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Carnivàle

2.08 - Outskirts, Damascus, NE

When the Prophet Dies, the Prince Shall Rise

lundi 7 mars 2005, par Feyrtys

Un épisode écrit par le créateur de la série, Daniel Knauf, qui révèle ici une grande partie de sa mythologie. Tout s’accélère ; les personnages de Carnivà le font des choix ou essayent d’en imposer ; Ben n’est plus tout à fait le même ; Brother Justin avance ses pions et prend la pleine mesure du pouvoir qu’il est en train de s’approprier grà¢ce aux ondes : le pouvoir politique.

Le Management, dans un dernier souffle, emmène Ben dans une vision. Les voilà tous les deux, Lucius Belyakov sur des deux jambes, plus jeune et en habit de soldat, et Hawkins, devant l’Arbre. Belyakov lui explique où et comment planter sa dague dans l’Arbre. Du sang bleu en coule… Puis le Prophète de la Lumière pose sa main sur le visage de Ben et lui transmet, dans un acte calculé, tout son pouvoir.

Justin, assis dans son salon en compagnie de sa sœur et de Norman, est au même moment pris de violents spasmes qui lui font tordre sa bible de douleur. Il se retrouve à terre, recroquevillé, poussant des cris de douleurs horribles. Iris le regarde, immobile, assise sur son canapé. Norman, dans un élan de peur, ou de haine, tente de hurler quelque chose à son tortionnaire, mais de sa bouche ne sortent que des exhortations inintelligibles, qui toutefois étonnent Iris. Essaierait-il de conjurer le Mal ? Justin tombe à terre, après avoir laissé voir des yeux remplis de la noirceur de son pouvoir.

« Accept your fate », supplie Belyakov, dans un dernier souffle. La dague avec laquelle Ben l’a tué se sustente du sang bleu qui s’est écoulé… « Un de plus », semble dire l’objet de sacrifice.

Ben tourne la tête vers son père, mais celui-ci, comme à son habitude, s’est déjà enfuit. Haletant, il cherche à rejoindre une voiture, mais il est surpris par l’envoyé de Justin, Varlyn Stroud. Scudder est mis hors d’état de nuire et attaché à l’arrière de la voiture. Stroud n’a plus qu’à le servir sur un plateau d’argent à son maître, qui « meurt d’envie de le rencontrer »… Enfin si la gangrène ne le tue pas avant ! La blessure qu’il s’est faite en essayant de frapper Ben semble s’infecter et la douleur ne réussit pas à Stroud : dans une station service, il abat de façon très détachée deux braqueurs (deux ersatz de Bonnie & Clyde) et le pompiste, sans même prendre le temps de les regarder, comme pour se calmer les nerfs.

Samson découvre le corps du Management, sans vie, dans la caravane. Ben y rentre à ce moment là et lui explique qu’une chose terrible s’est produite. Non, ce n’est pas Scudder qui a finalement accompli cette horreur, comme le pense Samson. "Il devait mourir," explique Ben. "Et il devait s’assurer que ce serait moi qui le tuerait." Ben semble soudain voir plus clair dans ce jeu d’échec que n’importe qui… Et c’est normal : en lui léguant son pouvoir, Belyakov lui a également léguer son savoir. Il n’y a plus de secret pour Ben. Il sait qu’il est devenu le Prince, parce que Belyakov était un Prophète : "When the Prophet Dies, the Prince Shall Rise."

J’avoue être passée à côté de cette notion de Prophète et de Prince. Ce que je prenais pour des métaphores d’un certain type de pouvoir était en réalité, dans la mythologie de la série, de véritable rang au sein des avatars. A chaque génération, deux avatars naissent, l’un du côté de l’obscurité, l’autre de la lumière. Un avatar de la lumière peut donner naissance à un avatar de l’obscurité, contrairement à ce que je pensais. J’avais beau essayé de me convaincre, de mon point de vue Scudder ne pouvait pas être un avatar de l’obscurité, et le Management, qui manipulait Ben à loisir représentait pour moi le Mal. Fuir sa destinée, ça me paraissait être un acte bon, du moins compréhensible. Faire d’un gamin un peu perdu un assassin était en revanche quelque chose de profondément mauvais. Et c’est ce que le Management avait fait avec Ben, afin de s’assurer qu’il était suffisamment violent et impulsif pour passer à l’acte. Encore une preuve que le Bien et le Mal, dans Carnivàle, ne sont pas des notions si simplistes que l’on pourrait le croire. Non, Ben n’est pas le Sauveur, et non, Justin n’est pas le Diable. Tous les deux ont des pouvoirs de vie et de mort, et le plus effroyable de ces pouvoirs n’est pas magique : il est politique. Justin n’a eu besoin d’aucun de ses étranges pouvoirs pour accéder au rang de « messie » qu’il occupe aujourd’hui pour la population désespérée de ce désert que sont devenus les Etats-Unis. Il n’a eu besoin que d’une antenne radio, que d’un médium, pour diffuser un discours plein de haine dans lequel il se prend pour Jésus et menace quiconque se mettra sur son chemin. Il n’a eu besoin d’aucun de ses pouvoirs pour convaincre un politicien de s’allier avec lui pour aller jusqu’au Congrès…

Un avatar de la lumière peut donc donner naissance à un avatar de l’obscurité, et vice-versa. Lucius Belyakov, Prophète de la lumière, est le père d’un avatar de l’obscurité, Alexei Belyakov. Il est l’ennemi de Ben. Il est plus que ça, il est potentiellement le Usher, celui qui détruira ce monde. Si Alexei parvient à tuer Scudder, qui est son prédécesseur dans la lignée de l’obscurité, il en obtiendra ses pouvoirs et sera promu, tout comme Ben, au rang de Prince. Ses pouvoirs seront à leur summum.

Je me trompais également sur le rôle de Samson. Ses monologues des deux premiers épisodes de ces deux saisons m’ont fait croire qu’il en savait plus sur les affrontements éternels qu’ils décrivaient que la plupart des protagonistes de Carnivàle. Mais il n’en était rien. Samson était avant tout l’ami du Management. Il lui obéissait non pas parce qu’il attendait une récompense, ou un quelconque avantage. Il lui obéissait parce qu’il était son ami. Dans la dernière saison, lorsque le Management, par calcul, a remplacé Samson par Lodz à ses côtés, Samson n’était pas furieux de perdre de son influence sur le cirque, il était probablement jaloux d’être ainsi évincé…

Et en découvrant le corps inanimé de son ami, Samson confronte Ben à ses actes et ne croit pas un seul instant les histoires de Prophète et de Prince que celui-ci raconte… Il faudra plus que ces excuses pour que Ben prenne la place de son ami.

Il faudra par exemple que Ben montre l’étendue de son pouvoir en exauçant les derniers vœux d’une femme… La Grande Roue s’écroule, comme pour montrer la fragilité grandissante du Carnivàle, et les corps disloqués sont étendus à terre. Tout le monde panique, mais Ben entend se servir de ses pouvoirs pour leur venir en aide. Il découvre une femme gémissant, à côté de son garçon, inanimé. Elle prie Dieu de la prendre à la place de son fils. Ben n’est pas Dieu, mais il a des pouvoirs qui peuvent le faire passer pour tel. « Ce que Dieu a fait, nul ne peut le défaire », lui répétait sa mère, persuadée que son fils était maléfique. Ben a dépassé cette peur de défaire le divin, et il agit à présent en pleine et entière possession de ses moyens. Il ne s’agit plus de rendre les jambes à une fillette, ou soigner un bras cassé. Il ne s’agit plus non plus d’agir sous une impulsion vengeresse et prendre une vie pour la redonner à une morte.

La bataille est engagée, et Ben en fait enfin pleinement partie.

Il est passé de garçon apeuré, terrorisé par ses pouvoirs, vivant dans une sorte d’autisme où le contact humain lui était interdit, à un être humain pleinement conscient de son destin, et désirant l’accomplir. Il a changé, il n’est plus le même. Le savoir de Lucius Belyakov est sien, et qui sait ? Ses souvenirs ont peut-être fait le chemin avec.

Samson savait que son ami était différent. Il confronte Ben à ses actes en tendant vers lui le voile avec lequel il avait recouvert le visage du mort : son ombre y apparaît, tel le Saint-Suaire. L’emprunte du Management serait-elle d’origine divine ? Ou bien pourrait-on penser que Jésus était-il un avatar de la Lumière, celui d’une génération parmi d’autres ? Même si la série regorge de références à la religion et à l’histoire chrétienne (les Evangiles, les Templiers, la figure de Marie portant l’enfant Jésus dans ses bras…), la référence au Saint-Suaire est toute particulière : cette relique est sujette à de nombreuses polémiques au sein de l’Eglise Chrétienne.

Et une fois encore, le visage apparaît comme un sujet central de Carnivàle. Que le visage soit jeune et beau, comme celui de Ben, ou déformé par la douleur comme celui du Management ; qu’il ait été brûlé, effacé, comme pour Scudder ; qu’il donne à voir l’âme de Justin (les yeux noirs du démon), le visage est partout dans cette série. Il est ce que l’homme a de plus fragile, ce qu’on ne peut protéger contre le regard des autres et la violence extérieure. Il n’est pas qu’une partie du corps, il est tout entier le reflet de notre âme. Moulé dans le plâtre, chacun peut revêtir l’apparence de l’autre et vivre quelques instants à sa place. Même aux aveugles, le visage parle. Même sans vie, il continue à marquer son emprunte dans le monde.

Justin sait que quelque chose s’est produit. Mais il ignore quoi. C’est pourquoi il fait appel à Talbod Smith, le mystérieux archéologiste-démoniste qui avait averti Justin qu’il devait tuer Scudder de ses propres mains pour accéder au rang de Prince. On pensait qu’il était toujours en train courir, après que Justin lui ait ordonné de fuir, mais il n’en était rien. Smith est toujours dans les parages, et il lui annonce que la dague que Justin a vu est une très mauvaise chose. Si son ennemi a cette dague, il n’a pas seulement le pouvoir de le détruire, mais la volonté.

Ben semble effectivement avoir acquis cette volonté qui lui manquait. Il n’est plus question de fuite, mais de chasse. A présent, tout le conduira à Justin. Mais saura-t-il retrouver son ennemi, même si celui-ci est connu comme Justin Crowe ?

Une chose est sûre : Sofie a atteint le but qu’elle s’était malheureusement fixé en quittant le Carnivàle… Elle est allée droit vers l’homme dont elle a attendu les prêches à la radio (qu’une entité a voulu lui faire écouter), elle est même devenue sa bonne. Sofie est au sein même de la maison qu’elle devrait fuir. Quelles sont donc ses intentions ? Justin va-t-il la détruire comme il a détruit les précédentes bonnes ? Saura-t-elle se défendre ?

La troupe des carnies n’est pas en reste dans les modifications. Jonesy et Libby se sont mariés fin saoûls et ne savent pas si c’est une bonne chose ou pas… Rita Sue est folle de jalousie, Stumpy est au fond du trou et l’argent qu’il doit ne rentrera pas plus vite si sa fille arrête le couch… C’est pourquoi, contre l’avis de son nouveau mari, Libby décidera de continuer à danser pour aider son père. La plus harmonieuse des familles va-t-elle tenir longtemps ? Stompy va-t-il finir pendu au bout d’une corde pour ne pas avoir payé ses dettes ?

Et enfin, dans une très belle scène, Ben rend hommage au Management et apaise le chagrin de Samson. Il offre à ce dernier une visite dans la caravane fantôme, celle-là même que voyait Ben dans la première saison. Le suaire de Lucius Belyakov y restera avec les autres souvenirs poussiéreux des morts… Cette image est particulièrement touchante, car elle rappelle que nous avons tous une caravane remplie des fantômes qui nous ont précédé et qui nous poursuivent…