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8.06 - Redrum
Elbauqramer
Combattre le Passé
jeudi 13 mai 2004, par
Hier c’était demain, et demain ce sera hier. Y a des fois où on comprend pas tout dans cette série.
J’ai eu de la chance de reviewer cet épisode, mes gentils amis TeX me l’ont gracieusement laissé, donc merci à eux, c’est très sympa. En même temps, ils me le doivent bien étant donné qu’il fut un temps où je devais aussi m’occuper de Monday mais que le vil Guigui m’a soufflé.Tssss.
Nous avons ici affaire à un épisode vraiment très particulier, et ce pour plusieurs raisons. La première est qu’il se permet le luxe de mettre en avant un personnage secondaire. Mieux : la série a montré depuis le début qu’elle pouvait très bien se passer de ses deux personnages principaux à l’occasion de quelques épisodes centrés sur l’Homme à la Cigarette, Skinner, Les Lone Gunmen, ou encore Arthur Dales ; hors, ici le personnage nous est complètement inconnu au début, et nous ne le reverrons jamais après.Le seul lien qu’il ait est une ancienne amitié avec Doggett, ce qui prouve toute l’audace dont fait preuve Steven Maeda. En effet, cet épisode est placé très tôt dans la saison 8, saison du "renouveau", et on ne connaît Doggett que partiellement. Il y avait donc toutes les chances que ça ne passe pas avec un personnage venu d’ailleurs, d’autant plus que c’est lui qui comprend ce qui se passe. Avouez-le, qu’un personnage secondaire se prenne pour Mulder le temps d’un épisode est assez culotté, surtout que comme Monday le concept de l’épisode n’est pas du tout ancré dans la réalité.
Ce concept contribue à désorienter encore plus le téléspectateur. Une fois n’est pas coutume, l’épisode ouvre sur un détenu qui se réveille dans sa cellule. Celui-ci semble être un peu perdu de prime abord, parce qu’il ne sait pas du tout ce qu’il fait ici ; et il est complètement déboussolé quand Scully et Doggett viennent le voir, et encore plus quand il découvre que sa femme a été assassinée. Pour le coup, nous aussi nous sommes déphasés : cet homme se semble pas jouer la comédie, il est choqué d’apprendre que sa femme a été assassinée et qu’il est le suspect uméro un, alors que cela s’est produit le lundi alors que nous sommes vendredi. Mais rien ne va plus quand il se rend compte qu’il est en train de remonter le temps jour après jour pour se retrouver au moment de l’assassinat de sa femme, après avoir été tué dans la fin du teaser... C’est donc un début d’épisode pour le moins très déstabilisant, mais qui est vendu grâce à un acteur épatant et très convaincant, et qui laisse le téléspectateur intrigué : pourquoi cet avocat noir remonte le temps alors que sa femme est derrière tout ça ? Est-ce, comme dans Monday, un moyen de réparer quelque chose qui ne s’est pas produit comme cela aurait dû ? Mais si c’est le cas, doit-il sauver sa femme ou doit-il se sauver lui-même, ou alors les deux ?
Cette question ne trouvera une réponse qu’à la fin, mais la façon dont est menée l’enquête, si on peut le dire ainsi, par Martin Wells (le nom de notre avocat) est déroutante : il n’a aucun souvenir du passé mais il en a de l’avenir. Je sais que ce n’est pas clair, mais c’est ce qui fait la force de l’épisode. Car s’il va démêler l’écheveau compliqué des évènements de la semaine, ce sera en fonction des détails qu’il va recueillir ça et là des jours précédents pour lui mais futurs pour les autres. Je vois que ce n’est toujours pas clair. Bon, je vais essayer de faire plus simple : Wells est à contre-courant par rapport à tout le monde : il ne se rappelle que de ce qui s’est passé le lendemain puisqu’il remonte le temps journée après journée. Bon, écoutez, si vous ne comprenez toujours rien ce n’est pas ma faute, vous irez vous plaindre auprès de Steven Maeda pour son scénario compliqué à appréhender. Mais attendez, ça se corse encore. Ce qui est encore plus troublant, c’est qu’il va posséder des éléments sur ce qu’il s’est passé depuis le début de la semaine par le biais des informations que lui donnent Doggett et Scully.
C’est aussi ce qui renforce l’intérêt de l’épisode. Le constant décalage qu’il existe entre lui et les deux agents est très astucieux, car lui connaît l’avenir mais eux connaissent le passé. On pourrait dire qu’ainsi ils sont complémentaires et qu’en réunissant ce qu’ils sachent ils pourraient remettre toutes les pièces du puzzle en place. Mais il n’en est rien, car si Scully est encline à croire ce que raconte l’avocat quand il dit remonter le temps, Doggett rejette tout en bloc. Il ne veut absolument pas l’aider car de son point de vue, c’est une excuse pour se dédouaner alors que toutes les preuves convergent vers sa culpabilité. C’est intéressant car cela permet de remettre sur le tapis la caractéristique principale de Doggett qui le différencie de Mulder et Scully : il ne croit que ce qu’il voit (il avait d’ailleurs été très ébranlé dans Patience (8x03) en se faisant attaquer par la créture chauve-souris), et là il ne peut y avoir aucune preuve matérielle, tangible, que ce que dit son ami est la vérité. Donc, c’est faux, il n’y a pas une seule seconde d’hésitation. C’est intelligemment fait et ça ne trahit pas le personnage tel qu’il a été décrit en ce début de saison, donc c’est un point de plus pour l’épisode. Il en est de même pour Scully qui est plus encline à croire maintenant et qui prend un peu la place de Mulder, même si plus hésitante encore.
Fatalement, Wells retrouve la liberté (alors que pour les autres il ne l’a pas perdue, c’est toujours aussi compliqué) et a donc les mains libres (bien qu’il n’avait pas les menottes en prison) pour savoir exactement de quoi il en retourne. En remettant quelques pièces du puzzle en place, il réussit à retrouver l’assassin de sa femme, qui a aussi essayé de le tuer en prison. Il le rencontre donc, mais finalement pour s’apercevoir qu’il ne remonte pas le temps pour le coincer - après tout il était déjà en prison quand tout a commencé (ou tout s’est terminé, c’est comme vous voulez) -, mais pour gagner sa rédemption. Il se trouve que l’assassin est le frère d’un jeune homme anciennement dealer qui s’est fait condamner à tort par Wells qui a supprimé des preuves, et qu’il cherchait simplement une revanche car son innocent de frère s’est pendu dans sa cellule. Martin en vient donc à la conclusion suivante : on lui a donné une seconde chance, et le seul moyen pour lui de sauver sa femme et de prendre ses responsabilités en avouant sa faute - son crime -, ce qui le mènera tout droit en prison. Et il n’hésite pas une seule seconde : il le fera. Il va donc prévenir Doggett de ce qu’il a fait, ce dernier lui sauvera la mise à lui et à sa femme en tuant leur agresseur le soir fatidique. A ce moment précis, Wells a "accompli sa mission", et le temps repart dans le bon sens pour lui.
L’épisode se termine trois mois plus tard dans le pénitencier, avec un petit monologue qui rappelle les conclusions d’épisodes des premières saisons avec les rapports de Scully qui donnaient plus de sens à ce que l’on avait vu et laissait planer un doute entre paranormal et explication cartésienne. Ici, le discours est simple : le passage du temps nous emprisonne symboliquement parlant non pas dans une cellule en pierre mais dans une cellule d’espoirs perdus et de tragédies inéluctables ; en gros tout ce qui fait la vie, entre rêves brisés et morts inattendues qui changent une vie et nous empêchent de vivre totalement librement. Dans ces conditions, avoir la chance de faire machine arrière est une véritable bénédiction. Mais Wells s’est rendu compte qu’affronter le passé, c’est s’affronter soi-même et ses erreurs, et que s’affranchir des barrières du temps qui nous emprisonne ne nous libère pas pour autant de notre propre personnage. Car c’est le temps qui passe qui nous forge en fonction des expériences que l’on vit, et si le temps disparaît, il reste toujours notre personnalité.
Finalement, c’est un épisode qui se termine tout de même sur une note assez pessimiste, quasiment désespérée. Et ça colle parfaitement à l’esprit de l’épisode qui a une atmosphère pesante, par la mise en scène des réveils de Wells. On sent qu’une sorte de routine s’est mise en place, alors même que le temps se déroule dans le sens inverse pour lui. Mais je me suis toujours demandé si ce qui lui arrive n’est pas sorti tout droit de son imagination. Etant donné que comme je l’ai dit l’épisode se termine sur un dialogue renvoyant aux premières saisons et que le fond est pessimiste, j’en arrive à m’interroger sur la toute fin : a-t-il vraiment sauvé sa femme ou est-elle toujours morte mais il a quand même avoué sa faute ? Ce n’est pas si clair que ça pour moi, je l’avoue. Toujours est-il que l’un dans l’autre, il a encore un bon paquet d’années d’emprisonnement devant lui, que ce soit par le temps ou dans une cellule.
Enfin, rien n’a été laissé au hasard dans cet épisode car le titre est très évocateur : Redrum n’est autre que le mot murder (meurtre) mais à l’envers.
Un scénario solide qui possède un vrai fond, un acteur convaincant, un concept original maîtrisé et intrigant et une mise en scène impeccable font pour moi de cet épisode un immanquable de cette saison 8.
LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires