3.01 - Momma Boone

Que les fans de Julian McMahon se rassurent, le beau docteur Troy n’a pas été défiguré, d’ailleurs on se demande tous pourquoi. C’est vrai quoi, le Carver s’est donné du mal pour faire le sourire du Joker à ses autres victimes, pourquoi Christian y échappe-t-il ? Pas assez beau pour le Carver ? Trop vieux ? Pourquoi le traiter différemment des autres victimes ?

Mais si Christian échappe au sourire-Joker, il n’échappe pas au viol... Les scènes sont très crues : on voit, en flash-back, Christian nu sous la douche, un filet de sang coulant sous lui... On voit également son corps, paralysé, être retourné comme un objet inanimé, une poupée disloquée, puis dénudé et finalement violé. Le Carver a pris soin, comme avec ses autres victimes, d’utiliser un préservatif, qu’il montre à Christian avant de le violer comme pour lui dire : « regarde ce qui t’attend ». Brrrr... Ce n’est pas comme si la série nous avait habitué à être très subtile, mais tout de même, entre ça et certaines scènes de The Shield saison 3 sur le même thème, pour ceux qui ont regardé, je me demande laquelle de ces séries fait dans le plus glauque... Pourtant les styles sont différents, l’esthétique glacée et sombre contre la caméra à l’épaule et les couleurs saturées...

Qu’on se le dise tout de suite, ce n’est pas parce que le Carver viole ses victimes qu’il est automatiquement un homme. Ryan Murphy est bien trop tordu pour s’arrêter à ce genre d’évidences faciles. Donc, si j’appelle le Carver « il », ce n’est qu’une formulation, et je garde toujours à l’esprit qu’il peut s’agir d’une femme, voilà, c’est dit. Après avoir fait de Famke Janssen une transexuelle, Ryan Murphy est capable de tout. Et c’est rien de le dire.

Donc, Christian s’en est sorti, mais le problème est qu’il est incapable d’aller en avant. Il rêve encore et encore qu’à son enterrement, son cercueil reste coincé à la surface. Il a arrêté d’opérer, il a repris Kimber dans sa vie (ce qui est en soi une preuve de son instabilité de mon point de vue), mais il reste pourtant dans son appartement, sur le lieu de son agression. On pourrait trouver ça un peu masochiste, mais c’est Christian, et son appartement a depuis le début de la série été sa plus forte identité, davantage que ses voitures de luxe et ses costumes Armani. Son appartement froid et ordonné, vide, impersonnel, arrogant, est Christian Troy dans ses pires aspects. Il aurait pu le quitter pour rejoindre la grande maison de Sean, d’autant plus que son partenaire s’y retrouve presque seul, sans Julia... Mais il préfère rester sur les lieux du crime, comme si c’était pour lui le meilleur moyen de montrer que tout va bien, que le Carver n’a pas gagné.

Pourtant, rien ne va. Kimber a beau ramener à la maison les rushs de son dernier film porno pour les regarder avec son homme (quelle belle intention), cela ne semble pas émoustiller Christian, qui reste impassible voire pire : il semble être indifférent à son absence de désir. Lui qui a passé sa vie à obéir à sa queue se retrouve soudain dépourvu de toute envie ; ça doit s’appeler le karma. Pire, lorsque Kimber se plaint de devoir se masturber tous les soirs (sacrée Kimber, la délicatesse même), la réaction de Christian est de la demander en mariage. En mariage ! Il a peut-être compris que puisque l’absence de sexe est un aboutissement du mariage, ce sera déjà ça de moins à accomplir pour eux deux...

Et dans un parallèle qui rappelle les premières minutes du pilote, on voit donc Kimber refuser la demande en mariage de Christian (elle arrive à être censée quelques minutes par jour) pendant que Julia demande à Sean de signer les papiers du divorce. Sean, comme Kimber, est pris au dépourvu. Malgré la dégénérescence de son mariage après l’annonce de la paternité de Matt, malgré tous les mensonges, il croyait encore que quelque chose était possible avec Julia, qu’il était possible de reconstruire ce qu’ils avaient eu pendant toutes ces années. Julia, de son côté, malgré ses faiblesses, ses hésitations, et surtout parce qu’un homme, encore, lui a fait prendre conscience qu’elle n’arrivait pas à aller de l’avant (vous vous rappelez Jude, l’étalon de la saison 1 qui faisait fantasmer Julia ? il n’a pas apprécié entendre « ooooooh Sean » pendant qu’il s’occupait de Julia), et bien notre chère renifleuse professionnelle s’est décidée à mettre un terme à son mariage. Enfin elle se croyait décidée, jusqu’au moment où elle doute et revient sur sa décision, mais il est trop tard : Sean lui a fait le chemin inverse et a décidé pour elle. Le jour où elle saura ce qu’elle veut, le jour où elle s’affirmera enfin, il faudra ouvrir une bouteille de champagne. Et lui proposer d’arrêter la coke, parce que sincèrement, elle me fait peur avec ses yeux trop bleus et son nez trop fin qui renifle tout le temps.

Ceci étant dit, il n’était peut-être pas nécessaire de s’enfoncer dans la métaphore de la dépression et de l’incapacité à « aller de l’avant », comme les gens sont si prompts à le dire. Pourtant, les scénaristes ont sorti l’artillerie lourde. Et quand je dis lourde, ce n’est pas qu’une image.

Momma Boone n’a pas quitté son canapé depuis 3 ans. Elle était déjà obèse, elle est devenue énorme. En fait, les fibres du canapé se sont greffées à sa peau. Elle faisait ses besoins sous elle, ne quittait jamais ce canapé qui est devenu une part d’elle.

Ma première réaction a été : « mais n’importe quoi, comment c’est possible ? »

Et j’ai lu une interview de Ryan Murphy, qui explique que tous les cas médicaux utilisés dans Nip/Tuck sont des cas basés sur des faits. Et j’ai trouvé l’article relatant la vie de cette femme de plus de 300 kilos qui est morte à l’hôpital alors que des chirurgiens tentaient de la « découdre » de son canapé. Parce qu’elle y était restée plus de 5 ans. Parce qu’elle s’était cassée les deux jambes, avait été humiliée, et avait préféré rester enfermée chez elle.

Une histoire vraie donc, une histoire de dépression et de suicide lent et douloureux. Une histoire qui aide Sean et Christian à réaliser leur propre propension à préférer l’inertie.

La force d’inertie est puissante, faut pas croire. Il ne suffit pas d’être incapable de quitter son canapé pour être appelé « dépressif ». Il suffit de se satisfaire d’un présent à peine supporté plutôt que de prendre des risques. Il suffit d’être inerte.

Lorsque Christian recule le moment où il devra redevenir chirurgien, il laisse la force d’inertie faire son œuvre. Lorsqu’il ment à cette nouvelle détective à l’accent plus british que british et à la coup de cheveux plus raide que raide, Christian se réfugie dans un monde idéal, dans lequel il n’aura ni été abusé, ni blessé. Dans le passé en quelque sorte.

Rhona Mitra voudrait nous faire croire qu’elle a fait des études de criminologie. Elle voudrait nous faire croire que son brushing est 100% naturel, tout comme ses lèvres et ses seins. Mais nous ne sommes pas dupes !!! Nous savons bien que, primo, elle est une strip-teaseuse. Parce que pour se retrouver au-dessus de Christian, jupe remontée jusqu’aux hanches pour montrer que, PAR HASARD, elle a mis un porte-jarretelles ce matin en se levant, il faut être strip-teaseuse. Ou call-girl. Enfin pas une vraie flic quoi. Les vraies filles ne portent pas de porte-jarretelles pour aller au boulot, désolée de décevoir les mecs qui lisent cette review.
Secondo, elle parle comme un robot et ses cheveux sont encore plus droits que ceux de Jennifer Aniston, ce qui, en soi, n’est pas naturel DU TOUT. Donc elle n’est ni une flic, ni un être humain. C’est peut-être une cylon (pour ceux qui ne connaissent pas cette référence, il est temps de regarder Battlestar Galactica, et vite). Si Rhona Mitra était une cylon, ça expliquerait beaucoup de choses !!

Ca expliquerait comment Christian atterrit DANS elle alors qu’elle était en train de faire semblant de le violer. Ca expliquerait qu’elle se retrouve à rouler des gros palots à Kimber pendant que Christian retrouve son mojo.

Car le mojo de Christian is back, ladys and... ladys.
Kimber se demande qui il est, pour l’avoir demandé en mariage et pour se retrouver au lit avec une autre peu de temps après. La réponse est simple, concise, mythique : « I’m me again baby ! I’m back ». Il est de retour, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est en forme.

Cet épisode marque un retour tonitruant de notre série over-the-top préférée. Une métaphore de l’immobilité un peu trop appuyée à mon goût, mais un traitement intéressant (une femme désespérée mais naturellement aimable, un mari pour qui l’on ressent de la honte et de la compassion, un système inhumain qui ne laisse de la place à personne de faible, même pas dans la mort), et surtout, une mise en danger des personnages principaux. C’est assez rare pour être signalé. Je ne parle pas de mise en danger artificielle, pour que le héros renaisse de ses cendres et soit encore plus fort qu’avant. Ce n’est clairement pas l’intention de Ryan Murphy. Christian a été violé, Sean en est en partie responsable (il a voulu faire son cow-boy avec le carver en pensant qu’il était seul en danger ; ce n’était pas le cas). Un troisième chirurgien, le docteur Quentin Costa, est arrivé au cabinet pour aider Sean et une troisième personne au milieu de Troy et McNamara ne peut qu’être un danger, on le sait d’expérience.

Que ce soit dit, Nip/Tuck est pour moi avant tout une histoire d’amour entre deux hommes hétérosexuels. Une histoire d’amitié où se mêle amour et admiration, où Julia, la femme de Sean, n’est qu’un « réceptacle » du désir que les deux hommes ont l’un pour l’autre. Désir impossible à satisfaire, puisque aucun des deux n’est homosexuel, vous me suivez ? Le triangle amoureux Sean-Julia-Christian n’est qu’une excuse pour traiter de la véritable relation amoureuse qui est celle de Sean et Christian. Le principal angle avec lequel je regarde cette série est celui de cette relation complexe et passionnante. J’espère que personne ne m’en voudra si parfois je laisse échapper un « bon sang, mais embrassez-vous qu’on en parle plus ! ». Je tâcherai de garder ça pour moi. Ou bien, j’essaierai de temps en temps de prouver que j’ai (un peu) raison. On verra ce que Ryan Murphy nous offrira cette année !