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11.04 - Fear
Sortez vos mouchoirs
dimanche 18 septembre 2005, par
S’il y a bien quelque chose qu’un téléspectateur d’Urgences aime, c’est pleurer. Honnêtement, je ne suis pas sûr qu’on puisse aimer cette série sans être un brin masochiste... Eh bien nous sommes gâtés aujourd’hui, avec un épisode éprouvant autant pour les nerfs que les canaux lacrymaux.
Peur, hallucinations et culpabilité
Il y a selon moi deux fils conducteurs dans cet épisode. Le premier est l’histoire de cette femme qui va jeter ses deux petites filles par la fenêtre de peur que son mari ne les tue à coups de fusil. Le second est l’histoire du docteur Elizabeth Corday, qui nous quitte après sept ans de bons et loyaux services. Je reviendrai sur cette dernière storyline un peu plus tard, mais je vais me concentrer dans un premier temps sur l’histoire qui m’a le plus marqué.
L’épisode s’ouvre donc sur une scène assez surprenante, d’une violence assez éprouvante... Une femme tente de protéger ses enfants, dans un appartement assez miteux, d’un homme qui frappe à la porte, puis tire un coup de fusil dans la porte. Cet homme est sans doute le père des enfants, et nous en aurons la confirmation un peu plus tard. Le fils semble paniqué en observant sa mère qui voit en la fenêtre la seule solution pour sauver ses enfants. On comprendra plus tard à quoi est due cette panique mêlée de perplexité. En tout cas, cette scène d’introduction est drôlement bien fichue, les acteurs sont doués, la réalisation est efficace. Tout est fait pour nous mettre en appétit, et là, on peut dire que c’est très réussi.
Les ambulances viennent s’occuper des deux petites filles qui ont été lancées par la fenêtre. Enfin, pas exactement lancées, mais leur mère les a poussées à sauter pour échapper à leur père. Nous constatons par la même occasion que Abby doit à son tour passer par la dure épreuve de passer une journée avec les ambulanciers. Je crois que tous les personnages de la série sont passés un jour ou l’autre par cette « épreuve », et il est intéressant de voir qu’ils vivent à chaque fois une expérience différente. L’expérience d’Abby va donc être dans la parfaite continuité du personnage. Abby, depuis son arrivée aux Urgences, s’est toujours identifiée à ses patients, elle a toujours créé avec eux un lien émotionnel d’une force assez impressionnante. Les scénaristes se sont donc toujours évertués à ne jamais perdre de vue ce trait de caractère du personnage, et il est intéressant de voir aujourd’hui qu’Abby décide de rester avec l’une des petites filles - qui la considère d’ailleurs comme un ange - plutôt que de poursuivre sa journée en ambulance. Abby a donc une conscience professionnelle hors du commun.
Certains pourraient dire que c’est un peu excessif, qu’il est agaçant d’avoir toujours droit à cinquante versions du thème SuperAbby. Personnellement, je ne me permettrais pas de juger ses réactions, car je ne sais pas comment je réagirais moi-même face à une petite fille dans un si piètre état, sur le point de mourir, qui me considère comme son ange et me supplie de ne pas l’abandonner. C’est une situation dans laquelle je ne me suis jamais retrouvé - et dans laquelle j’espère ne jamais me retrouver - et qu’il m’est donc impossible de réellement commenter. Pour ma part, je ne trouve pas ça excessif. Abby est sûrement l’un des personnages les plus « humains » de la série, qui attache le plus d’importance aux gens qui l’entourent, et par conséquent à ses patients. Ce n’est pas un hasard si elle a tant de mal à rayer définitivement son passé d’infirmière pour devenir médecin à part entière et passer moins de temps avec les patients...
Pendant qu’Abby s’occupe d’une des petites filles, qui finira par mourir, tout comme sa sœur - qui elle en revanche mourra au bloc opératoire - Pratt prend en charge le garçon terrorisé. Âgé de neuf ans, il est plus apte à comprendre la situation que ses petites sœurs, mais il a peur, peur de dire la vérité, peur de montrer les failles de sa mère. Tout le monde sait que les parents sont souvent censés représenter un modèle d’équilibre pour leurs enfants, et que si ces derniers avouent les erreurs de leurs parents, c’est tout ce modèle qui éclate en morceaux. Le petit garçon, dont je ne me risquerai pas à écrire le nom, vu que je ferais sûrement une énorme faute d’orthographe (oui, je sais, ça fait pas très sérieux, mais que voulez-vous, je suis humain !), finit cependant par prendre son courage à deux mains et entrer un peu plus jeune que prévu dans le monde des adultes. Son père est mort plus d’un an auparavant, tué lors d’un cambriolage. La mère ne s’est jamais remise, elle a été sous traitement, mais elle a arrêté une semaine auparavant car elle n’avait plus les moyens de payer les médicaments.
Première petite claque dans la figure : Urgences continue de déplorer le système médical aux Etats-Unis. Sauf que cette fois-ci, ce n’est même plus la patiente elle-même qui en subit les conséquences, mais ses propres enfants.
Et arrive enfin l’une des plus belles scènes de l’épisode : Carter reconstitue toute l’histoire, en compagnie de la femme et de l’assistante sociale, et nous revoyons la première scène de l’épisode, cette fois-ci du point de vue du petit garçon. Personne ne frappe à la porte, personne ne tire de coups de fusil. Deux petites filles sont mortes à cause des hallucinations de leur mère. J’ai trouvé cette scène véritablement bouleversante, toujours grâce à l’excellent jeu de l’interprète de la mère, qui nous fait presque ressentir sa culpabilité. Je m’étais dit, avant de regarder la version française, que maintenant que je connaissais la chute, cet épisode ne me ferait pas grand-chose, surtout que je m’attendais à un doublage désastreux. Et pourtant, malgré le doublage, l’absence totale de surprise, je me suis senti encore une fois happé par l’histoire. Ca me fait très plaisir de voir que les producteurs sont encore capables de nous pondre d’excellents épisodes, avec des histoires émouvantes, surprenantes, et même effrayantes.
Neela et Howard, l’incompatibilité
Abby continue de se mêler des histoires d’Howard, qui craque en plein milieu d’une réanimation parce qu’il ne parvient pas à compter précisément le temps qui doit s’écouler entre chaque pression sur le ballon pour aider la patiente à respirer. Mais Howard, loin d’apprécier cette inquisition, semble se fragiliser de plus en plus, et finit par quitter totalement l’hôpital.
Ma première réaction : Alors c’est tout ?
Ma seconde réaction : c’est vraiment dommage. D’accord, peut-être que Howard va revenir, et je l’espère très fortement - même si je ne me fais pas trop d’illusions - mais je suis vraiment déçu. Je le disais dans ma critique précédente, ce personnage est pour moi le véritable point fort des personnages secondaires de ce début de nouvelle saison. Je le disais aussi, j’aurais aimé le voir développé, parce que je trouvais sa « maladie » intéressante, et elle aurait pu être vraiment mieux exploitée. C’est un peu du gâchis de le faire partir aussi vite, alors qu’on vient tout juste de découvrir son problème, et qu’Abby semblait s’en préoccupait. Tout portait à croire que cela allait constituer une storyline sur plusieurs épisodes, mais son départ prématuré ne laisse rien présager de vraiment bon... Je crois que c’est l’une des seules choses qui m’a vraiment déplu dans cet épisode.
L’avantage de son départ est cependant qu’une place se libère aux Urgences pour le retour de Neela au CCH, et ça, ça fait plaisir ! En plus, devinez qui l’engage ? Oui, devinez qui devient chef des urgences ? Susan ! Sa scène avec Kerry est vraiment géniale, et ça me fait très plaisir qu’elle occupe un poste aussi important. J’espère que le thème va être développé, et que ça va nous donner l’occasion d’apprécier autant que possible le nouveau look très réussi de Sherry Stringfield (et son personnage que j’adule, et qui constitue sans doute l’une des raisons pour lesquelles je continue de regarder la série malgré son importante baisse de qualité). Bref, la scène où Neela annonce son grand retour est drôle et efficace, donc je suis content malgré tout. Howard ne semble pas décidé à revenir, mais Neela a fini sa crise d’adolescence, et nous sommes ravis !
Elizabeth, tu nous manqueras
J’avoue, dans ma dernière critique, pour ceux qui suivent, j’ai vraiment fait semblant de ne pas être au courant du départ d’Elizabeth Corday. En vérité, je le savais depuis plus d’un an, grâce à un fichu magazine télé qui nous met des spoilers en gros titre. Les producteurs voulant rajeunir le cast d’Urgences, Alex Kingston a été renvoyée. C’est dommage pour plusieurs raisons. D’abord parce que c’est totalement stupide de renvoyer quelqu’un pour son soi-disant grand âge, ensuite parce que malgré ses 42 ans (ou quelque chose comme ça), Alex Kingston est quand même vraiment très belle, ce qui attire le regard, ce qui fait de l’audience. De plus, Elizabeth Corday était vraiment un personnage très intéressant à son arrivée dans la série, elle a reboosté un peu une équipe qui commençait légèrement à se reposer sur ses lauriers. Elle nous a fait rire, puis pleurer à la mort de Mark. Et après, on l’a perdue de vue. C’est aussi une des raisons pour lesquelles je ne suis pas sûr qu’elle me manquera tant que ça, malgré le titre de cette partie. Parce que pour moi, Lizzie était déjà presque partie depuis la saison 9... Autant je trouvais ça assez « rusé » de la part des scénaristes de la mettre un peu en stand-by pendant cette saison 9, parce que suivre son deuil aurait pu être étouffant (même si honnêtement je n’aurais pas été contre un peu plus de scènes sur le sujet, histoire qu’on voie l’évolution). Mais à partir de la saison 10, c’est devenu un peu n’importe quoi... Je n’ai pas aimé voir Elizabeth Corday en nymphomane.
Un autre petit paradoxe que je voudrais souligner. La politique des producteurs semble avoir totalement changé depuis un ou deux ans. Entre les saisons 5 et 8, ils semblaient tout faire pour garder les acteurs sur la série. Les départs successifs de Doug Ross, Carol Hathaway, Lucy Knight, Peter Benton et enfin Mark Greene ont sans le moindre doute fait baisser les audiences. Or, depuis la saison 10, j’ai l’impression qu’ils s’évertuent à supprimer peu à peu tous les anciens personnages. Urgences va-t-elle devenir un teen show ? J’ai l’impression que tous les acteurs dépassant ou approchant la quarantaine sont en danger de renvoi de la série, et ce n’est pas encourageant, car ils interprètent, à quelques exceptions près (comme ma géniale Neela), les personnages les plus intéressants.
Revenons à l’histoire en elle-même, qui amènera un départ expédié du docteur Corday. La greffe d’un patient séropositif sur un autre n’a pas beaucoup plus aux gros bonnets de l’hôpital, sans oublier que Lizzie a violé une loi fédérale (qui était sur le point d’être changée). Kerry, n’étant cependant pas hostile à notre amie britannique, fait son possible pour ne pas la faire renvoyer, et lui propose un poste qui lui ferait perdre énormément en statut.
J’ai notamment apprécié le discours de Lizzie sur le fait qu’elle était blâmée pour avoir pratiqué une greffe encore illégale sachant que la loi allait être changée sous quelques jours, et pour avoir « sauvé la vie d’un patient » (patient qui est en vérité mort, mais cet aspect ne sera pas plus développé que ça... un peu décevant, d’ailleurs). Le docteur Dubenko, que je ne peux toujours pas supporter, lui fera d’ailleurs un joli compliment en lui disant qu’elle a eu beaucoup de courage et de mérite de faire cette transplantation. Ca me fait sourire quand on sait qu’il s’est montré particulièrement méprisant à son égard lors de certaines réa et qu’il s’est permis de s’attribuer un statut supérieur. Il retourne sa veste un peu vite pour me convaincre réellement... Alors c’est lui, le nouveau représentant de la chirurgie dans Urgences ? Honnêtement, je ne voyais pas l’intérêt de virer Lizzie pour nous ramener un boulet pareil. J’espère très sincèrement qu’on ne le verra pas souvent. Il vient à peine d’apparaître mais je le déteste déjà - et il n’y a qu’un autre personnage qui a réussi à me donner ce sentiment, c’est Pratt, autant dire que ce n’est pas très encourageant.
Elizabeth décide donc de repartir à zéro. J’ai beaucoup apprécié la scène finale de cet épisode. Outre le fait qu’elle présente un départ très digne, sobre mais pas moins émouvant pour autant, d’un de mes personnages préférés de la série, elle est également un moyen de revenir sur le passé. D’accord, c’est rapide, le temps de quelques répliques, mais le dialogue entre Lizzie et Carter est intéressant, il représente vraiment un point important par rapport à Urgences. D’ailleurs, pour moi, ce n’est pas un hasard si c’est avec Carter que cette scène a lieu. Non, je ne parle pas de l’implication de Carter dans cette affaire de transplantation. Mais pour moi, Carter est le fil rouge de la série, on suit son évolution, du statut d’étudiant en médecine à titulaire. Cela fait onze ans qu’on le connaît maintenant, et pour beaucoup de monde, Carter représente Urgences à lui tout seul, surtout pour les gens qui ne regardent pas cette série (tout le monde connaît John Carter, même quelqu’un qui n’a jamais jeté un œil à sa télé un dimanche soir de rentrée). En faisant ses adieux à Carter et à Carter seul, Elizabeth fait ses adieux à la série, de manière très réussie.
Je ne parviens pas à trouver les véritables mots justes pour expliciter ce que j’ai ressenti au visionnage de cette scène, et c’est extrêmement frustrant. J’ai beau être dégoûté du départ d’Elizabeth, je crois qu’elle n’aurait pas pu partir sur une meilleure note. Le plan final est d’ailleurs très réussi.
Bonne continuation, docteur Corday, passez le bonjour à Ella.
La citation du jour
« C’est dur de tourner la page, de tirer un trait... C’est dur de clore ce chapitre... ces chapitres. »
Elizabeth Corday.
En vrac
Mark, ainsi que ses parents, ont été mentionnés ! J’ai trouvé ça agréable pour l’épisode où Elizabeth s’en va. C’est dans la continuité de ce regard sur le passé d’Urgences dont j’ai parlé tout à l’heure. Ca m’a vraiment fait plaisir.
Des nouvelles du père de Chen, qui n’a pas franchement l’air d’aller mieux... en même temps, c’est présenté de manière tellement anecdotique que c’est limite si on s’y intéresse.
Sam, Luka, Alex, quand y’en a plus, y’en a encore ! Chaque épisode nous laisse croire que la situation est réglée, arrangée, mais à l’épisode suivant, on découvre encore un petit problème en plus. Ca ne prend pas beaucoup de place ici, donc ce n’est pas excessivement gênant, mais honnêtement, j’en ai ma claque...
Kerry voit que Carter se plonge dans le travail en demandant encore plus de gardes, mais elle décide d’y mettre un terme, surtout vu comment ça a terminé la dernière fois qu’il a voulu travailler trop et trop tôt (saison 6, et ses problèmes de dépendance suite à son agression avec Lucy).
Pratt est toujours aussi stupide, j’ai trouvé l’annonce du cancer d’un de ses patients particulièrement déplacée, sous le regard de plusieurs étudiants en médecine. C’est moyen, tout de même...
Je sens venir une petite histoire entre Carter et l’assistante sociale... N’oubliez pas ce que j’ai dit dans ma précédente critique : beaucoup de personnages sont introduits dans le conflit. Il y a donc des chances qu’on revoie la demoiselle en compagnie de Carter, avec qui elle s’est engueulée...
Il n’y a plus de chirurgien au cast principal d’Urgences.
Un très bon épisode, cohérent et bien écrit. Les storylines et personnages boulets sont présents mais ne tiennent pas le haut de l’affiche. Un départ très réussi pour le docteur Corday, une histoire bouleversante à la chute inattendue pour la mère de famille ayant tué ses deux petites filles, je crois que la saison repart sur ses rails. Espérons que la suite sera à la hauteur, même si Alex Kingston nous manquera sûrement à tous.
LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires