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Cours Abby, cours !
dimanche 9 octobre 2005, par
Un épisode choc. Un épisode qui fait peur. Un épisode qui met mal à l’aise. Un épisode d’Urgences...
La première fois que j’ai vu cet épisode, je ne savais pas quoi en penser. J’en suis ressorti avec une impression étrange... L’idée d’avoir vu à la fois un grand épisode, et en même temps le malaise face au fait que cet épisode donne vraiment l’impression d’être (trop ?) volontairement « choc ».
Et puis j’ai laissé un peu mon amertume envers les producteurs de la série de côté, je me suis plongé dans l’histoire, et j’ai réalisé que tout ou presque concorde à faire de cet épisode un très bon cru.
La deuxième fois que j’ai vu cet épisode, je l’ai aimé. Beaucoup.
Fumer est dangereux pour la santé
Abby est en colère, Abby sort fumer une cigarette. Susan a inspecté ses dossiers et a repéré des erreurs. D’un point de vue purement amical, il est normal qu’Abby se sente un brin trahie, surtout qu’il ne s’agit pas d’erreurs monumentales, juste quelques petits oublis entre deux patients... D’un point de vue administratif, il est vrai que ça fait tache, et que Susan se doit de rétablir un certain ordre, après tout, elle représente l’autorité. Mais je reviendrai sur le rapport de Susan à cette nouvelle autorité un peu plus tard.
Concentrons-nous donc sur Abby, qui sort donc fumer sa cigarette, et voit une voiture débarquer à toute allure : un garçon s’est fait tirer dessus, et Abby va se faire littéralement enlever pour le soigner dans la voiture.
Générique.
Ma première réaction fut d’ouvrir mes yeux en très très grand et de me poser plus ou moins la question suivante : « kessékça ? ». En tout cas, pour un début surprenant, on peut dire que c’est réussi !
J’ai eu très peur que la suite ne soit pas à la hauteur, sur le moment. Je voyais limite Abby enlevée pour une rançon, ou encore une sombre histoire (pas que l’histoire traitée en réalité soit guillerette), enfin bref, que le garçon blessé n’était qu’une invention pour l’attirer à la voiture. Et puis j’ai réalité que ce n’était pas possible, que ça n’avait pas de sens, et que comme on est dans Urgences, il allait bien falloir introduire du médical quelque part. Abby doit donc soigner ce garçon touché par balle dans le dos... La balle est ressortie, mais ses boyaux aussi, il est donc dans un très mauvais état, et soyons rationnels : il n’avait aucune chance de s’en sortir, on s’en doutait depuis le début. Cela ne fait qu’accroître le sentiment de tension que l’on a tout au long de l’épisode, parce qu’on a peur pour Abby, peur qu’une fois ce type mort, elle finisse par se faire tuer elle aussi, pour n’avoir pas réussi à le sauver.
J’ai bien aimé, d’un point de vue presque « matériel », l’évolution de l’épisode. On traverse la ville, en passant par divers commerces, on voit des tonnes d’occasion pour Abby de crier, d’appeler à l’aide, de s’en sortir, mais en même temps on se dit qu’elle ne peut pas, parce que quelqu’un pointe une arme sur elle. Et puis progressivement, le paysage autour de la voiture s’assombrit, et on finit (ou presque) dans une forêt où l’on ne voit rien, on se croirait presque dans Le projet Blair Witch.
Les deux kidnappeurs d’Abby se chargent donc de récupérer du matériel médical pour que le blessé soit soigné du mieux possible (dans le coffre d’une voiture !). Abby doit le recoudre, et malgré toutes ses mises en garde sur le fait qu’il ne pourra pas survivre, qu’il a besoin de chirurgie, elle s’exécutera sous l’influence des armes. La scène où elle remet les intestins à l’intérieur du « patient » est assez glauque, de même que lorsqu’elle le recoud. On a presque l’impression de se retrouver dans une scène de torture volontaire, notamment parce que niveau anesthésie, c’est pas le top.
C’est à l’arrêt à un fast food qu’Abby fait une tentative pour se sauver, mais le blessé lui retient la main. Elle est bloquée de toute part. Il lui vient alors l’idée d’une envie pressante (j’avoue que je ne saurais toujours pas déterminer si elle avait vraiment très envie d’aller aux toilettes ou si elle a sauté sur une occasion de s’ouvrir une porte de sortie) tandis que la voiture passe devant une station service. Mais elle va très vite se mordre les doigts de cette idée, puisque le conducteur semble plus disposé à lui faire faire un tour dans les bois pour soulager son envie plutôt que de l’emmener dans les jolies toilettes de la station service.
Arrive alors la véritable scène qui m’a mis mal à l’aise, et dont je ne me suis pas remis. Abby est forcée d’uriner devant eux, sous la lumière des lampes, bref, sans doute dans la pire situation qui soit. Je ne sais même pas comment elle a fait pour parvenir à faire, parce que d’un point de vue psychologique, je pense que tout être humain normalement constitué aurait été « bloqué » par la tension. Et franchement, on ne lui en aurait pas voulu. Je pense que ç’aurait été un petit truc intéressant à exploiter, d’ailleurs. D’un autre côté, il est vrai qu’on n’avait peut-être pas de « temps à perdre » avec cet aspect. Mais je n’ai pas aimé le fait qu’Abby n’ait aucune difficulté de ce point de vue, qu’elle ait un contrôle incroyable de sa vessie. Je sais, ça peut paraître stupide, mais elle ne semble avoir aucun effort à faire... Et je vais m’arrêter, parce que ça fait un paragraphe que je parle de petits besoins et ce n’est pas le sujet de l’épisode (si, je vous assure).
Le temps passe, et le blessé fait un arrêt, ce qui était à prévoir (et ce qui est très bien mis en parallèle avec une « véritable » scène de réa aux urgences). Abby fait tout son possible pour le réanimer. Cette scène est également bouleversante, d’un tout autre point de vue. D’une part parce que ses kidnappeurs ne lui facilitent pas la tâche, en refusant de faire du bouche à bouche à leur ami (également une très bonne idée), ensuite, parce que plus le temps passe, plus on sent qu’Abby voit son heure approcher. Sur la fin, elle continue son massage en larmes, cela fait longtemps qu’elle sait que le garçon est mort, mais elle ne peut pas se résoudre à arrêter, parce qu’elle sait qu’elle est la prochaine sur la liste. Mais l’épuisement finit par l’emporter, et elle s’arrête. Moment de silence complet, avec une musique très très stressante en fond, et un gros flingue noir.
De toute façon, on sait qu’Abby ne mourra pas, ce n’était pas possible. Mais c’est tout de même un épisode très éprouvant pour nos nerfs.
J’ai adoré, et je pèse mes mots, la scène finale. J’aurais aimé avoir la réaction du staff de l’hôpital, parce qu’on les voit s’inquiéter progressivement à mesure que les heures passent et qu’Abby est toujours absente, mais d’un autre côté, c’était bien plus logique de finir l’épisode sur cette image d’Abby courant vers les Urgences. Elle est donc libérée, parce que finalement, ses kidnappeurs ne sont pas des assassins, et ça on s’en doutait un peu. Il y a quand même quelque chose qui me gêne, une légère contradiction... On veut nous montrer que ce ne sont pas des monstres, ok, mais cette scène du pipi dans les bois me donne vraiment une image très négative des kidnappeurs, parce que c’est vraiment à la limite du viol, du coup, les « humaniser » après une telle scène passe un peu moins bien. Mais en même temps cette fin est logique.
J’ai apprécié le fait que le conducteur garde le silence au moment de relâcher Abby, on a senti depuis le début de l’épisode qu’il n’est pas du genre à parler beaucoup, à montrer ses sentiments, et pourtant c’est lui qui a fini par se dévouer pour le bouche à bouche. Et le plus jeune remercie Abby, ce qui est aussi dans la continuité du personnage, il a gardé ce côté enfantin malgré avoir été plongé dans un monde de violence très jeune.
Abby finit par relâcher la pression, et pleure pour de bon, elle réalise qu’elle aurait pu perdre la vie, elle réalise la peur qui s’est emparée d’elle à la minute où elle s’est retrouvée dans la voiture. Et elle pleure, commence à marcher en direction de l’hôpital, et finit par courir. C’est une image finale très forte, on sent presque la peur s’emparer d’elle, et nous aussi, on est soulagés, mais on se sent toujours mal, quelque part... Ce tiraillement entre deux émotions contraires est très bien rendu tout au long de l’épisode, jusqu’à la dernière minute, et pour ça, je dis bravo !
J’aurais presque envie d’arrêter cette critique ici, parce que le reste de l’épisode est presque passé inaperçu pour moi. Mais je suis un TeX consciencieux (et je veux pas retrouver une tête de cheval dans mon lit, merci Stratego), et il y a quand même des petites choses intéressantes à côté de l’enlèvement d’Abby.
Susan : autoritaire ou amicale ?
Après 11 saisons, Susan n’a pas changé tant que ça, finalement. Je me rappelle de cette storyline dans la saison 1 où elle se retrouvait face à un manque de confiance en elle-même, où elle devait apprendre à se faire entendre, à montrer qu’elle était un médecin compétent et qu’elle pouvait très bien contester l’autorité d’autres médecins plus expérimentés, qui n’avaient pas à imposer leur avis sous ce prétexte. Susan a su se faire entendre, en 11 ans de pratique, elle a su prendre confiance en elle.
Dans cet épisode (et dans les précédents), Susan est confrontée au même problème, mais à une échelle plus grande. Elle est dans la même optique qu’Abby, quelque part, parce que je pense qu’elle aussi veut être « populaire », elle ne veut pas perdre ses amis en gagnant un grade. Elle n’arrive donc pas à s’imposer, pas à montrer une autorité amicale, comme si ces deux notions étaient antagonistes (je n’arrive pas à me décider si elles le sont ou pas). Carter lui fait d’ailleurs remarquer en lui demandant si elle veut vraiment être chef « comme ça », ce qui sous-entend que si elle s’y prend à la manière forte, elle va très rapidement perdre le capital sympathie qu’elle avait acquis depuis toutes ces années. D’un autre côté, il n’y a aucune solution, si on part de ce principe.
Kerry lui tient un discours différent, lui explique qu’elle doit s’habituer à perdre ses amis. Mais voilà, Kerry et Susan ont beau être devenues amies, elles demeurent très différentes. Et Susan n’est pas prête à abandonner des amitiés précieuses, alors elle n’emploiera pas la manière forte, elle sera une chef « susanesque »... Et ceci est prouvé par le message qu’elle laisse sur le répondeur d’Abby (ce n’est pas un hasard si ce message a lieu juste après la discussion avec Kerry, il est pour moi la marque d’une décision de Susan, il est la représentation de la méthode qu’elle va employer : elle sera humaine et amicale, elle sera Susan), message que j’ai particulièrement apprécié...
Ce qui m’amène subtilement à...
La citation du jour
« Salut c’est Susan, tu n’es sûrement pas là, tu es peut-être allée voir un film ou tu es sortie fumer près de la rivière. Si c’est le cas, je suis furieuse, si ce n’est pas le cas, je suis inquiète. J’espère te voir avant que tu aies ce message... (...) Pardon pour aujourd’hui. »
Susan ne changera donc pas, en espérant que cela ne lui pose pas trop de problèmes par l’administration plus haut placée de l’hôpital.
Ceci m’amène cependant à me poser une question, de nouveau sur Abby : va-t-elle parler de son enlèvement à la police ? Au staff de l’hôpital ? A Susan ? Elle a promis qu’elle garderait le silence... Je m’interroge, parce que je pense qu’il pourrait être intéressant de voir Abby faire son possible pour garder le silence, et puis un jour craquer, et en parler à quelqu’un, Susan étant la plus indiquée puisque je pense qu’il s’agit de sa meilleure amie. Dans tous les cas, j’espère que cette affaire aura des suites, qu’on ait au moins un semblant de stress post-traumatique, par souci de continuité et de réalisme...
Abby est peut-être courageuse mais elle reste humaine.
En vrac
Ray Barnett souffrirait d’un manque de confiance en lui ? C’est en tout cas ce que le transsexuel en face préopératoire semble penser. Ce serait pour ça qu’il cherche à attirer l’attention... Quoi qu’il en soit, j’ai bien aimé le fait qu’il se fasse remettre en place par une patiente. Maintenant, faudrait aussi penser à évoluer un brin, voir Ray se faire remettre en place, c’est drôle, mais à chaque épisode ça va finir par être lassant.
Carter et Wendall. J’ai vraiment l’impression qu’ils souffrent du syndrome « couples » des dernières saisons d’Urgences : maladroits et inintéressants au possible.
Mais c’est quoi cette lutte entre Susan et Luka, par l’intermédiaire des internes ? Susan prend donc Pratt sous son aile tandis que Luka semble préférer Neela. Ca apparaît vraiment comme un cheveu sur la soupe, c’était assez amusant à suivre, mais je n’ai pas compris ce que cela venait faire ici... et puis Susan qui défend un boulet, ça me plaît pas des masses non plus quoi.
Un épisode psychologiquement éprouvant mais véritablement captivant. On aime ou on déteste, j’ai aimé, et c’est peu dire. La réalisation est impeccable, le déroulement de l’histoire superbement maîtrisé, Maura Tierney est bouleversante, et même ce qui se passe au Cook County ne vient pas handicaper l’épisode. Ces scènes aident au contraire à maintenir le suspense tout en apportant des éléments de psychologie intéressants pour les personnages. Urgences a repris de l’assurance, pourvu que ça dure !
LTE || La Ligue des Téléspectateurs Extraordinaires
Messages
1. > Cours Abby, cours !, 16 octobre 2005, 00:43, par sabrian
Juste un ch’tit mot pour dire que effectivement cet episode fut particulierement "choc" ! Le scenario, comme toujours, est particulierement bien fichu. Juste une petite chose en revanche, je ne suis pas si sur concernant Abby, qu’elle n’allait vraiment pas mourir...
1. > Cours Abby, cours !, 16 octobre 2005, 15:40, par Yerno
Non, à aucun moment je me suis dit qu’Abby allait mourir... Au pire, être gravement blessée, peut-être... D’un autre côté, Urgences m’a souvent surpris, alors pourquoi pas ? Mais Abby est un personnage très important auquel les scénaristes semblent s’être beaucoup attachés, et je pense que si elle venait à mourir ou quitter la série, ce serait amené de manière beaucoup plus "lente", ce serait traité en moult détails... D’un autre côté, il est vrai que cela aurait représenté une fin choc pour un personnage clé de la série.
Malgré tout, je ne pense pas que ses kidnappeurs auraient tenté de la tuer, je pense que les "gros flingues noirs" représentaient une menace afin d’effrayer Abby et de la forcer à tenter de sauver le blessé. S’ils avaient envisagé de la tuer, je pense qu’ils l’auraient fait, ils ne l’auraient pas libérée ainsi... Ils étaient conscients qu’elle pouvait en parler à la police, fournir des portraits robots. Et malgré tout ils l’ont libérée. Ils n’étaient donc pas fondamentalement méchants et ne lui voulaient pas nécessairement de mal. Ils voulaient juste que leur ami soit sauvé.