LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires

Accueil > Critiques > Archives > X-Files > Saison 4 > Cancer tu mon dernier repas ?

4.22 - Elegy

Cancer tu mon dernier repas ?

Amour Fou

dimanche 24 février 2002, par Sygbab

Voilà un loner très surprenant. L’un des rares qui fait presque passer l’enquête surnaturelle au second plan ; pour ici mieux se concentrer sur Scully et son cancer. Une occasion d’approfondir le personnage et de nous faire partager ses angoisses par rapport à la grave maladie qui la frappe et qui risque de la tuer, mais aussi par rapport à son partenaire. Et comme c’est bien mis en place, ça ne gâche rien.


Pourtant, le teaser laisse penser que l’on va avoir droit à un loner classique, mais un bon aussi. En effet, cela commence très bien, dans le plus pur style des épisodes de la saison 1 bien effrayants (le genre que Squeeze avait lancé, avec Tooms, le premier et le meilleur mutant de la série. Comment ça c’est pas le meilleur ?). L’action se déroule donc dans un bowling. Le tenant renvoie son employé - Harold, qui à première vue semble être handicapé mentalement - à l’hôpital pour ne pas que ses docteurs s’inquiètent. Anodin ? Non, on nous présente deux des personnages secondaires de l’histoire. Au moment de fermer, le gérant (Mr Pintaro) se rend compte que les quilles ne redescendent pas correctement sur une des pistes ; il va donc voir ce qu’il se passe. Et quelle n’est pas sa surprise quand il voit une jeune fille coincé dans la machine qui remet les quilles, qui tente de lui parler mais qui ne peut pas parce qu’elle est égorgée ! Il va pour appeler la police, mais celle-ci arrive avant même qu’il ne décroche le téléphone. La jeune fille qu’il a vue gît en fait dans le parc d’en face...


Donc, comme on le voit, l’épisode part sur les bases d’un bon loner, avec un mystère qui tient la route. Petite remarque au passage : Harold fait beaucoup penser à Roland. Comme quoi les scénaristes aiment bien se resservir de quelques éléments pour les resservir à une nouvelle sauce (voire même reprendre toutes les idées d’un épisode antérieur comme c’est le cas dans Teliko dont votre serviteur ici présent vous avait proposé la critique). Enfin, du moment que c’est bien fait et que ça sert l’histoire, ce n’est pas trop dérangeant (et c’est le cas dans cet épisode). Le puzzle est en fait composé de plusieurs morceaux, et Mulder en trouve une autre pièce grâce à un stratagème ingénieux sur la piste où s’est déroulée le drame... enfin sauf que le drame n’a pas eu lieu ici. C’est tout Mulder : il s’intéresse aux allégations de Mr Pintaro car elles supposent un phénomène paranormal, pendant que tous les autres enquêtent sur les lieux mêmes du crime. Mais quel est donc ce stratagème ? Verser du soda sur la piste pour voir les mots She is Me en filigrane. Mulder en est déjà à la théorie de l’âme désincarnée...


Autre élément du puzzle : en regardant les photos des meurtres précédents qui ont poussé Mulder à venir se mêler à l’enquête, elle remarque que le tueur change systématiquement les bagues des victimes, en les mettant sur l’autre main. Elle pense donc tout de suite à une égo-dystonie, comportement compulsif qui fait ressentir à la personne qui en souffre le besoin de tout ranger, tout réorganiser. Aussitôt, le lien est fait avec Harold qui semble en être malade (la scène du teaser quand il range les chaussures en est le parfait exemple), puisqu’ils l’ont déjà rencontré à l’hôpital psychiatrique (en effet, un coup de fil avait été passé du bâtiment pour prévenir d’un meurtre précédent). Harold est-il donc coupable ?


Mais la scène où tout l’épisode bascule est celle où Scully voit la jeune fille qui sera la victime suivante lui apparaître alors qu’elle est dans la toilette pour se rafraîchir, suite à un saignement de nez dû à son cancer. On comprend là que quelque chose n’est pas normal. Et l’épisode nous offre alors une plongée dans les pensées de Scully, via notamment une scène absolument incroyable chez sa psychiatre. Une scène sans musique, où l’agent dévoile qu’elle ne sait plus que croire (la vision l’a fortement ébranlée), qu’elle a certainement peur de décevoir son partenaire en ne croyant pas, et qu’elle s’est rendu compte qu’elle se repose énormément sur Mulder. Gillian Anderson livre là une prestation impeccable en tous points et nous montre une fois de plus que X-Files maîtrise aussi les scènes intimistes (on ne rappellera jamais assez la fantastique scène d’hypnose de Mulder dans The Field Where I Died). Et par la même occasion, on se rend compte à ce moment-là que l’on voit très souvent les états d’âme de Scully. C’est ça la force de la série pour moi : on est en plein loner, en plein paranormal, et on nous sert une scène psychologique intense - pas du tout hors de propos et complètement insérée dans l’histoire - qui permet de donner au personnage plus de profondeur.


C’est ce qu’on appelle un épisode à rebondissements, parce qu’on est pas au bout de nos surprises. Une autre remarque de Mulder choque, quand il expose sa théorie pour expliquer pourquoi Mr Pintaro a vu la jeune fille au début de l’épisode : il était mourant. Son explication est donc que toute personne proche de la mort verrait les victimes. C’est pour ça que Harold ne se trouvait jamais loin du crime et semblait être au courant d’ailleurs, ce qui fait le lien avec une des pièces du puzzle dont je vous parlais. Petit constat au passage : tout est ficelé dans les moindres détails. Quand Harold est stressé, il se met à prononcer des suites de chiffres sans continuité et sans lien logique entre eux ; on apprend à la fin de l’épisode qu’il connaît en fait par coeur les scores de toutes les victimes. Fin de la parenthèse, revenons en à Scully : cette théorie a pour elle l’effet d’une bombe. La fin de l’épisode, quand elle voit Harold dans sa voiture, ne laisse que peu de doutes : elle est bel et bien mourante.


Dans tout ça, j’en oublierais presque que l’assassin est dévoilé aussi (mais franchement, c’est très secondaire ; mais ça prouve encore une fois que l’épisode est parfaitement maîtrisé). Il s’agit en fait de l’infirmière de Harold (qui voulait absolument l’empoisonner) qui se droguait avec du clonazépan et du clozapine, qui ont pour conséquence un comportement violent (et qui répète sans cesse She Is Me. Une explication simple, pas tirée par les cheveux : on ne demandait pas mieux ; surtout que comme je l’ai déjà plusieurs fois répété le principal intérêt de l’épisode ne se situait vraiment pas là.


A l’instar de Red Museum dans la saison 2, on est ici en présence d’un loner qui s’avère finalement semi-mythologique. Le cancer de Scully y est traité de manière remarquable, pudiquement. John Shiban nous livre donc un script impeccable, qui se permet de donner des frissons (la première fois que je l’ai vu quand j’étais plus jeune, le teaser m’avait marqué ; et les apparitions sont assez flippantes), de l’émotion (la superbe scène de Scully chez le psychiatre), un bon dénouement de l’affaire, et qui en plus est ancré dans la mythologie de la saison. Mais cela n’engage que moi.