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House

2.10 - Failure to Communicate

I miss curry

samedi 21 janvier 2006, par Eclair

Toujours faire mieux, telle doit être la devise de chacun des scénaristes qui se succèdent chaque semaine. La compétition est rude, et Doris Egan n’est pas David Shore, mais elle a réussi à écrire un épisode extrêmement intelligent, pertinent, et prenant. Ca ne saute pas aux yeux, tant l’épisode est dense, mais pour une série comme House, on commence à avoir l’habitude. A vos marques, prêt, grattez !

Après l’apparition du premier cas "psychologique" la semaine passée, la formule va à nouveau s’élargir : certes, le patient ment toujours, mais cette fois-ci il est incapable de dire la vérité.

Le cas médical

Oui, le cas de la semaine est un journaliste d’investigation qui soudainement tombe contre une table et devient aphasique. Autrement dit, il sait ce qu’il veut dire, mais il n’arrive pas à le dire : ses mots sont transformés (emplois d’analogies, synonymes) et il est incapable de dessiner (agraphie). Bref, il devient impossible de le comprendre.
Ses poumons s’obstruent par un fluide, il a une fièvre. Il faut le mettre sous antibiothérapie à spectre large pour contrer l’infection, en espérant qu’il ne s’agisse pas d’une maladie auto-immune comme un lupus.

L’IRM célébral montre d’anciennes lésions, donc probablement rien à voir avec les symptômes actuels. Une méningite ? Dans ce cas il faudrait faire une ponction lombaire, ce qui est fortement contre-indiquée à cause de l’oedeme.

Comme d’habitude, c’est en allant faire le tour du propriétaire qu’on en apprendra davantage : les amphétamines et des pilules du sommeil sont trouvées (les amphét’ ne sont pas une surprise : elles ont également été trouvées par le test toxicologique). Du Topamax, un anticonvulsif régulièrement employé pour perdre du poids, est également sur les lieux.

La situation du patient s’aggrave : le rein est en train de lâcher (goût metallique dans la bouche).

Que faire ? Faire peur au patient pour qu’il avoue ? C’est un échec, mais lorsque Cameron finalement fait une ponction lombaire en dernier recours, le patient, enfin loin de sa femme, avoue "they took my stain, i couldn’t tackle the bear".

Reste à comprendre ce qu’il voulait dire par là : "stain" veut dire "brain" et "bear" => "polar bear" => "polar" => "bipolar". Le patient est bipolaire, il s’est automédiqué et prenait de l’alcool pendant des années, ça lui a permis de devenir un excellent journaliste à scandales, mais il ne fallait pas que l’on découvre la vérité. Lorsque ce patient est tombé amoureux, il a fallu changer : il a tenté une chirurgie expérimentale, secrètement dans un pays hors des USA (ce qui explique la trace sur l’IRM)

Mais ça n’a pas marché : le patient a commencé à avoir de la fièvre et des problèmes neurologiques qu’il a traités par ses pilules et ses amphétamines. L’origine de la fièvre ? Une malaria cérébrale non diagnostiquée par les ordinateurs alors qu’il suffisait de mettre la lame de sang sous le microscope.
Le patient sera traité sous quinine, mais sa femme apprendra la vérité et le quittera.

Sur le plan médical, donc, une histoire prenante et vraiment particulièrement tordue.

Mais l’intérêt de l’épisode est loin d’être dans ces scènes de diagnostic, car House n’est pas au plainsboro hospital mais ... au bout du fil.

Medicaid

Car House a été convoqué à Baltimore par Medicaid, qui lui reproche de prescrire en dehors des fameuses guidelines. Les guidelines, ce sont ces chartes millimétrées qui font qu’un médecin est obligé de suivre une certaine procédure thérapeutique, procédure principalement choisie en fonction de son rapport coût/efficacité. C’est ce qui permet entre autres de limiter l’envol des coûts de la médecine aux USA (enfin ça, c’est en théorie, évidemment). Un peu comme notre sécu, en France, avec l’instauration des RMO (références médicales opposables). Sauf que la couverture Medicaid ne concerne que les plus pauvres des américains (à ne pas confondre avec Medicare qui concerne les plus de 65 ans et les handicapés, et qui ne rembourse pas les médicaments).

Bref, House est convoqué chez une sorte de médecin-conseil pour s’expliquer sur ses choix thérapeutiques. Pour éviter tout dérapage (et tout procès), Stacy l’accompagne.

On lui reproche par exemple d’avoir prescrit du Viagra à une femme ! House s’explique : vu son état cardiaque, et l’urgence d’une vasodilataton, tout autre produit était inenvisageable. Du reste, il s’étonne ironiquement : "The woman has a heart condition and she’s on her own. A man can’t nail his office assistant, its national crisis time." Son interlocuteur est calmé par Stacy, très diplomate, qui savait qu’il prendrait sa retraite prochainement. N’est-il pas fatigué par toute cette dérive administrative (et politique) qui empêche la prescription de médicaments hors indication ? Elle arrive même à arracher des excuses à House, qui joue le jeu. La partie est gagnée !

La scène évoque très bien les difficultés actuelles du système américain, qui, pour limiter ses dépenses, examine à la loupe le moindre incident de prescription, quand bien même la prescription se justifie médicalement parlant. Rares sont les séries médicales qui abordent la question centrale des guidelines et ses répercussions sur l’offre thérapeutique et les avancées scientifiques. A noter que l’exemple est celui de Medicaid, mais il touche globalement les HMOs, rois du managed care. De nombreux scandales de prise en charge ont eu lieu ces dernières années, et les médias semblent enfin s’attaquer à ce problème majeur. Certes le cas du Viagra est volontairement drôle, mais il est symbolique d’une volonté politique (et assurancielle) d’empêcher de penser "out of the box".

Stacy

Outre l’aspect économico-politique de la scène, c’est l’occasion de voir le couple Stacy/House se rapprocher. Ayant remarqué l’absence de son pendentif, House enquête... et finit par faire craquer son ex : elle a eu une dispute avec Mark, une parmi tant d’autres. Son couple a du mal à survivre à ce qui pourrait paraître comme des disputes ridicules. Mark semble la repousser, comme House l’a fait à son époque.
Leurs avions étant retardés pour cause de mauvais temps, House et Stacy vont donc à l’hotel. On se réjouit de l’alchimie qui se produit entre eux deux, Stacy avoue qu’elle manque de "curry", "you’re a jerk", rajoute-t-elle, House lui répond "i know", et ils s’embrassent plusieurs fois, au bord du lit. Aaaaarf ! Le téléphone sonne. Greg doit finir son diagnostic, et déchiffrer les paroles du patient : il quitte l’hotel.

Une fois la solution de l’énigme trouvée, Greg résume son cas :

- he loved her enough to convince hiself he can change.
Et Stacy complète : "but he couldn’t". Bien entendu, le dialogue concerne leur propre relation.

Sur le point de partir, Stacy déclare : "you know what Woody Allen said about relationship ? irrational and crazy. But we go through it all because...". Ce coup-ci, House complète la phrase en même temps que Stacy : "...we need the curry".

Jolie façon de clôturer sur ce qui aurait pu (ou du) se passer. Que de superbes scènes shipper dans cet épisode,où les mimiques des acteurs, leurs regards et leurs réparties font merveille !

Foreman en boss - 2/3

Foreman est donc le patron, et une fois de plus il le fait savoir à Cameron et Chase. Cameron lui fait remarquer que c’est un travail d’équipe, de confrères. Et Chase n’apprécie guère l’attitude de Foreman, comme en témoignent les répliques suivantes :

Chase : What happened to the Foreman who always has an answer ? The guy who practically wears a sign saying "I’m as good as House, but I’m nicer".
Foreman : I never said that.
Chase : I guess it is safe to be confident when House is there to overrule you. Now that it’s all on you...
Foreman : It’s different. Yeah.

Foreman veut avoir le poste car il aime diriger, c’est évident, mais il a du mal à travailler sans filet. Or l’un ne va pas sans l’autre, et il s’en rend compte, heureusement.

Les détails qui tuent

Outre ces différentes storylines, l’épisode arrive encore à inclure un mini-arc : celui de Wilson en train d’écouter (traduction : de draguer) une infirmière racontant sa rupture avec un gars jaloux. Lequel gars était déjà quelqu’un qui aimait l’écouter !
On avait déjà eu des indices sur son infidélité et le fait qu’il craquait sur une infirmière, on en a eu confirmation. A voir où cela va nous mener !

Chase a aussi une scène hilarante ouù il imite House : "Everybody lies". Et il balance sa balle contre le mur, comme House le fait dans cet épisode.

Pour finir, House n’était pas en reste dans cet épisode, que ce soit avec Cuddy, un gamin ennuyeux dont il vole la balle, ou tout simplement quand il lit "Lesbian prison stories" juste après avoir fait le diagnostic de deux personnes rien qu’en les observant !!


Un excellent épisode de House, très dense, bourré de détails et d’histoires dans les moindres recoins pour un résultat quasi parfait :
un cas médical tordu et résolu différemment, une équipe médicale transformée àla fois par l’autorité de Foreman et l’éloignement de House, des interactions sociales plus ou moins développées (pour House/Stacy shippers, pour le flirt de Wilson), un clin d’oeil économico-politique drôle et pertinent, des répliques, des gags,...
Très bien écrit, très bien joué, s’il n’atteint pas l’envolée dramatique de Three Stories, cet épisode n’en demeure pas moins dans le top de la série.