2.06 - The Road to Damascus

La rencontre avec Henry Scudder n’est pas pour tout de suite. La troupe doit faire un arrêt avant d’aller à Damascus, là où « le chien et le loup hurlent à la lune », et là où Henry Scudder est censé résider. Les carnies sont obligés de s’arrêter, car, par hasard ou non, errent sur la même route ce qui reste de la troupe des Freres Daily. Charlie Lewis, un membre de la troupe et ancien ami de Samson, lui explique que le cirque a brûlé et qu’ils sont tout ce qu’il reste… Une grosse femme dans une brouette, un éléphant, un hermaphrodite « double-face »… Samson n’a pas d’autre choix que de s’arrêter et de monter un campement pour leur assurer au moins un repas chaud. Les deux troupes réunies, une ambiance festive s’installe et bientôt, les rousties boivent et dansent ensemble. Certains se rapprochent, comme Lila et Charlie Lewis, Jonesy et Libby, et d’autres se battent et se déchirent, comme Rita Sue et son mari, et finalement Jonesy et Stumpy… Felix a tout perdu, et Rita Sue, malgré son excès de confiance, finit par voir clair dans les mensonges de son mari. Il avoue tout, après que Rita Sue ait fait semblant de donner tout leurs vêtements aux rescapés de l’incendie. Dans une très belle scène, Stumpy change de voix, d’attitude, pour devenir le looser qu’il sait être : « J’ai tout perdu », avoue-t-il à sa femme, sans même la regarder dans les yeux. Ce n’est pas seulement la perte de l’argent qui la blesse ; c’est surtout la perte de la promesse d’un avenir meilleur. Après tout, si elle fait toujours le cooch et si elle accueille toujours des hommes dans sa tente après son show, ce n’est pas parce que ça lui plait, mais parce que l’argent est pour elle le seul moyen de quitter cette vie...

Elle n’est pas la seule à vouloir partir. Sofie continue à voir sa mère auprès d’elle, allongée, morte, silencieuse. Ces visions la hantent. Sofie ne sait toujours pas pourquoi sa propre mère, sur laquelle elle a veillé toute son enfance, a essayé de la tuer. Ce qu’elle sait, c’est qu’elle n’a plus sa place ici, avec les autres membres du Carnivàle. Jonesy n’est plus l’homme sur lequel elle pouvait se reposer. Lire les cartes est devenu une épreuve. Et quand elle s’y attend le moins, elle a des visions terrifiantes. Comme par exemple celle de se voir, enfant, innocente, le long de la route, visiblement perdue. Et se retournant, les yeux complètement noirs et brillants, en disant : « Every prophet in her house »… Cette phrase, pour le moins étrange, est celle-là même que le Templier a prononcé devant elle par le Templier de l’épisode 10, Hot and Bothered… Ce qu’elle signifie, j’avoue que je ne sais pas vraiment… De mon point de vue, la « maison » est un symbole du ventre maternel. Ce qui signifierait qu’elle doive accueillir en son ventre le « Prophète » ? Il ne semblerait pas, contrairement à ce que j’ai pensé, qu’elle soit enceinte de l’homme avec qui elle avait perdu sa virginité, dans Black Blizzard. En revanche, il se peut qu’elle le soit de Ben, puisque les deux âmes esseulées de Carnivàle ont finalement réussi à se rapprocher. Ils font l’amour dans une voiture, à l’écart des autres, et on peut sentir toute la solitude qui les lie l’un à l’autre, mais également toute la passion : alors que Sofie a un orgasme, le tonnerre retentit et la pluie tombe sur le campement. Mais elle finit par s’arrêter, au moment même où Brother Justin prend la parole sur les ondes…

Ben et Sofie ont néanmoins choisi deux voies différentes. Ben a renoncé à son libre-arbitre et continue d’obéir aux ordres du Management, qui pour l’instant sont de retrouver son père. Mais ne devrait-il pas se poser la question de la fuite de Scudder ? Ne devrait-il pas se demander pourquoi le Management l’a attendu pour poursuivre ces recherches ? Sofie est loin d’avoir tous les éléments en main, mais elle sait qu’elle n’appartient plus à ce monde du cirque (une métaphore de sa famille), et qu’en le quittant, elle aura une chance de vivre la vie qu’elle aura choisie, non pas celle qu’on lui aura imposé.

A la fin de l’épisode, alors que toute la troupe repart, Sofie reste à l’écart, et prend le chemin inverse. Ce qui m’inquiète le plus, c’est qu’elle finisse par rejoindre Justin, en Californie. Elle a déjà entendu ses prêches, et même si Sofie semble être difficilement influençable, il est possible qu’elle soit inconsciemment guidée vers cette voix (voie). Sa mère pourra-t-elle la suivre, ou qu’elle aille ? Saura-t-elle retrouver la confiance de sa fille et lui faire comprendre quel est son rôle dans ce destin mortel ? Sans Ben pour soulager ses visions, Sofie pourra-t-elle continuer à les subir ?

Ben semble amoureux, et il l’est peut-être pour la première fois. Ce que j’ai grandement apprécié dans ce rapprochement, c’est qu’il n’était pas obligatoire. Personne ne l’attendait, personne ne jouait les shippers pour que ça se produise, et rien, si ce n’est un timide rapprochement, ne laissait penser que ça se produirait. Ben et Sofie auraient pu passer le reste de la saison sans même se toucher, ça n’aurait rien enlever au charme de ces deux personnages au tournant de leur vie. Ce n’est pas le couple phare, dont on sait qu’ils sont « faits l’un pour l’autre » et que rien ne pourra les séparer (ou alors pas longtemps). Il s’agit seulement de deux personnages solitaires, jeunes, attirés l’un par l’autre et qui finissent par dépasser leur timidité pour se rapprocher et faire l’amour. Rien de mystique de cela, rien de prédestiné, mais seulement la recherche du réconfort. Et le sexe, ça peut être cela aussi, même pour un héros et la fille d’une prophétesse.

Cependant, il y a quelques éléments à prendre en compte : visiblement, Apollonia fait tout pour que sa fille n’ait pas de rapports sexuels. Rappelez-vous leur dispute lors de Black Blizzard, et comment Apie avait essayé de l’empêcher de perdre sa virginité. Lorsque Ben et Sofie commencent à s’embrasser et que les choses s’embrasent, Sofie a de nouveau des visions du viol de sa mère par le Usher. Et Apie se tient là, derrière le carreau de la voiture, observant sa fille, comme pour la prévenir de quelque chose. Sofie prend peur, mais les pouvoirs de Ben (qui a déjà soigné Kerrigan de cette façon) font disparaître cette vision… Une bonne chose ou une mauvaise ? Si l’on en croit la vision de, comme j’aime à l’appeler, « roulage de pelle sous fond d’explosion nucléaire », on peut penser que c’est une mauvaise chose… Les deux amoureux oublieraient-ils qu’ils ont un monde qui les attend et qu’ils ont un rôle à jouer dedans ?
L’autre élément, c’est la pluie, si rare à cette époque qu’elle a réduit à l’état de désert une grande partie des Etats-Unis. Si la présence de l’avatar du Mal a asséché la terre, comme cela a été dit, l’apparition soudaine de cette pluie, salvatrice, est un signe que Ben, ou Sofie, ou bien les deux réunis, sont capables de contrecarrer cette influence néfaste. Mais alors que Sofie danse sous la pluie, pour profiter d’elle, Justin parle à la radio, et l’averse cesse immédiatement… « The instant you yield, God’s plan for salvation is thrown into gear... », dit-il, et Sofie tourne la tête pour l’écouter…

Pendant que Ben et Sofie batifolent, Justin et Iris s’adonnent à des jeux bien différents : Iris prie le pardon de Dieu à genoux dans le verre brisé, et Justin, apprenant de la bouche de Tommy Dolan que l’Etat de Californie ne pend pas les femmes, change ses plans. Il ne veut pas jetter sa sœur en prison, il veut qu’elle soit exécutée, qu’elle meurt, ou bien veut-il effectivement qu’elle montre du remord pour le meurtre de ces enfants ? Devant cet obstacle à ses plans, Justin choisira de prendre au piège le journaliste, et sera même assez pervers pour le faire avouer, à la place de sa sœur, devant toute sa congrégation et devant les policiers. Iris, surprise, ne dira bien entendu rien aux policiers, et laissera Tommy se sacrifier pour elle. Pour son frère… Mais une chose est sûre : elle ne contrôle plus Alexei. Elle ne contrôle plus Justin…