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Carnivàle

2.10 - Cheyenne, WY

It’s turning into a beautiful day

mardi 22 mars 2005, par Feyrtys

Mintern, California. Le Temple de Jericho et ses milliers de fidèles priant pour un prêtre aux pouvoirs obscurs. Les étendues désertiques du Texas, du Nouveau-Mexique, de l’Oklahoma et une troupe menée par un être hors du commun vers une destinée exceptionnelle. Aujourd’hui les deux forces sont prêtes à s’affronter, les deux mondes vont se rencontrer et rien ne sera plus comme avant.

Dans la nuit court un homme nu, à la gestuelle animale. Il ressemble à un loup, à un serpent, il émet des grognements étranges. La silhouette pénètre dans la caravane de Lila, qui est endormie : il s’agit de Lodz, revenu d’entre les morts… Il glisse sa tête sous ses couvertures pour prodiguer des caresses érotiques à son ancienne maîtresse… Réalisant soudain qu’elle n’a pas rêvé et que quelqu’un se cache effectivement sous ses couvertures, Lila tire les draps vers elle et dévoile le visage de son amant nocturne : c’est celui de Ruth, sous le contrôle de Lodz. « Here is my buttercup », dira-t-il par la bouche de la charmeuse de serpents.

Après des retrouvailles des plus étranges, le mentaliste explique à Lila que c’est Ben qui l’a assassiné, en omettant bien entendu de lui avouer son rôle dans la tentative de meurtre de Ruthie. Lila, qui n’est plus à une bizarrerie près, voudrait que son amant reste encore à ses côtés, même s’il a revêtu le corps d’une femme. Mais Lodz ne peut rester indéfiniment, et lorsque Ruthie s’éveille enfin, Lila n’est d’aucun réconfort ni même d’aucun secours pour la pauvre femme qui se doute bien de ce qui vient de se passer.

Ce que Lodz cherche à accomplir, nous l’ignorons encore. Il a d’abord laissé des pistes : « Where is the boy ? », alors que Ben était en danger, dans l’épisode Ingram, Texas puis « Sofie is the omega », dans l’épisode dernier. Et à présent, il décrit Ben à Lila comme étant un meurtrier. Je suppose qu’il s’adresse à Lila car elle est la seule à pouvoir faire le lien entre lui et Ruth, et que personne d’autre qu’elle n’est apte à l’écouter. Il est le seul à connaître ce qui a poussé Appolonnia à vouloir mettre fin à la vie de sa fille. Il ne l’a pas seulement entendue, il a compris pourquoi elle voulait la tuer. C’est donc qu’il en sait beaucoup plus sur cette mythologie des avatars, autres Princes et Usher, qu’il ne le montre. N’oublions pas que c’est son ours qui a défiguré et quasiment tué Lucius Belyakov. N’oublions pas que son pouvoir de mentalisme, il le tient de Scudder, et que les circonstances de ce gain sont troubles. Lodz n’est pas qu’une simple marionnette, et il ne l’a jamais été. Il a un rôle précis. Sa soif de pouvoir et le fait qu’il ne recule devant rien pour atteindre son but me font penser que ce rôle n’est pas celui d’un bienfaiteur. Il ne serait pas impossible que ce soit lui qui ait subrepticement glissé à Sofie l’idée de rejoindre Justin, dans le but, qui sait, de la voir accomplir ce de quoi sa mère avait tellement peur… Il n’est pas non plus impossible qu’il cherche à manipuler Lila pour qu’elle crée une mutinerie au sein de la troupe et que leurs forces soient dispersées. Elle pourrait bien trouver des arguments pour montrer que Ben n’est pas digne de confiance, et Samson avec lui. Si les carnies découvrent que le Management est mort et que Samson leur a menti, que Ben a des pouvoirs surnaturels et que c’est lui qui les conduit à son aise, les choses risquent d’empirer. Les tensions sont déjà palpables au sein de la troupe, et l’accident de la Grande Roue n’a rien arrangé.

Ben ramène Libby et Jonesy au campement. Il comptait repartir illico presto vers le motel de sa vision, et retrouver son père avant que celui-ci ne soit sacrifié par son successeur, mais Jonesy en a décidé autrement. Après avoir été sauvé, et après avoir retrouvé l’usage de son genou, Jonesy est resté le même homme courageux qui n’avait pas reculé devant les flammes de la caravane d’Appolonnia et de sa fille, et qui avait sauvé Sofie de la mort. Il pense peut-être trop avec ses parties génitales, le Jonesy, mais c’est un homme bien. Libby le sait et c’est pour ça qu’elle le laisse partir, même si elle redoute que ce voyage soit sans retour. Une nouvelle fois, après la phrase sibylline de Samson ("We both know, wherever it is you’re headed, it’s likely gonna be a one-way trip..."), la mort est crainte comme étant la fin de la route. Libby demande, fragile, si Jonesy reviendra. Même s’il ne peut rien promettre, il veut y croire. Les deux amoureux s’embrassent et Jonesy rejoint Ben dans la voiture.

J’avoue que malgré les pouvoirs de Ben, je me suis sentie rassurée du fait de la présence de Jonesy à ses côtés. Et profondément touchée par l’offre de l’ancien joueur de base-ball. Il ne sait pas où il va ; il ne sait rien des dangers que Ben s’apprête à affronter. Mais il est peut-être celui qui fera la différence, quand Justin n’a personne de confiance autour de lui, quand il a amené la discorde et la suspicion au sein de sa famille. Ben a Jonesy, il a Samson, et c’est bien plus que ce que Justin peut se vanter d’avoir.

Bien au contraire. Justin n’a plus l’appui de Iris. Il a perdu la seule personne qui était capable de se sacrifier pour lui s’il l’avait demandé. Il a perdu probablement le seul être qu’il l’aimait tel qu’il était, c’est-à-dire cet enfant aux pouvoirs de vie et de mort, cet enfant devenu un adulte monstrueux et pervers. Iris n’est plus cette femme prête à tout pour aider son frère. A présent, elle est prête à tout pour sauvegarder le secret qu’elle détient et qui fera flancher son frère. Elle est même celle qui pourrait enfoncer le couteau dans le dos de Justin. Elle en serait capable. Le tout est de savoir si elle le fera ou non. Je n’ai absolument aucune certitude quant à cette supposition.

Néanmoins, on peut dire que son frère ne fait rien pour regagner sa confiance. En laissant entrer Varlyn Stroud dans leur maison, et en empêchant Iris de connaître la raison de la présence de cet homme, Justin ne fait qu’attiser la rancœur de sa sœur. Pire que tout, le prêtre dévoyé laissera la sauvagerie sans nom de Stroud atteindre sa sœur et la menacer. Iris n’est plus en sécurité dans sa propre maison. Les discussions qu’elle a avec Norman sont de plus en plus intenses et leur but de plus en plus clair : ils tenteront de tuer Justin une seconde fois, et ils ne doivent pas échouer. Auront-ils vraiment une nouvelle chance ? Rien n’est moins sûr…

Stroud a ramené Scudder avec lui. Justin s’apprête à recevoir l’héritage de son prédécesseur en lui tranchant la gorge avec une serpe. Mais Talbot Smith, l’ancien compagnon de Scudder, s’interpose. Et prévient Justin : le passage des pouvoirs (boon, ou faveur, bénédiction) d’un avatar vers un autre doit se faire de façon volontaire, comme nous avons pu le voir entre Lucius et Ben. Et alors que le Management n’avait aucune façon de donner son pouvoir à Ben, car celui-ci n’en voulait pas, Justin est confronté au problème opposé. Scudder n’est certainement pas prêt à donner quoi que ce soit… Tel père, tel fils, finalement…

Justin est donc obligé d’attendre que la drogue se dissipe et que Scudder reprenne ses esprits. Talbot Smith prévient son nouveau maître : la seule façon d’obtenir la « faveur » de Scudder, c’est de la prendre par surprise. Et étant donné qu’il a passé sa vie à fuir, la chose ne va pas être aisée. Stroud prend soin (et plaisir) à attacher fermement l’homme à sa chaise, à l’aide d’une camisole de force du meilleur goût. Et je peux vous dire que la chanson que fredonne Michael Madsen dans Reservoir Dogs, quand il coupe l’oreille de sa victime, n’est RIEN comparée à la comptine que Stroud récite à Scudder dans cette scène.

Talbot Smith, celui qui a guidé Justin vers l’ancien prophète de l’obscurité, tient absolument à avoir un dernier entretien avec Scudder, avant que celui-ci ne meure. Justin le lui refuse, par perversité peut-être, comme pour frustrer volontairement un homme faible. Mais ce que recherche Talbot Smith surpasse toute la peur que lui inspire Justin. Il force donc la serrure de la cabane isolée dans laquelle est emprisonnée Scudder.
Le père de Ben rendu impuissant par ses liens, Talbot Smith se sent supérieur et se permet même l’audace de lui faire un discours sur sa faiblesse, de pointer le fait qu’il n’a jamais eu le courage de se tuer lui-même. Voilà un point important de cette histoire, qui m’a fait beaucoup réfléchir. Si Scudder a passé sa vie à fuir une destinée qu’il n’avait pas choisi, il n’a cependant jamais exercé l’ultime expression de libre arbitre : le suicide. Cet acte aurait pu le libérer définitivement de cette destinée. Mais il a préféré la vie. Il a été capable de se défigurer pour échapper à ses poursuivants, mais incapable de mettre fin à ses jours. Il est ainsi devenu esclave de son propre choix. Son fils a eu plus de courage que lui, et a tenté de se suicider dans la saison précédente, mais là encore Scudder est intervenu et l’en a empêché, il a imposé son choix à son fils pour ne pas se retrouver face à sa lachêté. Oui, Scudder est lâche, profondément lâche. Ce qui le rend d’autant plus humain. Dans un premier temps.

Talbot Smith promet de le libérer s’il lui dit où se trouve un manuscrit. Scudder refuse dans un premier temps, mais la promesse de Talbot Smith est bien trop alléchante pour qu’il n’essaye pas, au moins, d’obtenir sa libération. Le manuscrit de Saunière, celui que recherche l’archéologue, est en France, lui avoue Scudder, à Rennes-le-Château. En apprenant la nouvelle, Talbot Smith est visiblement pressé de prendre le premier bateau pour traverser l’océan. Et il ne compte absolument pas libérer son ancien ami. "Sorry, but we’ll have to give the devil his due", lui annonce-t-il, sur le point de franchir la porte. Il ne croyait pas si bien dire. Parce que ce qu’il doit à Scudder, il va le payer, et dans la douleur. L’ancien prophète de l’obscurité n’avait jamais vraiment montré l’étendue de ses pouvoirs. Il n’a même jamais montré l’étendue du mal qu’il pouvait commettre, hors mis l’assèchement de la terre, et quelques flash-back succincts.

La trahison de Talbot Smith réveille en Scudder le monstre qui est en lui, l’animal que l’on a déjà aperçu chez Justin. Il se libère de ses liens et devient enragé. Il se rue sur Talbot Smith et l’éviscère… Puis prends la fuite dans une voiture. Arrivé aux portes du camp, il se retrouve nez à nez avec la milice personnelle de Justin (encore une façon de montrer toute l’atmosphère très « chrétienne » de New Canaan), et manipule les esprits pour franchir la porte.

Alors que Scudder se croit libéré, Justin surgit derrière lui et lui coupe la tête. Il a réussi.

Ou a-t-il échoué ? En effet, lorsque Ben avait reçu sa faveur de Lucius Belyakov, Justin avait quasiment agonisé sur le tapis de son salon. Mais ici, non seulement Ben ne ressent rien, mais il ne voit ni ne pressent quoi que ce soit… Etrange, étrange… Justin n’aurait-il pas hérité d’une faveur à demi-donnée, d’une faveur d’un homme qui n’était pas prêt à la donner ?

Ben ne s’aperçoit de la mort de son père qu’au moment où il découvre sa tête, immortalisée dans un cri de colère et de désespoir. Il est sur la route de New Canaan. Il est même aux portes de la ville de Justin. Il est là.

Son arrêt au motel de sa vision a porté ses fruits. Même s’il est arrivé trop tard, il a trouvé un journal dont la une porte sur la tentative d’assassinat de Brother Justin. Il reconnaît le visage de son ennemi. Et sait à présent où le trouver. Il fait remettre ce journal à Samson, par le biais du propriétaire du motel, et immédiatement la troupe se met en route vers New Canaan.

La révélation majeure de cet épisode est bien entendu l’échange entre Iris et Sofie. Iris cherche en savoir un peu plus sur cette nouvelle bonne à tout faire qui fascine tant Justin et qui pourtant, n’a pas encore succombé à ses pouvoirs. Sofie lui explique qu’elle est née à Saint Paul, et Iris se souvient avec tendresse de cette ville dans laquelle elle a passé quelques temps dans sa jeunesse. Puis la conversation devient plus intime, et Sofie finit par avouer que sa mère était une gitane, une diseuse de bonne aventure, et qu’elle ne sait rien de son père. Soudain, alors qu’Iris a posé ses mains sur le bras de Sofie, la sœur de Justin a une vision du passé. Le jeune prêtre a violé Appolonia. Elle le suppliait de ne pas faire ce qu’il s’apprêtait à faire, elle lui disait croire qu’il était un homme bon, elle criait… Iris a assisté à toute la scène et elle la vit une nouvelle fois devant Sofie. Elle est profondément choquée. Comment avait-elle pu oublier ça ? Justin a-t-il manipulé l’esprit de sa sœur ? A-t-elle vécu dans le déni ? Ou bien n’est-ce qu’une des atrocités que Justin a commis depuis son enfance et qui a poussé Iris à l’aider à accomplir sa destinée ?

Une autre interrogation m’est venue à l’esprit. Un des pouvoirs de Justin est de montrer à quelqu’un son pire « pêché », son pire crime. Il s’en est servi à de nombreuses occasions dans la saison précédente. Alors que Ben est capable, lui, de guérir les âmes perdues, les maux du cœur tout autant que de l’esprit, Justin impose à l’autre les visions de ce qu’il y a de pire en lui, le torturant un peu plus. Serait-il possible que Sofie ait montré à Iris le pire de ses « pêchés » elle aussi ? Aurait-elle hérité de ce pouvoir de son père ? Ou bien a-t-elle contrecarré la manipulation que Justin a opéré sur sa sœur depuis son enfance ?


Un épisode aux événements cruciaux, cependant gâchés par une réalisation bancale… Les deux scènes primordiales de l’épisode ont été une succession de plans qui n’ont rien àfaire dans l’esthétique parfaite de Carnivàle : nous ne sommes pas dans une production fantastique, ou d’horreur. Nous sommes dans une production réaliste, ponctuée de magie et de mystère et de visions toutes droites sorties de la Divine Comédie de Dante.