital, je pense à son couple avec Abby, que personnellement je n’approuvais pas vraiment, mais qui a tout de même son intérêt, surtout avec plusieurs saisons de recul. Il était impossible que cela marche entre eux, parce que Carter a cette tendance à vouloir tout contrôler, à vouloir s’impliquer dans tout ce qu’il fait. Il est certes plein de bonnes intentions, mais fait beaucoup de dégâts autour de lui.
Certains pourront me répliquer que sa relation avec Abby est hors sujet ici, que cela n’a rien à voir. Eh bien je n’en suis pas si sûr. Parce que Carter gère toutes ses relations, avec ses patients comme avec ses proches, avec des inconnus comme avec des amis ou la famille, de la même manière, il a toujours la même réaction. Carter est quelqu’un qui s’enflamme très vite, et ce n’est pas étonnant, en cela, que tout finisse toujours mal pour lui. Parce que la passion, c’est peut-être générateur d’une énergie au début, mais cela finit par être destructeur.

J’ai peur que son énergie à s’impliquer dans cette affaire finisse par le détruire. Après tout, on l’a vu à plusieurs reprises : les cas de ce genre ont souvent entraîné des départs déchirants. Je ne pense pas que Carter quitte les Urgences de cette manière - nous avons déjà eu Corday la même saison - je pense plutôt que son départ sera véritablement romancé et n’aura pas nécessairement de lien avec son travail (enfin, pas de lien direct), mais cette situation m’inquiète quand même. Oui, quelque part, ça m’embêterait de voir Carter partir, car même si je ne l’aime pas, c’est un pilier des Urgences, le dernier pilier, et j’ai peur que ces dernières vacillent un peu trop fort s’il nous quitte.

Quand je relis mes derniers paragraphes, je me rends compte que je suis parti dans plein de directions et que, finalement, j’ai subtilement (ou pas) évité le sujet qui fâche, le sujet polémique, le sujet de l’épisode. Parce que voilà, même avec plus d’une semaine (mille excuses pour le retard de cette critique, ça ne se reproduira plus) de recul, je ne me suis toujours pas forgé d’opinion.

C’est pour moi tout l’intérêt de l’épisode, et toute la force du traitement de cette histoire. On peut ne pas aimer, certaines personnes auraient certainement souhaité une prise de parti plus marquée (même si la scène finale prend une direction contre Carter, on ne peut pas dire que ce soit très explicite). Cet épisode laisse volontairement le téléspectateur se forger sa propre idée, ou tout au moins réfléchir au sujet. J’en reviens finalement à mon introduction : Urgences est une série courageuse, une série qui a le mérite de bousculer quelques idées et de pousser ses téléspectateurs à réfléchir à des sujets vers lesquels on ne se penche pas nécessairement spontanément. Et sur toutes sortes de sujets.

Dramatisation à outrance ?

Autre chose quant à l’appréciation de l’épisode. Certaines personnes ont globalement aimé cet épisode, mais ont émis des réserves quant au suicide de Gabriel Milner à la fin de l’épisode : était-il bien nécessaire d’amener ainsi un élément choc ?

Pour moi, ça ne fait aucun doute. Urgences n’est pas un documentaire ni une diatribe contre l’industrie pharmaceutique, et si le débat est traité d’une manière extrêmement soignée, l’introduction d’éléments dramatiques permettait non seulement d’apporter un poids à l’argument de l’épisode, à savoir qu’il n’y a pas que la vie de l’adolescente qui est impliquée, mais aussi celle de ses proches.

D’un point de vue purement psychologique, je trouve le suicide de Gabriel Milner logique. Il a toutes les raisons du monde de vouloir mettre fin à ses jours. En effet, il veut donner son deuxième rein à sa fille, mais vivant, les médecins n’en feront rien. Ce sacrifice n’est autre que le résultat d’une profonde culpabilité due au fait que c’est lui qui a permis à ce que le changement de traitement de Cathy soit effectif, il se sent donc responsable, réaction parfaitement naturelle. Le suicide semble donc la voie parfaitement indiquée, non seulement parce que cela « soulagera » sa conscience (cette phrase est horrible, je tiens dès maintenant à m’en excuser), mais cela permettra aussi à sa fille d’obtenir son rein restant.

Cela permet donc d’éviter une fin trop tragique (enfin, tout est relatif) à cet épisode, et de permettre à Cathy de retrouver un rein, même si l’on ose à peine imaginer sa réaction lorsqu’elle apprendra la mort de son père...

Les flèches de Cupidon

Elles ont dû s’abattre sur les Urgences aujourd’hui. Comme pour contrebalancer le sujet sensible lié à Carter, ça parle pas mal de relations ambiguës, aujourd’hui, tout de même.

Neela/Luka/Sam

On prend les mêmes et on recommence, sauf qu’on ajoute Sam pour mettre un peu de piment ! Ca pourrait être chiant, mais comme c’est traité avec humour, c’est assez sympathique à suivre. L’ambiguïté de leur relation est enfin établie et n’est passée inaperçue aux yeux de personne... La scène où Neela doit se mettre contre Luka pour pratiquer un nouvel acte est vraiment très drôle, surtout avec le regard de Sam, et celui particulièrement gêné de Luka. C’est donc surtout les joutes verbales et les jeux de regards qui apportent de l’humour à cette mini storyline légère et sympa. La scène d’excuses entre Neela et Sam est mignonnette... Bref, tout est bien qui finit bien, que demander de plus ?

Abby/Jake

J’ai bien envie de le répéter à chacune de mes critiques : j’adore Jake ! Une relation impossible en raison du rapport de hiérarchie entre les deux. C’est du déjà vu, mais de même, c’est léger, et comme les deux personnages impliqués ont un capital sympathie très développé, ça se laisse suivre avec un certain plaisir, même si je doute que cela en finisse ainsi entre eux deux (du moins, je l’espère, parce que j’ai vraiment envie de voir ce que ça peut donner ! Surtout qu’Abby a l’air d’oublier son agression quand elle est avec Jake, elle semble heureuse, et ça, c’est assez rare pour être signalé)
J’ai a-do-ré la scène où tous deux doivent mettre leurs doigts dans la plaie d’un patient, sous le regard halluciné de Sam. Une image assez « osée », très tendancieuse, mais alors avec Sam en face et sa super réplique (ci-dessous), il ne m’en a pas fallu plus pour éclater de rire.

La citation du jour

« Quelqu’un a mis quelque chose dans l’eau aujourd’hui ? »

Sam, qui explicite la question que je me suis posé tout au long de l’épisode.


Un épisode à la tonalité globalement assez grave mais entrecoupé de scènes plutôt drôles qui équilibrent le tout. Le sujet était sensible et l’histoire aurait pu à maintes reprises s’écrouler et donner lieu à une série de clichés ou d’images attendues. Cet épisode ne plaira pas à tout le monde, c’est certain, mais il a le mérite de provoquer un débat et de faire parler. Pour ma part, c’est une réussite.