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4.13 - Never Again

You will be missed, guys !

Jamais Plus

vendredi 13 février 2004, par Sullivan

Pour Mulder et Scully, c’est le fond du trou. Scully se plaint de ne pas avoir de vraie place (elle n’a pas de bureau) et n’arrive plus à manifester le moindre intérêt pour les "affaires" présentées par son collègue, lequel décide de partir en vacances (c’est-à-dire en pèlerinage à Graceland). Il demande à Scully d’occuper ce temps à faire quelques vérifications pour son enquête en cours. Elle les expédie en cinq minutes mais fait au passage la rencontre du tout aussi séduisant que mystérieux Ed Jerse. Celui-ci est en pleine dépression post-divorce, ce qui ne fait que renforcer l’attirance qu’il exerce sur Scully. Notre agent va même jusqu’à aller se faire tatouer avec lui, dans la même boutique où il vient de s’en faire un. Elle ignore que, depuis, Ed entend son tatouage de lui parler. Et qu’elle est très jalouse...
En fait, l’enquête montrera que le rouge du tatouage contenait du pavot, ce qui a provoqué la folie meurtrière d’Ed Jerse (cet épisode centré sur Scully voit donc triompher la science sur le paranormal !). De retour à Washington, rien ne semble pourtant réglé entre les deux agents, entre qui s’installe un silence chargé de non-dits.


Au-delà de son argument qui sert avant tout de prétexte à une étude de caractère, comme en témoigne la brièveté du résumé de l’épisode, cet épisode s’impose comme l’un des chefs d’œuvres majeurs de X-Files. Voilà qui est dit, on peut maintenant passer à la suite, car il y en a des choses à dire sur Never Again.

Commençons par l’aspect trivia.
Cet épisode était destiné à être un événement. Il faut en effet savoir qu’il était destiné à l’origine à être celui qui serait diffusé juste après le super-ball. Ce n’est donc pas un hasard si c’est dans cette histoire que Jodie Foster joue les "guest-stars" (elle fait la voix du tatouage, en plus d’un caméo dans une des premières scènes de l’épisode). C’est aussi pour cela que c’est cet épisode qui devait être réalisé par nul autre que Quentin Tarantino himself. Mais les démêlées de l’époque entre Tarantino et la Guilde des Réalisateurs Américains empêcha cet événement de se concrétiser. Du coup, l’épisode perdait de son coté événementiel, et à coté de cela n’était pas vraiment représentatif de la série, ce qui pouvait être dommage puisque beaucoup d’Américains allaient regarder la série après le Super-bowl. Never Again fut donc interverti avec le suivant lors de la diffusion. Il n’est pas non plus impossible que quelques frictions en coulisse aient joué dans cet événement. J’y viens.

Ce sont donc principalement des contraintes de production qui altérèrent l’ordre de diffusion, et cette décision fut prise après le tournage des épisode. Même si l’ordre Leonard Betts / Never Again / Memento Mori a depuis été en quelque sorte officialisé par sa présence dans l’édition en DVD de la série, je ne pourrai jamais me résoudre à les regarder ainsi. Premièrement, ni les scénaristes, ni Gillian Anderson n’ont écrit ou joué cet épisode en imaginant que Scully y suspecterait qu’elle a un Cancer. Deuxièmement (et c’est une conséquence du premièrement), cette idée est tout simplement incohérente. A moins d’imaginer qu’il fasse plus d’une semaine à un hôpital pour réaliser une radiographie, et d’accepter que, sachant sa partenaire probablement malade, Mulder choisisse de partir en vacance.

En vérité, Never Again est le prolongement d’un thème lancé depuis le début de la saison : le durcissement des rapports entre Mulder et Scully. Dans la saison 4 que nous conaissons, c’est justement la révélation du Cancer de Scully qui rapprochera à nouveau très fortement les deux agents. Mais dans l’esprit des deux scénaristes de l’épisode, d’autres possibilités existaient.

Glen Morgan et James Wong, après avoir brillé dans la première saison, et la première moitié de la seconde, étaient partis voler de leur propres ailes sur Space 2063. Après l’arrêt de celle-ci au bout d’une saison, ils revinrent pour une demi-saison sur les productions Carter, le temps de mettre en chantier un autre pilote. Les titres d’épisode du retour et du nouveau départ en disent long sur cet expérience : "Home" (la maison) et "Never Again" (Plus Jamais). En fait, lors de cette demi-saison 4, Morgan et Wong se sont vus constitués une équipe très indépendante sur le set de X-Files. D’abord par leur statut de scénaristes-stars, mais aussi et surtout par leur mise à l’écart du processus créatif général. Un peu à l’image de celui des épisodes de Darin Morgan dans la saison 3, leurs 4 épisodes font presque figure de petit Univers à part. Le seul de leur apport général à la saison qui fut conservé à l’écran fut cette tension entre Mulder et Scully. Mais il est résolu dès l’épisode qui suit leur départ avec la révélation du Cancer de Scully. Ce que Morgan et Wong avaient suggéré, c’est que cette tension continue de monter au cours de la saison, couplée avec l’aliénation progressive de Mulder. La conjugaison de ces deux intrigues se serait conclu en fin de saison non sur le "suicide" de Mulder, mais sur l’internement de l’agent à la demande de Scully !

Par ailleurs, la conception de Never Again donna lieu à des batailles homériques autour de ce qu’il était possible de faire à Scully. Clairement : l’agent devait-elle coucher avec Ed Jerse, comme le voulait le scénario ? (Qui allait jusqu’à décrire une scène de sexe très "passionnée" qu’on ne faisait qu’entendre — c’est-à-dire que l’on ignorait avant le retour de la pause publicitaire si Ed Jerse et Scully avaient couché ensemble ou si Jerse l’avait tuée.)
Carter trancha pour la version ambiguë présente dans l’épisode, dont elle atténue malheureusement grandement la force et la portée (j’irais jusqu’à dire que tout l’intérêt de Never Again EST que Scully couche avec Ed Jerse !). Il est vraiment très dommage qu’au final, Never Again soit condamné pour l’éternité à sembler ne pas avoir le courage de ses ambitions !


Rob Bowman n’est peut-être pas Tarantino, mais son exceptionnel talent, conjugué à celui de Gillian Anderson et Morgan & Wong nous offre l’un des segment les plus puissant de X-Files. Marquant.
Ma donne est donnée en fonction du fait que l’épisode se passe avant Leonard Betts, et que Scully et Ed Jerse ont bien couché ensemble. Parce que c’est ma review et que je fais ce que je veux !